Mystères

Le livre alchimique des 12 Portes

Compound of alchymy – GEORGE RIPLEY

Le Livre des Douze Portes a été écrit par l’un des deux alchimistes de l’Angleterre du XVe siècle. Il s’agissait de George Ripley, contemporain de Thomas Norton. Ce dernier aurait été initié à l’alchimie par Ripley, un chanoine de Bridlington, qui rassembla ses connaissances dans le Compound of Alchemy, ouvrage dédié à Edouard IV. C’est ce traité qui fut plus tard connu sous le nom du Livre des Douze Portes et qui a été réédité en 1979, à Paris, avec une introduction de B. Biebel.

On trouve un Opera omnia de Ripley, paru à Cassel en 1649. Thomas Norton [1433 ? – 1513], très proche de Ripley, a rédigé un Ordinal of Alchemy mais qui paraît devoir être attribué à son arrière grand-père… Quoi qu’il en soit, dans le préambule d’un de ses nombreux écrits, adressé à la reine Elisabeth, il rapporte qu’au temps d’Edouard IV, sept personnes détenaient le secret alchimique, l’archevêque d’York, Dalton un moine de Tewkesbury et son arrière grand-père. Norton sembla avoir reçu le secret de la transmutation de Hugh Brice, en 1466, alors que ce dernier dévaluait la monnaie de la Tour de Londres où il était appointé pour effectuer cette opération. Cependant, J. Van Lennep rapporte que ce secret lui fut peut-être révélé par George Ripley.

Dans la seconde moitié du XVe siècle, Georges Ripley (1415?-1490), chanoine de Saint-Augustin à Bridlington dans le diocèse d’York, lisait les plus grands maîtres de l’alchimie, mais sans parvenir à aucun résultat. Il entreprit donc, comme beaucoup d’alchimistes, de voyager pour découvrir le secret de la transmutation. Ainsi vers 1477, gagna-t-il Rome où, introduit dans les bonnes grâces du pape Innocent VIII, il fut élevé au rang de prélat domestique et de maître des cérémonies. A son retour en Angleterre, les autres membres de sa congrégation n’appréciant pas les titres dont il avait été honoré, lui firent mauvais accueil. Dépité, Ripley s’en alla en 1488 chez les Carmes où, se repliant dans une austère solitude, il s’adonna à ses expériences.


L’on raconta qu’il pratiquait l’alchimie avec un tel succès qu’il put offrir aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem la somme de cent mille livres d’or pour la défense de Rhodes contre les Turcs…Cette prodigalité n’empêcha pas les membres de sa communauté de l’accuser de magie, après sa mort en 1490. Ashmole pensait que Ripley avait initié Thomas Norton. On lui attribua plusieurs traités par la suite dont la plupart ne furent pas imprimés. Le seul qu’on lui doive avec certitude, est le Compound of Alchymy qu’il composa en 1471 lorsqu’il était chanoine et qu’il dédia à Edouard IV. C’est en tout cas ce qu’il affirme au début de l’ouvrage. [the Compound of alchemy or the ancient hidden Art of Archemic, Londres, 1591, Ferguson, vol. II, p. 277 ; Duveen 510 ; Macphail, 48].

Ce traité réapparut sous le titre Liber 12 Portarum dans un recueil de se soeuvres publié en latin, à Cassel, en 1649. Nous avons évoqué plus haut la traduction française, réalisée par B. Biebel. Lui sont également attribués plusieurs rouleaux manuscrits et peints connus sous le nom de Ripley Scrowle et qui répètent, à part quelques variantes, en des styles très différents les mêmes sujets.

Le roi emplumé qui dévore ses plumes, tiré du Ripley Scrowle, détail, Londres, British Museum, MS. (Additional 5025. Four rolls drawn in Lübeck, 1588)

Plusieurs d’entre eux sont conservés au British Museum, les autres à la Princeton University Library, au Fitzwilliam Museum à Cambridge et à la Bodleian Library d’Oxford. Celui d’Oxford, qui est le plus ancien, date de la seconde moitié du XVe siècle. L’exemplaire de Cambridge date sans doute de la première moitié du siècle suivant. Le Livre des douze portes parut dans le Theatrum chemicum, n° 22, vol. II, p. 275. F. Hoefer consacre une demi-page de son Histoire de la Chimie à Ripley et donne une liste d’ouvrages qui sont supposés. Fulcanelli évoque la figure de notre alchimiste dans le Mystère des Cathédrales, p. 129, lorsqu’il nous dit que :

 » [la réincrudation] est l’Entrée ouverte au Palais fermé du Roy, de Philalèthe, la première porte de Ripley […] » [chap. sur la cathédrale de Paris]

et plus loin dans le même ouvrage, p. 185 :


« Ripley s’approche plus de la vérité lorsqu’il dit : « il n’entre qu’un seul corps immonde dans notre magistère ; les Philosophes l’appellent communément Lion vert. C’est le milieu ou moyen pour joindre les teintures entre le soleil et la lune » [chap. sur l’Hôtel Lallemant, Bourges]

Fulcanelli parle aussi de Ripley dans les Demeures philosophales, d’abord p. 100 quand il évoque l’alchimie médiévale et p. 243 :

« […] c’est l’Hypérion et le Vitriol de Basile Valentin, le lion vert de Ripley et de Jacques Tesson, en un mot la véritable inconnue du grand problème. » [la Salamandre de Lisieux]

Comme on peut le voir, c’est surtout par la référence au Mercure philosophique que Goerge Ripley est évoqué. Carl-Gustav Jung parle à de nombreuses reprises de Ripley dans son Psychologie et Alchimie [Buchet-Chastel, 1970], en particulier dans le chapitre sur la materia prima :

« Sir George Ripley, alchimiste anglais (1415 ? – 1490), écrit : « Les philosophes disent aux chercheurs que les oiseaux et les poissons nous apportent le lapis, chaque homme le possède, il est en chaque lieu, en toi, en moi, en chaque chose dans le temps et dans l’espace. il s’offre sous une forme vile [vili figura]. De lui sourd notre eau éternelle [aqua permanens] ». En effet, selon Ripley, la prima materia est l’eau ; c’est le principe matériel de tous les corps, y compris du mercure. » [Ubiquité et perfection]

On se permettra ici de douter que Ripley ait voulu désigner l’eau, en tant que liquide vulgaire ; car cette eau doit posséder une qualité ignée qui nous montre sa vraie nature, ou un feu aqueux ce qui est la même chose. On pourrait citer d’autres passages, notamment lorsque Jung écrit que le Mercurius est cité par Ripley comme l’extraction du feu à partir du chaos pour rendre l’occulte manifeste [p. 438]. Et encore cet extrait :

« Ripley rattache ainsi ce symbole [la roue] à celui de la peregrinatio et de la quaternité. La roue s’étend jusqu’à devenir la roue du soleil, qui roule dans les quartiers du ciel, et par là elle devient identique au héros ou au dieu-soleil qui subit une passion faite de travaux difficiles et de l’auto-incinération, comme Hercule, ou de l’emprisonnement et du démembrement par le principe du mal, comme Osiris. Le char de feu sur lequel Elie monta au ciel est un parallèle bien connu du char d’Hélios. » [le parallèle Lapis-christus]

Enfin, un chapitre entier de Jung est consacré à Ripley. nous en citons ici de larges extraits :

Un témoignage supplémentaire, dont Waite doit avaoir eu connaissance, nous est fourni par son compatriote, Sir George Ripley [Georgius Riplaeus – 1415-1490], chanoine de Bridlington, dont l’oeuvre principale Liber duodecim portarum [Mangetus, Joannes Jacobus. bibliotheca chemica curiosa, Genève, 1702 ; XII, pp 275-285] est précédée d’une table des correspondances philosophiques dressée par B. à Portu, Aquitanus [Theatrum chemicum, vol. II, 11 – p. 123 ; une table].

La table reproduit les correspondances des sept métaux avec les substances chimiques et avec ce qu’elle appelle les « types ». Par ces types il faut entendre les symboles alchimiques comme, par exemple, les teintures, les âges de la vie, les signes du zodiaque, etc. Dans ces correspondances on trouve aussi sept mystères parmi lesquels le Mysterium Altaris (Mystère de l’Autel), c’est-à-dire la messe, attribué à l’or, et dont la correspondance alchimique est la transrnutatio (transmutation).

L’espèce de grain qui appartient à ce mystère est le triticum (froment). Ce B. à Portu pourrait être le paracelsien Bernardus Georgius Penotus qui naquit entre 1520 et 1530 à Port-Sainte-Marie en Guyenne (partie de l’ancienne Aquitaine) et mourut en 1620 à l’hospice des pauvres d’Yverdon (canton de Vaud, Suisse) aussi avancé en âge que désillusionné, bien revenu de l’optimisme paracelsien auquel il avait été gagné du temps de ses études à Bâle.- Il partagea le sort inévitable de ceux à qui manquait l’humour nécessaire à la compréhension du vieux maître et pour qui la doctrine secrète de l’ « aurum non vulgi » (or qui n’est pas celui du vulgaire) resta par trop secrète.

Son témoignage montre cependant, que l’analogie entre l’opus et la messe avait aussi cours dans les cercles paracelsiens. Paracelse était contemporain de Melchior niais il peut fort bien avoir abouti indépendamment de celui-ci à des conclusions semblables, conclusions qui étaient déjà dans l’air. L’analogie de Melchior parut égaleraient assez significative à Michael Maier pour qu’il en fasse le symbole XI de son Symbola aureae mensae (1617) avec la devise : « Lapis, ut infans, lacte nutriendus est virginali. » (La pierre, semblable à un petit enfant, doit être nourrie avec du lait virginal.) Nous trouvons la légende suivante dans la Cantilena Riplaei .

« Il était une fois un roi noble [le caput corporum chef des corps] qui n’avait pas de descendant. Il se lamentait de sa stérilité : un defectus originalis (défaut originel) devait avoir surgi en lui, bien qu’il eût été nourri sous les ailes du soleil sans défaut de constitution naturel. Il dit textuellement : « Las, je crains et je sais avec certitude de que si je n’obtiens pas immédiatement le secours des espèces [species], je ne pourrai pas procréer. Mai, j’ai appris avec grand étonnement que je pourrais naître à nouveau par l’arbre du Christ ». Il voulut alors retourner dans le ventre de sa mère et se dissoudre dans la prima materia. La mère l’encouragea dans son dessein et le dissimula aussitôt sous sa robe, jusqu’à ce qu’elle l’eût une nouvelle fois incarné, par elle et en elle. Alors elle devint enceinte. Durant la grossesse elle mangea la chair du paon et but le sang du lion vert. Ensuite, elle mit au monde l’enfant qui ressemblait à la Lune et se changea ensuite en l’éclat du Soleil. Le fils redevint roi.

Le texte dit :

« Dieu te donna les armes magnifiques et étincelantes des quatre éléments au milieu desquels se trouvait la vierge rachetée (virgo redimita). » Un baume merveilleux s’écoulait d’elle et elle brillait, le visage rayonnant, parée de la pierre précieuse. Mais le lion vert était couché dans son giron, et du sang coulait de son côté. Elle fut couronnée d’un diadème et placée comme étoile dans l’empyrée. Le roi devint un triomphateur suprême, un grand guérisseur de tous les malades, un rédempteur [reformator] de tous les péchés. »

Un cabaliste peut rapidement retrouver l’allégorie classique de l’éclipse de Lulle, la putréfaction, c’est-à-dire la dissolution des Soufres, et spécialement du roi noble, symbole du soufre rouge, dans le Mercure qui est symbolisé par la mère. Ici, la prima materia n’est pas envisagée en tant que matière première comme on l’entend d’habitude, mais comme humide radical, qui dissout radicalement les chaux métalliques. Lorsque la mère le dissimule sous sa robe, nous avons l’allégorie d’Hyperion -qui doit se lire par cabaleuper-ioV. La chair du paon représente les soufres dissous dans le Mercure, à une époque de la Grande coction intermédiaire entre le régime de Jupiter et celui de la Lune ; le sang du Lion vert est également un symbole des soufres dissous et on parle alors du Lion rouge. L’enfant qui ressemble à la Lune est la couleur blanche qui suit la putréfaction et qui annonce le régime du même nom, suivi par la couleur rouge, couleur du soleil à l’aurore. Le fils qui devient roi est le basileuV de l’oeuvre ou dauphin. Les armes des quatre élements, nous en parlons plus bas dans le commentaire des Douze Portes. Est-il besoin d’insister sur la pierre précieuse qui n’est autre que notre Pierre ? Il est du plus haut intérêt de lire le commentaire de Jung sur ce texte qui fera apparaître des différences d’interprétation radicales et, à notre sens, un contre sens total dans la conception qu’avait Jung de la phénoménologie alchimique.

Voilà ce qu’en dit la Cantilena. Ripley dit ailleurs Christ dit :

« Et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. »

Dès le moment où les deux parties, qui sont crucifiées et inanimées, seront fiancées l’une à l’autre, l’homme et la femme seront ensevelis ensemble et seront ressuscités par l’esprit de la vie. Puis ils devront être élevés au ciel de façon que le corps et l’âme puissent y être transfigurés et intronisés sur les nuages : ensuite ils attireront tous les corps à leur propre dignité.

Si l’on se rappelle que l’auteur n’est pas un laïque mais un chanoine érudit, on a peine à accepter l’idée qu’il ait été inconscient des parallèles avec les idées fondamentales du dogme chrétien. Certes, il n’est dit nulle part directement que le lapis est 1e Christ ; mais les figures sacrées sont aisément reconnaissables dans les rôles du roi et de la mère vierge. Ripley a probablement choisi délibérément ces parallèles, sans avoir conscience de blasphémer. Cependant le typographe Conrad Waldkirch, à Bâle, lui aurait fait pleuvoir feu et soufre sur la tête. Ripley appartenait à l’époque où Dieu et ses mystères habitaient encore la nature, et où le mystère de la rédemption se retrouvait à tous les niveaux de l’être, parce que, précisément, les phénomènes inconscients vivaient encore dans une participation paisible et paradisiaque avec la matière et pouvaient être vécus en elle. […]

Quant aux détails du texte de Ripley, le roi malade qui était pourtant né parfait est l’homme qui souffre de stérilité spirituelle. Dans la vision d’Arisleus, c’est le pays qui est stérile parce que seul le semblable s’accouple au semblable ait lieu que les opposés soient unis. Les philosophes conseillent au roi d’unir son fils à sa fille et de rendre le pays fertile grâce à un inceste frère-soeur. Chez Ripley, c’est un inceste avère-fils. Les deux formes sont courantes en alchimie et constituent le type même des noces royales.

Cet accouplement endogame n’est rien d’autre qu’une variante de l’idée de l’Ouroboros qui, comme il est de nature hermaphrodite, ferme le cercle par lui-même. Chez Arisleus, le roi fait remarquer qu’il est roi parce qu’il a un fils et une fille, alors que ses sujets n’ont pas d’enfants d u fait de leur stérilité. La gestation dans le cerveau (gestatio in cerebro ) désigne des contenus psychiques, plus exactement une paire d’opposés psychiques qui petit devenir féconde d’elle-même. Mais, jusque-là, le roi n’a évidemment pas permis à ses enfants de procréer, puisqu’il réprimait les manifestations de leur vitalité ou n’y faisait pas attention.

Il semble qu’il ait été inconscient de l’existence de ses enfants et que ce n’est que sur le conseil des philosophes qu’il soit devenu conscient de leur signification. C’est la projection de contenus inconscients qui porte la responsabilité de la stérilité, car ceux-ci ne peuvent ni se développer, ni obtenir la « rédemption » s’ils ne sont pas intégrés par la conscience. Le couple frère-soeur représente l’inconscient ou un contenu essentiel de celui-ci. Le psychologue moderne aurait donné au roi le conseil de se souvenir de l’existence de son inconscient et ainsi de mettre un ternie à sa stagnation. Comme cela se produit toujours en pareil cas, une opposition, un conflit pénible apparaît ensuite à la surface, et l’on comprend sans difficulté pourquoi le roi a préféré rester inconscient de son conflit. Comme le conflit n’est jamais exempt de complications morales, il est – de ce point de vue – parfaitement exprimé par l’inceste, moralement choquant.

Chez Ripley, l’inceste avec la mère est, bien entendu, déguisé et prend la forme du rite antique de l’adoption ; mais la mère n’en devient pas moins enceinte. L’invisibilité du roi sous la robe de la mère correspond à la dissolution totale de Gabricus dans le corps de Beya, dans la deuxième version de la Visio Arisleius. Le roi représente la conscience dominatrice qui, au cours de son explication avec l’inconscient, est engloutie par ce dernier ; ainsi naît la nigredo : état de ténèbres qui conduira finalement à une réjuvénescence et à une nouvelle naissance du roi.

L’idée étrange que le roi a été « nourri sous les ailes du soleil » pourrait se rapporter au passage de Malachie (4 : 2) qui aida à rationaliser l’adoration du Christ en tant qu’Hélios ou que Sol (le Soleil.), adoration que Saint Augustin dut encore combattre. Le passage dit ceci :

« Mais, pour vous qui craignez mon Nom, se lèvera un soleil de justice et la guérison sera sous ses ailes ; vous sortirez et vous bondirez comme les veaux qu’on engraisse » (traduction de Verdunoy).

Ce passage a toujours été considéré comme une prophétie messianique, fait évidemment connu de Ripley.

« Les ailes du soleil » est une image très ancienne, mais qui touchait de près Malachie l’Hébreux, puisqu’il s’agit du symbole égyptien du soleil. Celui qui est nourri par ce soleil est le fils de Dieu, c’est-à-dire le roi.

De même que, dans la vision d’Arisleus, le fils du roi est ramené à la vie par les fruits de l’arbre philosophique, de même, chez Ripley, le roi malade doit être guéri par une espèce particulière. Il faut entendre par là un […] elixir vitae (élixir de vie). L’arbre par lequel il doit renaître est d’une part la croix du Christ et, d’autre part, l’arbre immortel porteur des fruits faiseurs de miracles de la vision d’Arisleus. La nourriture de la mère pendant la grossesse est composée de chair de paon et de sang. Le paon est un symbole chrétien primitif du rédempteur; il est cependant douteux que Ripley l’ait su. Mais le paon est un proche parent du phénix, symbole du Christ que Ripley devait connaître (voir les figures dans le Ripley Scrowle).

Le sang provient du lion vert qui est couché sur le giron de la vierge ; il coule de la blessure qu’il a au côté. I1 s’agit donc bien de la symbolique de la communion et de la blessure au côté du Christ gisant dans le giron de la Pietà. Le lion vert est l’une des formes du Mercurius. En tant que dispensatrice de la nouvelle naissance, la mère est identique à l’arbre. Dans l’édition de 1588 de Pandora, l’arbre est représenté sous les traits d’une vierge nue portant couronne. L’arbor philosophica (arbre philosophique) est un symbole très courant qui désigne le processus philosophique. Ainsi, lorsque Ripley parle de l’arbre du Christ, il identifie l’arbre miraculeux à la croix du Christ. Le processus se termine par une apothéose de la vierge mère.

Glorification du corps représentée comme le couronnement de Marie – Speculum Trinitatis, Reusner, Pandora, bâle, 1582, 1588- il s’agit du Tétramorphe

Le Pandora ci-dessus mentionné contient une représentation de l’apothéose sous la forme d’une élévation de Marie, l’assumptio Beatae Mariae Virginis (assomption de la bienheureuse Vierge Marie). Après sa mort, par un miracle divin, son corps et son âme furent réunis et furent attirés au ciel ensemble. Cette conception a été récemment élevée au rang de dogme.

Dans la gravure, Marie est désignée comme « terra », « corpus Lyb » et comme « die wonn der jungfrowenn wardt » (« terre », « corps », « qui devint la joie des vierges ») ; la colombe descend sur elle, et Dieu le Père (?), à droite, la touche de sa main en faisant le geste de la bénédiction. Elle est couronnée. L’inscription qui accompagne l’image de Dieu portant la sphère du monde dit : « Anima Seel » (âme), et « Jesse pater, filius et mater » (Jessé, le père, le fils et la mère). « Mater » se rapporte à la reine du ciel, assise sur le trône à côté de lui, le roi ; en elle la substance de la terre, transfigurée en son corps ressuscité, est élevée à la divinité. A gauche se trouve un personnage barbu, égal à Dieu le Père, avec l’inscription : « Sapientia Wyssheit » (Sagesse). Plus bas, dans l’écusson, on trouve la représentation de la libération du rebis de la prima materia. Le tout a la forme d’un mandala, encadré par les symboles des évangélistes.

L’inscription tout au bas de l’image dit « Figura speculi Sanctae Trinitatis. Gstalt des Spiegels der Heiligen Dryheit. » (Figure du miroir de la SainteTrinité). Ripley définit son roi comme un triomphateur, guérisseur de tous les malades et rédempteur de tous les péchés. A la fin du Rosarium (1550) se trouve une image du christ ressuscité avec l’inscription :

« Après mes très nombreuses souffrances et mon grand martyr, Je suis ressuscité, transfiguré, lavé de toute souillure. »

Rosarium Philosophorum, figure 21

Bien sûr, il ne s’agit là que d’hypothèses et de conjectures ; mais le lecteur qui aura visité les autres sections et établi des recoupements n’aura pas de peine à penser que la version que donne Jung de l’alchimie est incompatible avec toutes sortes d’allégories décrivant des procédés chimiques. Ajoutons qu’il y a des textes où, de manière incontestable, on ne relève que des arguments spéculatifs qui sont, là, dans le droit fil de la thèse proposée par Jung. Mais pour d’autres, et ils sont nombreux, une hésitation légitime peut et même doit faire révoquer en doute la conception jungienne de l’alchimie. Pour nous, c’est à de nombreuses reprises que nous évoquons le chanoine de Bridington. Ainsi, dans le commentaire de l’Oeuvre secret d’Hermès où Pernety parle de Ripley dans ses Fables [chap. IV, La biche aux cornes d’or] :

« La Nature agit toujours longuement, et quoique l’Art puisse abréger ses opérations, il ne réussiarait pas s’il en précipitait trop les procédés. Au moyen d’une chaleur douce, mais plus vive que celle de la Nature, on peut prématurer une fleur ou un fruit ; mais une chaleur trop violente brûlerait la plante, avant qu’elle eût pu produire ce qu’on en attendait. [cf.chapitre 35]. Ripley [Douze portes] nous assure d’ailleurs, et beaucoup d’autres, qu’il faut un an pour parvenir à la perfection de la pierre au blanc, ou la diane des Philosophes, que cet Auteur appelle chaux. »

Et Ripley ajoute qu’il faut un an pour que cette chaux devienne fusible, fixe et prenne une couleur permanente. Le traité de Ripley, quoi qu’il en soit, est une oeuvre pratiquement unique dans le corpus alchimique. Il traite de toutes les opérations, passe en revue presque tous les points où domine la cabale hermétique. Comme tant d’autres, il ne révèle l’essentiel que sur la fin, et pour dire du faux avec du vrai, qui plus est. Sa relation au fiel de verre est des plus intéressantes, citée dans ce contexte.

Ripley Scrowle, détail, Londres, British Museum, MS. (Additional 5025. Four rolls drawn in Lübeck, 1588)

Prologue

Au commencement Dieu créa toutes choses de rien, en une masse confuse contenant en soi toutes choses indifféremment, de laquelle, il fît une claire distinction en six jours.

Or il doit en être ainsi en notre Magistère, car il a sa source en une seule chose ; aussi les Philosophes l’appellent-ils petit monde, un et triple, Magnésie, Soufre et Mercure, proportionnés par Nature. [la magnésie est le Soufre blanc qui capte le Soufre rouge. C’est l’aimant de Philalèthe, la Toyson d’or de Trismosin]

Quelques-uns uns s’émerveilleront d’une chose tant admirable, et demanderont qu’est ce que peut être notre Pierre, parce que les Philosophes disent que les oiseaux et les poissons nous l’apportent, que chacun l’a, et qu’elle est en tous lieux, en vous, en moi, et en chaque chose, et en tout temps.[Il est bien vrai que les oiseaux aussi bien que les poissons l’apportent. Parmi les oiseaux, on peut citer les Colombes de Diane, le Corbeau noir mais qui est blanc au départ, paraît-il, le paon qui est l’oiseau de Junon. Pour les poissons, nous n’avons que des équivalences hermétiques : ce sont les poissons gras ou mercuriels de Jean d’Espagnet. Mais cette matière tant convoitée, il semble qu’on puisse la trouver jusque dans le fumier alors même qu’elle est d’essence divine et non sans rapport avec Zeus]

A quoi je réponds que c’est certainement Mercure, non le vulgaire qu’on vend aux boutiques, et qu’on nomme Argent vif, mais un Mercure sans lequel rien ne peut être. En quoi tous les Philosophes s’accordent, c’est pourquoi les Ignorants nous accusent à tort, lorsqu’ils disent que nous le scellons. Mais ils sont dignes de blâme eux-mêmes, puisque étant ignorants, ils se mêlent de la Philosophie.

Voilà pourquoi si tu ne connais notre Mercure, et d’où tu dois le chercher, garde-toi bien d’entreprendre notre Œuvre. Mais si tu me crois, je t’enseignerai quel est ce Mercure, qui t’es si caché et si nécessaire, je ne t’en scellerai rien, ni ne te tromperai point ; mais il se trouve plus proche en d’aucunes choses qu’en autres. Prends donc garde à ce que j’écris car si tu ne parviens pas à sa connaissance, je n’en serai pas la cause, puisque je t’enseignerai la vérité, qui est : Qu’il y a trois Mercures, qui sont les Clefs de cette Science, que le grand Raymond Lulle appelle ses Menstrues, sans lesquels certes rien ne se fait : dont deux sont superficiels, et le troisième essentiel de Soleil et de Lune, et desquels je te déclarerai incontinent les propriétés. Mais ce Mercure qui est l’essentiel des autres métaux, est le principal fondement de notre Pierre. [Il n’y a au fond qu’un seul Mercure : le Mercure philosophique qui est le menstrue des alchimistes, où ils dissolvent leurs Soufres. L’un de ces Soufres, appelé aussi Sel, est le Mercure des philosophes et c’est aussi la magnésie des Sages]

Nos Menstrues ne sont point visibles au Soleil ni à la Lune, et n’apparaissent point à la vue, mais à l’effet. Celui-ci est la Pierre que nous entendons, et que comprendront aussi ceux qui connaissent bien nos Secrets. C’est une substance et une âme lucide et resplendissante du Soleil et de la Lune, et une subtile influence par laquelle la Terre reçoit splendeur.

Car qu’est-ce que l’Or et l’Argent, sinon autre chose que terre resplendissante, pure, blanche et rouge, de laquelle, si l’on ôte la splendeur, elle sera de peu d’estime. Nous appelons tout le composé notre Plomb. Ceux-ci sont en somme tous nos Menstrues.[On connait la phrase célèbre d’Artéphius : « antimonium est de partibus saturni…» qu’Eugène Chevreul traduit par : « le plomb est des parties de Saturne…» soulignant l’analogie cabalistique entre le plomb des Sages et l’antimoine. Basile Valentin a écrit un traité entier sur le sujet : le Char Triomphal de l’antimoine Et cette terre resplendissante n’est qu’en puissance. Nous sommes ici au temps du signe des Gémeaux, là où les deux serpents qui figurent les natures métalliques sont entrelacés autour du caducée d’Hermès qui figure le double Soufre, non encore fixe et qui n’est déjà plus totalement volatil]

Avec le premier nous calcinons naturellement les Corps parfaits, savoir le Soleil et La Lune. Mais nul corps immonde n’entre, excepté un que les Philosophes appellent vulgairement leur Lion vert, lequel est le moyen de conjoindre les teintures avec perfection, entre le Soleil et la Lune, de quoi Geber rend bon témoignage.[Par corps parfaits, il faut entendre les quintessences. Berthelot a précisé que, sous cet épithète, les Anciens entendaient sans doute des chaux métalliques. Le Lion vert est l’une des nombreuses dénominations du Mercure en son premier état, lorsque les Soufres n’y ont pas encore été infusés. On peut avaoir une idée de la nature du Lion vert si l’on sait ce qu’est un sorite. Un petit exercice de cabale permettra alors de trouver l’une des matières de base.]

Avec le second, qui est un humide végétable, revivifiant ce qui était auparavant mort, jaçois que dans les deux principes matériels et formels, se doivent dissoudre les corps parfaits, autrement peu profiteront. C’est pourquoi il est nécessaire que tu connaisses ces Menstrues, sans lesquels il ne se peut faire ni vraie calcination, ni naturelle dissolution.

Avec le troisième, qui est une humidité très permanente, incombustible et onctueuse en sa nature, l’Arbre d’Hermès est brûlé en cendre. C’est notre feu naturel très certain, notre Mercure, notre Soufre, notre Teinture monde, notre Ame, notre Pierre élevée avec le vent, et engendrée en terre. Imprime bien ceci en ta mémoire.[Il s’agit là du Mercure animé : cette humidité permanente est la marque que la matière du dissolvant est bien fluide et que les poids de l’Art ont été déterminés en sorte que rien ne puisse se volatiliser précocément ; l’énumération qui suit signale qu’à cette partie de l’oeuvre, qui correspond à la phase de dissolution, les Soufres disparaissent dans le fondant : c’est la putréfaction]

J’oserai même te dire, que cette Pierre est la vapeur ponticiale du métal ; mais il te faut être habile pour l’acquérir, car ce Menstrue est invisible, combien qu’avec la seconde Eau philosophique, par la séparation des Eléments, il peut apparaître à la vue en forme d’Eau claire.

De ce même Menstrue par labeur exubéré, il s’en peut faire le soufre de Nature, pourvu qu’il soit naturellement accué et circulé en pur Esprit. Alors avec lui tu pourras dissoudre ta masse par diverses manières, comme par la pratique je te ferai entendre ci après, et te déclarerai beaucoup de choses. [Voyez ce que nous disons de ce soufre de Nature dans la section du Mercure de nature]

Pour le principal fondement considère, quelles sont ces Eaux mercuriales ; car il faut que tu aies ta calcination augmentant et non diminuant l’humide radical, jusqu’à ce que ta masse par fréquente subtiliation flue légèrement, comme cire sur le métal. Alors dissous-la avec ton Menstrue végétable, jusqu’à ce que tu en tires une huile de couleur lucide et alors ce Menstrue sera visible. [Ces eaux mercuriales peuvent avoir plusieurs origines ; dans le site, nous avons envisagé la voie du borith et du natron, celle de l’Arcanum duplicatum, celle de la myrrhe et enfin celle du plumbum album ; cette dernière voie ouvre la clef des dissolutions auriques -]

De notre subtil Plomb rouge, il se tire une huile de couleur d’Or, ou à lui semblable, que Raymond Lulle étant fort vieil, disait être de plus grand prix que l’Or même ; dont il fit de l’Or potable, qui le revivifia entièrement, comme l’expérience peut le faire voir.

Car cette huile et ce Menstrue végétable se peuvent tellement circuler ensemble, et tellement exubérer par l’Art, qu’il s’en fait une Pierre céleste de nature tant ignée, que sortant de là, nous l’appelleront notre basilic, et le grand Elixir de vie, d’un prix inestimable ; lequel comme la vue du basilic tue son objet. Ainsi celui ci tue le Mercure crud, quand il est jeté sur lui. Tellement qu’incontinent, et comme en un clin d’œil, ce Menstrue teint de teinture stable et permanente, tous les corps imparfaits, en vrai Sol ou en vraie Lune. Ainsi tu dois gouverner ta masse, tant blanche que rouge. [Il faut comprendre ici que le menstrue se présente sous la forme d’un liquide fluide comme de l’eau à une haute température – par la voie sèche – et qu’il tient scellé les Soufres qui seront, passée la phase de putréfaction, réincrudés. L’expression « Pierre céleste » ne doit pas faire illusion. La rosée de mai est certes nécessaire au bon accomplissement de la parturition hermétique mais il faut l’entendre par cabale. C’est que l’alchimiste a surtout besoin d’un vase où cuire ses Soufres et d’un artifice divin pour allumer son feu. C’est cet artifice que l’on appelle la rosée de mai. Le basilic est le basileuV, c’est-à-dire le dauphin, symbole de la coagulation des Soufres. On l’appelle aussi rémora. ]

L’or potable se fait aussi en cette manière, non d’or vulgaire calciné, mais de notre seule Teinture qui ne s’évanouit point, tirée de notre Masse avec le Menstrue circulé. Toutefois la calcination naturelle se doit faire avant que ton Or se puisse dissoudre. Cela te soit dit avant toutes choses. [L’or potable ne peut être préparé que par la voie humide. C’est l’un des grands enseignements que nous retiendrons de notre étude sur l’alchimie ; et le pourpre de Cassius, par lequel on prépare certains des plus beaux strass colorés se prépare aussi par la voie des dissolutions auriques. Quant à la calcination naturelle, elle fait appel à l’eau régale ; mais on connait d’autres dissolvants de l’or]

Je te diviserai donc ce petit Traité en douze chapitres et en deux récapitulations, laissant toutes répétitions superflues et me concentrant seulement à donner une véritable connaissance de la Théorie et de la Pratique, en telle sorte que quiconque voudra tirer lumière de mes écrits, puisse aisément parvenir à son dessein.

