D’après Joe Kirschvink, du Caltech, l’être humain possède un sixième sens qui lui permet de détecter le champ magnétique terrestre. Une telle capacité a déjà été repérée chez des oiseaux et est suspectée chez des mammifères. Ce 6éme sens concerne ce que l’on appelle la réception magnétique; la capacité pour un être de percevoir les champs magnétiques de notre terre.
Le géophysicien, Joe Kirschvink de l’Institut de Technologie de Californie, a réalisé des expériences avec les humains pour voir comment nous sommes capables d’accéder à ce sens magnétique. Il déclare:
«Cela fait partie de notre histoire évolutive. La réception magnétique est peut-être le sens fondamental. »
Cette «boussole» concerne toutes les informations que nous avons sur la façon de faire fonctionner ce sixième sens.
Cependant, les scientifiques et les chercheurs ne savent pas exactement comment on est censé l’utiliser, et récupérer les données, pour vraiment profiter de ce sens. Peut-être que les animaux utilisent ce sens pour traquer des proies, fuir certaines zones, ou une variété d’autres possibilités.
Pour poursuivre ce type d’étude, Kirschvink a testé des individus en envoyant un champ magnétique rotatif au sujet tout en mesurant ses ondes cérébrales. Par conséquent, Kirschvink a découvert que, lorsque ce champ est mis en rotation dans le sens anti-horaire, les neutrons réagissent au changement de rotation à l’intérieur de leur cerveau, on a vu un pic visible dans leur activité électrique. Cela signifie qu’il doit y avoir une sorte de sens magnétique chez l’homme.
Un champ magnétique dans une cage de Faraday
Des travaux précédents ont déjà essayé de mettre en évidence un sens magnétique chez l’Homme, mais ils n’étaient pas reproductibles. Ceux de Joe Kirshvink, en revanche, le sont, affirme-t-il. Il a présenté ses résultats au congrès du Royal Institute of Navigation, au Royaume-Uni. Il affirme que « les humains ont des magnétorécepteurs fonctionnels ». Cette découverte est également décrite dans la revue Science Magazine.
L’étude en question a porté sur 24 personnes et a seulement fait l’objet d’une communication ; elle n’est pas publiée dans une revue à comité de lecture. L’expérience, commencée en 2014 avec Joe Kirschvink lui-même, il a utilisé une grande cage de Faraday, une boîte en aluminium faisant écran à l’environnement électromagnétique. Les « cobayes » s’assoient dans la cage, dans le noir, et sont exposés à un champ magnétique pur, uniforme, sans aucune autre interférence, ni stimulus. Les participants portaient des capteurs sur le crâne pour réaliser un électro-encéphalogramme, afin de suivre leur activité cérébrale. Les chercheurs peuvent modifier l’orientation du champ magnétique.
Durant cette étude, différents tests ont été réalisés ; dans certains, un champ magnétique aussi fort que celui de la Terre tournait lentement autour de la tête des participants. Quand le champ magnétique tournait à l’inverse des aiguilles d’une montre, les ondes alpha des participants chutaient. Des neurones semblaient donc répondre au champ magnétique. De plus, la réponse neurale avait lieu après un petit délai (quelques centaines de millisecondes), ce qui suggère une réponse cérébrale active, d’après le chercheur. Pour l’instant, les résultats s’arrêtent là mais le chercheur promet que d’autres laboratoires, au Japon et en Nouvelle-Zélande, tenteront de confirmer ses résultats.
Alors que l’idée de l’influence de ces champs sur le vivant a longtemps été réservée aux sourciers, magnétiseurs et autres adeptes de pseudo-sciences, la science lui offre pour la première fois une crédibilité, sous la forme de mécanismes biologiques plausibles et d’observations comportementales indéniables.
Elle dessine ainsi les contours d’un sens magnétique, certes encore plein de mystères, mais qui ne relève plus du paranormal.
A première vue, tout pousse pourtant à douter de l’existence d’une perception sensorielle des forces magnétiques. Invisibles, inaudibles et impalpables, sans saveur ni odeur, ces forces nées du tourbillon de métaux fondus qui anime le cœur de la Terre ne se révèlent qu’en présence de boussoles ou d’aimants.
Les lignes du champ terrestre qui relient chaque point de la planète à ses pôles magnétiques nord et sud ont beau traverser chacune de nos cellules, elles demeurent une bizarrerie en laquelle on croit, plutôt qu’un phénomène physique que l’on perçoit. D’ailleurs, sans l’odorat, le nez, et la vue l’œil, quel serait l’organe de la réception du champ magnétique ?