Le premier chapitre traitera de la Calcination, le deuxième de la Dissolution secrète, le troisième de notre Elémentale Séparation, le quatrième de la Conjonction matrimoniale, le cinquième de la Putréfaction, le sixième de la Congélation albificative, le septième de la Cibation, le huitième montrera le secret de la Subtiliation, le neuvième traitera de la Fermentation, le dixième de la Cération et Exaltation, la onzième de notre merveilleuse Multiplication, et la douzième de la Projection. Après quoi viendront les deux récapitulations.

Priant Dieu qu’il lui plaise de me faire la grâce, que tous ceux qui lui sont fidèles, et qui aiment cette Science, puissent comprendre ce Magistère.

DE LA CALCINATION

Porte Première

CALCINATION est purgation de notre Pierre, la restaurant par sa propre chaleur naturelle, de sorte néanmoins qu’elle ne perde rien de son humeur radicale. En premier lieu elle amènera notre Pierre à solidité naturelle. Je vous avertis de suivre les Philosophes, et de ne point travailler comme font ordinairement les Sophistes, de soufre et de sels préparés en diverses manières. [calciner signifier changer en chaux, c’est-à-dire oxyder une substance métallique par le contact de l’air. L’opération que l’on appelle maintenant [1820] calcination a pour objet de séparer d’une substance minérale une substance volatile quelconque, par le seul effet de la chaleur et sans le concours de l’air.

La calcination qu’envisage Ripley est bien sûr ambigue. Voila ce qu’en dit Batsdorff :

« De cette union de mâle et de femelle de même nature et de même espèce (car à la génération de chaque chose il est nécessaire d’avoir son semblable) suit l’ingrossation, ou sublimation ès légers éléments ; en sorte que cette terre noire, par les continuelles circulations qui se font dans l’œuf, qui retombent toujours sur le corps mort, qui est appelé par les Sages, le corps, la terre, le fixe, et le ferment : et la partie qui s’élève qui est la spirituelle et la plus subtile, ils l’ont nommé la partie volatile, qui retombant fait d’elle-même les imbibitions et calcinations nécessaires, et qui tant plus elle continue de s’élever, tant plus elle se subtilise, et plus aussi elle calcine mieux ce corps, et cette calcination est la purgation de la Pierre ; et le vrai signe de la calcination parfaite, est la congélation du mercure, et la congélation est une fixation des esprits ; en telle sorte qu’après un grand temps ; de noir et immonde qu’il était, il semble qu’il ait été nettoyé, purgé, purifié et savonné, tant il a de blancheur ; c’est pourquoi les Maîtres de l’Art lui ont donné les noms de lavements, purgations, purifications, savonnement et d’ablutions ; au commencement l’eau paraissait, car le mercure est eau ; mais quand cette eau est épaisse et que le noir se fait voir, c’est pour lors la terre
noire qui se fait voir. » [Filet d’Ariadne]

On voit bien que cete calcination est des plus singulières. Il ne s’agit pas de calciner des matières au début de l’oeuvre mais bien de réaliser la calcination par laquelle on réincrude les Soufres et on fait renaître le phénix de ses cendres. La blancheur symbolise cette phase du 3ème oeuvre qui est intermédiaire entre le régime de Saturne et le régime de la Lune]

Car ni par corrosifs, ni par faire feu seul ni par vinaigre, ni par Eaux ardentes, ni par la vapeur du plomb tu ne feras jamais rien. Et quiconque s’étudie à la calciner ainsi, doit hardiment retirer sa main de cette Science, jusqu’à ce qu’il entende mieux notre Calcination. [Pernety nous dit à l’article calcination du Dictionnaire mytho-hermétique :

Purification et pulvérisation des corps par le moyen du feu extérieur qui en désunit les parties en séparant ou évaporant l’humide qui les liait, et en faisait un corps solide. Les Philosophes Spagyriques se servent quelquefois indifféremment des termes de calcination, corruption, et Putréfaction, pour signifier la même chose. Ils entendent cependant plus souvent par le terme de calcination, l’opération qui suit celle de la rubification de la pierre. Il y a encore une autre calcination proprement dite, et telle qu’on l’entend communément, qui est requise dans la préparation de la matiere. C’est une purification ou mondification de cette même matiere, que quelques-uns appellent rectification, d’autres ablution, d’autres séparation, dont voyez les articles.

La calcination philosophique se fait avec le feu humide, ou eau pontique des Sages, qui réduit les corps à leurs premiers principes, sans détruire leurs vertus séminales et germinatives; au lieu que la calcination faite par le feu vulgaire, détruit les semences des corps, ce qui lui a fait donner le nom de Tyran de la Nature.

Il y a deux sortes de calcinations vulgaires; l’une qui se fait à feu ouvert, telle que celle de la cendre; et celle qui se fait dans des vases fermes. Dans la Premiere, les parties sulfureuses volatiles s’envolent en partie, et privent par-là les sels d’une force et d’une vertu qu’ils conservent dans la seconde espece de calcination. Tous les sels tires des cendres de celles-ci se crystalisent, et il n’en est pas de même des autres, qu’on ne peut avoir que par l’évaporation de l’humidité poussée au sec.

Il y a diverses sortes de calcinations.

  • Les unes qu’on appelle sèches, les autres humides, les unes corrosives, les autres qui ne le sont point.
  • Les calcinations humides sont vaporeuses ou immersives.
  • Les vaporeuses se font en exposant des corps métalliques ou autres, à la fumée ou à l’exhalaison de quelque matiere. Les immersives se font en mettant le corps qu’on veut calciner dans des liqueurs corrosives, comme eaux-fortes ou esprits ardens, de maniere qu’elles y soient submergées.

Les calcinations sèches sont proprement ce qu’on appelle Cémentations, dont voyez l’article.
On appelle aussi calcination seche, celle qui se fait par le feu, telle que celle de la chaux à bâtir, de la soude, des sels qu’on blanchit dans des creusets, des cendres qui viennent du bois brûlé ou d’autres matières.

Dans ces calcinations sèches, on distingue encore celles qui se font à feu ouvert, à feu clos, et à feu de réverbère. Voyez FEU, RÉVERBÈRE .

Quelquefois calciner la matière, c’est la blanchir et la purger de sa noirceur par l’Art, le feu philosophique, et l’azoth. Le signe de la parfaite calcination est la blancheur.

C’est cette dernière définition qui nous paraît la plus appropriée : la matière doit être calcinée, c’est-à-dire blanchie, par le feu et AZOTH. Notez bien que Ripley est d’une certaine manière envieux, parce que, d’une façon ou d’une autre, les corrosifs sont requis dans l’oeuvre ; le vin et le vinaigre sont indispensables en particulier dans la voie humide ; ne parlons même pas de l’aqua sicca qui joue le rôle d’un objet dans la voie sèche et d’un sujet dans la voie humide]

Parce que par telles sophistications frivoles, les corps sont détruits, et que l’on diminue l’humidité de notre Pierre ; car quand les corps sont brûlés en poudre seiche comme cendre, ou des os brûlés, nous ne faisons compte de telles chaux. Mais nous multiplions l’humide radical en notre Calcination, sans en rien diminuer; et par ce moyen notre Pierre est Calcinée, selon l’intention des Philosophes, et la notre. [Il faudrait disposer du texte original pour voir si le terme « seiche » est une coquille, pour « sèche » ou si, conformément aux règles de la cabale, c’est bien un sel de calcium qui est envisagé. Nous le gagerions, puisque, tout de suite après, Ripley nous parle des « os brûlés », ce qui n’est pas sans nous rappeler la fable de Deucalion et Pirrha -]

Et pour le fondement de notre Calcination, nous devons travailler seulement de genre avec genre, car genre avec genre est inclination congruente. Celui qui ne sait pas cela, est aveugle en cette Science, et vaquera incertain, comme les nuées des cieux agitées par le vent, parce qu’il n’aura pu comprendre nos paroles. [Le sens général de cette phrase est de mettre l’accent sur l’idée d’errer confusément ; en grec, erhmos signifie vide de sens, dépourvu de sens, mais aussi solitaire, seul, unique, avec par cabale le sens de ion, seul, unique, à rapprocher de ioV, rouille du fer, vert-de-gris]

Nous faisons une chaux onctueuse, blanche et rouge ; mais auparavant, conjoints genre avec genre, car chaque genre répond à sa semence. L’homme engendre l’homme, et la bête une autre bête. Prends garde à une chose, si tu veux obtenir notre Secret, qui est que tout Esprit se fige avec la chaux de son genre. Si tu retiens bien cette leçon, tu feras un grand profit en notre Science. [Il est bien rare qu’un alchimiste s’exprime avec autant de clarté et Ripley résume ici de main de maître l’objet du 3ème oeuvre qui est assurément de conjoindre deux chaux, l’une blanche et l’autre rouge ; la suite du texte rappelle ce que dit le Cosmopolite à propos de la nécessité d’unir des natures semblables]

Or il faut que notre Masse soit parfaitement fusible, après qu’elle est tirée de notre Chaux onctueuse, autrement elle ne servirait de rien. Mais cela n’arrive que par un long temps, ainsi que les Prophètes l’écrivent. Car nous mettons un an, attendu qu’en moindre temps notre Chaux ne peut être capable de fusion, avec couleur qui ne s’évanouisse point. Quant à la perfection, il faut que tu y prennes garde, car plusieurs s’y sont trompés : c’est pourquoi afin que tu ne gâtes pas ton œuvre fais que les Corps soient subtilement lavez avant que de les joindre, avec le Mercure par égale proportion, savoir une partie de Soleil et deux de Lune, jusqu’à ce que tout soit réduit comme en bouillie. [Là encore, voila qui est clairement exprimé. Car c’est à la fois ce caractère filant, coulant, fluent du Mercure et la durée très longue de la coction qui vont déterminer la Pierre. Il faut une année révolue, nous disent plusieurs textes, ce qui est exprimé par le mot eniautoV qui signifie objet circulaire en forme d’anneau, sorte de coupe. C’est cette coupe, nous dit Pernety :

« …que Junon présenta à Thétis, le vaisseau de Jason, le marais de Lerne ; le panier d’Erichthonius ; la cassette dans laquelle fut enfermée Tennis Triodite avec sa soeur Hémithée ; la chambre de Léda ; les oeufs d’où naquirent Castor, Pollux, Clytemnestre et Hélène ; la ville de Troye ; les cavernes des monstres ; les vases dont Vulcain fit présent à Jupiter. La cassette que Thétis donna à Achille, dans laquelle on mit les os de Patrocle, et ceux de son ami. La coupe avec laquelle Hercule passa la mer pour aller enlever les boeufs de Gérion. La caverne du mont Hélicon, qui servait de demeure aux Muses et à Phoebus […] Le lit où Vénus fut trouvée avec Mars ; la peau dans laquelle Orion fut engendré ; le clepsydre ou corne d’Amalthée. Les Egyptiens enfin n’entendaient autre chose par leurs puits, leurs sépulcres, leurs urnes, leurs mausolées en forme de pyramide. » [Fables Egyptiennes et Grecques]

On comprend sans peine que cette année révolue ne désigne pas autre chose que le vase de nature. Cette année désigne la substance même du Mercure philosophique.]

Alors fais ton Mercure, dont tu joindras quatre parties au Soleil, et deux à la Lune comme il appartient. Ainsi tu commenceras ton œuvre en figure de trinité, c’est à dire trois parts et autant d’Esprit, et pour l’unité de la substance spirituelle, une partie plus d’esprit que de la substance corporelle.

Selon l’appertoire de Raymond Lulle, c’est la vraie proportion, et qui m’a autrefois été montrée par mon Docteur. Mais Roger Bacon prit trois parties d’Esprit pour une partie du Corps, pour laquelle chose j’ai veillé plusieurs nuits, avant que de l’avoir aperçue. L’un et l’autre est vrai, prends lequel tu voudras. [Ripley parle ici du poids de l’art. Fulcanelli oppose le poids de l’art au poids de nature, ce dernier étant, par définition, inconnu à l’artiste. Philalèthe s’est exprimé ainsi sur le sujet :

« Pour bien dénouer la difficulté, lis attentivement, ce qui suit: prends quatre parties de notre Dragon igné, qui cache dans son ventre l’Acier magique, et neuf parties de notre Aimant » [Introïtus, II]

On voit bien que les proportions sont très différentes d’un auteur à l’autre. Pourtant, au vu des données de la littérature, il est possible de dire que la quantité de Soufre rouge doit être beaucoup plus faible que celle de Soufre blanc : le « coït hermétique » a ceci de commun avec l’accouplement de certains animaux que la femelle est beaucoup plus volumineuse que le mâle, par exemple, chez les araignées et il n’aura pas échappé à l’étudiant que Fulcanelli insiste dans ses Mystères sur le fait que le dissolvant des Sages doit être construit comme une toile d’araigné. La quantité de Mercure ne doit pas excéder, en général, celle des deux autres matières]

Si ton Eau est aussi égale en proportion avec la terre, en chaleur mesurée, il en sortira un nouveau germe, tant blanc que rouge, en pure Teinture ; laquelle durera au feu perpétuellement, jusqu’à ce que le vif revivifie le mort, Fais donc de Trinité Unité, sans discussion ni division. [Ce germe teint est la Pierre en gestation. Ripley insiste sur la durée de la Coction qui doit être longue]

Et c’est là très certaine et très bonne proportion, car moins il y aura de la partie spirituelle, et plus facilement se fera la dissolution ; plutôt que par si grande abondance d’Eau tu noyais la Terre, laquelle chose gâte toute l’œuvre. Pour cela prends garde au lut des potiers, et ne fais jamais le ventre trop liquide. [Fulcanelli a insisté sur le travail des potiers et sur le fait que les alchimistes calquent leur travail sur celui de ces artisans. E. Canseliet a évoqué la figure de Piccolpassi. La proportion de Mercure doit être calculée en sorte que la conjonction entre les principes métalliques puisse s’opérer, sinon on n’aurait qu’une pierre où les résidus mercuriels seraient si abondants. De façon générale, les Pierres sont pauvres en silice, riches en Soufre blanc et riches aussi en Soufres métalliques]

Regarde comme ce lut, qui est la pâte dont ils font leurs pots, est tempéré, et la manière dont ils se servent pour le calciner. Et aie toujours en mémoire que jamais la Terre ne soit suffoquée par l’Eau. Seiches ton humidité par chaleur fort tempérée, aide ta dissolution avec l’humidité de la Lune, et ta Congélation avec le Soleil, et tu as fais. [Dom Pernety, dans son Dictionnaire mytho-hermétique écrit :

« Les Philosophes Hermétiques ont toujours parlé de cette matière et des opérations de l’Art dans des termes allégoriques et énigmatiques. Le Soufre et le Sel, comme les deux principes constituant de cette matière, ont été nommés, le premier, Roi, Mâle, Lion, Crapaud, Feu de nature, Graisse du Soleil, Le Soleil des corps, Le Lut de Sagesse ou Sapience, Le Sceau d’Hermès, Le Fumier et la Terre des Philosophes, Huile incombustible, Mercure rouge, et une infinité d’autres noms même de diverses langues qui tous cependant signifient quelque matière fixe, coagulante ou glutineuse ; parce qu’ils attribuent au Soufre, la forme, la chaleur innée, le Sperme, l’âme, l’odeur, la couleur, la saveur, la fixité, et tout ce qui est capable de causer la cohésion des parties des corps »

Les alchimistes ont voilé aussi cette opération complexe de la « sécheresse de l’humidité » sous le nom de salamandre et Fulcanelli a consacré l’un des chapitres de ses Demeures philosophales à cet animal fabuleux : la Salamandre de Lisieux. Cyliani en dit ceci :

« En continuant les imbibitions avec l’huile aurifique, la matière devient de plus en plus rouge, puis purpurine, et finalement du rouge brun, ce qui forme la salamandre des sages, que le feu ne peut plus attaquer. » [Hermès Dévoilé]

Et nous noterons qu’il est toujours question du Soufre rouge ou plutôt de la matière qui constitue la Pierre en puissance, à cette époque du 3ème oeuvre dont a parlé De Cyrano Bergerac, dans le combat qu’oppose la salamandre et le rémora, en figurant par cette allégorie la coagulation progressive de l’eau mercurielle. Esprit Gobineau de Montluisan évoque exactement la même scène sous le masque suivant :

« Au pilier, qui est au milieu, et qui sépare les deux portes de ce Portail, est encore la figure d’un Evêque, lequel met sa Crosse dans la gueule d’un dragon, qui est sous ses pieds, et qui semble sortir d’un bain ondoyant, dans lesquelles ondes parait la tête d’un Roi, à triple Couronne qui semble se noyer dans les ondes, puis en sortir derechef Cet évêque représente le sage Artiste Chimique, lequel fait par son art congeler la substance volatile du dragon mercuriel qui veut s’élancer et sortir du vase qui le contient sous la forme d’eau ondoyante, c’est-à dire qu’il est excité à ce mouvement interne par une douce chaleur externe ; et ce Roi couronné est le souffre de nature, qui est fait par l’union physique et excentrique des trois substances homogènes mais séparées par l’Artiste de la première matière Catholique, lesquelles trois substances sont l’esprit éthéré mercuriel, le sel sulfureux, ou nitreux, et le sel alkali ou fixe, et qui conserve son nom de sel entre les trois principes principians et les trois principes principiés, qui tous trois étaient contenus dans le chaos humide, dans lequel ce Roi se noye, et semble demander du secours, qu’il n’obtient de l’Artiste alchimique qu’après s’être dissous dans le dissolvant de sa propre substance, qui lui est semblable, après quoi il aura mérité d’être satisfait en sa demande, c’est-à dire qu’après qu’il a été englouti, et fait eau par son eau il se congèle par sa chaleur interne, excité par son sel, ou sa propre terre; par laquelle opération simple, naturelle, et sans mélange, se fait le Magistère des Sages, qui n’est autre chose que dissoudre le corps, et congeler l’esprit, après avoir mis dans l’oeuf cristallin le poids convenable de l’une et l’autre substance, qui sont triple et une ; car tout le travail de l’Œuvre est de monter et descendre successivement, qu’on appelle ascension et descension, jusqu’à ce que de quatre qualités élémentées contraires, homogénéisées, l’on fasse trois principes constitutifs et ordonnateurs; que des trois l’on fasse apparaître le feu et l’eau, le sec et l’humide, que de ces deux l’on fasse un seul parfait pétrifié en sel, qui contient tout; le Ciel et la terre, en épuration et cuisson des hétérogènes. » [EXPLICATION TRÈS CURIEUSE DES ENIGMES ET FIGURES HIEROGLYPHIQUES…]

Ce passage méritait d’être cité en entier car il résume admirablement la quasi-totalité du 3ème oeuvre. La crosse de l’évèque figure le modérateur du feu, c’est-à-dire le lien du mercure, et symbolise le caractère permanent de l’eau mercurielle, qualité requise pour assurer la coagulation très lente du dissolvant. Le Roi est le basileuV de l’oeuvre, future Pierre. Quant au dragon, c’est celui qui s’apparente à celui qui garde les pommes d’or du Jardin des Hespérides. Ces ascensions et descensions successives figurent l’Esprit universel qui se meut dans le ciel firmamental, image de l’eau mercurielle à l’époque de la putréfaction, sur laquelle s’est attardé Philalèthe. Sabine Stuart a décrit le procédé qui permet de capter cet Esprit universel :

« …Après avoir reconnu la matière de la pierre, il faut la piler dans un mortier, pour en faciliter la calcination. On peut, sans crainte, la calciner au fourneau de réverbère et même dans un four de verrier, parce que la matière de la pierre est comme la salamandre qui ne craint point le feu. Tirez ensuite le sel fixe de la chaux en lessivant, faites ensuite bouillir la lessive jusqu’à réduction de moitié, remplissez le vase avec une pareille lessive, et faites encore bouillir jusqu’à réduction de moitié. Il faut répéter cette opération de calcination et lessive, je suppose , jusqu’à huit fois. En mettant chaque fois de côté, les cristaux formés par refroidissement et qui sont le sel résous en eau ou vitriol, et recalcinant seulement les parties fixes qui se déposent au fond du vase. »[Discours philosophique, cité par Fulcanelli dans les Mystères]

Ici, Sabine Stuart décrit deux opérations différentes : la préparation du Soufre blanc et celle d’un des composants du feu secret : l’huile de tartre. Nous laissons au lecteur le soin de compléter l’étude de ce point particulier en le renvoyant au Vitriol de Tripied, texte absolument admirable. En définitive, On est ramené aux deux principes qui donnent lieu au combat de l’aigle et du lion (version Philalèthe) ou du coq et du renard (version B. Valentin) ou du rémora et de la salamandre (version De Cyrano Bergerac) ; ces allégories expriment toutes, et c’est ce qui fait une partie de la difficulté de décryptage, un état d’équilibre instable entre une substance qui se dissout et qui se volatilise à la fois. Mais cette volatilisation a ceci de remarquable qu’elle ne correspond pas, comme on pourrait le penser, à une évaporation, mais à une redissolution. Cette remarque s’accorde bien avec les deux phases qu’évoque Fulcanelli dans le 3ème oeuvre, l’une de dissolution qui est la partie « volatile » dans le sens où l’on vient de la définir et la partie « fixe » ou période d’assation.]

En cette manière tu convertiras les quatre natures en la cinquième, laquelle est parfaite et la plus tempérée de toutes. Mais c’est chose dure de résister à nu-pieds contre l’éperon de fer ou d’acier, comme plusieurs font, quand ils entreprennent des choses si grandes qu’ils ne les peuvent comprendre. [Cette cinquième nature représente la quintessence, expression très ancienne pour désigner les chaux des métaux]

Qu’est-ce qu’ils pensent trouver au sang, aux œufs et au vitriol ; s’ils entendaient bien ce que c’est que Philosophie, ils ne seraient pas si aveugles qu’ils sont, que de chercher l’Or ou l’Argent hors de leurs espèces : car comme le feu est commencement de faire Feu, aussi l’Or est commencement faire Or. Si donc tu veux faire Or ou Argent par la Philosophie, ne prends point pour cela ni œufs, ni sang, mais Or et Argent, lesquels il faut que tu calcines naturellement et prudemment, et alors ils produiront nouvelle génération de leur genre ; lequel ils augmenteront, comme font naturellement toutes choses. [On voit que c’est de manière purement allusive que Ripley parle du vitriol]

Et encore qu’il fût vrai qu’il y eut quelque profit à travailler sur des matières qui ne sont point métalliques, auxquelles il se trouve des couleurs agréables, comme au sang, œufs, urine, vin et aux moyens Minéraux tirés des minières ; il faudrait premièrement que les éléments fussent putréfiés, séparés, conjoints par mariage, avec les éléments des corps parfaits, ce qui ne se peut. [Ripley manie à la perfection la façon labyrinthique dont les alchimistes ont le secret pour dire le vrai pour le faux. Car ces moyens minéraux sont évidemment essentiels à l’oeuvre puiqu’ils constituent la matière même du dissolvant. La dernière phrase résume ce qui se produit pendant la putréfaction et pendant la phase d’assation ; les corps parfaits sont les natures métalliques à l’état de quintessence]

Premièrement fait la rotation de tes Eléments, et convertis avant toutes choses la Terre en Eau, et après tu feras de ton Eau Air, par lévigation, et ton Air tu le réduiras en Feu, et alors tu seras maître de tout notre Magistère, tant grand que petit, car tu auras déjà tourné la roue des Eléments alentour, ayant bien aperçu le sens de nos écrits.[La rotation des Eléments est représentée par l’une des deux roues que l’on aperçoit sur l’un des tableaux lapidaires de Notre-Dame de Paris. Cette rotation des éléments consiste à partir d’éléments minéraux figurant la Terre damnée à préparer l’Eau permanente. Puis les deux natures métalliques sont sublimées dans le Mercure qui constitue le ciel firmamental ; finalement, cette eau ignée, ce feu aqueux, produiront à nouveau une Terre : la Pierre]

Cela fait retourne la roue en arrière, et convertis ton feu en Air, l’Air en Eau, et l’Eau en Terre, autrement tu travailleras en vain. Mais en cette façon tu conduiras notre Pierre à tempérament, quand de quatre natures contraires il en est composé une, après qu’elles auront été par trois fois circulées, et ainsi ta base ou Masse sera parfaitement consommée. [Il est naturel d’observer que les natures métalliques vont d’abord subir une sublimation, en se volatilisant dans le dissolvant ou Mercure : il s’agit là de la première roue. La deuxième roue est le symbole par lequel l’artiste va opérer une réincrudation lors de la phase d’assation : la coagulation très progressive de l’eau mercurielle dont le résultat est le basileuV. Retenons ici que la pierre est triangulaire dans sa forme, quadrangulaire dans son état et circulaire dans son origine]

C’est pourquoi sous l’humidité de la Lune, et sous la chaleur tempérée du Soleil, tes Eléments sont tôt réduits en cendres ; et alors tu auras obtenu tout le Magistère. Rends grâces à Dieu de ce que ton œuvre est commencée, car en cela tu auras le vrai signe qui t’apparaît en la noirceur, qui est appelé la teste ou le bec du Corbeau. D’autres la nomment cendre de l’arbre d’Hermès, et d’aucuns l’appellent crapaud qui se soûle de la Terre ; par laquelle l’Esprit est emprisonné, mortifié et tout infect de venin. Certes il y a des noms quasi infinis, car de chaque chose moyenne à la vue, elle prend un nom, jusqu’à ce qu’elle commence à devenir blanche et lucide, et alors elle a des noms plus convenables. Ainsi selon les choses blanches et rouges on lui donne différents noms. [Il est remarquable de voir à quel point Ripley arrive à résumer les opérations. Il est question ici du travail dans le 3ème oeuvre et spécialement de la phase de putréfaction. La Lune et le Soleil n’ont pas le sens attribué d’habitude aux deux Soufres. La Lune est envisagée ici comme hiéroglyphe d’une partie du dissolvant, Diane et le Soleil en tant qu’Apollon, à la fois frère et mari. Pernety nous dit dans ses Fables :

« La putréfaction est en quelque façon la clef de toutes les opérations, quoiqu’elle ne soit pas proprement le première. Elle nous découvre l’intérieur du mixte : elle est l’outil qui rompt les liens des parties ; elle fait, comme disent les Philosophes, l’occulte manifeste. Elle est le principe du changement des formes, la mort des accidentelles, le premier pas à la génération, le commencement et le terme de la vie, le milieu entre le non être et l’être. Le Philosophe veut qu’elle se fasse, quand le corps dissous par une résolution naturelle, est soumis à l’action de la chaleur putrédinale. […] la première [des couleurs] est la noire, appelée tête de corbeau, et de beaucoup d’autres noms que nous avons rapportés ci-devant dans l’article intitulé Clef de l’oeuvre. » [Fables Grecques et Egyptiennes]

Et quantité de noms ont été employés par les Philosophes pour qualifier cette phase critique de l’oeuvre :

« La noirceur est le vrai signe d’une parfaite solution. Alors la matière se dissout en poudre plus menue, pour ainsi dire, que les atomes qui voltigent aux rayons du soleil, et ces atomes se changent en eau permanente. Les Philosophes ont donné à cette dissolution les noms de mort, destruction et perdition, enfer, tartare, ténèbres, nuit, veste ténébreuse, sépulcre, tombeau, eau venimeuse, charbon, fumier, terre noire, voile noir, terre sulfureuse, mélancolie, magnésie noire, boue, menstrue puant, fumée, noir de fumée, feu venimeux, nuée, plomb, plomb noir, Plomb des Philosophes, Saturne, poudre noire, chose méprisable, chose vile, sceau d’Hermès, esprit puant, esprit sublimé, soleil éclipsé, ou éclipse de soleil et de la lune, fiente de cheval, corruption, écorce noire, écume de la mer, couverture du vase, chapiteaux de l’alambic, naphte, immondice du mort, cadavre, huile de Saturne, noir plus noir que le noir même. Ils l’ont enfin désignée par tous les noms qui peuvent exprimer ou désigner la corruption, la dissolution et la noirceur. c’est elle qui a fourni aux Philosophes la matière à tant d’allégories sur les morts et les tombeaux. Quelques-uns l’ont même nommée calcination, dénudation, séparation, trituration, assation, à cause de la réduction des matières en poudre très menues. D’autres, réduction en première matière, mollification, extraction, commixtion, liquéfaction, conversion des éléments, subtilisation, division, humation, impastation et distillation. Les autres, xir, ombres cimmériennes, goufre, génération, ingression, submersion, complexion, conjonction, imprégnation. Lorsque la chaleur agit sur ces matières, elles se changent d’abord en poudre, et eau grasse et gluante, qui monte en vapeur au haut du vase, et redescend en rosée ou pluie, au fond du vase [Artephius] , où elle devient à peu près comme un bouillon noir un peu gras. C’est pourquoi on l’a appelée sublimation, et volatilisation, ascension et descention. L’eau se coagule ensuite davantage, devient comme de la poix noire, ce qui la fait nommer terre fétide et puante. Elle donne une odeur de relent, de sépulcres et de tombeaux. Hermès l’a appelée la terre des feuilles. »

Mais c’est à Flamel qu’il revient d’avoir exactement noté le nom de cette matière :

« Mais son vrai nom, dit Flamel [Fig. Hiér.], est le laiton ou laton, qu’il faut blanchir. Les anciens Sages, ajoute-t-il, l’ont décrite sous l’histoire su Serpent de Mars, qui avait dévoré les compagnons de Cadmus, lequel le tua en le perçant de sa lance contre un chêne creux »]

Tu es maintenant entré dans la première Porte de l’œuvre des Philosophes, en laquelle ils habitent ; avance-toi prudemment pour pourvoir entrer dans les autres, et viens à la Seconde. [La Prudence voile un arcane essentiel de l’oeuvre. Nous l’avons évoqué dans la section des Gardes du Corps de François II, duc de Bretagne]

DE LA DISSOLUTION

Deuxième Porte

LA Dissolution fait paraître ce qui auparavant était caché à la vue, et par la vertu de notre premier Menstrue, clair et lucide, qui a atténué et subtilié les choses, qui étaient auparavant spécifiées, auquel Menstrue nos Corps s’évanouissent et sont subtiliés de leur seiche et dure compaction, pour être remis naturellement en leur première matière.

Ils sont un en genre, mais en nombre il n’en est pas de même. Ainsi donc le Soleil en est le père et la Lune la mère, et Mercure est le moyen. Ces trois et non plusieurs sont notre Magnésie, notre Adrop et non d’autres, et il n’y a ici rien que frère et sœur, c’est-à-dire agent et patient. Soufre et Mercure, co-essentiel à notre intention. [Nous entrons ici dans le royaume d’Hadès. La magnésie, l’Adrop, sont des noms qu’utilisent les alchimistes pour qualifier leur Mercure. Georges Aurach, alchimiste alsacien à qui nous devons les illustrations du Pretiosissimum Donum Dei nous en dit ceci :

« La première, qui représente un lyon verd, contient la véritable matière et faict cognoistre de quelle couleur elle est ; et on l’appelle Adrop ou Azoth, Atropum ou Duenech »

Dom Pernety nous dit que les Philosophes distinguent plusieurs formes de Lions verts. Celui dont on parle ici ne correspond pas à la première définition qu’en donne Pernety [le soleil ou astre qui nous éclaire] ni à la seconde [le mercure commun]. Il concorde, en revanche avec la troisième définition qui suit :

« Par le troisième, ils entendent la dissolution même de leur matière, qu’ils appellent aussi Adrop. Par le quatrième, c’est cet Adrop ou vitriol Azoquée, appelé Plomb des Sages. Par le cinquième, c’est leur menstrue puant, que Ripley, Raymond Lulle, Géber et tant d’autres nomment Esprit puant, Spiritus foetens ou Sang du Lion vert… »

Notez donc qu’ici, Adrop, vitriol Azoquée et menstrue puant sont des termes semblables. Le Soleil et la Lune sont pris ici comme symboles des deux Soufres et non plus comme tout-à-l’heure, Diane et Apollon. Le nom d’Adrop est l’une des dénominations du Mercure philosophique. On peut donc être plus précis que Pernéty quand il nous dit :

« Adrop – Nom que les Philosophes Hermétiques ont donné à la matière qu’ils emploient dans le grand oeuvre. Guy du Mont (Guido de Monte ) a fait un traité qui a pour titre de Philosophico Adrop, inséré dans le VIe tome du Théâtre Chymique. » [Dictionnaire mytho-hermétique]

L’épithète lucide appliqué à l’Adrop signifie brillant – lamproV – et évoque aussi bien les astres, le soleil ou la lune que l’éclat d’un corps métallique : nous gagerions qu’il s’agit ici d’un casque qui est évoqué.]

Entre ces deux en qualités contraires est engendré un moyen admirable, qui est notre Mercure et Menstrue onctueux, notre Soufre secret, lequel opère invisiblement et brûle les Corps avec plus grande violence que le feu, jusqu’à ce qu’ils soient dissous en Eau minérale : ce que nous appelons Nuit, à cause des ténèbres du Septentrion. [La Nuit est évoquée par Fulcanelli quand il parle du soufre corporifié – les Mystères, p.138 – :

« C’est pourquoi les Sages, sachant que le sang minéral dont ils avaient besoin pour animer le corps fixe et inerte de l’or n’était qu’une condensation de l’Esprit universel, âme de toute chose ; que cette condensation sous la forme humide, capable de pénétrer et rendre végétatifs les mixtes sublunaires, ne s’accomplissait que la nuit, à la faveur des ténèbres, du ciel pur et de l’air calme…les Sages, pour ces raisons combinées, lui donnèrent le nom de rosée de Mai.  »

Nous avons parlé de la Nuit dans le commentaire de l’Introïtus, VI de Philalèthe. Pour l’Esprit universel, consultez : 1, 2, 3, 4, 5,6, 7 – Voici ce que dit Dom Pernety de la nature de l’Esprit dans son Dictionnaire :

« Les Philosophes Hermétiques n’entendent pas par ces termes une substance immatérielle, mais une substance extrêmement tenue, subtile, pénétrante, répandue dans tous les mixtes, et spécifiée dans chacun d’eux suivant sa nature, ses qualités, et le règne de la Nature auquel il appartient. Ils reconnaissent aussi un esprit universel physique, igné, répandu dans tout l’Univers, qu’il vivifie par son action continuée sans interruption : ils lui donnent le nom d’Archée de la Nature, et le regardent comme le principe indéterminé de tous les individus. Quelquefois les Chymistes Hermétiques appellent aussi Esprit leur mercure, à cause de sa volatilité. Ils donnent encore ce nom à leur matière parvenue au blanc. Mais communément ils joignent une épithète à ce terme Esprit […] Esprit fugitif – Nom que les Philosophes Hermétiques ont donné à leur mercure, quoiqu’il soit un corps métallique ; mais ils appellent esprit tout ce qui n’est pas dur, compacte, solide ; et corps tout ce qui forme une masse coagulée et fixée, dont les parties sont difficiles à séparer. Tout ce qui est liquide et volatil est esprit, quand il participe du mercure commun. Tout ce qui est compacte et fixe est corps. Tels sont les métaux parfaits, et le fixe des imparfaits, les sels fixes des trois règnes. L’âme est le milieu ou le lien qui lie le fixe et le volatil […] »

Là encore, comme à d’autres passages, il arrive à Dom Pernety de créer des alliages dont la réalité nous laisse perplexe. L’esprit universel peut être sans problème identifié à un vitriol, c’est-à-dire essentiellement à un acide. S’agit-il de l’acide carbonique de l’air ? S’agit-il de l’acide nitreux qui est fabriqué au moment d’un éclair et qui entre dans la composition du nitre ? Mais là où nous sommes en désaccord avec Pernty, c’est dans sa définition de l’Âme comme milieu, alors qu’il s’agit du Soufre rouge. Le septentrion est la région du grand Nord, celle où l’on trouve au ciel chymique la constellation des sept boeufs de labour qui sont les étoiles placées vers le pôle Nord ; on les définie d’habitude comme appartenant à la Grande Ourse. L’Aquilon, vent septentrional, est le pendant de Zéphyre qui apparaît dans le texte de Philalèthe (Introïtus, VI). C’est Borée dont parle aussi M. Maier, qui intitule ainsi son emblème I suivi de cette épigramme latine :

« L’embryon qui est enfermé au ventre de Borée gonflé d’air – Une fois qu’il sera né vivant en cette lumière – Seul peut surpasser tous les travaux des héros – Par l’art, l’industrie, la force corporelle et l’esprit. – qu’il ne te soit Céson ni avorton inutile – Ni Agrippa, mais engendré sous une bonne étoile. »

Le septentrion, ou plutôt l’Aquilon, est donc le vent de la destruction, de la dissolution. Mais le septentrion, c’est aussi bien l’Aquilon que Borée. Les mythographes nous disent que Borée, vent froid et rigoureux, est un vieillard barbu, ailé ; il demeure dans une caverne. Borée possède des traits qui le rapprochent du Mercure personnifié par Cronos. L’allégorie de la fleur qui naît sur la cime d’une haute montagne a été suggérée à Nerval, par une des figures emblématiques de Nicolas Flamel telle que la décrit Pernety dans ses Fables a aussi des rapports avec le vent du septentrion:

« Vers la Grande Ourse s’élevait dans la mer une montagne nommée Carambin, au-dessus de laquelle l’Aquilon excitait les orages. Abraham Juif a employé ce symbole pour signifier la même chose ; on le trouve dans ses figures hiéroglyphiques, rapportées par Flamel : « A l’autre côté du quatrième feuillet, était une belle fleur au sommet d’une montagne très haute, que l’Aquilon ébranlait fort rudement » […] » (Fables Egyptienne et Grecques, tome I. 471).

Outre la qualité du vent du Nord, c’est aussi l’étoile polaire qui est évoquée, par sa valeur d’axe. Nous avons vu – Introïtus, VI – blasons alchimiques – que nous pouvions lui associer une structure radiaire qui évoque le filet et aussi l’omphalos ou le rais d’escarboucle ; cette structure a la valeur d’un aimant, de rets qui entravent, de mors qui ralentissent. On peut trouver ces structures radiaires dans un bouclier, emblème important en alchimie.La région du grand Nord apparaît donc comme la demeure de Cronos et des ténèbres. ]

Mais, possible n’entends-tu pas encore parfaitement comme je pense le vrai Secret de la Dissolution des Philosophes. C’est pourquoi je te prie de concevoir sagement mes paroles, car je te dirai quelle elle est. Notre Solution est cause de notre Congélation : car la dissolution d’une partie corporelle est cause de la congélation de l’autre partie, qui est spirituelle. [Ripley veut dire par là que la solution, symbole du Mercure animé, au sein de laquelle sont dissoutes les chaux métalliques, est l’opération nécessaire à leur prochaine réincrudation, en forme de conjonction radicale et cristalline]

Nous dissolvons en Eau qui ne mouille point les mains, car quand la Terre est entièrement réduite en cendres, alors l’Eau est congelée ; parce que les Eléments sont tellement enchaînés, que quand le Corps est altéré de sa première forme, immédiatement il s’y en introduit une autre nouvelle, parce qu’en Nature il n’y a rien vide de forme. [Cette eau qui ne mouille point les mains est un sel très fusible, qui ne doit pas se volatiliser précocément, et qui permet de ramener des éléments terreux – alumine, silice, etc. – en un état soluble]

Je te veux ici montrer un Secret, qui est le fondement de tous les Secrets, lequel si tu ignores, tu ne feras que perdre ton temps, ta peine et ta dépense, qui est que tant plus grande quantité de Terre et moins d’Eau tu auras, tant mieux et plutôt la Solution tu verras.

Prends garde comme la glace se résout en eau, car elle était eau auparavant ; par même moyen derechef notre Terre est réduite en Eau, et l’eau par la Terre est congelée, à tout jamais, car selon les Philosophes tout Corps métallique a été autrefois Eau minérale.

[L’Eau minérale des alchimistes est d’une nature telle qu’elle tient le milieu entre l’Air qui symbolise les natures métalliques sublimées et volatilisées dans le Mercure et la Terre, prochaine matière de ces natures métalliques lorsqu’elles seront réincrudées. Notre Eau est métallique ou minérale, parce qu’elle est de forme minérale, de vertu métallique et d’essence ignée. C’est le menstrue des natures métalliques disposées dans la région du firmament axial, dans la constellation des sept boeufs de labour, connues vulgairement sous les noms de Grande et de Petite Ourse.

C’est une matière qui peut être volatile et l’artifice de l’oeuvre consiste à trouver comment la retenir afin de laisser aux natures métalliques le temps de se joindre. Cette Eau est susceptible d’apparaître de bien des façons différentes et pour cela a mérité, de la part de certains Philosophes, l’épithète de Protée. Selon le moment de l’époque où on la considère, cette Eau peut prendre les traits d’un corps aqua-terreux ou celle d’un corps aqua-aérien.

La fonction de cette Eau, en tout cas, est d’attirer les vertus des choses aériennes, volatilisées, des chaux métalliques et de les joindre aux choses inférieures, que l’on désigne habituellement sous l’expression de Toyson d’or ou de semence métallique.

Cette Eau minérale apparaît donc comme le messager des dieux de l’Olympe hermétique, figurés par les hiéroglyphes célestes circulant au firmament de notre ciel chymique. C’est notre Mercure qui est ce médiateur entre le ciel et la Terre. Cette Eau est constituée d’un phlegme bien particulier dont la substance est ce sel qui ne mouille point les mains. Ce sel est d’une nature qui rappelle, par certains côtés, celui dont les paysans se servent pour amender leur Terre et il est, de même, utilisé par les alchimistes dans leur agriculture céleste.

L’Artiste doit disposer d’une terre arable dont la nature oscille entre celle qui est bien disposée pour le blé et celle qui est bien disposée pour le seigle. Mais cette terre devra d’abord être bien lessivée par le feu et blanchie selon les règles de l’Art, avant que de pouvoir être utilisée. Elle devra ensuite être exposée dans le vase de nature qui n’est autre que cette Eau minérale dont parlent Ripley et Philalèthe. Au début du travail, cette Eau mêlée de cette Terre ressemble à un chaos.

Au commencement de la Pratique , comme le recommande l’Anonyme de « Huginus à Barma », il faudra prendre soin que cette vraie Terre ait été bien imprégnée des rayons du soleil, de la lune et des autres astres. Ce chaos ressemble au départ à une vapeur ou à une fumée subtile et il tient de l’Egide, au vrai. Car l’Egide, le bouclier de Zeus conçu par Héphaistos, est une tempête, une nuée orageuse. Il est constitué de la peau de la chèvre Amalthée, dont le lait va nourrir notre petit Roi – le dauphin, la fève du gateau des Rois, le chabot, le Basileus de l’Oeuvre – ; il est garni de franges, bordé de têtes de serpent et porte en son milieu une tête de Gorgone, celle-là même à qui Persée – autre version de notre Artiste – a dérobé le cheval Pégase.

Les franges de l’Egide renferment un secret qui n’a pas été révélé jusqu’à présent. Ce secret, c’est celui du rôle que joue la couverture qui recouvre le Basileus au moment de la conception. Nous gagerions que la solution se trouve dans le nom d’un dieu, Hypérion, considéré selon les règles de la cabale phonétique. Quoi qu’il en soit, cette vapeur, cette nuée, va se trouver progressivement raréfiée par la lumière, réfléchie par les astres imprégnant la Terre, lumière issue du feu élémentaire ravi par Prométhée. Les astres, par leur partie la plus sublimée, formeront peu à peu les cieux.

L’Air sera formé de la dissolution de l’Airain, ce laton non net qui doit être blanchi avec l’aide du feu et de l’Azoth. La Terre, plus dense, formera la base de notre firmament. L’Airain est semblable à un limon, dont notre Mercure aura pour charge de dissoudre, sublimer, après l’avoir lavé, et enfin, en former des Soufres réincrudés. Ce limon représente la matière prochaine de la génération future, de notre basileuV.

Dans la genèse de la Pierre, les natures métalliques, c’est-à-dire les deux Soufres, vont se putréfier et se changer en limon avant que la germination survienne. Ces Soufres sont alor à l’image des deux serpents entourant le caducée d’Hermès et permettent d’identifier la vraie nature du signe zodiacal des Gémeaux qui, par cabale, se révèle davantage être la marque du double Soufre que du double Mercure.

Ces semences, quand elles germeront, prendront alors progressivement la forme du caducée lui-même et formeront une sorte de corps tenant à la fois du métal par la partie supérieure et du végétal par la partie inférieure. De ce processus résultera un tout qui s’appelle la pierre philosophale.

L’idéogramme de la Pierre est un cercle dans lequel s’inscrivent deux triangles droits tête-bèche, formant eux-mêmes un carré. Nous avons ainsi l’image de l’unité dans laquelle est inscrite le double ternaire et le quaternaire. Le carré représente la Terre. Le triangle à base inférieure est le feu, celui à base supérieure est l’Eau et ces deux triangles ont, bien sûr, leur base qui est commune.

FIGURE I
(l’anneau et la digamma de Salomon)

La FIGURE I, que nous avons présentée déjà deux fois dans ce site, est une image radicalement différente de ce que nous venons de dire et pourtant semblable. La digamma de Salomon représente le début du 3ème oeuvre, en toute virtualité et avant l’animation du Mercure.

Les triangles y sont représentés à l’image d’une étoile, coupée en son milieu d’une ligne qui permet de dégager les deux eléments qui n’existent plus dans l’image de la Pierre accomplie : l’Air – le triangle à base supérieure coupé et la Terre – triangle à base inférieure coupée.

La Pierre n’est donc assemblée que de Feu et d’Eau, réunis par leur base. Il faut donc imaginer que, pendant la Grande coction, les triangles qui apparaissent à la FIGURE I vont peu à peu se séparer : l’un, l’Air, va gagner la région inférieure jusqu’à entrer en contact avec le Mercure, figuré par le serpent Ouroboros.

Ce mouvement est la marque de l’incarnation progressive de l’Âme dans la chair, c’est-à-dire de l’union du Soufre rouge à la Toyson d’or. L’autre triangle, la Terre, va gagner la région supérieure jusqu’à entrer en contact, là encore avec le Mercure. Ce mouvement signifie la disparition progressive du principe humide qui, par tradition, est l’une de ses marques. La Terre, en effet, ne saurait rien produire si elle n’était aidée de la chaleur céleste qui mène à la génération.

L’alchimie nous apprend que la Terre peut être divisée en une partie pure et une autre impure. La première est la base des Mixtes philosophiques ou, si l’on préfère, de notre Airain. La seconde partie, l’impure, est à l’image d’un vêtement, d’un haillon. C’est donc par élimination progressive de cette seconde partie, que notre Terre va acquérir les propriétés d’un Feu aérien pur, celui dont brille l’Escarboucle des Sages pour qui sait y retenir – et n’importe qui d’entre vous l’a déjà fait sans en mesurer la portée ésotérique – un rayon de soleil.

Quant à l’Air, il va finir par se transformer en Eau pétrifiée, en océan pétré, après que l’élément aérien connu sous le nom de quintessence – le cinquième élément -y aura été entièrement consommé dans la parturition hermétique entre nos deux principes. Cet océan pétré est à l’image du désert et il donne l’image de ce que devient le Mercure, la mer hermétique, après sa volatilisation par laquelle se clôt la Grande coction et le Grand oeuvre.]

C’est pourquoi avec l’Eau ils sont tous réduits en eau, en laquelle naturellement il y a des qualités répugnantes avec diversité. Il faut donc savoir que substance se convertit en substance, et une qualité en l’autre, jusqu’à ce que la contrariété soit réduite en parfaite unité.

Car l’Ecriture nous témoigne que quand la Terre sera troublée, les montagnes seront jetées au plus profond de la mer. Ainsi aussi à la fin nos Corps seront convertis en eau. [Ripley envisage ici la période de la dissolution, de la putréfaction. Cette conversion des corps en eau ne vaut donc que pour la « phase humide » du 3ème oeuvre.]

Car nos Corps qui ont pris leurs noms des Planètes ne sont pas mal comparés aux montagnes ; c’est pourquoi afin que tu ne viennes à souffrir dommage, jette nos Corps au plus profond du Mercure, alors tu verras un beau spectacle, car tout se convertira en poudre impalpable. [Ces Corps sont bien sûr les natures métalliques, exprimées selon un idéogramme qui relève de la transcendance : la quintessence, cinquième état de la matière pour les Anciens. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que la quintessence représentait sans doute des chaux métalliques, et cela, en accord avec ce qu’écrit M. Berthelot dans son Introduction à la chimie des Anciens. Le mot IOV, à cet égard, signifie la rouille ou oxyde des métaux, ainsi que le vein de serpent, parfois assimilé à la rouille dans le langage symbolique des alchimistes.

Mais nous savons que ce venin, c’est tout simplement cette Eau mercurielle qui dissout les chaux métalliques. Berthelot nous dit que :

« La pointe de la flèche, symbole de la quintessence, [est] l’extrait doué de propriétés spécifiques, la propriété spécifique elle-même ; enfin le principe des colorations métalliques, de la coloration jaune en particulier. »

On voit par là que la quintessence pouvait être associée à la notion d’une chaux métallique, d’un métal brûlé, et non seulement brûlé mais encore dissous. Voici un extrait des Origines de l’alchimie, bien révélateur à cet égard :

« Origine et portée des idées alchimiques. Je prends un minerai de fer, soit l’un de ses oxydes si répandus dans la nature ; je le chauffe avec du charbon et du calcaire et j’obtiens le fer métallique. Mais celui-ci à son tour, par l’action brusque du feu au contact de l’ air, ou par l’action lente des agents atmosphériques, repasse à l’ état d’ un oxyde, identique ou analogue avec le générateur primitif. Où est ici l’élément primordial, à en juger par les apparences ? Est-ce le fer, qui disparaît si aisément ? Est-ce l’oxyde, qui existait au début et se retrouve à la fin ? L’ idée du corps élémentaire semblerait a priori convenir plutôt au dernier produit, en tant que corrélative de la stabilité, de la résistance aux agents de toute nature. Voilà comment l’ or a paru tout d’ abord le terme accompli des métamorphoses, le corps parfait par excellence : non seulement à cause de son éclat, mais surtout parce qu’ il résiste mieux que tout autre métal aux agents chimiques. Les corps simples, qui sont aujourd’ hui l’ origine certaine et la base des opérations chimiques, ne se distinguent cependant pas à première vue des corps composés. Entre un métal et un alliage, entre un élément combustible, tel que le soufre ou l’ arsénic, et les résines et autres corps inflammables combustibles composés, apparences ne sauraient établir une distinction fondamentale. Les corps simples dans la nature ne portent pas une étiquette, s’ il est permis de s’ exprimer ainsi, et les mutations chimiques ne cessent pas de s’accomplir, à partir du moment où elles ont mis ces corps en évidence. Soumis à l’action du feu ou des réactifs qui les ont fait apparaître, ils disparaissent à leur tour ; en donnant naissance à de nouvelles substances, pareilles à celles qui les ont précédées. Nous retrouvons ainsi dans les phénomènes chimiques cette rotation indéfinie dans les transformations, loi fondamentale de la plupart des évolutions naturelles […] »

Il est ici clairement fait état de ce que l’or, pratiquement inaltérable aux yeux des Anciens, était considéré comme un corps élémentaire tandis que les autres métaux pouvaient s’oxyder et qu’à ce titre, il s’agissait de corps composés ; mais les Anciens n’avaient pas connaissance de l’oxygène et de son pouvoir oxydatif. On a déjà eu l’occasion de dire que le récit des transmutations pouvait masquer des tours de main dans le Grand oeuvre et qu’en tout état de cause, l’augmentation en masse constatée lors des récits de transmutation ne eput être compatible qu’avec des phénomènes d’oxydo-réduction, en l’occurence par une oxydation qui correspond à cet accroissement en masse]

Alors les Corps ont perdu leur première forme, mais une autre immédiatement leur est introduite : tu peux penser que tu n’as pas perdu ton temps, comme plusieurs, quoi que Doctes, ont fait, d’autant qu’ils ne savent point le Secret de notre Philosophie.

Je dirai seulement encore un mot, c’est que chaque Corps a trois dimensions, savoir la hauteur, la largeur, et la profondeur, par lesquelles continuellement notre roue est tournée. Saches que les entrées sont en Occident, en poursuivant plus outre au Septentrion. Si tu es Sage, là nos Luminaires perdront entièrement leur clarté, car ils doivent demeurer 90 nuits sans clarté dans les ténèbres du purgatoire. [Nous avons vu plus haut que le septentrion était la marque géographique de la putréfaction. L’occident, est, d’après Pernety :

« …Le nom que quelques chymistes ont donné à la matière de l’oeuvre en putréfaction. C’est la dissolution du Soleil Hermétique ; on l’appelle Occident, parce que ce Soleil perd alors son éclat, comme le Soleil céleste nous prive de sa lumière lorsqu’il se couche. Quand la couleur blanche se manifeste après la noirceur de la matière putréfiée, on l’a appelée Orient, parce qu’il semble que le Soleil Hermétique sort alors des ténèbres de la nuit. »

Nous ajouterons au commentaire de Dom Pernety que l’étude de l’Olympe hermétique, au chapitre de Vénus et de la Lune, permet de comprendre ceci : le soir, Vénus prend le masque d’Aphrodite A la Lune montante et lorsque Vénus est à l’occident, le couple Vénus-Lune prend le nom hermétique de Diane aux cornes lunaires, symbolisant le dissolvant. Notez qu’à l’occident, Vénus s’appelle aussi Vesper ou Hesperos et qu’elle n’est pas sans rapport avec le Jardin des Hespérides. L’allégorie est facile à décrypter : l’occident est à l’image de ce jardin enchanté. Et les pommes d’or qui y séjournent sont gardées par un cruel dragon que seul notre Artiste [Hercule, Cadmus, Persée] peut espérer vaincre. Quant au nombre 90, nous ne voyons pas à quoi il peut se rattacher par cabale. Deux pistes, pourtant mais rien qui soit assuré.

Le nombre 90 se dit en latin XC et comprend deux lettres du mot CALX – la chaux. Voyez aussi ce qui peut être supputé sur les lettres C et X ; mais il s’agit là d’une cabale bien peu estimable…Plus tentant serait le rapprochement de nonagenarius – 90 – avec nonae, désignant les nones [5ème jour du mois sauf en mars, mai, juillet, octobre où elles tombaient le 7]. Voila qui a déjà meilleure allure sur le plan de la cabale. Le mois de mars – Bélier- est celui où doit – symboliquement – débuter l’oeuvre d’après la planche 14 du Mutus Liber.

Le moi de mai est celui des Gémeaux, c’est-à-dire celui de la dissolution des deux Soufres. Le 3ème mois, celui de juillet, correspond au Lion et nous ne reviendrons pas ici sur tout ce que nous avons déjà dit du Lion vert. Enfin, le mois d’octobre correspond au Scorpion, dont on a vu qu’il symbolisait la renaissance des Soufres. Il est intéressant d’observer que nous avons deux signes de Feu, le Bélier et le Lion, un signe d’Eau, les Gémeaux et un signe d’Air, le Scorpion. Et la phase de dissolution ou putréfaction correspond évidemment à l’emploi du Mercure, à la fois qualifié d’eau ignée et de feu aqueux. Le début de la phase correspondrait au signe du Bélier, se poursuivrait par le signe des Gémeaux pour trouver sa pleine puissance dans le signe du Lion. La sortie de la putréfaction pourrait, alors, être annoncée par le signe du Scorpion, dont on sait qu’il est placé sous la supposée maîtrise de Pluton et de Mars par les astrologues. Quoi qu’il en soit, voila quelles sont les planètes qui régissent par tradition les mois alchimiques que nous venons d’énumérer : Mars – Mercure – Soleil – Pluton (Mars)]

Prends incontinent ton cours vers l’Orient passant auparavant par diverses couleurs ; et en cette manière l’hiver et le Printemps sont passés. Tache donc de monter en Orient où le Soleil se lève avec une claire Lumière; ce qui se fera avec grande délectation, car là ton œuvre se blanchit en splendeur fort lucide. [C’est la blancheur qui est évoquée ici. Dom Pernety l’assimile au régime de la Lune.

Voici ce qu’il en dit à l’article correspondant dans son Dictionnaire :

« Les Philosophes disent que lorsque la blancheur survient à la matière du grand oeuvre, la vie a vaincu la mort, que leur Roi est ressuscité, que la terre et l’eau sont devenues air, que c’est le régime de la Lune, que leur enfant est né, et que le Ciel et la Terre sont mariés; parce que la blancheur indique le mariage ou l’union du fixe et du volatil, du mâle et de la femelle, etc. La blancheur après la putréfaction est un signe que 1’Artiste a bien opéré. La matière a pour lors acquis un degré de fixité que le feu ne saurait détruire; c’est pourquoi il ne faut que continuer le feu pour perfectionner le magistère au rouge; et lorsque 1’Artiste voit la parfaite blancheur, les Philosophes disent qu’il faut déchirer les livres, parce qu’ils deviennent inutiles. BLANCHEUR CAPILLAIRE. Elle précède la parfaite blancheur dans l’œuvre de la pierre philosophale. Ce sont des especes de petits filaments blancs qui paraissent à mesure que la noirceur ou le REGNE de Saturne passe, et que le REGNE de Jupiter lui succède »

Ces régimes planétaires sont l’une des énigmes les plus curieuses du Grand oeuvre. On peut y voir soit des régimes de température, soit des indications sur la couleur que la matière possède à une certaine période dans le 3ème oeuvre. Dans son Trésor des Alchimistes [J’ai Lu, 1970], Jacques Sadoul nous propose la version suivante des régimes de planètes : il considère que les Philosophes se sont montrés envieux en débutant par le régime de Saturne [Cyliani, Hermès Dévoilé] alors que le 1er régime serait celui du Mercure [Philalèthe, Introïtus]. Il appuie cette hypothèse de l’autorité d’un auteur redoutable. Car pour Philalèthe, le régime de Mercure serait la période de temps comprise depuis le moment où le Rebis a commencé de sentir le feu jusqu’au moment où la noirceur apparaît. Prenons l’avis des alchimistes et des Philosophes hermétiques. voyons d’abord ce qu’en dit Jean d’Espagnet :

« Par la liquéfaction, les corps sont rendus à leur première matière, qui est fluide ; les choses cuites redeviennent crues, et alors (vient) l’accouplement du mâle et de la femelle, d’où s’engendre le corbeau ; et enfin la Pierre, par cette même liquéfaction, retourne en ses quatre éléments, ce qui se produit par le mouvement rétrograde des luminaires. L’ablution enseigne à blanchir le corbeau, et à changer Saturne en Jupiter, ce qui se fait par la conversion du corps en esprit. » [Oeuvre secret, chap. 63]

Dans un premier temps, les natures métalliques sont introduites sous la forme de poudre très fine. La liquéfaction de l’ensemble des substances correspond au Compost, c’est-à-dire au mélange des deux natures métalliques, des deux Soufres, aux éléments du Mercure philosophique. Cette phase précède nécessairement celle de la noirceur. Pour d’Espagnet, on voit que le Rebis se forme très vite puisque la phase de noirceur correspond pour lui au mariage des deux natures. Mais la blancheur consiste à changer Saturne en Jupiter. Dans un autre passage, d’Espagnet évoque cependant un autre régime pour la même période :

« Car la première opération, et le régime pour obtenir le blanc, doit se commencer dans la maison de la Lune, et la seconde se terminer dans la seconde maison de Mercure. »

Il s’agit du régime de la Lune. Dans un sens, cela apparaît logique puisque nous avons vu que le Mercure philosophique, par ses attributs et hiéroglyphes célestes, correspondait à la conjonction de Vénus [Vesper] et de la Lune montante : c’est Diane aux cornes lunaires. Quant à la seconde maison de Mercure, il s’agit de la Vierge. Pour Philalèthe, la Lune se situe au 4ème régime et suit celui de Jupiter ; Philalèthe évoque le passage de la noirceur à la blancheur. On ne sait trop pourquoi alors, il intercale ici la Lune. Voici ce que dit en résumé Pernety des régimes :

« Ces états sont au nombre de sept, comme il y a sept Planétes et sept métaux communs; c’est pourquoi ils donnent le régime de leur oeuvre aux sept Planétes, qu’ils disent dominer à chaque état, et chaque domination se manifeste par des couleurs différentes.

Le premier régime est celui du mercure, qui précède la couleur noire. Le second est celui de Saturne, qui dure tout le temps de la putréfaction, jusqu’à ce que la matiere commence à devenir grise; c’est alors que les Sages appellent leur matiere, plomb des philosophes. Le troisième est celui de Jupiter, fils de Saturne, qui fut soustrait, selon la fable, à son pere vorace, que Jupiter mutila pour lui ôter la faculté d’engendrer: des parties mutilées et jettées dans la mer, nâquit Vénus; ce qu’il faut entendre de la couleur noire qui ne reparait plus dans le magistere. Et dès lors Jupiter est le père des Dieux, avec Junon, représentée par l’air renfermé dans le vase, et l’humidité qui s’y est mêlée.

Tout le régime de Jupiter est employé à laver le laton; ce qui se fait par l’ascension et la descension successives du mercure sur la terre. Cette eau représente la mer, dont le flux et le reflux est marqué par ces ascensions et descensions continuelles. Mais les Philosophes ont une autre mer, qu’on verra expliquée dans son article.Les Pöetes ont donné à ce laton le nom de Latone, mere de la Lune et du Soleil; parce que le régime de la lune est une suite de l’ablution du laton, qui par là devient blanc, et d’une blancheur éclatante comme celle de la Lune. Vénus domine ensuite, et c’est dans le temps que la matiere prend une couleur citrine, qui tire sur un rouge plombé, ou de rouille de fer, et pour lors vient le régime de Mars ami de Vénus, qui dure jusqu’à la couleur orangée, représentée par l’aurore avant-coureur du soleil. Phébus frère de Diane, parait enfin sous la couleur de pourpre. Les Pöetes ont feint que Diane sa soeur servit de sage-femme à sa mere Latone lorsqu’elle mit le soleil au monde, parce que le rouge vrai or et vrai soleil des Philosophes, ne paraîtrait jamais, si le blanc ou Diane n’avait paru auparavant. […] »

FIGURE II
(la forme de la Pierre)

Un autre auteur s’est exprimé sur les régimes : c’est Bernard de Trévise. Lisons son Verbum dimissum :

« Ce Mercure donc est le commencement et le fondement de tout ce glorieux Magistère; car il contient en soi un Feu qui doit être repu et nourri de plus grand et plus fort Feu, au second Régime de la Pierre35. […] Cette Masse ainsi noire ou noircie est la Clef, le commencement, et le signe d’une parfaite manière d’opérer au second Régime de notre Pierre précieuse. Aussi Hermès, dit-il, en voyant cette noirceur : Croyez que vous avez opéré par la bonne voie. […] Cuisez-les donc doucement, afin qu’ils soient faits premièrement Noirs, après Blancs, ensuite Citron et Rouge et finalement Venin teignant. »

Le 1er régime, dans ce projet, est celui de Mercure. C’est la seule planète que nomme Le Trévisan mais l’ordre des couleurs qui suivent est conforme en tout point avec ce qu’écrivent Philalèthe et Dom Pernety – mais celui-ci ne fait qu’une recension et n’a pas été alchimiste lui-même, en toute hypothèse. Ces régimes planétaires traduisent des opérations différentes. A cet égard, les historiens de l’alchimie sont divisés. Alors que Dom Pernety décrit 12 opérations – calcination, congélation, fixation, dissolution, digestion, distillation, sublimation, séparation, incération, fermentation, multiplication, projection – Bernard de Trévise n’en asmet qu’une seule :

« Combien que les philosophes divisent le magistère en plusieurs opérations selon le degré des formes et de leurs diversités, toutes fois il n’y en a qu’une en la formation de l’oeuf. » [De la nature de l’oeuf]

Albert Poisson considère qu’il y a là paradoxe et donne d’autres avis : Hélias, par exemple, compte 7 opérations : sublimation, calcination, solution, ablution, cération, coagulation, fixation. Albert le Grand en décrit 4 : purification, lavage, réduction, fixation. Beaucoup d’auteurs considèrent qu’il n’y a qu’une seule opération, mais alors ils la considèrent à partir du moment où les natures métalliques ont été enfermées dans l’oeuf philosophique.

Albert Poisson considère que l’on peut compter 4 opérations :

  • « 1)- préparation de la Matière ;
  • 2)- Cuisson dans l’oeuf philosophique et apparition des couleurs dans l’ordre voulu ;
  • 3)- Opérations ayant pour but de donner à la Pierre philosophale une plus grande force, ce sont la fixation et la fermentation ;
  • 4)- Enfin la transmutation à l’aide de la Pierre, des métaux vils en or, et en argent, c’est la projection. » [Théories et symboles des alchimistes, Chacornac, 1891]

La plupart des auteurs, en évoquant les régimes, semblent parler du 3ème oeuvre et ils ne décrivent que deux opérations qui résument le travail : dissoudre et coaguler. Quantité de noms ont été donnés, en fait, à une même opération, dont Pernety, dans ses Fables Egyptiennes et Grecques [tome I] a dressé la liste quasi-exhaustive. Nous pensons donc que c’est Bernard de Trévise qui se rapproche le plus de la solution. ]

Ensuite d’Orient monte au Midi, là où il repose en sa chaise ignée, car là est la moisson ; c’est-à-dire la fin de l’œuvre laquelle est accomplie selon ton désir ; car après l’éclipse le Soleil luit avec rougeur en son hémisphère, triomphant en sa gloire comme Roy et Empereur, sur Mercure et sur les Métaux.

Tout cela se doit faire en un seul vaisseau de verre, de forme semblable à un œuf, et bien clos du sceau d’Hermès. [A comprendre par cabale ; le vaisseau est fait en partie de terre vitrifiable ; nous avons donné dans la section de l’Olympe hermétique des détails quant à sa forme, qui doit d’abord être ronde puis adopter celle d’un oeuf. Quant au sceau d’Hermès, certains, dont Batsdorff, dans son Filet d’Ariadne, ont cru y voir une véritable fermeture hermétique ; d’autres y voient un trait de cabale : le sceau d’Hermès serait l’ensemble du vaisseau, vase de nature, au sein duquel s’évanouissent, avant de renaître, les natures métalliques]

Après tu dois savoir la mesure du feu, laquelle ignorée toute ton œuvre se perd ; c’est pourquoi fait en sorte que ton Verre ne soit jamais plus chaud que tu ne le puisse tenir sur la main, aussi longtemps que tu voudras, et ce durant la Dissolution. Et garde-toi bien de jamais l’ouvrir, ni le mouvoir depuis le commencement jusqu’à la fin. Et si tu fais autrement, jamais ton œuvre ne se fera. C’est pourquoi garde bien cette doctrine.

Maintenant allons la troisième Porte, puisque celle-ci est remplie.

DE LA SÉPARATION

Troisième Porte

Séparation divise une chose de l’autre, le subtil du gros, l’épais du délié ; mais regarde que tu mettes à part la Séparation manuelle, car c’est affaire à un fol de faire ainsi, puisque hors notre Séparation il n’y a nul profit. Aussi la nature ne cesse jamais de faire division des Qualités élémentaires, jusqu’au cinquième degré, et qu’elles soient toutes transmuées.[Par cinquième degré, Ripley entend la quintessence -]

La Terre passe en l’Eau en couleur noire et livide, et l’Eau après en Air en vraie blancheur, et l’Air en Feu, et il n’y a point davantage d’Eléments. De là notre Pierre est faite par un art délectable. De cette Séparation, j’ai besoin d’écrire qu’elle se définit ainsi : Séparation est une quadruple dispersion des quatre Eléments.[La transformation des eléments est l’une des allégories concernant la progression du travail dans le 3ème oeuvre. Nous avons eu l’occasion d’en dire quelques mots en abordant la triple qualité de la Pierre : ce sont les natures métalliques, qui, mêlées au Mercure, vont précipiter la survenue de la couleur noire ; dans une temps ultérieur, l’Eau, dont le symbole est alors Saturne, va se transformer en Air, placé sous la domination de Jupiter. Il faut y voir les natures métalliques en un état partiel de réincrudation. Quand l’Air se transforme en Feu, cela signifie que le Soufre rouge s’est conjoint totalement avec le Soufre blanc. C’est pourquoi nous avons dit plus haut qu’il fallait, dans le schéma de la Pierre, parler d’un Feu aérien pur et d’une Eau pétrifiée.]

De cette Séparation j’en trouve semblable figure au Livre des Psaumes de David : Dieu a tiré de la Pierre un fleuve d’Eau vive, et d’une Pierre très dure abondance d’huile. Ainsi feras-tu de notre Pierre précieuse, si tu es Sage. Car tu en trouveras de l’huile incombustible et de l’Eau, et pour cela il ne faut pas souffler le charbon. [Le charbon, dans l’oeuvre, joue le même rôle que la chaux, par une action réductrice, absolument indispensable à la transformation de sulfates en sulfures ou d’oxydes en métaux dans un état de division extrême]

Mais bien par chaleur lente, et la nourrir premièrement par Feu humide, et après sec, en tirant le flegme avec patience, puis après les autres natures sagement. Dessèche la Terre jusqu’à ce qu’elle ait soif en la calcinant, autrement tu travailleras en vain. Et alors fais qu’elle boive derechef son humidité.

Ainsi il te faudra faire souvent séparation, divisant la matière en deux parties, tellement que tu sépareras le subtil du gros, jusqu’à ce que la Terre demeure au fond en couleur livide. Cette Terre est tellement fixe, qu’elle peut endurer toute violence du feu ; l’autre partie est volatile et spirituelle, mais toutes ces choses se doivent convertir en une. Alors tu distilleras l’huile et l’Eau par l’Eau, car par l’aide d’icelle tu recevras motion ou mouvement ; mais prends bien garde de ne pas gâter ton œuvre, faute d’avoir bien fermé ton Verre, c’est pourquoi ferme-le du sceau d’Hermès, en faisant fondre le haut du vaisseau et le bouchant alors de soi même.

[Cette séparation pose des problèmes car on ne sait au juste à quel moment de l’oeuvre elle intervient. Quantité d’alchimistes pensent qu’elle survient au début du travail lorsqu’ils travaillent sur la stibine : la séparation consiste alors, d’un petit coup de marteau, à séparer le régule d’antimoine de l’oxy-sulfure qui adhère au pot dans lequel a été cuite la stibine. il s’agit là d’un exemple de séparation par voie sèche. D’autres voient la séparation à partir de substances travaillées d’abord par la voie humide dans des cornues. Ainsi en est-il pour la préparation du tartre vitriolé. La terre noire que l’on obtient comme résidu dans la cornue est nommée « tête morte de l’eau forte ». On s’en sert comme l’un des principaux ingrédients du Mercure par la voie sèche.

Enfin, il en est qui considèrent que la séparation s’effectue au moment où les natures métalliques et le Mercure sont cuits ensemble : la partie volatile est alors constituée de l’une des natures métalliques qui correspond à l’âme ou teinture et qui se sublime dans le Mercure. Le Soufre blanc ou toyson d’or serait la partie fixe, infusible mais que l’on arrive cependant à dissoudre dans le Mercure en utilisant une certaine proportion de bi-silicates ou de tri-silicates. Dès lors, on comprend qu’il faut faire fondre le haut du vaisseau, qui correspond au firmament du ciel chymique, là où l’âme flotte, en un état désincarné]

L’Eau avec laquelle tu dois revivifier la Pierre doit être distillée souvent de fois, et par soi seulement, avant que tu œuvres avec elle. Tu pourras connaître aisément à le vue quand elle sera purgée de ses fèces immondes, qu’aucuns pensent multiplier avec Saturne et autres substances que nous rejetons.

Distille-là donc jusqu’à ce qu’elle soit nette et déliée comme Eau, ainsi qu’il appartient, et de couleur céleste claire et lucide, retenant sa figure et sa pondérosité. Avec icelle Hermès a humecté son arbre avec son verre, et a fait croître en hauteur des fleurs de diverses couleurs délectables à voir. [Alexandre Sethon, le premier cosmopolite s’est exprimé clairement sur la distillation philosophique :

« Si la graisse du Soufre est congelée par ce mouvement perpétuel, l’esprit de l’Eau puis après le digère en passant, et le purifie par la vertu du Sel, jusqu’à ce qu’il soit coloré d’une couleur digeste, rouge ou blanche ; laquelle couleur, tendant à sa perfection, s’élève avec cet esprit, parce qu’il est subtilisé par tant de distillations réitérées : l’esprit puis après a puissance de pénétrer dans les choses imparfaites ; et ainsi il introduit la couleur, qui se joint puis après à cette Eau en partie congelée, et remplit ainsi ses pores et se fixe avec elle d’une fixation inséparable. Car toute Eau se congèle par la chaleur si elle est sans esprit ; et si elle est jointe à l’esprit, elle se congèle au froid. Mais quiconque sait congeler l’Eau par le chaud et joindre l’esprit avec elle, certainement il a trouvé une chose mille fois plus précieuse que l’Or et que toute chose qui soit au monde. » [Nouvelle Lumière Chymique]

Ces distillations évoquent une circulation constante des matières, peut-être médiée par une alternance de phases où la température croît et d’autres, où elle décroît – cf. Mercure – Sethon, quoi qu’il en soit, traduit bien que cette distillation va procurer cette fixation inséparable par le moyen, en apparence paradoxal, d’arriver à congeler de l’Eau par le chaud. C’est admettre alors que l’Esprit, symbole du Mercure, se sublime lui-même, c’est-à-dire qu’il s’évapore]

Cette Eau peut être comparée à la vipère venimeuse, dont on fait la thériaque Médicinale, car c’est un venin de très puissante fureur, et l’on ne peut s’en imaginer de plus nuisible ; c’est pourquoi il est souvent recherché des apothicaires, mais personne ne sera infesté de ce venin, après qu’il sera en confection de notre Médecine. Car alors comme puissante et vraie thériaque, elle vaut beaucoup pour repousser les venins, et par œuvre montre choses merveilleuses, en préservant plusieurs de Mort à vie, garde-toi de la mêler avec aucuns corrosifs. Choisis la pure et fluente, si tu en veux faire chose profitable.

La vipère venimeuse est utilisée comme symbole du Mercure au stade de la putréfaction. Pernety écrit que :

« [la vipère] est la matière des Philosophes en putréfaction, ainsi nommée parce qu’elle est alors un des plus violents et des plus actifs poisons qu’il y ait ; c’est pour cela que les Philosophes disent que leur matière est un grand poison avant sa préparation, et un souverain remède après qu’elle est préparée, de même que la vipère. Philalèthe recommande aussi très expressément de se tenir sur ses gardes, quand on travaille cette matière, et d’en préserver ses yeux, son nez et ses oreilles. »

On peut se demander si des substances contenant du cyanure ne sont pas formées à ce moment de l’oeuvre. Sinon, c’est par cabale que la vipère doit être comprise. On pourrait peut-être en rapprocher alors un passage de Gassendi :

 » […]ainsi cette substance de la vipere est meslée dans la theriaque avec tous ces medicamens, afin qu’ elle soit de telle maniere meslée avec le venin dont le corps est deja infecté, que lorsqu’ elle sera retirée du corps par la sueur ou autrement, elle retire l’ autre avec lequel elle s’ est inseparablement associée dans le corps. Je tiens mesme pour probable que c’ est la maniere generale par laquelle tous les medicamens purgent les humeurs du corps, et qu’ il y a autant de raison de dire que les semblables sont gueris par les semblables, ou les dissemblables par les dissemblables, que de dire que l’ huile peut estre tirée du drap et par quelque chose qui luy est semblable, asçavoir par l’ huile qui est dans le savon, et par quelque chose qui luy est dissemblable, asçavoir par le sel, ou par l’ eau qui emporte l’ huile qui luy est inseparablement meslée. » [Abrégé de Philosophie]

Nous donnons là au lecteur matière à réflexion. L’huile tirée du drap par son semblable, l’huile du savon, nous rappelle ce que nous avons dit des teintures en général. Ce n’est point autrement qu’agit le Mercure philosophique lorsque Basile Valentin préconise de laver le laiton et que le feu et Azoth suffisent à la tâche. On pourrait encore rapprocher certains commentaires sur la Bible qui nous éclaireraient sur le lien existant, en cabale hermétique, entre la vipère et l’ange :

« On a recherché si le serpent d’Eve était une couleuvre, ou une vipere, ou un aspic, ou une autre espece ; mais on n’ a aucune lumiere sur cette question. il est difficile de savoir ce que le serpent entendait par des dieux ; de savans commentateurs ont dit que c’ étaient les anges : on leur a répondu qu’ un serpent ne pouvait connaitre les anges ; mais par la même raison il ne pouvait connaitre les dieux. Quelques-uns ont cru que la malignité du serpent voulait par là introduire déjà la pluralité des dieux dans le monde. » [La Bible enfin expliquée par plusieurs aumôniers de S.M.L.R.D.P., Voltaire]

Ce passage est remarquable et d’une portée hermétique certaine. Car ce serpent ne figure pas autre chose que notre Mercure.

Les chaux métalliques, figurés par les hiéroglyphes célestes des corps planétaires – cf. Olympe hermétique – vont, grâce à ce dissolvant, être projetées au firmament de notre ciel chymique et contracter alors des rapports formels avec les ânges, avant leur incarnation dans le corps, c’est-à-dire dans le Soufre blanc. On pourrait même aller plus loin et se demander si les Pharisiens auraient joué un rôle dans le développement de l’Art sacré. Ce passage de la Bible expliquée… le ferait croire:

« Toutes les maladies inconnues (et quelle maladie au fond ne l’ est pas ! ) leur parurent des possessions de démons. Ils [les Pharisiens] se vanterent de chasser ces diables avec des exorcismes et une racine nommée barath. L’ un d’ eux forgea un livre intitulé la clavicule de Salomon, qui renfermait ces secrets. On peut juger si leur pouvoir de chasser les diables, pouvoir dont Jesus-Christ lui-même convient dans l’ évangile de St Matthieu, augmenta leur crédit. On les révérait comme les interprêtes de la loi ; on s’ empressait de s’ initier à leurs mysteres. Ils enseignaient la résurrection et le royaume des cieux. Nos évangiles nous apprennent avec quelle véhémence Jesus-Christ se déclara contre eux. Il les appellait hypocrites, sépulcres blanchis, race de viperes. »

Et au vrai, qu’est-ce que le régime de Jupiter dans l’oeuvre, si ce n’est un sépulcre blanchi ? Qu’est-ce que la Résurrection, si ce n’est – compris dans le petit monde des alchimistes – la renaissance du basileuV ?]

C’est une chose merveilleuse de la Nature, et sans laquelle rien ne se peut faire. C’est pourquoi Hermès l’appelle son vent, à cause du vol facile qu’elle prend du Soleil et de la Lune, faisant avec elle incontinent notre Pierre volatile revivifiant le mort et donnant la vie au Soleil, et à la Lune, au mari et à la femme.

Lesquels s’ils n’étaient revivifiés par l’Art, et que leur graisse ne fût extraite avec l’Eau, et par ainsi que le subtil ne fût séparé de l’épais, jamais tu ne mènerais cette œuvre à effet. Si tu veux donc faire profit certain, fais sortir les oiseaux de leur nid, et après remets-les en repos dans leur nid. [Ce passage peut se résumer par l’adage des alchimistes : faire fixe le volatil et volatil le fixe, c’est-à-dire, cuire longtemps, décuire et recuire.]

L’Eau convient bien avec l’Eau, et elles montent ensemble, et les Esprits avec les Esprits, car ils sont d’un même genre, et quand ils seront montés, fais qu’ils descendent. Ainsi tu diviseras ce que la Nature avait auparavant lié et uni, en convertissant le Mercure essentiel en vent. Sans laquelle naturelle et subtile séparation, jamais ne s’accomplira parfaite génération. [Voir à ce sujet la section du Mercure de nature]

Maintenant afin que par mon aide tu ouvres et entres en cette Porte, je te veux déclarer le dernier Secret. Il faut que ton Eau soit sept fois sublimée, autrement il ne se ferait point de naturelle dissolution, ni tu ne verrais aucune putréfaction, semblable à la poix liquide ; aussi n’apparaîtraient pas les couleurs faute de Feu qui agisse dans ton Verre. [Revoila le chiffre 7, qui symbolise le 3ème oeuvre, parce qu’on y découvre, sept régimes planétaires : celui de Mercure, de Saturne, de Jupiter, de la Lune, de Vénus, de Mars et enfin du Soleil.]

Il y a quatre sortes de Feux, qu’il te faut connaître, savoir naturel, innaturel, contre nature, et élémentel, qui brûle le bois, desquels nous usons et non de plus. Le Feu contre nature doit extraire les Corps, c’est notre Dragon brûlant plus violemment que le Feu d’enfer. Le Feu de nature est le troisième Menstrue, ce Feu est naturellement en toutes choses. Le Feu naturel s’appelle occasionné, comme est la chaleur des cendres qui vaut à putréfier. Sans ces sortes de Feux tu ne pourras rien conduire à putréfaction, tellement que la matière se puisse séparer, afin qu’ensemblement tout soit proportionné à une nouvelle conjonction. [Les différents feux de l’Oeuvre sont examinés dans le commentaire de l’Oeuvre secret d’Hermès de Jean d’Espagnet – chap. 94 – ]

C’est pourquoi fais Feu dedans ton verre, qui brûle les Corps plus que le Feu élémental, si tu veux faire profit de nos Secrets. Alors tes semences se pourriront et germeront par l’aide du Feu occasionné, afin qu’après naturellement elles puissent être séparées.

La Porte de séparation étant ainsi gagnée, tu pourras procéder plus outre vers la Porte de la secrète Conjonction, laquelle tu garderas bien dedans le fort. Cette Porte est fermée à double serrure, comme tu entendras par ce qui suit.

DE LA CONJONCTION

Quatrième Porte

Après la Séparation par laquelle les Eléments de notre Pierre sont séparés, s’ensuit le traité de la secrète Conjonction, qui conjoint les natures répugnantes en parfaite Unité, et totalement les accorde et noue ensemble, en telle sorte que l’un ne s’enfuit point de l’autre quand ils sont pressés par le Feu : tant est ferme et stable entre elles leur Conjonction. C’est pourquoi les Philosophes la définissent ainsi : La Conjonction n’est autre chose qu’une copulation des qualités séparées, ou bien une prégnation des principes. Mais d’aucuns mêlent les Corps avec le Mercure vulgaire, qui se vend chez les apothicaires, duquel il est impossible de diviser les Eléments, et ainsi ils se dévoient et se trompent.

Car jusqu’à ce que l’âme soit purgée et séparée de son péché originel avec l’Eau, et purement spiritualisée, tu ne peux commencer la vraie Conjonction. Divises donc l’âme du Corps, et alors elle causera une conjonction perpétuelle de la partie corporelle et de la spirituelle.[Cette conjonction se produit vraisemblablement au régime de Jupiter ou à celui, intermédiaire, de la Lune.

Voici que nous en dit Pernety :

« Réunion des natures répugnantes et contraires en unité parfaite. Cette conjonction les convertit tellement l’une en l’autre qu’elle en fait un mariage indissoluble même à la plus grande violence du feu. Les Philosophes définissent encore cette conjonction, un assemblage et une réunion des qualités séparées, ou une adéquation des principes. Riplée. Il y a trois especes de conjonction. La Premiere est appelée double. Elle se fait entre l’agent et le patient, le mâle et la femelle, la forme et la matiere, le mercure et le soufre, le subtil et l’épais. La seconde s’appelle triple, parce qu’elle réunit trois choses, le corps, l’âme et l’esprit. Faites donc en sorte de réduire la trinité à l’unité. La troisieme est dite quadruple, parce qu’elle réunit les quatre élémens en un seul visible, mais qui renferme les trois autres. Souvenez-vous, dit Riplée, que le mâle a cinq vaisseaux requis pour la fécondité, et la femelle quinze. Sachez donc que notre Soleil doit avoir trois parties de son eau, et notre Lune neuf. CONJONCTION signifie aussi l’union du fixe et du volatil, du frere et de la sœur, du Soleil et de la Lune. Elle se fait pendant la noirceur qui survient à la matiere pendant la putréfaction. Les Philosophes l’appellent aussi Conception, Union des élémens, Commixtion. » [Dictionnaire mytho-hermétique]

La 1ère conjonction, manifestement, doit s’entendre du principe Soufre et du principe Mercure. Elle est double au sens où il y a deux Soufres que l’on doit conjoindre dans le signe des Gémeaux. Elle doit débuter avant le régime de Mercure. Elle trouve son expression graphique sous forme d’un cercle où le point fixe représente le principe Soufre et la circonférence l’élément mercuriel. La 2ème conjonction est triple dans le sens où le Soufre rouge s’étant totalement sublimé dans le Mercure, il y a alors conjonction entre l’Esprit et l’Âme. Cette triple conjonction nous rappelle aussi les sommets d’un triangle ; chacun des principes communique avec l’autre et son expression graphique n’est autre qu’un triangle droit à base supérieure ou inférieure selon qu’on envisage une eau ignée ou un feu aqueux. Quant à la 3ème conjonction qui est quadruple, c’est la Terre – Délos – qui symbolise la partie terrestre de la Pierre au rouge. Son expression graphique passe par une pyramide triangulaire. Nous pouvons résumer sur le schéma suivant ces conjonctions :

FIGURE III
(forme de la Pierre)

A gauche le cercle, qui figure la 1ère conjonction, toute virtuelle. La 2ème conjonction est figurée par le triangle droit bleu. La 3ème conjonction est figurée par l’association du triangle bleu à la projection en rouge des trois côtés formant une pyramide triangulaire qui, exposée en deux dimensions, donne l’impression d’un carré ou de deux triangles tête-bèche formant carré, reprenant ce que nous avons dit plus haut concernant la forme de la Pierre : triangulaire dans sa forme, quadrangulaire dans son état et circulaire dans son origine. Voyez la figure II pour avoir une idée de la structure de la pierre, en rapport avec les planètes et les quatre Eléments : pour le Feu, Mars ; pour l’Eau, la Lune, pour l’Air, Mercure et pour la Terre, Vesper.]

Les Philosophes font mention de deux Conjonctions, l’une grosse qui incrude les Corps avec le Mercure. Mais laissons celle là, et passons à la seconde, en laquelle les parties restantes sont tellement liées et réduites à parfaite température, qu’entre elles après cela il n’y a jamais de répugnance.

C’est pourquoi la Séparation ainsi faite est cause de la vraie conjonction de l’Eau et de l’Air, avec la Terre et le Feu. Tellement que chaque Elément peut être conduit en l’autre, et demeurer ainsi à toujours selon son désir. Fais comme les potiers avec l’argile, et le lut, tempère l’épais non trop liquide. Ainsi tu parviendras plutôt à la Dessiccation.

Mais il y a quatre sortes de Conjonctions, la première est double, qui consiste en l’Agent et le Patient, le Mâle et la Femelle, le Mercure et le Soufre vif, la matière et la forme, le délié et l’épais unis ensemble. Certes cette instruction peut t’aider beaucoup à bien faire notre Conjonction.

La seconde manière est appelée triple, parce qu’elle est une conjonction faite de trois choses, du Corps, de l’Ame et de l’Esprit, jusqu’à ce qu’ils soient unis ; laquelle trinité tu dois conduire à l’unité, car comme l’Ame est le lien de l’Esprit, ainsi faut-il que le Corps conjoigne l’Ame à soi. N’oublies donc pas ce que je viens de te dire.

La troisième Conjonction qui est la dernière, est de conjoindre les Eléments de sorte qu’ils demeurent ensemble. Les Philosophes l’ont appelé quadruple, spécialement Guido de Montanos dont le nom est célèbre. Ainsi par la voie la plus commode, maintenant en cette notre Conjonction, il faut assembler les quatre Eléments en due proportion, lesquels auparavant étaient séparés l’un de l’autre.

Comme la Femelle a quinze veines et le Mâle seulement cinq, nécessaires à l’acte de génération, ainsi dois tu entendre que dans notre Conjonction le Mâle, qui est notre Soleil, a trois parties de son Eau, et la Femelle neuf, qui sont trois au regard de lui. Alors le semblable se réjouira avec son semblable, et ils demeureront toujours ensemble. [Peut-être que Ripley veut dire par là que le Soufre rouge, teinture, doit être moitié moins que le Soufre blanc ou Corps ]

Je te dis donc de ne faire qu’une grosse Conjonction. car rarement les paillardes portent elles des Enfants. Aussi tu ne parviendras pas à notre Pierre si tu ne fais coucher la femme seule dans un lit, tellement que quand elle a conçu du Mâle, sa matrice doit être alors fermée à tout autre. [C’est ce que dit le Rosaire des Philosophes :

« ARISLEE dans la Vision. Unis donc ton fis Gabricus, qui t’est plus cher que tous tes autres fils avec sa soeur Beya qui est une enfant radieuse, douce et tendre. Gabricus est mâle et Beya est femme. et elle lui donne tout ce qui vient d’elle. Ô nature tu es bénie, et bénie est ton opération, parce que de l’imparfait tu réalises le parfait. Pour cette raison, ne prends pas la nature elle-même si elle n’est pure, crue, agréable, terrestre et droite. Veille à ce que rien de contraire n’entre avec notre pierre, mets-la seule. Unis donc notre esclave à sa soeur parfumée, et ils engendreront tous deux un fils qui ne sera pas comparable à ses parents. Et bien que Gabricus soit plus cher que Beya, la génération ne se fait pas sans Gabricus. Car l’union de Gabricus avec Beya a provoqué la mort sur-le-champ. Beya monta en effet sur Gabricus.l’enferma dans son ventre, si bien que l’on ne put plus rien voir de lui. Et elle étreignit Gabricus avec un amour si grand qu’elle le conçut tout entier dans sa nature et le divisa en parties indivisibles. C’est pourquoi MERCULINUS dit : La conception transforme en. sang ce qui était semblable au lait. Si la femme blanche est donnée en mariage à l’époux rouge tous deux bientôt s’embrassent ets accouplent. Ils se dissolvent eux-mêmes et s’accomplissent aussi eux-mêmes afin, qu’après avoir été deux, ils deviennent en quelque sorte un seul corps. C’est pourquoi MARIE, soeur de Moïse, dit : « Unis la gomme à la gomme en un vrai mariage, et transforme- les en une sorte d’eau brûlante » »

On voit bien qu’il ne peut s’agir que de la conjonction des deux natures métalliques dont l’une, Gabricius est qualifié d’époux rouge et Beya, de femme blanche. Notez que Pernety donne une version un peu différente du discours d’Arislée puisqu’il écrit dans son Dictionnaire :

« Aristée s’explique en style typique , lorsqu’il dit : En nous promenant sur les bords de la mer, nous vîmes que les habitants de ces côtes couchaient ensemble, & n’engendraient pas ; ils plantaient des arbres & semaient des plantes qui ne fructifiaient pas. Nous leur dîmes alors, s’il y avait un Philosophe parmi vous, vos enfants engendreraient & multiplieraient, vos arbres fructifieraient & ne mourraient pas, vos fruits se conserveraient, & vous seriez des Rois vaillants qui surmonteriez tous vos ennemis. Nous demandâmes au Roi son fils Gabertin , & sa soeur Beya , qui étoit une fille belle & très blanche , délicate & parfaitement aimable ; nous joignimes le frere & la soeur, & Gabertin mourut presqu’aussitôt. Le Roi voyant cela, nous emprisonna; & à force de prieres & de supplications ayant obtenu sa fille Beya, nous fûmes 80 jours dans les ténébres de la prison, & après avoir essuyé toutes les tempêtes de la mer, nous fimes appeler le Roi, et nous lui rendimes son fils vivant, de quoi nous randîmes louanges à Dieu. »]

Car quiconque ajoute crud sur cuit, ouvre son vaisseau et laisse refroidir sa matière, tant s’en faut qu’il nourrisse le sperme conçu : au contraire il gâte son œuvre et se trompe. C’est pourquoi si tu veux qu’il réussisse à bien, ferme bien ta matrice, et nourris bien ta semence de chaleur tempérée et continuelle.

Et quand ton vaisseau aura demeuré cinq mois, tellement qu’après les éclipses la lumière apparaisse, alors tu augmenteras aussitôt la chaleur et la continueras jusqu’à ce que la Pierre reluise de couleur translucide : et alors tu pourras ouvrir ton vaisseau et nourrir l’enfant (lequel t’es maintenant né) de lait et de viande toujours de plus en plus. [Nous sommes là au régime de Vénus. Mais il ne peut s’agir de la voie sèche ; s’il s’agit de la voie humide, nous ne voyons pas que l’on puisse « nourrir » la BasileuV de quelque manière que ce soit]

Car maintenant l’humidité et la sécheresse sont tellement tempérées, que la Terre a reçu l’impression de l’Eau, en sorte qu’elles ne peuvent jamais être séparées, et l’Eau a donné ingrés à la Terre, tellement que volontiers elles demeurent ensemble, et l’Eau s’est acquis la force rétentrice de la Terre, dont les deux ne font plus qu’un et jamais ils ne se contrarient.

Ainsi notre intention dépend de deux choses, savoir de l’humidité et de la sécheresse, qui sont deux contraires. En la sécheresse qui mène l’humidité à Fixation, et en l’humidité qui donne liquéfaction à la Terre, afin que des deux ainsi tempérés il en aisse une température, non pas tant épaisse qu’est le Corps, ni si déliée que l’Eau. [Il est clair que deux principes sur quatre disparaissent dans cette opération de la conjonction. Car l’humidité n’est autre que la rosée de mai ou l’Air, dont le symbole est Jupiter et la sécheresse n’est autre que la Terre ou Gaïa. Revoyez ce que nous disons là-dessus dans le chapitre sur la dissolution -]

La Solution et la Conjonction sont les deux principes de cette Science difficile, et en sont les principaux fondements. Il y a toutefois d’autres principes tous excellents, lesquels je te montrerai aussi ci-après, mais venons à la cinquième Porte

DE LA PUTRÉFACTION

Cinquième Porte

Sans la Putréfaction le Ferment ni la Semence ne se peuvent multiplier ; elle se fait seulement par une action continuelle de Chaleur sur le Corps, non manuelle, toutefois, ainsi que le grain de froment, lequel suivant le témoignage de Jésus Christ même, ne se peut multiplier si après être jeté en terre il ne meurt, et ne pourrit. De même aussi si notre Matière ne pourrit pas, elle ne se peut nullement altérer, ni ses Eléments ne se peuvent diviser, et conséquemment leur Conjonction ne peut être faite. C’est pourquoi afin que tu ne perdes pas ton temps, entends bien les principes de notre Putréfaction, avant que tu entreprennes cette Œuvre. [Cette putréfaction est voisine de la dissolution.]

La Putréfaction se peut ainsi définir, savoir que c’est l’occision des Corps et la division de trois choses en notre composé, conduisant à corruption des Corps occis, et puis après les rendant aptes à génération. Car toutes les choses qui sont en terre, sont engendrées par la continuelle rotation ou mouvement des Cieux.

Et par tant mêlés les Eléments et les mesurer prudemment, en les tenant à chaleur tempérée, et prenant toujours garde que par trop de chaleur ils ne soit incinérés en poudre seiche, rouge et inutile : mais en poudre noire semblable au bec du Corbeau, au bain chaud, ou bien en notre fient, les tenant avant toute chose en chaleur humide, jusqu’à ce que 90 nuits soient passées.

Incontinant après la noirceur t’enseignera qu’ils se hâtent et préparent à Putréfaction, et de là en avant, après diverses couleurs, se mèneront à parfaite blancheur et ainsi ta semence se multipliera en sa nature.

Faites qu’ils s’embrassent et se baisent l’un l’autre, et comme des enfants se jouent et se culbutent haut et bas ; et quand leurs linceuls sont sales il faut alors que la femme ait soin de les laver, laquelle souvent par débilité s’évanouira, et à la fin mourra avec tous ses enfants, et ira en purgatoire pour purger le péché originel [Allégorie biblique fréquemment employée par les alchimistes. C.G. Jung a consacré une partie de sa somme sur l’alchimie au parallèle Lapis – Christus – Alchimie et psychologie, Buchet-Chastel, 1970. Pour le péché originel, voir 1, 2]

Quand ils y seront, peu à peu ils augmenteront leurs peines avec chaleur, toujours de plus en plus du Feu continuel, lequel ne doit jamais cesser. Le fourneau pour cela doit être proprement fait, lequel les Sages appellent Athanor, qui garde une chaleur tempérée, comme il est besoin, avec laquelle la Matière naturellement se putréfie.[Pour l’athanor, voir le commentaire du Mercure d’Alexandre Sethon]

De ce principe, Guido, homme savant, dit : que par Putréfaction le Compost corporel meurt, et selon Morien et autres, ressuscite par nouvelle régénération en Corps simple et Spirituel, et que si la chaleur et l’humidité n’étaient en mouvement continuel, le sperme ne demeurerait point en la matrice, et par ainsi il ne se ferait nulle génération.

C’est pourquoi au commencement tu prendras nos Pierres et les enseveliras chacune au sépulcre l’un de l’autre ; et fait un mariage entre elles, afin qu’elles couchent ensemble durant six semaines : alors donne leur de quoi nourrir leurs semences conçues, ne se levant point cependant de leurs sépulcres, lequel Secret ignoré fait que plusieurs sont trompés. [On peut à nouveau évoquer le Rosaire des philosophes pour cette allusion au sépulcre puisqu’une partie de l’iconographie de ce traité est bâti sur ce modèle :

« ARISTOTE roi et philosophe.Je n’ai jamais vu un vivant quelconque croître sans putréfaction. Si donc on ne réalise pas la pourriture, l’oeuvre alchimique sera vaine.
MORIEN. Cette terre se putréfie et est purifiée au moyen de son eau. Lorsqu’elle aura été purifiée. toute l’oeuvre sera dirigée moyennant l’aide de Dieu.
Le philosophe PARMENIDE. Si le corps n’est pas détruit, brisé, s’il ne pourrit et n’est converti en une substance substantielle, cette vertu cachée ne peut être extraite et se mélanger au corps.
Le philosophe BACCHUS. Quand les natures se corrompent et pourrissent. alors elles engendrent.
Le philosophe PLATON. Nous tenons un exemple dans l’oeuf: il pourrit d’abord, et alors est engendré un poussin qui, après la corruption totale, est un animal vivant. »

Manifestement, une seule opération, la dissolution, semble voilée sous le masque de la solution du corps et de la coagulation. C’est donc de la dissolution qu’il est encore question ici.]

Attendez le temps de cette conception avec chaleur douée, la noirceur te dira quand elles se mourront, car en ce temps là elles s’enfleront ensemble, comme poix liquide, et bouillonneront, se rassireont et pourriront. Là t’apparaîtront couleurs resplendissantes semblables à l’arc-en-ciel, qui seront merveilleuses à voir. Et alors l’Eau commence à se dessécher. [Il s’agit des couleurs de la queue de paon, donnant des irisations. Reportez-vous à la note 63 du commentaire au Mercure d’alexandre Sethon. Il ne faut pas se fier à ce que dit Roger Bacon de la couleur de la queue de paon, voir le Miroir d’alchimie. Retenons que le paon était l’animal dédié à Junon, voir l’Olympe hermétique – ]

Car es Corps humides la chaleur opérant de façon tempérée, engendre la noirceur avant toutes choses, laquelle est le signe de la vraie Conjonction et de la certaine Putréfaction. Souviens-toi de cela, car alors tu ne peux faillir de venir à parfaire altération. Et ainsi convient d’entrer par la Porte de la noirceur, si tu veux gagner la lumière permanente, c’est à dire la blancheur. [Dom Pernety, dans ses Fables Egyptiennes et Grecques, nous dit que la noirceur est la Clef de l’oeuvre. Voir le chapitre Saturne de l’Olympe hermétique – ]

Car le Soleil à son lever est obscur, et passant par les Eaux du déluge de Noé sur la terre, qui dura 150 jours avant que toutes les Eaux se fussent retirées.

Ainsi nos Eaux comme les Sages entendent, passeront, afin que tu puisses dire avec David, les fleuves sont devenus secs. Fais ton profit de ceci. [Le pseudo – Flamel, celui en tout cas qui a écrit les Figures Hiéroglyphiques a très bien parlé du Déluge :

« Il te faut donc faire deux parts et portions de ce Corps coagulé, l’une desquelles servira d’Azoth120pour laver et mondifier l’autre, qui s’appelle Laiton121, qu’il faut blanchir. Celui qui est lavé, c’est le Serpent Python, qui, ayant pris son être de la corruption du limon de la Terre, assemblé par les Eaux du Déluge, quand toutes les Confections étoient Eau, doit être mis à mort, et vaincu par les flèches du Dieu Apollon122, par le blond Soleil, c’est-à-dire par notre Feu, égal à celui du Soleil. »

Le Déluge, nous l’avons dit dans la section sur les Principes, a fait l’objet d’allégories de la part de Fulcanelli à propos des ammonites qui voilent le calcaire coquillier ; le Déluge par tradition correspond au renversement des pôles et les alchimistes en parlent quand ils veulent signifier par là que leur Aphrodite est devenue leur Terre mondée par le Mercure]

Après cela Noé planta la vigne qui fleurit et porta des grappes ; Or quand tu auras obtenu cela tu n’as que faire de craindre, car en cette manière notre Pierre germera et fleurira. Et incontinent après que 30 jours seront passés, tu auras des grappes aussi rouges que le Rubis, qui est notre Adrop, notre Cinabre, et notre Plomb rouge.

[Le terme d’Adrop, pour Pernety, est employé pour désigner l’une des matières. Il nous dit qu’il s’agit du nom que les Philosophes Hermétiques ont donné à la matière qu’ils emploient dans le grand oeuvre. Guy du Mont (Guido de Monte ) a fait un traité qui a pour titre de Philosophico Adrop, inséré dans le VIème tome du Théâtre Chymique. Toutefois, Georges Aurach est d’un avis contraire puisqu’il considère qu’Adrop et Azoth sont des termes similaires.

Mais il arrive que Dom Pernety soit en contradiction avec lui-même puisqu’il écrit :

« Par le troisième [Lion vert], ils entendent la dissolution même de leur matière, qu’ils appellent aussi Adrop. Par le quatrième, c’est cet Adrop ou vitriol Azoquée, appelé Plomb des Sages. Par le cinquième, c’est leur menstrue puant, que Ripley, Raymond Lulle, Géber et tant d’autres nomment Esprit puant, Spiritus foetens ou Sang du Lion vert… »

Il semble qu’ici Ripley ait opté pour la 5ème définition que donne Pernety du Lion vert, puisqu’il parle du Plomb rouge, ce qu’il faut entendre par Plomb des Sages rutilant, autrement dit Lion rouge, qui correspond au régime de Mars. Mais là, les choses ne sont pas aussi simples puisque Pernety nous dit à l’article Lion rouge de son dictionnaire :

« Les Philosophes Spagyriques appellent ainsi la matière terrestre et minérale qui demeure au fond du vase après la sublimation des esprits qui en sont sortis, et qu’ils appellent Aigles. Ce Lion rouge est aussi ce qu’ils nomment Laton. »

Nous serions plutôt d’accord avec la 2ème définition de l’expression mais, c’est alors d’un laiton qui a été blanchi et qui a dépassé le régime de Vénus]

Comme les Ames après les peines passagères de cette vie, sont menées en paradis, où il y a toujours une vie joyeuse ; ainsi sera notre Pierre après avoir été purgée en purgatoire, de son obscurité, c’est-à-dire en blancheur très puissante d’Elixir. [C’est donc par cabale, sans doute, qu’il faut entendre le terme obscurité, ténèbres, ces expressions voilant simplement la disparition des Soufres, dissous dans le Mercure]

Afin que tu parviennes plutôt à Putréfaction, prends cet exemple pour conclusion, car tous les Secrets de la Putréfaction sont cachés en cela. Le Chêne qui est continuellement sous l’Eau ne s’y pourrira pas aisément (ainsi que je l’ai éprouvé) car au bout de cent ans tu le trouveras aussi entier que devant. Mais si tu le tiens aucune fois moite et aucune fois sec, comme on le regarde par expérience dans les bâtiments, tu verras que par succession de temps le chêne pourrira. Ainsi en accordant notre intention, il faut aucune fois que notre arbre soit brûlé du Soleil, et en même temps ou incontinent alors qu’il soit réfrigéré d’Eau. Et de cette sorte tu le mèneras à pourrissement ; d’autant qu’être maintenant sec, maintenant humide, maintenant en grande chaleur, et maintenant froid, sera que bientôt et fort aisément se pourrira et amènera ton or à pourriture. Tu traiteras donc le Corps comme je t’ai dit, mais en le putréfiant avec chaleur ne sois pas trop hâtif, afin que tu ne cherches ton gain dans les cendres. [Ce passage rejoint de façon étonnante les expériences de synthèse minéralogique par sous-fusion ou alternant, comme on l’a dit plus haut, des variations de température qui donnent comme un « recuit » au Rebis]

C’est pourquoi tire de la Terre ton Eau, et fais qu’avec elle ton Ame monte ; et alors jette là, bas, derechef à la Terre, afin qu’elle puisse souvent monter et descendre. Mais défends ton Verre de chaleur violente, et de froid soudain : et fais que le Feu soit si tempéré, que ta matière ne se vitrifie point par les côtés. [voir la section sur la réincrudation pour les expériences de dévitrification ; voir la section du Mercure pour la température]

Sois Sage à choisir ta matière : ne te soucie et ne prends point de Sels, de Soufre vulgaire, ni de moyens minéraux. Car quoique disent les Artistes, notre Soufre et notre Mercure est seulement es Métaux ; lesquels aucuns appellent huiles. Eaux, Oiseaux et Bêtes, et de beaucoup d’autres noms, afin que ceux qui prennent les textes à la lettre n’entendent jamais notre Pierre. [Passage envieux car il est sûr que pour la préparation du Mercure, des sels de potassium sont nécessaires ; on peut les tirer des cendres de chêne, d’arbrisseaux, de nitre pour l’alkali fixe à base de potasse ou des cendres de salicornia pour l’alkali fixe à base de soude ; quant aux métaux, il n’est pas faux de dire qu’ils sont appelés à devenir des huiles, mais il faut le comprendre par cabale ; enfin, les oiseaux et autres animaux ont permis aux alchimistes de fixer sur le papier ou sur des gravures quantité d’allégories touchant à la lutte du fixe et du volatil]

Notre Pierre est appelée l’aliment de ce Monde, laquelle conduite par Art comme Nature le requiert, sera très riche, et son accroissement se multipliera en son espèce, selon ton dessein.

Plusieurs travaillant au gré de leur fantaisie en plusieurs sujets, auxquels il y a apparence de belles teintures, tant blanches que rouges. Mais étant mises au Feu elles s’envolent : et tels rompeurs de verres et de vaisseaux, se font mourir tous les jours par poisons, se gâtent les yeux par la fumée et leurs longues veilles, leurs habits sont sales et usés, et sentent le soufre de partout ; ils se salissent les mains par leurs fréquents corrosifs qu’ils manient, ils ont les yeux chassieux et la face toute maculée. En un mot ils souffrent beaucoup de maux, et dépensent inutilement leur argent, ou plutôt celui d’autrui. [Voila un avis que feraient bien de méditer les amateurs de « dragon rouge » lorsqu’il travaillent sur le cinabre ou encore, sur l’orpiment, ou encore sur le sublimé corrosif. Nous ferons une exception pour ceux qui préparent le sceptre de Jupiter -]

D’aucuns travaillent en urine et d’autres en suie, et d’autres en œufs, en sang, en écailles d’œufs, et en fientes, et ainsi consomment leur temps en vain, rompant plusieurs vaisseaux de différentes formes, tant de fourneaux, tant de sels et poudres, Eaux, Huiles, et autres sortes qu’ils appellent matière première ; en divisent et séparent les Eléments, sans pouvoir comprendre que toutes choses ne sont qu’une, car leur séparation ne vaut non plus que les autres choses ci-dessus dites. Cependant ils ont la témérité de se vanter qu’ils ont trouvé notre Mercure et notre Soufre vif, en quoi ils s’abusent très fort. Ils parlent de l’homme rouge et de la femme blanche, et que c’est une chose singulière pour l’Elixir de la Quintessence ; comme aussi de l’Elixir de Vie tiré du miel, des menstrues, de la chélidoine, dont ils divisent aussi les Eléments, parce qu’ils n’entendent point ce que c’est que Philosophie naturelle.[La chélidoine a des propriétés qui la rapprochent de certains états du dissolvant :

« La chélidoine est rameuse, de la grosseur du pouce, brune-rougeâtre extérieurement, quand elle est fraîche ; blanche dans l’ intérieur, presque noire lorsqu’ elle est sèche. Elle a une saveur brûlante et amère, et une odeur désagréable, propriétés qui se perdent en grande partie par la dessication. Les feuilles ont de longs pétioles, sont grandes et composées d’une manière particulière : chaque petite feuille est divisée en plusieurs lobes dont les inférieurs sont les plus petits et le supérieur le plus grand. Ces feuilles sont, d’ ailleurs, découpées sur les bords, lisses, minces, d’ une couleur verte-blanchâtre. Quand elles sont fraîches et qu’ on les brise, elles donnent, comme la plante entière, un suc âcre, jaune de safran ; elles ont une odeur désagréable qui se perd par la dessiccation. L’ extrait de chélidoine / suc épaissi / a une couleur jaune-brunâtre foncée, une saveur amère et un peu repoussante. Il donne une solution trouble. Il moisit facilement. » [Manuel des pharmaciens et des droguistes, ou Traité des caractères distinctifs, des altérations et sophistications des médicaments simples et composés, J.-B. Kapeler et J.-B.Caventou]

La chélidoine présente deux couleurs qui la rapproche de celles du Grand oeuvre, mais c’est surtout le fait que la noirceur apparaisse à la dessication – comparable à l’assation décrite par Fulcanelli – qui convainc de l’analogie hermétique. Sa saveur brûlante, son odeur désagréable la rapprochent de l’aspect misérable du sujet minéral que l’Artiste doit choisir au début de son travail. Il n’est pas jusqu’à certains régimes planétaires, ceux de Vénus et de Mars en particulier, qui ne soient évoqués – mais la chélidoine a été longuement évoquée par Philippe Ulstade dans son traité le Ciel des Philosophes [pp. 30-35] disponible sur le serveur Gallica de la bnf -]

Mais pour vous, prenez garde de ne vous point servir de chose qui soit de grand coût, gardez-vous des grandes dépenses, et souvenez vous que chaque semblable produit son semblable, comme Dieu l’a ordonné.

En peu de paroles tu connaîtras si quelqu’un a connaissance de notre Pierre, s’il dit qu’il ne faut qu’une chose, qu’un Verre et non plus. Sois homme de bien et craignant Dieu, et sur toutes choses ne révèle ton secret à personne quand tu le sauras, mais sois secret et fait comme si tu ne savais rien.

DE LA CONGÉLATION

Sixième Porte

Congélation est un endurcissement de choses molles en couleur blanche, et une fixation des Esprits qui étaient volatils. Il ne te faut pas beaucoup soucier comment tu congèleras, car les Eléments sont incontinent noués ensemble, pourvu que la Putréfaction ait été naturellement faite. [Artéphius dit :

« Tout le secret donc de ce secret Antimonial, est que par ce dessus nous sachions extraire et tirer du corps de la Magnésie [aimant minéral ; les Anciens confondaient souvent la magnésie, la craie et le calcaire] l’argent vif non brûlant, (et cela est l’antimoine, et le Sublimé Mercurial) c’est à dire, il faut extraire une eau vive, incombustible, puis la congeler avec le parfait corps du Soleil qui le dissout dans icelle, en nature et substance blanche congelée comme crème, et faire venir tout cela blanc. Toutefois, premièrement le Soleil en la putréfaction et résolution qu’il fera en cette eau, en son commencement perdra sa lumière, s’obscurcira, et noircira, puis s’effleurera sur l’eau, et sur icelle surnagera peu à peu une couleur en substance blanche, et cela s’appelle blanchir le laiton rouge […] » [Livre Secret]

Il convient dans cette opération d’obtenir la liaison entre les deux Soufres, via le Mercure. Jean d’Espagnet nous parle de cette congélation :

« On l’appelle aussi inhumation, parce que l’esprit est par elle inhumé et enseveli comme un mort dans la terre. Parce qu’elle agit fort lentement, elle a besoin d’autant plus de temps. Les deux premiers cercles travaillent surtout à dissoudre, et celui-ci à congeler, bien que tous opèrent l’un et l’autre. » [Oeuvre secret d’Hermès]

C’est cette opération qui doit durer longtemps, en sorte que les Soufres puissent se conjoindre et la cristallisation s’effectuer. Elle ne diffère donc guère de la conjonction, à cela près qu’elle fait intervenir le Mercure. De Cyrano Bergerac a sans doute développé dans son Histoire comique, contenant les Estats et empires du soleil (Paris, Charles de Sercy, 1662) la meilleure allégorie sur la question de la congélation.]

La Congélation se fait en diverses manières des Esprits et des Corps dissous en Eau lucide, ou des Sels dissous par deux ou trois fois, et puis Congelés en une matière fluente, des quelles Congélations les fols se raillent, comme différentes des leurs. Car d’aucuns dissolvent, divisant manuellement les Eléments puis les congelant en poudre seiche. Mais telle congélation n’est point en notre intention, car elle est du tout contraire à notre Œuvre ; parce que la notre ne craint point le Feu, et qu’elle y demeure onctueuse, qu’elle est abondante en teinture, et qu’étant congelée elle ne se liquéfie point à l’air ni en Eau. Car si cela arrivait notre Œuvre serait alors détruite.

D’ailleurs on ne Congèle point notre Pierre en si dure Pierre que le cristal ou le verre, qui ne se fondent que par la grande violence du Feu ; mais comme cire qui se fond incontinent sans souffler. C’est pourquoi prends garde que tu ne sois trompé, car telle congélation ne s’accorde point avec notre intention, parce qu’elle ne coule point, et qu’elle retourne derechef en Eau comme font d’ordinaire les Sels congelés. Or telles Congélations ne conviennent qu’aux Sophistes.

Mais saches que ta Médecine ne peut jamais naturellement fluer, ni être congelée, que premier tu ne l’aies putréfiée et purifiée, et que tu ne fixes les Eléments de notre Pierre jusqu’à ce qu’ils soient congelés ensemble, et qu’ils fluent facilement. Car quand la Nature est devenue blanche, alors les Esprits sont congelés avec les Corps. Mais il faut attendre longtemps, avant qu’une Congélation t’apparaisse semblable aux perles. Réjouis-toi quand tu verras une telle Congélation, car après cela, elle viendra comme brins aussi rouges que sang. Chose la plus rare et la plus riche du monde. [Cette congélation exige la coopération des trois principes : Mercure, Soufre rouge et Sel ou soufre blanc. Batsdorff nous dit à propos que :

 » […] c’est pourquoi il n’y a que le soufre de l’or et de l’argent des Philosophes, qui soit capable de les congeler, teindre et fixer parfaitement et en même temps, à cause de leur coction et digestion parfaite. Quand je dis qu’il n’y a que le soufre du Soleil et de la Lune, je dis vrai, parce que l’argent-vif de soi n’a point de vraie teinture métallique, ni blanche, ni rouge, mais bien le soufre, qui a même vertu de digérer, congeler et coaguler le mercure. » [Filet d’Ariadne]

C’est là découvrir un point de science important car de nombreux tetxes donnent l’apparence que les deux Soufres sont en quelque sorte passifs et que seul le Mercure est le « conducteur » de l’Oeuvre.]

C’est pourquoi ayant mortifié la grossièreté de la Terre, tu connaîtras alors que la noirceur s’engendre de l’humidité ou moiteur, et nul ne peut nier ce principe, lequel connu tu ne dois pas douter de la blancheur. Et si tu la congèles une fois à la blancheur, tu auras alors la Pierre la plus riche de toutes les Pierres du monde. [Dans cette partie de l’oeuvre, il se fait comme une circulation. Cette circulation a été voilée sous diverses allégories comme la Métamorphose des planètes de Monte Snyders ou comme les troies roues dont parle Jean d’Espagnet dans l’Oeuvre sacré d’Hermès.

Le premier mouvement – la 1ère roue – sublime la matière en la raréfiant ; le second mouvement – la 2ème roue – l’abaisse en la congélant ; et le tout – 3ème roue – se termine en une sorte de repos ou plutôt, comme le dit Pernety, comme un mouvement interne, une coction très lente et insensible de la matière.

La première de ces roues consiste en la réduction de la matière en Eau. Cette phase correspond au régime de Mercure et pour certains alchimistes, c’est dès ce moment-là que les natures métalliques commencerainet à se conjoindre ; du moins y a-t-il un début de génération. L’éclipse du soleil et de lune se fait ensuite : c’est la phase de putréfaction symbolisée par le régime de Saturne. La seconde roue consiste en une évacuation de l’humidité superflue et une coagulation de la matière sous forme d’une terre visqueuse et métallique. Il faut ici reprendre ce que dit D’Espagnet dans l’Oeuvre secret, aux chapitres 68, 69 et 70. Mais c’est le chapitre 71 qui permet d’expliquer ce qu’exprime cette coagulation :

« La quatrième digestion est la consommation de tous les mystères du monde : par elle la terre étant changée en un très excellent ferment, fait lever elle-même tous les autres corps changés en un corps parfait, parce qu’elle a passé en la nature céleste de la quintessence, de sorte que sa vertu inspirée par l’esprit de l’univers est la panacée et la médecine générale de toutes les maladies de toutes les créatures. Le fourneau secret des philosophes te découvrira ce miracle de la nature et de l’art par des digestions renouvelées du premier régime de l’ouvrage. Sois juste dans tes œuvres afin que Dieu te soit propice, sans quoi le labourage de ta terre sera vain, car  » cette moisson ne répondra pas aux vœux du paysan avare « . [chapitre 71]

La coagulation de l’eau mercurielle impose ce passage par les « corps parfaits » ou quintessence. A paritr de là, le mélange Rebis-Mercure, ou Compost philosophal, joue le rôle d’un levain et réincrude les Soufres dissous, c’est-à-dire les Âmes : l’alchimiste devient alors démiurge – ]

Et comme par la moiteur ou humidité qui cause la noirceur, le sec s’est putréfié, aussi l’humidité ou moiteur congelée par sec engendre blancheur luisante dans la nuit, et fort claire ; et la sécheresse poursuit la matière en blancheur, ainsi comme en moiteur la noirceur se montre par diverses couleurs toujours nouvelles. [Pernety dit ici :

« Tout le procédé Philosophique consiste dans la solution du corps et la congélation de l’esprit, et tout se fait par la même opération. Le fixe et le volatil se mêlent intimement, mais cela ne peut se faire si le fixe n’est auparavant volatilisé. L’un et l’autre s’embrassent enfin, et par la réduction ils deviennent absolument fixes. » [Fables, Principes opératifs]

La difficulté, ici, est de bien définir cette volatilisation du fixe. Car par la voie sèche qui se pratique au creuset brasqué, il ne saurait y avaoir une volatilisation ordinaire des matières. Celles-ci seraient perdues pour toujours. Mais si l’on fait l’hypothèse que la volatilisation est une sublimation qui tient de la dissolution, c’est-à-dire d’une sorte de projection par dissolution des Soufres dans la masse liquide du Mercure, on arrive davantage à cerner le cadre formel de ce que Philalèthe appelle la sublimation philosophique -]

La cause de tout ceci est la chaleur tempérée mouvant continuellement la matière, en sorte qu’elle en est altérée substantiellement tant par dehors que par dedans : et non pas sophistiquement à la vue comme font les fols, mais que chaque partie puisse endurer le Feu, fluente, fixe, stable et parfaite teinture. Et comme la première digestion des viandes cause la blancheur, savoir le chyle par sécheresse dans l’estomac, et que la seconde qui se fait au foie cause rougeur accomplie, fixe par chaleur tempérée : de même notre Pierre par sécheresse et par chaleur tempérée, est digérée et complète au blanc et au rouge. [On voit que Ripley mélange un peu les genres et qu’il parle d’opérations qui n’ont rien à voir expressément avec la coagulation.

Redisons donc avec Dom Pernety que la coagulation ou congélation est :

« [un] Terme de Physique et de Chymie. C’est le lien de la composition des mixtes, qui fait le mutuel attouchement des parties. La coagulation n’est que le rudiment de la fixation. Il y a deux sortes de coagulations, comme deux sortes de solutions. L’une se fait par le froid, l’autre par le chaud, et chacune se subdivise encore en deux; l’une est permanente, l’autre ne l’est pas. La Premiere s’appelle fixation, et l’autre simplement coagulation. Les métaux sont un exemple de celle-là, les sels le sont de celle-ci. La coagulation philosophique est la réunion inséparable du fixe et du volatil en une masse si fixe qu’elle ne craint point les atteintes du feu le plus violent, et communique sa fixité aux métaux qu’elle transmue. »

La coagulation n’est que le rudiment de la fixation ce qui signifie qu’il s’agit d’une opération réversible. Tout se passe, à ce stade de l’oeuvre qui doit correspondre au régime de Vénus ou de Mars, de manière dynamique et instable. Du reste, il n’est pas impossible que cette coagulation, qui précède la fixation, soit symbolisée par le trait d’union entre Vénus et Mars, c’est-à-dire entre Aphrodite et Arès. Mais nous avons vu qu’Arès et Aphrodite étaient aussi les hiéroglyphes mythologiques des deux principales matières premières à entrer dans la composition du dissolvant.

Mais il te faut ici connaître un autre Secret, c’est que comme l’Enfant des Philosophes est né en l’Air, tu ne sois point fort soigneux de souffler les charbons, et ne prends pas ce que je te dis pour jeu ni moquerie ; mais me croies car ton Œuvre serait toute perdue, si ce n’est que ta Terre soit toute revivifiée par Eau, tu ne verras jamais notre véritable Congélation. [Cette réflexion sur les charbons doit nous faire réfléchir : le charbon comme la chaux, est un corps réducteur. Or, Pernety lui-même emploie bien ce terme puisqu’il écrit : « L’un et l’autre s’embrassent enfin, et par la réduction ils deviennent absolument fixes. » Or, Ripley écrivait au XVIIe siècle où l’on ne savait rien des phénomènes d’oxydo-réduction. C’est pourtant le terme adéquat qui est employé ici. Mais voici ce que dit encore Pernety de la congélation :

« Congélation. En termes de Science Hermétique, signifie la même chose que coagulation. C’est proprement un endurcissement d’une chose molle, par le desséchement de l’humidité et la Fixation du volatil. C’est dans ce sens qu’Hermès a dit que la force de la matiere sera parfaite, si l’eau est réduite en terre; parce que tout le magistere consiste à réduire la matiere en eau par la solution, et à la faire retourner en terre par la coagulation. Congeler, teindre et fixer ne sont que la même opération continuée dans le même vaisseau ».

que le lecteur rapproche là ce que nous disions plus haut de la Pierre :

« C’est donc par élimination progressive de cette seconde partie, que notre Terre va acquérir les propriétés d’un Feu aérien pur, celui dont brille l’Escarboucle des Sages pour qui sait y retenir – et n’importe qui d’entre vous l’a déjà fait sans en mesurer la portée ésotérique – un rayon de soleil. Quant à l’Air, il va finir par se transformer en Eau pétrifiée, en océan pétré, après que l’élément aérien connu sous le nom de quintessence – le cinquième élément -y aura été entièrement consommé dans la parturition hermétique entre nos deux principes. »

Cette eau pétrifiée ne répond-elle pas à ce desséchement de l’humidité ; c’est au vrai, l’eau réduite en terre, l’Eau pétrifiée -]

Une Ame étant le Ciel et la Terre, montée de la Terre, comme l’Air avec l’Eau pure, cause la vie en chaque chose vivante, couvant incessamment sur notre nature quadruple, s’efforce de l’améliorer de tout son pouvoir.

Lequel Air est le Feu de notre Philosophie, appelé notre huile, et mystiquement notre Eau. [De même ici, dans cet Air qui représente le feu de la philosophie chymique, trouvons-nous l’exacte correspondance dans ce Feu aérien pur. Mais ce Feu, c’est aussi une huile fluente, visqueuse, qui contient nos soufres et c’est enfin notre Eau puisqu’il s’agit de la mer hermétique dans laquelle nagent les poissons gras et argentés de Jean D’Espagnet – Oeuvre secret, chap. 54 – Voyez aussi ce que dit Pernety de l’Air dans son Dictionnaire -]

En ce moyen Air que nous appelons huile, ou Eau, notre Feu, notre onguent, notre Esprit, et notre Pierre, en laquelle seule chose toute notre Science est fondée, ne sort jamais seule dehors ni n’entre jamais seule dedans, non pas par le Feu même ; mais l’Eau la mène premièrement dehors et après la ramène dedans, comme l’Eau ne se sépare jamais de l’Eau. [L’Air des alchimistes est donc bien particulier. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il s’agit d’un élément liquide dans un état de grande viscosité et porté à une haute température. C’est « l’oiseau volant sans aile ». On peut imaginer des phénomènes de convection qui amènent une circulation du Compost ; cette convection pourrait qualifier au mieux ces « ascensions et descensions » dont parlent certains textes]

Ainsi l’Eau peut seulement mouvoir notre Eau, lequel mouvement cause tant la mort que la vie : car l’eau s’attache naturellement à l’Eau, dans aucune contrariété ni répugnance, laquelle Eau est entièrement ignorée des fols, vu qu’elle est sans doute de la nature de l’Esprit calciné, et celui qui mène dehors.

Et l’Eau est le Soleil de vie de toutes choses qui sont subsistantes en ce monde, car de l’Eau chaque chose a son commencement, comme il se remarque aux femmes qui avant d’accoucher se délivrent par les Eaux qu’elles rendent, si toutes choses vont bien, qui s’appellent Albron, lesquelles découlent premièrement d’elles avant l’enfantement, non sans de grandes douleurs.

Et certainement c’est là la principale cause, pour laquelle les Philosophes nous ont commandé d’être patients jusqu’à ce que l’Eau fût toute séchée en poudre, la nourrissant en chaleur continuelle et non violente, car les qualités de chaque Elément sont contraires, jusqu’à ce qu’après la noirceur l’union en soit faite en la blancheur congelée, pour jamais, sans division. [Cette eau congelée semble de nature différente de celle dont parle Pernety à l’article crachat de Lune, de son Dictionnaire :

« Crachat de Lune – C’est la matiere de pierre philosophale avant sa préparation. Les Sages donnent aussi ce nom à leur mercure préparé. Plusieurs Chymistes ont donné le nom de Crachat de la Lune, ou Sputum Lunae, ou flos cœli, et ont travaillé avec lui, comme sur la véritable matiere du grand œuvre ; et il est vrai que ce flos cœli est bien capable d’induire en erreur. Il est assez difficile de décider de sa nature. C’est une espece d’eau congelée, sans odeur et sans saveur, ressemblant à une fraise de peau verte, qui sort de terre pendant la nuit, ou d’abord après la cessation d’un grand orage. Dans les plus grandes chaleurs, cette matiere conserve une froideur très-grande quand on la tient à l’ombre. Sa matiere aqueuse est très volatile, et s’éva-pore à la moindre chaleur à travers une peau extrêmement mince qui la contient. Elle ne se dissout ni dans le vinaigre, ni dans l’eau, ni dans l’esprit de vin; mais si on renferme le flos cœli tout nouveau dans un vase bien scellé et luté, il s’y dissout de lui-même en une eau extrêmement puante, sentant comme les excrémens humains, très-corrompus, ce qui manifeste une abondance de soufre volatil. Au commencement de la dissolution, l’eau dans laquelle se résout cette matiere, paraît de couleur bleu céleste, puis violette, ensuite rouge, pourprée, et s’éclaircissant après cela, elle devient couleur d’aurore, et enfin ambrée couleur d’or. La pellicule surnage très-longtemps dans cette eau; et il se précipite au fond du matras, dès le commencement de la dissolution, une espece de poudre blanche comme de l’amidon. Mais pour cela il faut avoir cueilli le flos cœli avant le lever du soleil, et l’avoir nettoyé exactement, morceau à morceau, de toute la terre et autres matieres étrangeres qui pourraient s’y être attachées. Plusieurs personnes m’ont assuré qu’on faisait avec le flos cœli un excellent remède pour guérir un nombre de maladies. Il faut avoir soin de ne point toucher ni cueillir le flos cœli avec aucun métal, mais seulement avec du bois ou du verre. »

Ce flos coeli semble se rapporter au nostoc qui a abusé beaucoup d’alchimistes. La véritable nature du flos coeli est la rosée de mai, autre nom du Mercure. Cette rosée apparaît dans le Compost après la phase de putréfaction, symbolisée par Saturne. A ce sujet, il paraît intéressant d’étudier non seulement les régimes planétaires, mais surtout le médiateur entre chaque régime. Ainsi, entre Saturne et Jupiter, la transition nous est donnée par Métis. Personnification de la Prudence – voir section des Gardes du corps – fille d’Océan et de Téthys, Métis fut la première femme de Zeus : elle était magicienne et offrit une potion magique à Cronos, qui, l’obligea à restituer ses enfants, les Titans, qu’il avait tous avalés. On peut y voir la transition entre la phase de putréfaction et le blanchiement du laiton.]

Toute cette conversion d’une chose en l’autre, et d’un état en l’autre, se fait par discrète et naturelle opération de Nature, comme fait le Sperme de l’homme dans la matrice de la femme, Car le Sperme et la chaleur sont le frère et la sœur, qui se convertissent par eux même et produisent un homme parfait, suivant les opérations de la Nature à agir ou à pâtir. Ainsi notre Pierre en son Verre, la nourrissant par chaleur tempérée, se convertit en notre Pierre. L’exemple de l’œuf qui se convertit en poulet par chaleur tempérée, est une similitude aussi fort convenable à notre Œuvre. De même que l’exemple des plantes végétales, qui ne croissent que par moiteur et chaleur. [Ripley veut ici parler des deux natures métalliques. On peut les comparer aux deux Dragons dont parle N. Flamel dans ses Figures hiéroglyphiques et qui sont ces serpents envoyés par Junon – le symbole de la nature métallique – qu’Hercule doit étrangler dans son berceau. Junon préside au mariage et les femmes en couches implorent son aide sous la dénomination de Juno Lucina. Elle épaule la parturition hermétique et représente donc le symbole des Soufres. Le frère et la soeur sont à l’image des serpents qui s’enroulent autour du caducée d’Hermès. ]

Les Minéraux sont nourris par l’administration de moiteur radicale qui est leur commencement, n’outrepassant point leur genre. Ainsi en un seul Verre nous changerons de nouveau une chose en autre, c’est-à-dire en leur mère qui est l’Eau, quand ils sont transformés : lequel principe ignoré tu travailles en vain. Mais alors tout est Sperme, et il n’y a autre chose que genre avec genre, deux en nombre, mâle et femelle, agent et patient, en la matrice de la Terre très précieuse, et iceux sont tournés de chose en chose, dans un Verre. Et ainsi d’état en état, jusqu’à ce que Nature les amène en une substance régénérée. Ainsi le Sperme en son genre est altéré, apte et capable en semblable genre, de multiplier son genre. [Il faut ici évoquer à nouveau la cheminée alchimique du château de Fontenay-le-Comte – voir sections des Principes et Introïtus, V – Mercure- qui traduit de façon magistrale cette génération :

FIGURE IV
(détail de la cheminée alchimique)

Munis de toutes nos informations, il est possible de compléter l’interprétation du médaillon central de la cheminée. L’écusson central ne figure pas autre chose que la Pierre : triangulaire dans sa forme, quadrangulaire dans son état et circulaire dans son origine. C’est ce qu’indiquent d’abord les trois étoiles qui symbolisent les trois roues qui sont nécessaires, selon d’Espagnet, pour assurer la bonne circulation des éléments.

Ces étoiles figurent les matières de l’oeuvre prises à un état différent du travail : la 1ère étoile signale la putréfaction ou régime de Saturne ; la 2ème étoile signale la blancheur par laquelle le laiton est lavé de ses haillons et où l’on peut supputer que les deux natures métalliques sans être radicalement liées, du moins acquièrent une liaison labile ; la 3ème étoile signale la coagulation du Compost.

Le chiffre 4 a un aspect irrégulier où se devinent des propriétés hermétiques : la croix, en haut et à droite signale le creuset et, située sur la barre horizontale, elle veut dire que la coction doit être linéaire à un stade tardif de l’oeuvre. Quant aux lettres I et M, leur sens reste inconnu -]

Pendant le temps de ce progrès naturel, et que le Sperme conçu croît, la substance est nourrie de son propre menstrue, lequel seulement par Eau a été mené hors de la Terre, dont la couleur parait verte, à la première vue, et durant ce temps le Soleil cache sa lumière, prenant son cours de nuit par le Septentrion. [Sur le vert, voyez les notes du commentaire de la Nouvelle Lumière chymique -]

Je te dis en Secret que le sang de ce Menstrue est le sang de notre Lion vert, et non du vitriol. (Dame Vénus aura soin de vous enseigner la vérité de ce Secret, si vous prenez soin de lui demander son conseil dès le commencement). Ce Secret est caché par tous les Philosophes. Lequel sang tiré hors du Lion faute de chaleur, n’a pas eu parfaite digestion.

[Voici une partie de ce que dit Pernety sur le Lion vert :

 » les Philosophes dislinguent plufieurs sortes de Lions verts. Par le premier ils entendent le soleil ou l’astre qui nous éclaire , & qui fait tout végéter dans le monde. Par le second, le mercure , non le vulgaire, mais celui qui esl commun à tous les individus , & par conséquent plus commun que l’argent-vif ou mercure commun; ce qui a fait dire aux Philofophes, que leur mercure se trouve partout & dans tout. Par le troisiéme ils entendent la dissolution même de leur matiere, qu’ils appellent aussi Adrop. Par le quatrième , c’est cet Adrop ou vitriol Azoquée, appellé Plomb des Sages. Par le cinquiéme,c’est leur menstrue puant, que Riplée, Raymond Lulle, Géber & tant d’autres nomment Esprit puant, Spiritus foetens ,ou Sang du Lion vert. Par le sixième ils entendent le vitriol commun, qu’ils nomment Lion vert des fols , quelquefois le vert-de-gris. Le septième eft le mercure vulgaire fublimé avec le sel & Ie vitriol, mais qui n’est point la vraie matiere des Sages. Riplée appelle quelquefois ce Lion vert , Sericon. On en tire deux esprits visqueux ,le premier blanc, opaque, ressemblant à du lait, ce qui lui a fait donner le nom de Lait de la vierge [1,2] , & par Paracelse Colle de l’aigle, Gluten aquilae. Lc second esprit est de couleur rouge, très-puant, appellé communément Sang du Lion vert. Ce sont ces efprits que les Philofophes, à l’imitation de Raymond Lulle, ont appellé Vin blanc & Yin rouge, ce qu’il ne faut point entendre du vin blanc ou vin rouge communs. » [Dictionnaire mytho-hermétique]

Comme on le voit, la matière du Lion vert semble rien moins que connue. Voir à ce sujet les renvois récents : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 – La septième définition du Lion vert recouvre sans doute la préparation du bioxyde de mercure ou précipite per se àHuginus à Barma – La sixième définition recouvre l’un des vitriols, en l’occurence du sulfate de fer non calciné en blancheur àDragon écailleux – La cinquième définition donne l’un des noms du Mercure philosophique lors de la phase de putréfaction qui correspond vraiment à « l’oeuvre au noir » – sur la troisème définition, on a vu que George Aurach n’était pas du même avis que Pernety. L’Adrop -1, 2 – désigne sans doute l’un des autres noms du Mercure. La deuxième définition procède d’un contre-sens de Pernety car lorsque les alchimistes disent que leur Mercure se trouve partout, ils veulent qualifier soit l’Esprit universel qui correspond sans doute à un acide (carbonique) soit le nitre qui est le côté « vénusien » du Mercure. La première définition est d’essence astrologique : le Soleil est par tradition le maître du signe zodiacal du Lion]

Et ce sang est appelé notre Secret Menstrue, duquel notre Sperme est nourri avec tempérament, quand il est tourné en fèces corporelles, dûment blanc, et parfaitement sec, congelé et fixé en son propre corps, alors il peut bien paraître à la vue (en couleur de lait). Et ce sang étant deux fois cuit, cette Œuvre s’appelle le Diadème très blanc.

Entends aussi maintenant que notre Eau ignée étant ainsi aquée, est appelée notre Eau menstruale, dedans laquelle notre Terre est dissoute et naturellement calcinée par Congélation ; tellement qu’ils ne peuvent jamais se séparer. Toutefois tu ne dois pas cesser de congeler plus d’Eau, et jusqu’à trois parties de la dite Eau aquée, avec la quatrième partie de la Terre congelée, et non plus.

A cette substance ainsi congelée mets la quatrième partie de l’Eau cristalline, et fais qu’ils soient épousés ensemble par congélation, par le moyen du Métal : lequel comme une épée nouvellement fourbie, reluira après la noirceur, laquelle premièrement se montrera. Alors donne-lui la quatrième partie de la nouvelle Eau.

Elle doit encore avoir plusieurs imbibitions ; donne lui la seconde, et après la troisième, en gardant toujours la proportion, puis donne-lui la quatrième imbibition, la cinquième, et la sixième, et mets deux parties à chaque fois de ces trois, et la septième doit avoir cinq parties.

Quand tu auras fait sept fois Imbibition, il te faut derechef tourner la roue et pourrir toute cette matière sans addition, en attendant premièrement la noirceur si tu veux faire bien ; alors congèle là toute en blancheur et tu auras mené ta base à sa fin. Et ensuite monte à la rougeur par le Midi. [Sur les imbibitions, voir les Gardes du corps – Voici ce qu’en dit l’anonyme d’Huginus à Barma :

« car cette matière doit avoir assez d’espace pour circuler librement, parce que cette rosée mercurielle, animée & mise en mouvement par la chaleur extérieure, monte & descend successivement, & c’est par le moyen de cette révolution oblique que s’opèrent les sublimations, les imbibitions, les arrosements, les précipitations, les cohobations, les séparations des éléments, les digestions, &c. sur lesquelles les Philosophes ont écrit des chapitres particuliers, pour jeter les Sophistes dans l’erreur, car toutes ces opérations ne se font pas dans différents vases, mais dans un seul & par un feu simple. »

Et nous ajouterons que les Artistes disent aussi qu’il y n’y a qu’une seule opération qui consiste à dissoudre et coaguler. On ne se rend pas compte de l’importance fondamentale de la formule « solve et coagula » ; elle ne prend tout son sens que lorsqu’on possède une certaine connaissance des textes et de l’esprit alchimique -]

Ainsi ton Eau est divisée en deux parties : avec la première les Corps sont putréfiés, et avec la seconde tu en as fait les Imbibitions, après lesquelles la matière devient noire, et aussitôt après elle devient blanche sur un feu doux ; et cela s’appelle par les Philosophes un Soleil de splendeur céleste. Réduis-le ensuite à rougeur et tu auras vaincu la difficulté qui se rencontrait pour entrer en la sixième Porte. [Au seuil de la septième porte, nous allons dire encore quelques mots des imbibitions, en citant Batsdorff :

« Les Chimistes même se persuadent que cette Science est de leur compétence et non de celle d’autrui, voyant souvent dans leurs Livres les termes de Sublimations, Solutions, Digestions, Calcinations,Imbibitions, Coagulations, et une infinité d’autres termes, dont on se sert dans la Chimie. » [Filet d’Ariadne, avertissement]

Il est certain que l’alchimie se sert de points particuliers de la chimie, tenant surtout de réactions d’oxydo-réduction conduites dans un milieu à haute température – par la voie sèche – et utilisant ensuite un artifice qui, comme des alchimistes modernes comme Fulcanelli l’ont souligné, tient davantage de la physique que de simples expériences de chimie. Le mot clef est celui de cristal – Quant à l’alchimie, nous dit le même auteur :

« Ils ne l’enseignent donc pas de suite comme font tous les autres Auteurs, mais en confusion et sans ordre mêlant toutes les parties et différentes chose avec des termes différents, imposants cent noms différents à la même chose, et nommant d’un même nom diverses matières et divers sujets. Ils lui donnent divers noms suivant les diverses couleurs ou changements qui arrivent dans le progrès du travail : quand elle est au noir, ils la nomment leur airain ; quand elle a passé de la noirceur à la citrinité, leur or ; quand elle est venue à une troisième couleur, la fleur de l’or ; quand elle a encore passé outre, ils l’appellent ferment : et quand elle est au rouge parfait, le venin des Teinturiers »

ll semble que la couleur citrine ait un rapport avec la Lune hermétique et il s’agit peut-être du dissolvant des Sages. Voici une citation de Limojon extraite de sa Lettre aux Vrais disciples d’Hermès (troisème Clef) à propos de la citrinité:

« …je veux vous révéler un secret…Les uns se sont contenté de dire, que de leur liqueur on en fait deux Mercures, l’un blanc, et l’autre rouge. Flamel a dit plus particulièrement qu’il faut se servir du Mercure citrin, pour faire les imbibitions au rouge ; il avertit les enfants de l’art de ne pas se tromper sur ce point ; il assure aussi qu’il s’y serait trompé lui-même, si Abraham Juif ne l’en avait averti… Je vous ai développé un grand mystère…le Cosmopolite l’a touché fort spirituellement par une fameuse allégorie en parlant de la purification et de l’animation du Mercure : Cela arrivera, si tu donnes à dévorer à notre vieillard l’or et l’argent, afin qu’il les consume, et que lui-même enfin devant aussi mourir soit brûlé… »

et on lit dans la Tourbe :

« Sachez que notre œuvre a plusieurs noms, lesquels nous voulons décrire. Magnésie, Kukul, Soufre, Vinaigre, Pierre citrine… »

voir pour ce terme : 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11 . Cette coïncidence entre la citrinité et la Lune est d’autant plus précieuse que l’apparition de cette couleur se signale au moment où, du régime de la Lune, nous passons à celui de Vénus. C’est bien, en tout cas, ce qu’écrit Philalèthe :

« C’est pourquoi, si tu as travaillé sur le Soleil vulgaire, prends soin de réaliser le mariage de Diane et de Vénus au début des noces de ton Mercure; puis place-les dans le nid, et, avec le feu requis, tu verras le tableau coloré du Grand oeuvre, à savoir le noir, la queue du paon, le blanc, le citrin et le rouge. » [Introïtus, 19]

Signalons au passage que les couleurs irisées qui rappellent celles de la queue de paon semblent intermédiaires entre le noir et le blanc. Le paon est l’animal sacré de Junon ; Junon, chacun le sait, est la femme de Jupiter ; or, Pernety nous dit que le régime de Jupiter, intermédiaire entre celui de Saturne et celui de la Lune, a pour couleur le gris.]

DE LA CIBATION ou NOURRITURE

Septième Porte

CIBATION est la nutrition ou nourriture de notre Matière seiche, de lait puis de viande, lui donnant modérément de chacun, jusqu’à ce qu’elle soit réduite au troisième ordre. Mais ne lui donne jamais tant que tu puisses la suffoquer. Garde-là d’hydropisie et du déluge de Noé ; c’est pourquoi tu lui donneras de la viande peu à peu, et l’abreuvera autant qu’elle en aura besoin, de peur que les humeurs aqueuses ne surmontent le sang. Que le boire soit aussi tellement mesuré, que jamais tu n’éteignes son appétit naturel. [Dom Pernety écrit à l’article Cibation :

« Nutrition de la matiere seche des Philosophes avec son propre lait, donné modérément. Riplée. Si l’on donne ce lait en trop grande abondance, l’enfant deviendra hydropique, et la terre sera submergée par le déluge. Il faut donc l’administrer peu à peu et avec proportion. »

On ne voit pas que cette « nourriture » de la Pierre soit apportée manuellement dans la voie sèche comme dans la voie humide, puisque le matras est scellé. C’est donc par cabale qu’il faut entendre l’opération de la cibation. Voyons ce que les grands auteurs nous disent là-dessus :

« Les lois du mouvement de ce cercle sont qu’il tourne lentement et par degrés, et qu’il répande (l’humide) avec retenue, de peur que s’il était trop précipité, il ne s’éloigne de sa juste mesure, et que le feu, tant naturel qu’enté, qui est l’architecte de tout l’ouvrage, une fois recouvert par les eaux ne perde sa vigueur, ou même ne s’éteigne. Il faut aussi que la nourriture solide et la liquide soient prises tour à tour, afin que la digestion se fasse mieux, et que la proportion du sec et de l’humide soit plus parfaite, car leur liaison indissoluble est la fin et le corps de l’ouvrage. Prends garde donc de mettre autant d’humide lorsque tu arroses, qu’il ne s’en est consumé dans la chaleur de l’évacuation, afin que la restauration, qui est corroborative, restitue autant de forces perdues que l’évacuation débilitante en aura enlevées. » [l’Oeuvre secret d’Hermès, D’Espagnet, 89]

On doit comprendre que les aliments en question sont ceux qui ont été déposés en même temps que le Mercure, avant le début de la coction : les deux Soufres. C’est eux qui constituent la nourriture solide et la prise alternée du sec et de l’humide signifie les cohobations philosophiques, par lesquelles le laiton se charge de plus en plus et est peu à peu blanchi, avant que de passer à la couleur citrine. Artéphius semble d’avis que la cibation est une opération qui débute dès le 3ème acte :

« Cuis (dit Adfar) avec un feu doux, comme pour la nourriture et naissance des poulets des œufs, et jusqu’à tant que les corps soient dissous, et que leur teinture (note bien) qui sera très amoureusement l’une avec l’autre conjointe, sorte entièrement. Car elle ne sort, et ne s’extrait pas toute á la fois, mais seulement elle sort peu à peu, chaque jour, chaque heure, jusqu’à ce qu’après un long temps cette dissolution soit faite entièrement, et ce qui est dissout, dès l’instant s’en va sur l’eau. Il faut qu’en cette solution le feu soit lent et doux, continuel, jusqu’à ce que les corps soient fait eau visqueuse, impalpable, et que toute la teinture sorte du commencement en couleur noire, ce qui est signe de vraie dissolution, et que puis après, par longue décoction, elle se fasse eau blanche et permanente. » [Livre secret]

l’anonyme d’Huginus à Barma est d’avis qu’il ne faut point ajouter de chose étrangère à l’Athanor :

« Notre pierre ne doit prendre aucun aliment qui lui soit étranger, ainsi il faut la nourrir de son propre lait, en lui conservant soigneusement son tempérament, tant de la part du poids, que quant à la qualité de la nourriture qu’il est juste de lui donner, & prendre garde à tous égards qu’elle ne souffre aucun dommage. Nous voyons en effet que les bois, les métaux & autres choses semblables, lorsqu’ils restent longtemps ensevelis dans le sein de la terre, se pétrifient en conservant extérieurement leur première forme, parce qu’ils acquièrent un autre tempérament ou constitution, en le nourrissant d’un aliment étranger, d’un aliment en quelque sorte contraire à leur Nature. » [chap. XLVIII]

C’est un exemple de métamorphisme parmi ceux que nous avons étudié dans la section du Mercure de nature, que ce qui est décrit du devenir du bois qui se pétrifie peu à peu. Finalement, nous pouvons donner un nom à cette nourriture de la Pierre : c’est le lait de Vierge. ]

Car si elle boit trop il faudra qu’elle vomisse, ou autrement elle sera trop longtemps malade. Ainsi gardes son ventre d’hydropisie et de flux, sinon la chose n’ira pas bien. Mais plutôt laisse-là avoir soif pour boire entre deux, et prends garde de ne lui en pas donner trop à la fois ; car en sa jeunesse elle doit être mise à la diète à propos. [Nous renvoyons ici le lecteur aux premières expériences de synthèse minéralogique de J.J. Ebelmen ; il comprendra aisément en quoi notre Pierre peut être atteinte soit d’hydropisie, soit se déchesser prématurément]

Mais ordonne-lui la diète comme Nature le requiert, c’est à dire très modérée, jusqu’à ce qu’elle soit en âge, la gardant de l’Eau et la nourrissant de Feu moite, alors elle croîtra et augmentera en courage, et te donnera plus de profit, car elle fera les Corps malades sains et lucides, en nettoyant leur lèpre par sa vertu.

Il faut que tu tournes la roue trois fois alentour, gardant la règle de la tiède et de la Cibation, et lorsqu’elle sentira le Feu elle sera preste à se liquéfier comme cire. Je t’ai dit la diète la plus convenable, après que les Eléments sont faits équipollents. J’ai dit aussi comment tu réduiras ton Or à blancheur, de figure semblable à la fleur de l’épine blanche, appelée Magnésie, notre Soufre blanc incombustible, lequel ne s’envolera jamais du Feu. Ainsi nous sommes parvenus au lever du Soleil. [Il faut encore citer un passage de Basile Valentin qui exprime à merveille le vrai pouvoir de la cibation :

« Accordez-moi la grâce que je puisse toujours vous admirer en vos œuvres et vous louer éternellement dans mon cœur; que je puisse, outre la santé et la nourriture corporelle que votre bonté infinie m’a données, obtenir celle de l’âme en votre céleste demeure, de laquelle je n’ai aucun doute, puisqu’en l’Arbre de la Croix vous avez répandu le vrai Baume et le Soufre céleste, pour moi, pauvre pécheur, et pour tous les autres… » [Char Triomphal, prière de l’Auteur]

Beau moment de kabbale : Basile veut dire que la conception de la Pierre dépend du pouvoir qu’aura le Mercure – céleste demeure, c’est-à-dire le firmament des Philosophes – de maintenir longtemps en solution le Soufre rouge avant qu’il puisse s’associer au Baume – qui constitue le Soufre blanc : le baume est au départ de la résine de baumier et la résine a toujours désigné le Soufre blanc – l’Arbre de la croix étant le symbole des Quatre Eléments. Pernety nous dit à propos de la Croix :

« Jean de Roquetaillade, connu sous le nom de Jean de Rupescissa, et Arnaud de Villeneuve disent dans leurs ouvrages sur la composition de la pierre des Philosophes : il faut que le Fils de I’Homme soit élevé sur la croix avant que d’être glorifié; pour désigner la volatilisation de la partie fixée et ignée de la matiere. Jean de Dée, Anglais, a fait dans son traité de l’oeuvre des Sages, une comparaison très étendue de la pierre philosophale, avec le mystère de notre Rédemption. » [Dictionnaire]

En fait, et c’est Batsdorff qui nous le dit, le meilleur aliment de notre Pierre, c’est encore le Feu :

« mais au contraire, la Pierre des Sages est fondante au feu et y demeure volontiers, d’autant qu’il est sa nourriture et qu’il cause sa perfection, pour cet effet les Philosophes ont nommé pierre tout ce qui persiste au feu » [Filet d’Ariadne, discours préliminaire]

Mais, dans le même temps, la nourriture de la Pierre, c’est aussi la Terre et elle tire en somme, sa substance, des Quatre Eléments : elle tient en effet de Zeus par son origine, spirituelle ; de Poséidon par son berceau, l’Eau permanente ; de Gaïa par sa substance, chthonienne et enfin d’un Feu d’origine plutonienne, où l’on peut deviner l’influence de Ploutos]

DE LA SUBLIMATION

Huitième Porte

POUR bien sublimer, tu ne failliras point si tu peux premièrement faire les Corps spirituels, et (comme je t’ai montré) les Esprits corporels. [C’est très exactement ce qu’exprime la devise : « solve et coagula ». Les Soufres doivent être sublimés dans la substance même du Mercure : c’est rendre les corps spirituels. Puis après un temps qui doit être suffisamment long, les Soufres sont réincrudés en une substance unique, qui est la matière même de la Pierre : c’est rendre les esprits corporels]

D’aucuns subliment le Mercure avec le Vitriol, le Sel commun et autres Esprits, et aussi avec des écailles de fer et d’acier, des écailles d’œufs calcinés, et de la chaux vive. Et quoi qu’à leur manière ils subliment très bien, néanmoins leur Sublimation ne s’accorde en rien avec la notre. Mais nous te montrerons maintenant la vraie Sublimation. [Ripley se montre ici bien envieux : les vitriols sont très utiles dans l’oeuvre, voir le Dragon écailleux. Les écailles de fer sont des battitures qui participent du Soufre rouge et la chaux vive, quand elle est éteinte, joue un rôle capital dans des phénomènes d’oxydo-réduction en permettant de ramener des sels métalliques à leur degré minimum d’oxydation, voire à les transformer en métal à l’état très divisé : voir sections voie humide et aventurine -]

En notre Sublimation avant toutes choses, prends garde que tu ne sublime pas fort jusqu’au bord du vaisseau, car par violence tu ne la feras point descendre, mais elle voudra adhérer et demeurer là, tant elle se rejoint avec réfrigération. Relève là donc avec chaleur tempérée en bas, 40 jours entiers, jusqu’à ce qu’elle soit noire et brune. [ces quarante jours ont une valeur toute symbolique. nous en discutons dans la section de l’Olympe hermétique -]

Car alors l’Eau commence à sortir hors de ses propres veines, parce que ce qui est subtil veut toujours monter avec l’Esprit. C’est pourquoi aie ceci en ta mémoire, et considère comment les Corps sont ici évanouis ou éclipsés, et à même qu’ils se pourrissent, sublime de plus en plus, jusqu’à ce qu’ils soient tous élevés avec l’Eau.

Ainsi quand ils ont jeté leur venin dehors, alors la noirceur se montre en l’Eau, et en chacune de leurs parties, et deviennent spirituels, en les sublimant aisément à notre manière avec l’Eau, laquelle l’emporte avec elle. Car il faut qu’ainsi notre Enfant soit derechef né en l’Air par Eau, comme je t’ai déjà dit. [C’est l’une des parties du Grand oeuvre qui est difficile à comprendre car quantité d’alchimistes ont écrit comme si la sublimation se faisait dans un matras ou dans un vase ; certes, il s’agit bien d’un vase…mais du vase de nature. Dès lors, on comprend mieux ce que veut dire Ripley quand il écrit que « l’enfant soit né en l’Air par Eau ». Il faut entendre que les Soufres sont sublimés dans la matière même du vase, c’est-à-dire dans le Mercure -]

Mais quand ces deux par Sublimation continuelle, sont ainsi élaborés par chaleur humide et tempérée tout ensemble, en sorte que tout soit blanc et fait spirituel, alors le Ciel doit être réitéré (par-dessus la Terre) jusqu’à ce que l’Ame soit incorporée avec le Corps, afin que tout ce qui auparavant était Ciel devienne Terre : laquelle chose se fera en sept Sublimations. [Ripley reste dans la grande tradition hermétique et ces sept sublimations ont dû faire couler beaucoup d’encre et fatiguer bien des esprits – sur le symbolisme du chiffre 7, consultez : Gardes du corps – Olympe hermétique – Matière – Le Cosmopolite semble estimer que ces sublimations se font en sept mois, et non pas qu’il y en ait sept – Nouvelle Lumière chymique, note 60 – De même le chiffre 7 est engagé dans le nombre des planètes, des oxydes, et Sethon en parle lors de l’allégorie du Jardin enchanté :

« Entre plusieurs de ces arbres, il m’en montra sept qui avaient chacun leur nom; et entre ces sept j’en remarquai deux principaux et plus éminents que les autres, desquels l’un portait un fruit aussi clair et aussi reluisant que le Soleil, et les feuilles étaient comme d’Or; l’autre portait son fruit plus blanc que lys, et ses feuilles étaient comme de fin Argent. Neptune les nommait, l’un Arbre solaire et l’autre Arbre lunaire […] » [Nouvelle Lumière Chymique ]

On se souviendra aussi du fait que le mot V.I.T.R.I.O.L. comporte sept lettres. C’est ce que laisse entendre l’auteur anonyme des Préceptes du Père Abraham, cité par Pontanus :

« Il faut tirer cette eau primitive et céleste du corps où elle est, et qui s’exprime par sept lettres selon nous, signifiant la semence première de tous les êtres, et non spécifiée ni déterminée dans la maison d’Ariès pour engendrer son fils. C’est à cette eau que les Philosophes ont donné tant de noms, et c’est le dissolvant universel, la vie et la santé de toute chose… » [Epitre]

Lorsque l’Anonyme écrit que cette semence est « non spécifiée ni déterminée dans la maison d’Ariès », peut-être pouvons-nous y voir une allusion au fait qu’il existe plusieurs types de vitriol et que le pricnipal est qu’il figure l’Esprit universel dans la matière. Dans le domaine de la teinture, le garançage sur laine exige une technique qui dure sept jours :

« Le garançage sur laine réclame toutes les précautions que nous venons d’indiquer pour obtenir un beau rouge franc. On y procède au moyen de deux opérations. L’une, appelée bouillon, a pour but de mordancer l’étoffe, qu’on fait bouillir à cet effet pendant trois heures dans un bain contenant pour 100 kilogrammes de laine, 25 kilogrammes d’alun et 6 kilogrammes de tartre, et qu’on laisse séjourner pendant sept ou huit jours dans un endroit humide et fermé, après l’avoir retirée du bain. » [la Teinture, Jules Pelouze]

Ce qu’il y a d’intéressant ici, c’est qu’on trouve deux matières, l’alun et le tartre que l’on utilise très souvent par la voie sèche ; le fait que l’on obtienne une couleur rouge franc n’est pas moins notable. On aura intérêt à méditer aussi ces paroles de Roger Bacon :

« Que votre feu soit calme et doux ; qu’il se maintienne ainsi chaque jour, toujours uniforme, sans faiblir, sinon il s’ensuivra un grand dommage. – Sois patient et persévérant. – Broye sept fois. – Sache que tout notre magistère se fait d’une chose, la Pierre, d’une seule façon, en cuisant et dans un seul vase. – Le feu broye. – » [Miroir d’alchimie]

Il s’agit là encore des sept sublimations – Notez que l’époque de l’oeuvre où ces sublimations doivent être effectuées n’est pas univoque :

« Prenez une part de très bon nitre pur et deux parties de chaux vive, meslez-les bien ensemble en les broyant très subtilement et faites-les calciner par trois heures au fourneau à vent. Puis faites extraction du sel des fèces avec de l’eau commune bien pure ; et coagulez à siccité par évaporation de l’eau, puis cimentez ce sel derechef avec de nouvelle chaux vive et calcinez-le comme la première fois, et faites-en l’extraction de nouveau avec de nouvelle eau chaude, et coagulez le sel en évaporant ; répétez sept fois ce travail ; enfin par ce moyen le nitre sera converti en huile, et ne se coagulera plus ni à chaud ni à froid, mais il demeurera fixe et liquide enforme d’huile, que vous garderez. »

Ce passage nous décrit un des modes de préparation possible du tartre vitriolé ; la coagulation du nitre en huile, de même, ne peut évoquer que la préparation de l’alkali fixe de Lémery.

Et on peut aussi trouver des indications sur le poids des matières à employer, comme semble le suggérer Batsdorff :

« Puisqu’il faut que toutes choses soient proportionnées, et que l’Artiste conduise son ouvrage avec grande prudence, il doit avoir deux paires de Balances accompagnées ou assorties de leurs poids convenables, savoir une à peser jusqu’à sept livres, qui servira à peser la matière philosophale de laquelle on fait le dissolvant, et l’autre, qui pourra peser depuis sept ou huit once jusqu’à un grain, pour savoir au vrai combien on fera de dissolvant, à chaque fois qu’on en aura besoin, combien on en mettra dans l’œuf […] » [Filet d’Ariadne, Les Balances]

Mais, au dire de Salomon Trismosin, ces sublimations prennent le sens de couleurs et définissent 7 couleurs qui doivent se succéder :

 » Lorsque la chaleur pénètre, elle rend les choses grossières et terrestres subtiles et spirituelles qui s’accommodent à la matière, non pas à la forme finale, ne cessant d’opérer avec elle moyennant cette chaleur susdite. Ce que les Philosophes appellent, plus ouvertement, distiller par sept fois, entendant les sept couleurs qui se font par la décoction continuée dedans un seul vaisseau et sans y toucher, laissant faire la Nature qui les délie et mêle d’elle-même par ses poids naturels. » [Toyson d’or, réflexion du pseudo-Socrate]

Citation complétée ainsi par Trismosin :

« C’est pourquoi aucuns de nos docteurs nous ont laissé par écrit que le cuivre philosophal sera du tout parfait en sept jours par lesquels nous entendons les sept couleurs métalliques, dont la rougeur parfaite est la dernière ; d’autres ne lui prolongent son terme de perfection plus avant que de quatre jours, qui se peuvent rapporter aux quatre couleurs principales que plusieurs lui attribuent seulement, et desquelles principalement dépend toute l’œuvre, d’autres ne lui donnent que trois jours, qui sont termes attribués aux trois plus fortes et plus nécessaires couleurs permanentes en la matière […] » [Toyson d’or]

Le cuivre philosophal désigne ici le laiton qu’il faut blanchir et qui n’est encore que l’Airain.

On observe que Trismosin simplifie le raisonnement au fur et à mesure – Finalement, nous retombons sur ce que nous disions sur la Pierre : triangulaire dans sa forme, quadrangulaire dans son état et circulaire dans son origine – Voyez aussi sur cette allégorie du chiffre 7 : Philalèthe, Introïtus, VI et III ; Expériences sur le Régule étoilé d’antimoine – le Songe verd – la Clavicule – le Chemin du ciel chymique – Quant au texte de Cyliani, il n’est compatible qu’avec la voie humide mais nous avouons bien volontiers ne pas comprendre ce qu’il veut dire. Voici cet extrait :

« On prend cette cendre que l’on fait dissoudre peu à peu à l’aide du nouvel esprit astral, en laissant après la dissolution et la décantation, une terre noire qui contient le soufre fixe. Mais en réitérant l’opération sur cette dernière dissolution, absolument comme nous venons de la décrire précédemment, on obtient une terre plus blanche que la première fois, qui est la première aigle, et l’on réitère ainsi sept à neuf fois. On obtient par ce moyen le menstrue universel, ou le mercure des philosophes, ou l’azote, à l’aide duquel on extrait la force active et particulière de chaque corps. » [Hermès Dévoilé]

S’agit-il de la préparation de l’alkali fixe ou carbonate de potasse ? Fulcanelli nous assure que ces sublimations sont celles que :

« …décrit Callimaque dans l’Hymne à Délos, lorsqu’il dit en parlant des cygnes : « (Les Cygnes) tournèrent sept fois autour de Délos…et ils n’avaient pas encore chanté la huitième fois, lorsque Apollon naquit » [Mystère des Cathédrales, p. 116]

Ce passage crée le doute ; il semble désigner le 2ème oeuvre, c’est-à-dire la préparation du Mercure philosophal. Apollon, frère de Diane aux cornes lunaires ne peut être que l’un des composants du Mercure. Mais, désignerait-il le 3ème oeuvre ? Il faudrait y voir alors la naissance d’Apollon, le Soleil hermétique et Délos désignerait alors la Pierre mais, nous le répétons , la symbolique de Diane et d’Apollon en font des attributs du Mercure – voir là encore Philalèthe, Introïtus, VII -]

Nous faisons la Sublimation pour trois causes ; la première pour faire le Corps spirituel, la deuxième afin que l’Esprit puisse être corporel et qu’il demeure fixe avec lui, et d’une même substance, et la troisième est que la Salure sulphureuse soit diminuée en lui, laquelle est infructueuse. [Une allégorie doit être spécialement signalée. D’Espagnet dit que, dans cette époque de l’Oeuvre, le Dragon descendu du ciel, devient furieux contre lui-même et qu’il dévore sa queue, et s’engloutit peu à peu, jusqu’à ce qu’enfin il se métamorphose en pierre.

On peut trouver un exemple que cite Dom pernety :

« Pendant que nous étions assemblés sous un beau platane, disait Ulysse aux Grecs, et que nous étions là pour faire des hécatombes, auprès d’une fontaine qui sourdait de cet arbre, il apparut un prodige merveilleux. Un horrible dragon dont le dos était tacheté, envoyé par Jupiter même, sortit du fond de l’autel, et courut au platane. Au haut de cet arbre étaient huit petits moineaux avec leur mère qui voltigeaient autour d’eux. Le Dragon les saisit avec fureur, et même la mère qui pleurait la perte de ses petits. Après cette action le même Dieu qui l’avait envoyé, le rendit beau, brillant, et le changea en pierre à nos yeux étonnés. » [Iliade, I,2]

Comment, ici, ne pas faire le rapprochement avec le chêne au pied duquel sourd un ruisseau dans un jardin taillé de haies dont nous parle Flamel dans les Figures hiéroglyphiques ?]

Alors quand ils sont dépurés ensemble, ils se sublimeront en haut plus blancs que la neige, dont la vue te sera très agréable, car alors tu connaîtras très parfaitement que l’Esprit par ce moyen sera demeuré bas.

DE LA FERMENTATION

Neuvième Porte

LA fermentation se fait en deux manières, par laquelle notre Médecine doit être augmentée. Une façon se fait en Eau claire, dissolvant le Soleil et la Lune, et par leur Médecine les font congeler. Mais lorsque cette congélation est examinée par le Feu elle ne le peut endurer, car ils ne s’altèrent pas complètement; en cela aussi cette Fermentation n’est pas selon notre intention. [Dom Pernety écrit ces mots sur la fermentation :

« Le ferment est dans l’oeuvre ce que le levain est dans la fabrique du pain. On ne peut faire du pain sans levain, et l’on ne peut faire de l’or sans or. L’or est donc l’âme et ce qui détermine la forme intrinsèque de la pierre. Ne rougissons pas d’apprendre à faire de l’or et de l’argent, comme le boulanger fait le pain, qui n’est qu’un composé d’eau et de farine pétrie, fermentée, qui ne diffère l’un de l’autre que par la cuisson. De même la médecine dorée n’est qu’une composition de terre et d’eau, c’est-à-dire, de soufre et de mercure fermentés avec l’or ; mais avec un or réincrudé. Car comme on ne peut en faire du levain avec du pain cuit, on ne peut en faire un avec l’or vulgaire, tant qu’il demeure or vulgaire. Le mercure ou eau mercurielle est cette eau, le soufre cette farine, qui par une longue fermentation s’aigrissent et sont faits levain, avec lequel l’or et l’argent sont faits. Et comme le levain se multiplie éternellement, et sert toujours de matière à faire du pain, la médecine Philosophique se multiplie aussi, et sert éternellement de levain pour faire de l’or. »

La fermentation semble être l’opération qui est l’objet des régimes tardifs, ceux de Vénus et de Mars. L’eau mercurielle joue le même rôle que les enzymes qui induisent par catalyse des fermentations plus classiques – Eugène Chevreul, dans son Résumé de l’Histoire de la Matière, a écrit des choses décisives sur l’utilité des ferments en Alchimie et a levé le voile du rôle réel de l’OR et de l’ARGENT ; précisons tout de suite que Chevreul ne croit point aux transmutations et qu’il se faisait ici une idée du travail mental de l’alchimiste, oeuvrant à son fourneau.]

Il y en a d’autres qui font la Fermentation bien plus naturellement en cette manière : Ils dissolvent le Soleil et la Lune en Mercure, jusqu’à ce qu’ils s’élèvent en haut avec les Esprits, les sublimant ensemble deux ou trois fois ; alors ils en font leur Fermentation. C’est bien une voie, mais nous la rejetons.

Il y en d’autres plus heureux puisqu’ils choisissent en partie la véritable Fermentation, car ils amalgament leurs Corps avec la Mercure, ainsi que bouillie. Ceux-ci ont bien quelque intelligence de nos Secrets, mais non pas vraie, ni avec parfait complément.

Mais je te veux enseigner ce Secret. C’est que comme tu fais de tes Corps imparfaits, tu fasses de même de tes Corps parfaits en chaque degré ; c’est à dire que tu les pourrisses premièrement, détruisant entièrement leurs qualités.

Et cette façon est de notre intention, c’est à dire que tu les altères avant que de les Fermenter.

[On retombe ici sur la redondance des textes ; c’est Artéphius peut-être qui gagne la palme en ce domaine – il faut faire attention à ce que dit Ripley. Dans le 1er cas, ce sont les Corps du Soleil et de la Lune qui sont considérés comme Mercure ; il n’y a pas de levain. Dans le 2ème cas, les natures métalliques semblent jointes au Mercure mais apparemment, ils ont oublié la dissolution radicale qui est nécessaire au début du 3ème oeuvre : la noirceur, qui est évoquée dans le dernier paragraphe -]

A ton compost fais Ferment la quatrième partie (c’est à dire pour un poids de ferment trois de compost), lequel Ferment soit seulement de Soleil et de Lune. Or si tu es bon maître, fais que la Fermentation se fasse ainsi.

Fixes l’Eau et la Terre ensemble, et quand la Médecine coulera et fluera comme cire, alors jettes-là sur ton amalgame. Et quand le tout est mêlé ensemble fais ton Feu en ton Verre, et qu’il soit bien fermé et scellé : et ainsi continues tant que tout soit fixe et bien fermenté selon ton désir. Alors tu feras projection à ton plaisir, car cette Médecine sera entièrement parfaite. Ainsi tu peux fermenter tant au blanc qu’au rouge. [Le verre en question est le vase de nature. D’après l’anonyme qui a écrit Huginus à Barma, Bernard de Trévise aurait le mieux parlé de la fermentation. On peut citer ce passage qui nous éclaire sur la nature des ferments :

« La première est dans Hermès (liv. 7 de ses Traités fur les ferments & la fermentation ), où l’on lit que le ferment est de la même substance que sa pâte, & bien mieux, que le ferment de l’Or est Or, & le ferment de la Lune est Lune. La seconde est fondée sur cet axiome naturel, que la substance que l’on cherche est la même que celle d’ou l’on doit la tirer. Arnaud de Villeneuve assure la même chose au livre premier de son Rosaire, ch. 7, quoiqu’il s’exprime autrement […] » [Huginus à Barma]

Par là – mais dans d’autres textes, nous avons des réflexions semblables – il est clair qu’il ne faut rien ajouter d’étranger au Vase de l’oeuvre. Sur l’oeuvre d’Hermès, le Rosaire dit ceci :

« HERMES dit au septième traité Du soleil : Mes fils. Il y a sept corps des philosophes.

Le premier est leur or excellent qui est le roi et le principe. La terre ne le corrompt point. les corps comburants ne le brûlent point. l’eau ne l’altère pas, parce que sa complexion est équilibrée et sa nature droite en chaleur, froideur, humidité et sécheresse. Il n’y a rien en lui de superflu ou de manquant. C’est pourquoi les philosophes l’ont montré et l’ont célébré disant que l’or est parmi les corps comme le soleil parmi les planètes par sa lumière et sa splendeur. C’est en effet par lui que les végétaux germent dans la terre et que tous les fruits sont conduits à la perfection, avec la permission de Dieu. De même dans le monde corporel l’or contient et vivifie les corps. Il est le ferment de l’élixir sans lequel on opère en vain. Tout comme la pâte ne fermente pas et ne lève pas sans ferment, ainsi, lorsque tu blanchis, sublimes et purifies les corps, que tu en extrais l’ordure et la honte pour ensuite les joindre, les unir et les mélanger ensemble, mets-y le ferment, observes comme le ferment de la pâte n’est autre que la pâte.

Médites par conséquent et observes si le ferment de la chose ne provient pas de la nature de celle-ci. C’est la clef de tous les philosophes. IL faut observer que le ferment blanchit le produit, empêche la combustion, conserve la teinture pour qu’elle ne s’enfuie pas, adoucit les corps. fait qu’ils pénètrent les uns dans les autres et les unit, ce qui est le but de l’artisan. Par sa science les corps sont purifiés et l’oeuvre est menée à la perfection, avec la permission de Dieu.

Raymond LULLE déclare dans son Eclaircissement : Maintenant dans la seconde partie la pierre se colore, elle se fixe et fermente. Le ferment de la pierre au blanc est l’argent, celui de la pierre au rouge est l’or, comme le montrent les philosophes, car sans ferment ni le soleil ni la lune n’apparaissent, pas plus qu’un corps de leur nature. Unis donc le ferment avec le soufre afin qu’il puisse engendrer sa couleur jusqu’à son poids, sa saveur et sa sonorité, car tout semblable engendre son semblable. En effet le ferment, en tant que soleil, teint et change son soufre en médecine permanente et pénétrante.

C’est pourquoi un philosophe dit : Celui qui aura su teindre le soufre et l’argent-vif, celui-là est parvenu au grand arcane. C’est pourquoi il importe que le soleil et la lune soient dans la teinture et qu’ils soient le ferment de l’esprit lui-même et de l’eau permanente, de l’argent-vif. Au moyen de cette eau les natures doivent être fixées et nourries à l’aide de la chaleur naturelle jusqu’à ce qu’elles aient leur fixation et leur fusion parfaites. Après cela devra venir le régime de la conjonction de la pierre avec son ferment, jusqu’à ce que l’oeuvre ait été conduite à son achèvement et non une fois seulement, car cela n’est pas dans l’intention de la nature. Mais c’est par une copulation bien faite peu à peu et aussi par la coagulation que se réalise une médecine uniforme. Et c’est pourquoi cette copulation est causée en prenant des parties subtiles, transmuées et changées en forme et en essence spirituelle.

Car il est écrit qu’un corps grossier ne peut s’unir à un corps simple, ni un corps simple à un corps grossier, à cause de leurs natures contraires, à moins que le corps grossier ne se change dans sa subtilité au moyen de son esprit simple. Alors ils deviendront susceptibles d’être mélangés » [Le Rosaire des Philosophes, la Fermentation des philosophes]

Si nous avons cité ce long passage, c’est qu’il contient des informations capitales sur la manière dont les alchimistes pouvaient égarer l’étudiant. Il est clairement affirmé, par exemple, que le ferment de la pierre n’est pas autre chose que la « pâte », c’est-à-dire le Mercure.

Voyons cet autre extrait, d’Huginus à Barma :

« Lorsque la blancheur est parvenue à son degré de fixité & à la sublimité ou perfection qu’elle acquiert par une certaine fermentation connue des Philosophes, vous avez une teinture pour les quatre corps inférieurs, & une médecine qui extirpera radicalement les maladies de son genre, quelque fixité qu’elles aient acquis dans les corps humains ; car le blanc & le rouge proviennent du même Mercure […] » [chap. XLV]

Et qu’est-ce-que ce blanc et ce rouge, si ce n’est les Soufres eux-mêmes ? La fermentation apparaît comme la nutrition de la pierre et elle là multiplie ou l’accroît, comme on voudra]

Car comme la fleur de froment mise en pâte requiert le ferment que nous appelons levain, afin qu’elle puisse avoir son goût naturel de pain pour servir à la nourriture de l’homme. Ainsi tu fermenteras ta Médecine afin qu’elle puisse avoir le goût du pur Ferment, pour endurer perpétuellement tout examen, comme le Ferment qui est d’or. [Cet extrait d’Huginus à Barma est essentiel en ce qu’il permet d’individualiser deux types différents de fermentation qui permettent d’expliquer le paragraphe suivant de Ripley :

« N’oublions pas cependant d’observer qu’il y a deux espèces de fermentation. L’une regarde la qualité & l’autre la quantité. Pour la première, il faut observer la proportion géométrique ; & dans la seconde, la proportion arithmétique. Celle-là est différemment uniforme, & celle-ci uniformément difforme. L’une procède de la chose dissoute, & l’autre de la chose congelée par la voie de la Nature, enfin dans la première, si vous n’observez pas exactement la proportion des poids, vous tenterez inutilement d’exécuter l’œuvre ; votre compost éprouverait le sort de ceux dont la chaleur naturelle est absorbée & suffoquée par un excès de nourriture, ou de ceux qui, faute d’aliment, meurent d’inanition. » [chap XLIX]]

Sache aussi qu’il y a trois sortes de Fermentations, deux sont des Corps en nature pure, lesquels sont altérés comme j’ai dit. La troisième, très Secrète, dont nous faisons cas, est la première Terre avec son Eau verte. C’est pourquoi, quand le Lion aura soif, donne-lui à boire, tant que son corps crève. [Voici cet autre extrait du Rosaire qui vient à point nommé :

« Et c’est ce que déclarent les philosophes lorsqu’ils disent à un certain fils de la vérité que le mélange parfait est l’union des corps miscibles changés, unis entre eux au moyen de parties indivisibles. Ils l’exigent pour la raison évidente que le mélange ou union ne peut avoir lieu sans altération, celle-ci consistant à rendre le corps subtil et à le réduire en une force spirituelle.

Et les philosophes déclarent à ce sujet que la médecine est achevée, passant d’une forme à une autre forme, qui est cristalline. Mais il apparaîtra que ces lames sont composées de parties naturelles et subtiles jointes uniformément au moyen de l’intelligence naturelle, sans division de ces parties, en procédant très progressivement, car une telle chose ne peut se faire sans que la nature ait été rendue subtile et homogène. Et c’est pourquoi il convient que cette matière devienne si subtile que toutes les parties égales en nature soient mélangées avec de l’eau.

Et tu pourras voir cela avec ton intelligence lorsqu’aura été produit un unique corps transparent, présentant un aspect de continuité par la conjonction ou le mélange de parties nombreuses sans division, discontinuité ou terminaison, offrant une épaisseur unique et une figure transparente dans toutes ses parties. Ainsi, mon fils, tu possèdes là un secret qui n’est pas petit. Illumines donc le corps avant d’y imposer l’âme, car autrement il ne pourra jamais recevoir ou retenir en lui fesprit. Ainsi parle Raymond LULLE.

Le philosophe CALID. Nul n’a jamais pu et ne pourra jamais teindre la terre feuillée si ce n’est avec de l’or. C’est pourquoi HERMES donne cette prescription : Semez votre or dans la terre feuillée qui par la calcination, est devenue ignée, subtile et aérienne. Nous semons donc l’or dans cette terre lorsque nous lui appliquons la teinture de l’or. Mais l’or ne peut jamais teindre parfaitement un autre corps que lui-même. En vérité, cela ne peut être si ce n’est parachevé par l’art.

L’or est le ferment de l’oeuvre sans lequel on opère en vain. C’est comme le levain dans la pâte, la présure dans le fromage, le musc dans les aromates. C’est avec lui que l’on compose le grand élixir, car il illumine et préserve de la combustion, ce qui est le signe de la perfection.

Et sache que sans or l’oeuvre n’est ni parachevé ni amélioré, car l’or est la muselière de l’ argent-vif, et nul ne congèle l’argent-vif si ce n’est dans le corps de la magnésie où l’un est comburant, l’autre fuyant et l’or lui-même est le troisième. II reçoit les teintures des deux autres. C’est la teinture de la rougeur et l’argent-vif transforme tout corps en lui. C’est pourquoi quelqu’un a dit: Si tu ne mets pas l’or dans l’or, tu ne fais rien.

ARISLEE. Saches de façon certaine que si l’on met un peu d’or dans la composition, il en sortira une teinture blanche apparente. Par ferment du soleil on entend le sperme de l’homme et par ferment de la lune, le sperme de la femme. A partir d’eux s’opère d’abord le coït, puis survient une génération véritable et chaste. Le ferment de l’or est l’or comme le ferment du pain est le pain.

Le JARDINIER. De même que dans la fabrication du pain un peu de ferment fait lever et fermenter une grande quantité de pâte, ainsi une petite quantité de terre contenue dans cette pierre suffit à nourrir la pierre tout entière. » [Le Rosaire, la Fermentation des Philosophes, suite]

D’un côté est évoqué un corps cristallin, d’allure transparente ; de l’autre, le rappel incessant que seul l’or peut assurer la teinture.

Il faut retenir la phrase « nul ne congèle l’argent-vif si ce n’est dans le corps de la magnésie où l’un est comburant, l’autre fuyant et l’or lui-même est le troisième » car les trois principes sont évoqués : le corps comburant de la magnésie n’est autre que le Soufre blanc ou teinture d’or qui « brûle » ou consomme d’une certaine manière le Soufre rouge, voilé sous le mot « or » – à ce sujet, nous avons vu que l’or ne pouvait intervenir que dans les dissolutions auriques, par la voie humide dans un premier temps, et qu’il était l’une des étapes dans le cadre de la préparation des strass colorés, via le pourpre de Cassius – ; le composé fuyant n’est autre que le Mercure lui-même et enfin, l’or est le principe Soufre rouge – Du reste, Arislee semble confirmer que l’or n’est évoqué qu’à titre de symbole puisqu’il dit « Par ferment du soleil on entend le sperme de l’homme et par ferment de la lune, le sperme de la femme » ce qui revient à nommer les deux Soufres -]

La vraie Fermentation est donc comme je t’ai dit une incorporation de l’Eau avec le Corps, lui restaurant la naturelle chaleur et odeur, avec goût et couleur, par réintégration dont les Corps prennent impression par les Esprits, et que l’un aide à l’autre d’avoir ingression. Car comme les Corps en leur composition naturelle, ne peuvent faire voir au dehors les effets de leurs qualités, jusqu’à ce qu’ils soient devenus Esprits, ou soient spirituels. Ainsi les Esprits ne peuvent demeurer fermement avec les Corps, qu’ils ne soient premièrement confixes proportionnellement. Car les Corps enseignent aux Esprits d’endurer le Feu et d’y demeurer, et les Esprits d’entrer aux Corps, selon ton désir. [Cyliani, au début du XIXe siècle, évoqueen ces termes la fermentations dans son Hermès Dévoilé :

« …je mis la dissolution totale à fermenter dans un pélican pendant quarante jours, au bout desquels il se précipita par l’effet de la chaleur interne de la fermentation une matière noire. C’est alors que je distillai sans feu, le mieux qu’il me fut possible, le liquide précieux qui surnageait la matière contenant son feu intérieur, et le mis dans un vase en verre blanc, bien bouché à l’émeri, dans un lieu humide et froid. »

Mais nous voyons que dans cette opération, la fermentation se situe à une époque nettement antérieure à celle qui est évoquée dans d’autres textes -]

C’est pourquoi il te faut avec Or fermenter ton or avec son Eau propre, j’entends la Terre purgée, qui n’est autre chose qu’élément avec Elément, l’Esprit de vie allant seulement entre deux ; car comme on voit la pierre d’aimant attirer le fer à soi, de même notre Terre par nature attire en bas à soi son Ame portée haut avec le vent.

Ainsi avec le vent mène ton Ame dehors, et la ramène dedans, mêle Or avec Or, c’est à dire fait courir élément avec Elément, jusqu’à ce que tous puissent endurer le Feu ; car la Terre est le Ferment de l’Eau sans contradiction, et l’Eau l’est de la Terre semblablement. La Fermentation doit être en cette manière.

[L’Âme portée par le vent n’est autre que le Soufre rouge sublimé dans le Mercure qui est lui-même l’Air des Sages – c’est l’Âme de la Pierre dont seul, paraît-il, Nicolas de Valois a donné l’épithète vulgaire [Fulcanelli, DM, II]. Dès lors, la Pierre au rouge n’apparaît que comme une composition faite de terre et d’eau, c’est-à-dire de soufre et de mercure fermentés avec l’or [Pernety] ]

La Terre aussi est Or et Eau, non la commune, mais la notre élémentée, et toutefois il faut que le Soleil y aille afin que par notre Eau il puisse être altéré et préparé, et puisse être profondément joint avec autres natures comme je t’ai dit.

[Un manuscrit anonyme dit ceci :

« Quelques Philosophes l’ont aussi marqué. Morien dit : il faut qu’on y remarque quelque acidité et qu’elle ait quelque odeur de sépulcre. Philalèthe dit qu’il faut qu’elle paroisse comme des yeux de poisson…et qu’il paroisse qu’elle écume ; car c’est une marque que la matière se fermente et qu’elle bout. Cette fermentation…se fait par notre feu secret, qui est le seul agent qui puisse ouvrir, sublimer et putréfier. » [Le Cabinet Hermétique]

Là encore, on voit poindre une allusion à la noirceur, en correspondance avec la fermentation mais c’est sans doute que cette fermentation ne peut intervenir que si la matière a déjà subie une dissolution radicale]

Tout ce que j’ai dit de l’Or, il le faut aussi entendre de l’argent, et pour cela il faut que tu le putréfies et altères avant que tu fermentes ta Médecine pour le blanc.

Souviens-toi bien de tout ce que je t’ai dit : et renouvelle le Soleil et la Lune, afin qu’ils puissent tenir de la quintessence et nature, et alors leur teinture renouvellera toujours.

Il y a encore une voie excellente qui a une autre opération. Nous faisons une Eau de fort bonne odeur avec laquelle nous amenons tout Corps en huile, laquelle fait aussi la Médecine fluente. Nous appelons cette Eau la Quintessence, laquelle guérit en l’homme toute maladie. Mais avec la base préparée selon ma doctrine, laquelle est notre chaux, ceci doit être fait. Car quand nos Corps sont ainsi calcinés, cette Eau les dissoudra incontinent en huile. C’est pourquoi fait huile de Soleil et de Lune, laquelle est Ferment très odorant à sentir.

Je t’assure que je n’aie jamais trouvé d’homme en Angleterre qui m’ait peu enseigné cette manière de fermenter, que je t’enseigne dans ce chapitre. [Sur la fermentation, consultez aussi : Vitriol – Composé des composés – Trésor des trésors – Notez que danc ces trois tetxes, il est question de vitriol vert, combiné à du salpêtre et de vinaigre ; on évoque aussi l’acétate de potasse ]

DE L’EXALTATION

Dixième Porte

L’exaltation diffère peu de la Sublimation, et à ce sujet l’on rapporte ce que notre Seigneur Jésus-Christ dit en son Evangile « Si je suis exalté je tirerai toutes choses après moi. »

Si nous exaltons notre Médecine en cette sorte, elle sera par ce moyen anoblie, ce qui se doit faire en deux manières, depuis que les parties sont épousées, qu’elles sont examinées, crucifiées et ensevelies, tant l’homme que la femme, et après revivifiées par l’Esprit de vie. Alors il faut que le Corps soit exalté haut dans le Ciel, pour être là glorifié avec son Ame ; car il faut que tu amènes le Corps à telle subtilité, qu’il monte avec l’Esprit pour être éternisé es nuées de clarté et associé aux Anges. Alors il tirera tous autres corps, comme tu verras à sa propre dignité.

C’est pourquoi si tu veux exalter le Corps augmentes-le premièrement de l’Esprit de vie, jusqu’à ce que la Terre soit bien subtiliée par la naturelle rectification de chaque Elément, en l’exaltant haut jusqu’au firmament (c’est-à-dire jusqu’au haut du Verre, ou vaisseau dans lequel il est).

Alors il sera beaucoup plus précieux que l’Or à cause de la Quintessence de laquelle il tient. [L’exaltation a été considérée différemment suivant les auteurs. Certains, comme Ripley, parlent de porter la Pierre en « gloire », d’autres disent que l’exaltation correspond à l’animation du Mercure. Un passage d’un texte de Limojon de St-Didier évoque aussi très bien ce moment de l’exaltation du Mercure. Voici ce passage, extrait de sa Lettre aux Vrais disciples d’Hermès [troisième Clef] à propos de la citrinité:

« …je veux vous révéler un secret…Les uns se sont contenté de dire, que de leur liqueur on en fait deux Mercures, l’un blanc, et l’autre rouge. Flamel a dit plus particulièrement qu’il faut se servir du Mercure citrin, pour faire les imbibitions au rouge ; il avertit les enfants de l’art de ne pas se tromper sur ce point ; il assure aussi qu’il s’y serait trompé lui-même, si Abraham Juif ne l’en avait averti…Je vous ai développé un grand mystère…le Cosmopolite l’a touché fort spirituellement par une fameuse allégorie en parlant de la purification et de l’animation du Mercure : Cela arrivera, si tu donnes à dévorer à notre vieillard l’or et l’argent, afin qu’il les consume, et que lui-même enfin devant aussi mourir soit brûlé… » et on lit dans la Tourbe : « Sachez que notre œuvre a plusieurs noms, lesquels nous voulons décrire. Magnésie, Kukul, Soufre, Vinaigre, Pierre citrine… »

On peut trouver aussi une allégorie de l’animation du Mercure : c’est le douzième travail d’Hercule ou l’Enlèvement de Cerbère aux Enfers : Cerbère est un chien monstrueux aux têtes multiples [III, L, X selon les sources], à queue de dragon et le dos hérissé de têtes de serpent.

Notez que le nombre de têtes qui varie suivant les légendes rend compte de l’origine chthonienne de Cerbère si l’on compare ces nombres avec ceux que nous avons vu plus haut concernant la chaux [CALX = C è 3, L è 50, X è 10]… Il est donc frère de la Chimère, frère du serpent Python et comme eux, né de Typhon et d’Echidna.

En ce sens, les mythes du Jardin des Hespérides, de Cadmus semant les dents du dragon et d’Hercule enlevant Cerbère aux Enfers sont congénaires. ; l’enlèvement de Cerbère représente ce moment de l’oeuvre où les Corps apparaissent réincrudés et réapparaissent sous une forme plus noble lorsque les flots se calment. Cerbère apparaît pour certains comme l’esprit du mal : c’est exact sous l’angle de la correspondance hermétique si l’on établit deux parallèles, d’une part entre le mal et la Terre [la Terre est corrompue, c’est bien connu] et d’autre part l’esprit et Mercure [c’est l’animation ou la spiritualisation du Mercure qui entame le 3ème oeuvre]

Car quand le froid a surmonté le chaud l’Air sera alors tourné en Eau, et ainsi deux contraires se rapportent ensemble, jusqu’à ce que l’un se rapporte à l’autre. Ainsi l’Eau sera convertie par l’Art de notre Circulation en Air, quant la chaleur aura domination du froid. [Ces deux contraires se rapprochent du fixe et du volatil. On trouve une figure très semblable à celle de la IIIème Clef de B. Valentin dans le Théâtre de l’Astronomie Terrestre d’Edward Kelly au chapitre sixième consacré à l’Exaltation de l’Eau Mercurielle :

« De l’Exaltation de l’Eau Mercurielle – Les anciens Sages ont parlé de la composition du Lion Vert ou Dragon, émanant des sept Planètes, dans un style saturé de la ténèbre nocturne elle-même; mais au lieu de vainement m’efforcer de défaire leurs noeuds Gordiens, je vais tenter d’esquisser sa composition par quelques traits de ma plume. Il est engendré par les influences subtiles descendant dans les éléments; puis sa substance est dispersée dans les cieux, son atelier est dans les nuages, et de nouveau il redescend dans sa terre, avec eau de pluie et une blanche vapeur, recevant ainsi la puissance des choses d’En Haut comme des choses d’en bas; il est nourri de son propre corps, mangeant ses ailes et queue à l’aide de ses dents, le corps tout entier étant avalé par la tête, et y demeurant pour toujours. C’est l’incomparable et caché trésor de tous les Sages, qu’aucun ne peut obtenir sans l’enseignement d’un Maître, ou par la révélation de Dieu qui, dans Sa bonté, le révèle à qui Il veut.

FIGURE V
(Exaltation du Mercure)

Un vieil homme se tient près d’un vase, semblable à un urinal, dans lequel un Dragon Vert dévore des serpents bleus. Au-dessus du Dragon se trouve le signe de Mercure, jaune, vert, bleu, noir et rouge. Au-dessus de l’urinal est un Dragon Vert se mordant la queue. Près de l’urinal, un Lion Vert arrache d’un coup de dents un morceau du dos d’un Lion Rouge, de sorte que le sang coule à terre. En arrière-plan se trouvent forêts et collines. »

Pour Batsdorff, l’exaltation correspondrait à la 1ère sublimation du Mercure :

« Nous avons dit ci-devant, ce que c’était que la sublimation Philosophale, et qu’elle est une exaltation à un plus haut degré de perfection ; de sorte que tout le premier travail de la pierre jusqu’au rouge parfait, en ce sens, se doit appeler être sublimé de première sublimation ; et les autres travaux de la pierre, ou les multiplications, sont aussi des sublimations de seconde, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième sublimation, etc… d’autant que la pierre est toujours élevée à une plus haute perfection par chaque multiplication. » [Filet d’Ariadne]

Salomon Trismosin ne dit pas autre chose :

 » Or cette liqueur se fait ordinairement avec l’eau des Philosophes, qui est proprement la sublimation ou résolution des Sages, ou l’exaltation et la blancheur, et leur eau permanente […] » [Toyson d’or]]

Alors du Feu tu auras l’Air par Solution, Putréfaction et Sublimation, et si tu as Feu de la Terre matérielle, séparant ainsi les Eléments, parcours principalement en calcinant bien la Terre, et quand chacun d’iceux est fait pur, alors ils sont la Quinte Nature. Fais donc qu’en cette sorte ils soient circulés en exaltant incontinent l’un et l’autre ; et en un seul Verre scellé, fais seulement tout ceci, et non avec les mains mais naturellement. Alors convertis hardiment premièrement ton Feu en Eau, car le Feu est en l’Air, qui est existant en l’Eau, et telle conversion convient à notre propos. Alors tourne la roue plus outre, que l’Air soit converti en la Terre, ce qui pourra être facilement ; car l’Air est en l’Eau étant en la Terre ; Alors, dis-je, tu convertiras en leurs qualités, l’Eau en Feu, car l’Eau est en la Terre étant en feu. Et c’est la vraie Conversion que celle-ci.

[C’est un résumé des opérations. Sur la conversion des éléments, voyez l’Atlas des Connaissances humaines de Chevreul, fig. I, II et III ; voyez aussi la Cristallogénie et les chapitres sur les Eléments de l’Atalanta fugiens. Edward Kelly dit des choses semblables avec d’autres mots :

« 4°, la préparation de l’eau Mercurielle; 5°, la conversion du Mercure préparé en terre Mercurielle; 6°, l’exaltation de l’eau Mercurielle; 7°, la solution de l’or par l’eau Mercurielle; 8°, la préparation de l’eau ou Lune des Sages; 9°, la conjonction du soleil et de la lune; 10°, la noirceur, ou Tête du Corbeau, grâce à laquelle la solution et copulation du Soleil et de la Lune toutes deux s’effectuent; 11°, la queue du paon; 12°, la Teinture blanche; 13°, le parfait Élixir rouge. » [Théâtre de l’Astronomie terrestre]

Mais les opérations décrites sont cryptées : en effet, la préparation de l’eau mercurielle est superposable à celle de la Lune des Sages – à ne pas confondre avec l’hiéroglyphe du Soufre blanc – la noirceur est cette phase où les Soufres se dissolvent dans l’eau mercurielle avant de s’unir. La queue du paon, qui traduit un phénomène d’irisation, se produit entre le régime de Jupiter et celui de la Lune, etc. – ]

La roue est maintenant tournée alentour, convertis l’Eau en la Terre, qui est le premier nid des autres Eléments ; car la terre est au Feu qui prend repos en l’Air. Il te faut commencer en Occident cette circulation, puis plus outre au Midi, jusqu’à ce qu’ils soient exaltés, procédant dûment comme la figure t’enseigne.

Donc tu peux voir clairement qu’on ne peut passer d’un extrême à l’autre que par un moyen, vu qu’ils sont contraires en qualités, et la raison veut qu’ils soient ainsi ; comme le chaud en froid avec plusieurs contraires, sans les moyens, (comme est moiteur entre chaud et froid) ne peut être amené à température.

Je t’ai donc enseigné de faire une parfaite rotation et circulation de tous les Eléments. Et prends exemple en la figure, comment tu dois faire cette Exaltation, et la graduation de ta Médecine es Eléments, jusqu’à ce que tu l’aies amenée en pays tempéré. Et alors tu as connu la dixième Porte.

DE LA MULTIPLICATION

Onzième Porte

LA Multiplication est une augmentation du parfait Elixir, en vertu et quantité, tant au blanc qu’au rouge : et est la chose qui fait augmenter la Médecine en chaque degré, en couleur, odeur, quantité et vertu.

La cause pourquoi tu peux augmenter ta Médecine indéfiniment, est parce que c’est un Feu qui lorsqu’il est allumé ne s’éteint jamais, demeurant avec toi comme le Feu dans les maisons, (ou comme le musc dans les confections) duquel Feu une étincelle en peut faire infiniment. Ainsi est-il de notre Médecine, en vertu multipliée.

Celui-là est riche de Feu, lequel en a plus ou moins, à raison qu’il le peut multiplier à son plaisir. Ainsi celui-là est riche qui a quelque partie de notre Médecine en réserve, laquelle Médecine et Elixir se peut multiplier infiniment. La première voie de Multiplier est que tu dissolves souventes fois notre poudre seiche, et que souventes fois aussi tu en fasses Congélation. Et alors tu en feras augmentation en vertu et bonté. [Pluq qu’une multiplication, il s’agit d’un accroissement qui suit le début de la coagulation de l’eau mercurielle, c’est-à-dire la cristallisation. Voici ce qu’en dit l’Anonyme d’Huginus à Barma :

« Multiplication – la Multiplication se fait de cette manière : prenez une partie de votre poudre rouge fixe, & dix parties du menstrue, mettez-les dans un vase ou matras ; ils s’embrasseront sur le champ. Scellez hermétiquement le vase, & mettez-le dans l’Athanor. Conduisez-vous en tout comme il a été dit ci-dessus, jusqu’à ce que vous ayiez la noirceur dans le globe de bois, les couleurs variées de la queue de paon dans le second globe, & la couleur rouge dans le premier.Vous pourrez, si vous le voulez, multiplier une seconde & une troisième fois en procédant de la même manière. Dans la première opération, une partie de la poudre en teindra dix de métal, dans la seconde, une partie en teindra cent , & dans la troisième, mille. Mais de peur que vous ne craigniez l’ennui de ce travail, vous saurez qu’il faut toujours moins de temps pour les dernières opérations que pour les premières, car en mettant le vase avec le globe de chêne dans l’Athanor seulement pendant trois jours, vous verrez paraître la couleur noire. De même avec le globe percé où l’on met le vase dans les cendres, toutes les couleurs, jusqu’à la verte, passeront aussi dans l’espace de trois jours ; enfin dans le premier globe où l’on couvre le vase de sable, trois autres jours vous suffiront pour amenée la couleur rouge. »

Ce chapitre de la Multiplication représente une complexe allégorie et nous avouons n’en avaoir pas encore percé le mystère, si tant est qu’il y en ait un ; car ce passage pourrait fort bien n’être qu’une allégorie spirituelle.

Nos Modernes, Fulcanelli et E. Canseliet ne nous serons ici d’aucun secours ; ils se sont contentés de rappeler pour l’essentiel ce que disent les textes classiques mais se sont bien gardés d’improviser sur cette variation périlleuse. ]

La seconde voie de multiplier tant en vertu qu’en qualité, est par Fermentation réitérée, et comme je t’ai aussi montré au chapitre de la Cibation, ou tu peux connaître la manière de multiplier ta Médecine infiniment avec Mercure.

Mais si tu veux dissoudre et fermenter ensemble, ta Médecine en sera meilleure en bonté et en quantité, et tu la peux multiplier et augmenter en telle manière, qu’elle croîtra dans ton Verre comme un arbre, (qui est proprement celui d’Hermès), de laquelle un grain en peut multiplier mille si tu sais sagement faire la Projection. [L’un de ceux qui ont parlé le plus ouvertement de la multiplication est Jean d’Espagnet, et ce , à plusieurs reprises. Voyons ces passages, tirés de l’Oeuvre secret d’Hermès :

« Quant aux milieux matériels, ou qui concernent la matière de la pierre, il y en a divers degrés ; car les uns se tirent successivement des autres. Les premiers sont le mercure, sublimé philosophiquement, et les métaux parfaits. Bien que ceux-ci soient les derniers dans l’opération de la nature, ils tiennent lieu de milieux dans l’opération philosophique. De ces premiers sont tirés les seconds, à savoir les quatre éléments, qui sont tour à tour circulaires et fixes ; de ces seconds en sont encore issus les troisièmes, à savoir les deux sortes de soufre, dont la multiplication est le terme du premier régime de l’ouvrage. » [chap. 62]

Il semble qu’ici, la multiplication coïncide avec la conjonction des deux Soufres.

« Le feu non naturel se convertit par des degrés successifs de digestion en le feu naturel, qu’il augmente et multiplie. Tout le secret consiste en la multiplication du feu naturel, qui ne peut seul, par ses propres forces, ni agir ni communiquer une teinture parfaite aux corps imparfaits ; car il se suffit seulement à lui-même, et n’a pas de quoi donner du sien. Mais, multiplié par le feu non naturel qui abonde merveilleusement en vertu de multiplier, il agite avec beaucoup plus de force et s’étend bien au-delà des bornes de la nature, teignant et perfectionnant les corps étrangers et imparfaits, par le moyen de la teinture qu’il a sucée, et de ce feu précieux qui lui a été ajouté. » [chap. 96]

Là, c’est le feu de nature qui est évoqué comme principe de multiplication, c’est-à-dire d’accroissement. Cet accroissement ne peut être le fait que d’une longue coction, ce à quoi s’accordent les textes. L’impression est renforcée par le chapitre suivant :

« Or ce feu de teinture est caché dans la racine et dans le centre de l’eau, où il se manifeste par deux sortes d’effet, à savoir par la dissolution du corps et par la multiplication. » [chap. 97]

Le doute n’apparaît dès lors guère possible. a la dissolution succède la coagulation de l’eau mercurielle, voilée par cet épithète de multiplication. Un dernier passage nous permet d’avoir une idée du médiateur de cette multiplication :

« […] Or la source de la multiplication est dans le Prince des luminaires, qui par la multiplicité infinie de ses rayons, engendre toutes choses en ce monde, et les ayant engendrées les multiplie, en versant dans leurs semences une vertu multipliante. » [chap. 133]

Ce qui désigne nommément le Soufre rouge, dissous et sublimé dans le Mercure. Cela nous permet de concevoir la multiplication comme un accroissement progressif des parties séparées des deux Soufres, symbolisé d’abord par la couleur blanche – le pseudo Elixir au blanc – puis par la couleur rouge. Salomon Trismosin est d’accord, à cet égard, avec nos observations :

« La vraie chaleur requise à ces effets ne doit être ni plus ni moins ardente que celle du soleil, c’est-à-dire médiocre et tempérée, pour ce que le feu lent est espérance de salut, et parfait toutes choses, dit la Tourbe : mais cette chaleur nécessaire es principes altératifs de notre opération est au signe des Gémeaux et quand les couleurs sont venues au blanc la multiplication doit paraître jusqu’à ce qu’une parfaite siccité se connaisse à la Pierre. » [Toyson d’or]

Et confirme que la « multiplication » n’est concevable qu’avec la disparition progressive du Mercure par laquelle s’affirme la siccité de la Pierre. Et nous avons eu l’occasion de dire dans la section Olympe hermétique, que le ecret de cette multiplication se tenait au ciel chymique, dans le signe des Gémeaux. ]

Et comme le Safran quand il est pulvérisé s’il est peu à peu tempéré avec liqueur, et après ajouté avec plus grandes quantités, qu’étant en sa grosse nature. Ainsi plus notre Elixir sera Multiplié, et plus sa Médecine s’étendra. Multiplie-le toujours dans ton Verre, de plus en plus, en le nourrissant de Mercure jusqu’à la fin de tes jours et tu seras toujours riche.

Dom Pernety a consacré un chapitre de ses Fables au mystère cette multiplication :

« La multiplication – On entend par la multiplication Philosophique, une augmentation en quantité et en qualité, et l’une et l’autre au-delà de tout ce qu’on peut s’imaginer.

Celle de la qualité est une multiplication de la teinture par une corruption, une volatilisation et une fixation réitérées autant de fois qu’il plaît à l’Artiste. La seconde augmente seulement la quantité de la teinture, sans accroître ses vertus. Le second soufre se multiplie avec la même matière dont il a été fait, en y ajoutant une petite quantité du premier, selon les poids et mesures requises. Il y a néanmoins trois manières de faire la multiplication, si nous en croyons d’Espagnet, qui les décrit de la manière suivante.

La première est de prendre une partie de l’élixir parfait rouge, que l’on mêle avec neuf parties de son eau rouge ; on met le vase au bain, pour faire dissoudre le tout en eau. Après la solution, on cuit cette eau jusqu’à ce qu’elle se coagule en une matière semblable à un rubis ; on insère ensuite cette matière à la manière d’un élixir ; et dès cette première opération la médecine acquiert dix fois plus de vertus qu’elle n’en avait. si l’on réitère ce même procédé une seconde fois, elle augmentera de cent ; une troisième fois de mille, et ainsi de suite toujours par dix.

La seconde manière est de mêler la quantité que l’on veut d’élixir avec son eau, en gardant cependant les proportions entre l’un et l’autre, et après avoir mis le tout dans un vase de réduction bien scellé, le dissoudre au bain, et suivre tout le régime du second, en distillant successivement les éléments par leurs propres feux, jusqu’à ce que le tout devienne pierre. On incère ensuire comme dans l’autre, et la vertu de l’élixir augmente de cent dès la première fois ; mais cette voie est plus longue. On la réitère comme la première, pour accroître la force de plus en plus.
La troisième enfin est proprement la multiplication en quantité. On projette une once de l’élixir multiplié en qualité sur cent onces de mercure commun purifié ; ce mercure mis sur un petit feu se changera bientôt en élixir. Si on jette une once de ce nouvel élixir sur cent onces d’autre mercure cmmun purifié, il deviendra or très fin.

La multiplication de l’élixir au blanc se fait de la même manière, en prenant l’élixir blanc et son eau, au lieu de l’élixir rouge. Plus on réitèrera la multiplication en qualité, plus elle aura d’effet dans la projection ; mais non pas de la troisème manière de multiplier dont nous avons parlé ; car sa force diminue à chaque projection. On ne peut cependant pousser cette réitération que jusqu’à la quatrième ou cinquième fois, parce que la médecine serait alors si active et si ignée, que les opérations deviendraient instantanées, puisque leur durée s’abrège à chaque réitération ; sa vertu d’ailleurs est assez grande à la quatrième ou cinquième fois pour combler les désirs de l’Artiste, puisque, dès la première, un grain peut convertir cent grains de mercure en or, à la seconde mille, à la quatrième cent mille, etc. On doit juger de cette médecine comme du grain qui multiplie à chaque fois que l’on sème » [Fables Egyptiennes et Grecques, De la Multiplication]

Hélas, quelquesoit la manière d’opérer, avouons qu’il est bien difficile d’accepter les vues de Pernety. Pour l’instant, seule la manière de Trismosin semble d’accord avec le principe de raison. Curieusement, c’est peut-être Cyliani qui nous permettra d’avoir une idée plus précise de cette multiplication :

« Multiplication – […] Je ne décrirai point ici des opérations très curieuses que j’ai faites, à mon grand étonnement, dans les règnes végétal et animal, ainsi que le moyen de faire le verre malléable, des perles et des pierres précieuses plus belles que celles de la nature en suivant le procédé indiqué par Zachaire et se servant du vinaigre et de la matière fixée au blanc, et de grains de perles ou de rubis pilé très fins, les moulant puis les fixant par le feu de la matière, ne voulant pas être parjure et paraître ici passer les bornes de l’esprit humain. » [Hermès Dévoilé]

Hermès Dévoilé est un texte assez abscons pour qu’on ait de quoi s’étonner que ces réflexions figurent au chapitre de la multiplication. Flamel s’est aussi exprimé sur la multiplication pour trouver une explication à la relation de la fable :

« Ils se sont encore servis de cette périphrase quand, pour signifier la Multiplication de la Pierre, ils ont feint un Serpent Hydra auquel, si on coupait une tête, il lui en renaissoit dix. Car la Pierre augmente de dix à chaque fois qu’on lui coupe cette tête de Corbeau, qu’on la noircit, et blanchit, c’est-à-dire qu’on la dissout de nouveau, et qu’après on la recoagule. » [Fig. Hiér.]

Ces actions successives ne sont, après tout, que l’expression « solve et coagula » qui résume la totalité du processus alchimique. Il s’agit de la fable de l’Hydre de Lerne, le douzième des Douze Travaux d’Hercule. Le sujet de la Fable est ce serpent Python, ou cette Hydre, née de Typhon et d’Echidna, qui vivait dans une caverne près du lac de Lerne. Nous avons évoqué cette légende dans deux sections : Gardes du corps et Introïtus, VI. Flamel nous en dit un peu plus dans cet autre passage :

« D’autant que les Philosophes envieux n’ont jamais parlé de la Multiplication que sous ces communs termes de l’Art. Ouvre, ferme, lie, délie. Ils ont appellé ouvrir et délier faire le Corps (qui est toujours dur et fixe) mol, fluide, et coulant comme l’eau, et fermer ou lier le coaguler puis après par décoction plus forte, en le remettant encore une autre fois en la forme de Corps. » [Fig. Hiér.]

Ce qui nous conforte dans le sentiment que l’opération de la multiplication n’est autre qu’un lent murissement de la Pierre qui débute, comme on l’a dit plus haut, par une phase instable où la pierre dérobe l’étoile et vice-versa. Voyez aussi la note 71 du commentaire des Fig. Hiér. où nous parlons des Ripley’s Scrowles. Notons aussi que c’est la Pierre elle-même qui semble agir comme ferment de son accroissement – voir Cambriel – Filet d’Ariadne, chap. VIII – Verbum – Notez encore que les alchimistes n’entendent pas que la multiplication de la Pierre, mais aussi celle du Mercure, comme Albert le Grand – Composé – Quant à Jacques Tol – Chemin du ciel chymique -, il nous dit que la multiplication se trouve inscrite dans la Clef XII de Philosophie de Basile Valentin, là où, précisément, c’est le Lion vert qui est évoqué.]

Mais sois homme de bien craignant et servant Dieu, ne l’offense et ne pèche que le moins que tu pourras. Surtout souviens-toi des pauvres et leur soit secourable, afin que Dieu te fasse miséricorde.

DE LA PROJECTION

Douzième Porte

LA Projection est celle qui prouve si notre pratique est véritable, faisant connaître si la teinture de notre Art ou Secret est permanente : Tu le sauras si tu jettes un peu de ta Médecine sur du Mercure vulgaire ; car elle s’y attachera comme de la poix, et le teindra, et y entrera de soi-même et endurera tout Feu.

Avec la projection, nous entrons dans le mystère ultime de l’alchimie, dans la partie qui n’a que rarement été abordée par les Artistes : c’est le dernier arcane. Dom Pernety n’en parle pas dans ses Fables. Dans les ouvrages de Fulcanelli et d’E. Canseliet, on ne trouve pas d’entrée à leur lexique pour ce terme. Cela ne surprendra personne, c’est chez Jung qu’il faut aller chercher le mot projection.

On s’en doute, Jung lui attache un caractère que l’on chercherait en vain chez les alchimistes :

« Cette « substance -esprit » est semblable au vif-argent, qui se cache, invisible, dans le minerai, et qui doit d’abord être expulsé si l’on veut le recouvrer in substantia. Lorsqu’on possède ce Mercurius pénétrant, on peut le « projeter » sur d’autres corps et faire passer ceux-ci de l’imperfection à l’état de perfection. » [Psychologie et alchimie, p. 380 ]

FIGURE VI
(Mercurius pénétrant, Speculum veritatis, mss du XVIIe siècle)

Mais il est aisé de voir que Jung se trompe en associant l’image de la projection à la FIGURE VI ; car cette image se rapporte à l’ouverture des natures métalliques dans l’Eau permanente, c’est-à-dire le Mercure.

L’un des personnages tient, en effet, l’emblème du soufre et perce le serpent contre le chêne, symbole de la chaux transformée en venin ; tandis que l’autre personnage perce un personnage double – l’homme double igné qui porte la 1ère couronne – et tient en main le symbole du Mercure dont l’action sera de blanchir l’Airain symbolisé par cet homme double, première état du Laiton.

C’est en jouant sur les deux claviers, symbolique et psychanalytique, que l’on parvient à isoler la véritable nature de la projection. D’abord, ceci encore, de Jung, qui permettra de fixer les idées :

« L’autonomie psychique du pneuma [considéré dans sa plus ancienne signification, qui est le vent, phénomène aérien, d’où l’équivalence aer – pneuma] est attestée par les néopythagoriciens ; selon eux, l’âme a été engloutie par la matière à l’exception de l’esprit [du noûs]. […] Il rompt le cercle des sphères et se penche vers la terre et l’eau (c’est-à-dire qu’il est sur le point de se projeter dans les éléments). Son ombre tombe sur la terre mais son image se réfléchit dans l’eau […] Mais à peine est-il descendu que Physis l’enferme dans un embrassemnt passionné. De cette étreinte naissent les sept premiers êtres hermaphrodites. Ces sept sont une allusion évidente aux planètes et, par là, aux métaux qui, selon la conception alchimique, proviennent du Mercurius hermaphrodite. » [Psychologie et Alchimie, p. 386]

Combien de fois avons-nous évoqué cette allégorie de l’incarnation de l’Âme dans la Corps [chair] qui traduit la véritable projection du Soufre rouge dans la toyson de l’or [Soufre blanc] ?

C’est exactement, aux mots près, ce qu’écrit Jung dans une perspective, il est vrai, radicalement différente. Mais, chose extraordinaire, le résultat s’avère être identique dans un cas comme dans l’autre. Jung évoque la Nature [jusiV] qui, en latin, est aussi le nom d’une pierre précieuse…Mais jusiV, c’est aussi l’action de produire, la formation, dans un sens dynamique. C’est l’exact équivalent d’une projection.

Il ne faudrait pas perdre de vue, en effet, que le Mercure est considéré comme le « fou » de l’oeuvre et à ce titre, il contracte d’inattendus rapports avec la projection, envisagée dans son acception psychanalytique : car le Mercure est persécuté par l’Artiste qui n’a de cesse de le sublimer, de le fixer, de le dissoudre.

En un mot, voila un Mercure persécuté. Nous trouvons même dans la FIGURE III, partie droite, une projection en 2D de la forme triangulaire de la Pierre – cf. FIGURE II -. Si nous osions, nous pourrions commenter d’un trait de cabale cette singulière projection : le mot ballw, qui signifie lancer, avec une idée de projection, peut être rapproché de ballhna – avec un jeu de mots sur Ballw et le dème attique Pallhnh, c’est-à-dire vers le dème « grêle de pierres » – et nous laisserons au lecteur le soin de juger de la portée hermétique de cette assonance. ]

Mais plusieurs par ignorance gâtent ce qu’ils ont fait, quand ils font Projection sur un métal impur ; car à cause de la corruption leur teinture s’évanouit, laquelle corruption ils n’ont point ôté des Corps, lesquels après la Projection sont cassants, bleus et noirs. [Le point de laison Lapis-christus trouve sa consécration dans la projection. Il faut citer à cet égard cet autre passage de Jung :

« Selon les témoignages contemporains, ce qui a été projeté c’est le démon divin Noûs (esprit), l’homme-dieu, le pneuma, etc.

Dans la mesure où le point de vue de la psychologie complexe est réaliste, c’est-à-dire basé sur l’hypothèse que les contenus de la psyché sont des réalités, on pourrait dire que les figures que je viens de nommer caractérisent une partie inconsciente de la personnalité, à laquelle est attribuée une conscience supérieure, de même qu’une supériorité, sur l’être humain ordinaire.

L’expérience montre que de telles figures expriment toujours des qualités ou des intuitions supérieures qui ne sont pas encore conscientes et dont il est généralement problématique de dire si elles doivent être attribuées au moi, au sens propre du terme, ou non.

Le problème de l’attribution, qui apparaît comme une subtilité gratuite au profane, revêt en pratique une grande importance. Une attribution inexacte peut provoquer de dangereuses inflations que le profane juge sans importance uniquement parce qu’il ne sait pas quels désastres intérieurs et extérieurs sont causés par l’inflation. En fait, il s’agit ici d’un contenu qui, jusqu’à présent, ne fut que très rarement attribué à la personnalité humaine.

La seule grande exception est le Christ.[…] il incarne l’homme-dieu en tant qu’incarnation du Logos, intervenue par 1a procréation pneumatique, il est un avatar du noûs divin. Ainsi, la projection chrétienne se fait sur l’inconnu dans l’homme, ou sur l’homme inconnu, qui devient par là, porteur du «mystère effrayant et inouï ».

Par contre, la projection païenne va par-delà l’homme et frappe l’inconnu dans le monde matériel, la subs tance inconnue qui, comme l’homme-élu, est en quelque sorte remplie de Dieu.

Et, de même que, dan le christianisme, la divinité se cache sous la forme du valet, de même dans la « philosophie » se cache-t-elle dans la pierre chétive [dans le sens de Lapis, vilis, exilis = pierre de vil prix, chétive] ». Dans la projection chrétienne la descensus spiritus sancti (descente du SaintEsprit) s’arrête au corps vivant de l’Elu, qui est tout à la foi un véritable homme et un véritable Dieu ; en alchimie, par contre, la descente va jusque dans les ténèbres de la matière inanimée dont les couches inférieure sont, selon la conception néopythagoricienne, gouvernées par le Mal.

Le Mal et la matière forment ensemble la dyade (la dualité). Celle-ci est de nature féminine, une anima mundi (âme du monde), la féminine Physis qui désire ardemment l’étreinte de l’un, de la monade, du bon et parfait.

La prose justinienne la décrit comme l’Eden : le haut du corps d’une vierge et le bas du corps d’un serpent [c’est là l’origine de la Mélusine chez Paracelse]. Par vengeance, elle combate le pneuma parce que celui-ci, sous la forme du démiurge, deuxième forme de Dieu, l’a abandonnée perfidement. Elle est « l’âme divine, enchaînée dans les éléments » qu’il s’agit de délivrer. » [Psychologie et alchimie, pp 388-390]

FIGURE VII
(représentation symbolique de la correspondance existant entre le zodiaque et l’homme, in mss Chantilly, Très riches heures du duc de Berry, fol. 14, XVe siècle)

Cette figure, nous l’avons déjà présentée dans la Philosophie naturelle restituée, de d’Espagnet, et voici que par un effet du hasard, elle nous vient sous la main à la p. 391 du Psychologie et Alchimie…

Nous avons tenu à citer entièrement ce passage car il se révèle des plus pénétrants quant à l’interprétation hermétique que l’on peut en donner, comparée bien sûr, à son interprétation dans le monde du christianisme. Car c’est bien une lecture à deux portées qu’il faut procéder et l’on croirait d’un drame en deux actes.

Dans le 1er acte, c’est l’Artiste [Hercule, Cadmos, Persée, comme on voudra] qui agit de façon active en séparant les eléments : il est clair que le Noûs, cet Esprit, représente notre Mercure, dans lequel l’Âme ou soufre rouge, symbolisé par le pneuma, le vent, s’est sublimé et comme volatilisé dans le Noûs.

Le 2ème acte est bien différent et d’abord en durée. Car dans le 1er acte, les eléments de la Pierre sont passés au creuset, soufrent pour ainsi dire le martyre et « montent » littéralement au ciel chymique [Tollius, Ulstade, Philalèthe, etc.] et cet acte dure moins du tiers de l’oeuvre. Le 2ème acte est beaucoup plus long et il ne requiert que la présence passive de l’alchimiste dont le rôle se borne à régler le feu. C’est Physis, la Nature, qui opère alors et sancifie l’Apocalypse de notre petit monde, où les corps réincrudés seront unis de façon radicale pour ne plus former qu’un : l’Escarboucle des Sages.

Mais, vers le début du 2ème acte, des signes, avant-coureurs de la parousie hermétique, se manifestent par des couleurs irisées et d’autres encore, disent les textes, quand bien même nous n’y voyons que des passages allégoriques. Quant à l’âme divine enchaînée dans les eléments, elle évoque deux passages dans l’oeuvre : celui où le pneuma se trouve lié au Noûs et forme avec lui le ciel firmamental et l’autre, lorsque le drame cesse, et que l’âme réincrudée se trouve encore empâtée dans des éléments spirituels déchus, des débris d’Esprit en quelque sorte et qu’un tiers-agent est requis pour briser ce qu’on appelle le sceau vitreux d’Hermès.

Mais outre l’idéologie inspirée du monde chrétien, Jung nous dit que :

 » […] l’idéologie de ce mysterium est anticipée dans les cycles de mythes d’Osiris, d’Orphée, de Dionysos, d’Hercule et dans la conception du messie chez les prophètes hébreux. »

avec note explicative du plus haut intérêt :

« Les principaux points sont : chez Osiris, sa nature d’homme-dieu qui garantit l’immortalité humaine, sa nature de blé, son démembrement et sa résurrection ; chez Orphée, le domptage des passions, le pêcheur, le bon berger, le maître de sagesse, le déchirement ; chez Dyonisos, son caractère de vin, les révélations extatiques, la symbolique du poisson, le démemebrement et la résurrextion ; chez Hercule, la soumission à Eurysthée et Omphale, l’oeuvre difficile (principalement libérer de ses maux l’humanité tourmentée, la croix formée dans l’espace par ses voyages : les travaux 7 à 10 conduisent au sud, au nord, à l’est et à l’ouest, et les travaux 11 et 12 forment une verticale [cf. Paul, Eph., 3 : 18 : « Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur »], l’auto-incinération et sa « sublimatio » à l’état divin »

que voila d’énigmes qu’un cabaliste amoureux de science peut comprendre !

Pour Osiris, voyez : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, – pour Orphée, voyez : 1 – pour Dyonisos, voyez : 1, 2, 3, 4 – ou Bacchus : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 – pour Hercule, voyez les sections récentes : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 – On retiendra de ce mysterium que Pernety, dans ses Fables Egyptiennes et Grecques a su deviner tout l’ésotérisme de bon aloi qui se cachait sous des légendes ; la référence au démeembrement ou au déchirement et à la résurrection. Nous examinerons ces cycles dans une future section]

Or afin que ta teinture puisse être permanente sur eux, jette premièrement ta Médecine sur le Ferment, et alors il sera cassant comme verre, et après jette cette matière cassante sur les Corps mondifiés et vraiment purs, et tu verras qu’ils seront abondamment colorés, lesquels endureront à jamais tout examen. [Relisez sur ce point précis ce que nous disons de la dévitrification et de la préparation de l’aventurine -]

Fais Projection, trois, quatre ou cinq fois, jusqu’à ce que ta Médecine commence à diminuer, et alors il faut cesser. Mais souviens-toi de jeter le moindre sur le plus, augmentant toujours le nombre comme font et disent les Sages. Car si l’on joint l’Elixir avec les Corps impurs, l’on ne sait ce que c’est que Projection.

Si tu multiplies premièrement par dix tu feras cent, et cent encore par dix tu feras mille, et mille par dix feront dix mille, puis par dix encore feront cent mil, et ainsi toujours par dix tu iras à l’infini.

Continue à tenir ton Verre au Feu en multipliant de plus en plus, car les Sages disent que réserve n’apporte point de dommage. Et ici finissent nos douze Portes, après lesquelles s’ensuit une brève Récapitulation de tous nos Secrets, si tu comprends la Théorie et la pratique, les figures et les couleurs. Alors tu pourras te dire Savant.

RÉCAPITULATION

Considère premièrement la latitude de la Pierre, et commence au côté qui est noté vers l’Occident, où le Mâle rouge et la Femelle blanche sont conjoins avec l’Esprit de vie pour vivre un amour ; la Terre et l’Eau parfaitement proportionnés, c’est le meilleur, et une partie de Terre pour trois de l’Esprit est aussi une bonne proportion, qui sont douze de l’Esprit pour quatre de Terre.

Il faut alors que tu prennes trois parties de la femme, pour une partie de l’homme, et tant moins il y aura de l’Esprit en ces épousailles, et plutôt tu feras la Calcination. Alors procède avant par le Nord et obscuration de l’homme rouge et de sa femme, appelée éclipse ; les altérant et dissolvant entre l’hiver et le printemps, entourant la Terre obscure et sans clarté (126).

De là monte en Orient par diverses couleurs, là sera la Lune pleine apparaissant de jour ; alors elle a passé le purgatoire et son corps est à sa fin, car le Soleil se lève apparaissant blanc et lucide. Là est l’Eté après l’Hiver, et le jour après la nuit. Alors la Terre et l’Eau après la noirceur sont tournés en l’Air, et les nuées et les ténèbres sont passées, et toutes choses sont en candeur perlucide.

Et comme l’Ouest était le commencement de cette pratique, et le Nord le moyen parfait de cette altération, ainsi l’Est est tôt après le commencement de la spéculative, mais aussitôt il fait la consommation de son cours vers le Midi. Et alors les Eléments sont là par circulation trouvés en Feu. C’est pourquoi ne fais nul doute que tu ne parviennes à ton désir, car tu tournes alentour de la roue de notre Philosophie.

Mais il te faut encore derechef tourner deux fois, en quoi sont compris les Secrets de notre Philosophie, déclarés dans les douze chapitres précédents. Si tu comprends bien comment tu dois calciner, et les parfaitement dissoudre, diviser et putréfier, tu sauras infailliblement tous les Secrets de notre inférieure Astronomie, avec une parfaite connaissance des pôles qui sont en notre Ciel luisant, avec des couleurs qui n’ont jamais été vues.

Pâle et noir, et faux citrin, imparfaits blanc et rouge, les plumes du paon [1, 2, 3, 4, 5 -] de couleur gaie, l’arc-en-ciel, la panthère mouchetée, le lion vert, et le bec du corbeau. Toutes les couleurs apparaissent avant la parfaite blancheur, et encore plusieurs autres. Après laquelle apparaît le gris et faux citrin, et enfin apparaîtra le sang rouge invariable. Et alors tu auras ta Médecine au troisième ordre, multipliée en son propre genre.

Sache aussi ce Secret infaillible que notre homme rouge ne teint point, ni sa femme, jusqu’à ce qu’ils soient teints. C’est pourquoi si tu les veux prévaloir par cet avis, cache la hauteur de tes Corps et montre leur profondeur en chacun de tes Corps ou Métaux : détruis la première qualité et répare incontinent en eux les secondes plus excellentes, et que le tout soit fait en un seul Verre, et par un régime convertis les quatre natures en une. [sur le verre, voyez l’Art de la Verrerie de Loysel, qui note bien des choses intéressantes sur notre sujet]

AVERTISSEMENT DES ERREURS

de George Ripley

APRES tout ce que je fais dit ci-dessus de la Pierre, je te veux avertir par un pur mouvement de charité chrétienne, des vaines expériences que j’ai faites, et des fausses matières sur lesquelles j’ai travaillé. Je te dirai donc que le cinabre ni le Mercure sublimé ne valent rien en notre Œuvre. Car j’ai fait plusieurs Sublimations d’Esprits, de Ferments, Sels, fer, acier ; mais j’y perdis mon temps. J’ai fait des Eaux corrosives et des Eaux ardentes, desquelles j’ouvrais en diverses manières. J’ai calciné des Œufs deux ou trois fois, j’ai fait monter l’huile de chaux pour en séparer les Eléments l’un de l’autre; mais tous ne valent rien.

[Selon une technique bien éprouvée, Ripley comme tant d’autres, mêle adroitement le faux et le vrai ; nous serons d’accord, néanmoins, pour dire que le cinabre et le mercure sublimé ne sont d’aucun usage pour l’oeuvre par la voie sèche. Le mercure, notamment le sublimé corrosif, est par contre utile dans la voie humide, pour la préparation des chlorures d’étain, eux-mêmes indispensables pour la préparation du pourpre de Cassius. Les eaux ardentes – si nous les comprenons en tant qu’eau régale – sont inutiles par voie sèche mais, par voie humide, conduisent aux dissolutions auriques et à ce qu’il est convenu d’appeler « l’or potable », substance très toxique en fait qui n’a aucun rapport avec l’or potable que l’on utilise de nos jours pour le traitement de certains rhumatismes inflammatoires chroniques -]

J’ai travaillé en Soufre et en Vitriol, que les fols appellent le Lion vert, en orpiment, in debili principio, était mon commencement, en Sel de verre [le sel de verre est encore appelé fiel de verre ou suin. C’est une espèce de suie du verre redoutée par les artisans. Il possède toutefois pour notre domaine de curieuses vertus qui le font reconnaître comme utile par les maîtres de l’art. Il contient du sel marin, du sel admirable de Glauber et de l’Arcanum duplicatum. Voyez Loysel sur le sujet ainsi que Maier.]. Sel alcali. Sel albrot, Sel gemme fort clair, Sel de tartre, Sel commun, Sel attincar, Salpêtre, Sel de soude. Mais j’ai gâté mon estomac et mon argent ; garde-toi de toutes ces choses, et surtout tiens-toi loin de l’odeur de l’Argent vif, ne te mêle point non plus avec le Mercure précipité, ni avec les Métaux imparfaits rubifiés. [Ici, Ripley est presque totalement envieux : les sulfures, les sulfates, les vitriols, l’huile de vitriol sont indispensables à un moment oou l’autre de l’Oeuvre. le sel alcali voile la voie de l’alkali fixe, c’est-à-dire la voie des carbonates de potasse et de soude ; le sel albrot est un autre nom pour le sel alembroth.

Dom Pernety nous dit :

« Alembroth est encore le nom que quelques Chymistes ont donné au sel de tartre, qu’ils ont aussi appellé le Magistere des Magisteres. Johnson. Rull. » [Dictionnaire mytho-hermétique]

Et le sel de tartre, qui est soit du tartre vitriolé, soit de l’huile de tartre per deliquum, c’est-à-dire du carbonate de potasse hydraté et concentré, est du plus haut intérêt dans la voie sèche. Le sel attincar est l’autre nom du borax, fondant également utile en collaboration avec d’autres substances fusibles. Mais Pernety le signale comme étant : « Attingat ou Atingar. Vert-de-gris », c’est-à-dire de l’acétate de cuivre. Nous n’insisterons pas sur le sel nitre ni le sel admirable de Glauber -]

J’ai éprouvé les œufs et le sang, l’Ame de Saturne, les marcassites, squames ou écailles de fer que les maréchaux font tomber en le battant [Maier estime que les battitures de fer ont une importance de premier plan. Au point qu’il recommande de savoir en quel endroit les ossements d’Oreste seront trouvés], la litharge, l’antimoine. Mais tous ne valaient rien ; toutefois j’en tirais des belles teintures rouges et blanches, qui néanmoins étaient faussent. [Voir au sujet des teintures : voie humide – teinture – Mercure – Soufre -]

J’ai fait de l’huile de Lune avec un grand travail, la calcinant avec Sel commun préparé et par soi même, avec violente chaleur, la broyant avec Vinaigre tant que j’en étais las, et aussi avec Eau de Vie accuée avec épiées sur marbre. Mais tout fut perdu. [L’huile de Lune correspond peut-être au Soufre blanc -]

J’ai fait plusieurs amalgames pensant les fixer avec profit, et pour cela je pris du Tartre, du Souffre, des blancs d’œufs, de l’huile de limaçons. Mais aussi inutilement.

J’ai fait de l’huile et de lait, de présure, de vin, de limon, de chélidoine, d’Etoiles qui tombent en terre, spondines et plusieurs autres. J’ai perdu plusieurs livres de Mercure, et j’ai fait des Pierres de Cristal. Mais tout n’a rien valu.

Fuis donc telles besognes et autres semblables, car il n’en peut provenir que du mal. Eprouve tant que tu voudras, et tu le trouveras ainsi que je te le dis ; ta bourse vide et ta santé diminuée par les mauvaises senteurs et les pernicieuses fumées.

Certainement je n’ai jamais vu d’Œuvre vraie que celle dont je t’ai montré la vérité en ce traité. Etudie toi donc bien à la faire, et tu gagneras Or, argent et santé.

Souviens toi que l’homme qui ailleurs est appelé le Mâle, est la plus parfaite créature terrestre que Dieu aie créée ; auquel il y a une neutralité des quatre Eléments proportionnés par Nature, qui ne coûte rien du tout, laquelle est menée hors de sa minière par Art. Certes nos Métaux ne sont autre chose que nos deux minières de notre Soleil et de notre Lune. Raymond Lulle dit ainsi qu’il s’ensuit.

La clarté de la Lune et du Soleil si lucide, en ces deux Minières est descendue ; encore que la clarté soit cachée à la vue, et si est-ce que par Art tu la peux clairement faire paraître. C’est pourquoi putréfie cette Pierre cachée — cette seule chose —, remets-là en sa propre liqueur, jusqu’à ce qu’elle devienne blanche, pour la fermenter sagement. Voilà tout.

FIN

En pdf,  Le livre des portes égyptien : Le livre des portes


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