Comment expliquer le fait que nous n’ayons aucune conscience de cette information?
Et à quoi celle-ci pourrait-elle bien nous servir?
Autant d’énigmes qui laissent imaginer pourquoi le champ magnétique est devenu une caution scientifique idéale pour les idées les plus sulfureuses…
Le chemin aura été long avant qu’émerge l’hypothèse de la capacité de l’homme à détecter les champs magnétiques. Même des faits aujourd’hui largement acceptés, comme la présence d’un sens magnétique chez la plupart des espèces migratrices, ont eu beaucoup de difficultés à s’imposer.
« Il y avait au début un énorme scepticisme, chez les biologistes comme chez les physiciens », confirme Kenneth Lohmann, biologiste à l’université de Caroline du Nord, à Chapel Hill (Etats-Unis).
Evoquée dès le début du siècle dernier, l’hypothèse d’un sens magnétique chez certains oiseaux migrateurs n’a été reconnue par la communauté scientifique qu’à partir des années 1960. Et ce, grâce à l’idée ingénieuse des chercheurs allemands Wolfgang Wiltschko et Friedrich Merkel.
« Ils ont placé des rouges-gorges dans des cages en papier carbone, pour que les oiseaux laissent des traces en grattant du côté vers lequel ils voulaient s’envoler », raconte Hervé Cadiou, chercheur à l’université de Strasbourg.
En présence d’un champ magnétique terrestre perturbé, les oiseaux avaient tendance à se diriger vers une autre direction que celle qu’ils privilégiaient habituellement. Après application d’un champ artificiel, de telles désorientations ont par la suite été observées chez des espèces migratrices variées – oiseaux, poissons, tortues, langoustes, et même fourmis.
Aujourd’hui, personne ne doute plus du fait que de nombreux animaux, pour se repérer dans leurs longs trajets migratoires, utilisent les variations dans la direction des lignes de champ magnétique qu’ils traversent.
Mais l’homme n’est pas une espèce migratrice. Et des millions d’années d’évolution le séparent de la tortue. Rien n’incitait donc à penser que nous partagerions avec elle, ou quelque autre espèce, la faculté de ressentir le champ magnétique. Sauf que les chercheurs se sont aperçus, ces trente dernières années, que cette “magnétoréception” est présente dans presque toutes les branches de l’arbre de la vie !
Rats-taupes, mouches, bactéries, plantes… autant de familles d’espèces non-migratrices dont les comportements ont fini par révéler qu’elles étaient aussi magnétoréceptrices ! Même les grands mammifères seraient concernés.
A partir de photos prises par satellite, l’équipe de Hynek Burda, de l’université de Duisburg-Essen (Allemagne), a en effet observé en 2009 que les vaches et les cerfs ont tendance à s’aligner parallèlement à l’axe nord-sud, sauf à proximité des lignes à haute tension, qui perturbent justement le champ magnétique autour d’elles. « Nous sommes en train d’analyser des données pour d’autres animaux, et je peux déjà vous dire que la magnétoréception est présente chez bien d’autres espèces », affirme le chercheur.
Si des bactéries, des plantes et même des vaches peuvent ressentir le champ magnétique… alors pourquoi pas l’homme ?
Jusqu’à récemment, cette idée était largement méprisée, notamment à cause d’études controversées sur le comportement humain. Dans les années 1970 et 1980, le biologiste anglais Robin Baker, qui enseignait alors à l’université de Manchester, avait testé la capacité de ses étudiants à identifier la direction dans laquelle ils étaient orientés, dans un lieu inconnu et les yeux bandés. Ses résultats, publiés dans la revue Science en 1980, firent beaucoup de bruit : les étudiants auraient montré une capacité naturelle à se situer dans l’espace… sauf lorsqu’un aimant avait été fixé sur leur front ! Mais l’excitation suscitée par cette découverte allait rapidement s’effondrer, car aucun des chercheurs ayant tenté de reproduire les travaux de Baker ne retrouva ces résultats.
L’hypothèse de la capacité humaine à ressentir le champ magnétique terrestre en ressortit fortement discréditée. Elle fut ressuscitée par la découverte de molécules sensibles au champ magnétique chez différentes espèces, dont l’homme.
Une piste ouverte au début des années 1970… par hasard. A l’époque, « le microbiologiste Richard Blakemore découvre que, lorsqu’il met un pot de sédiments marins près d’un agitateur magnétique, utilisé pour remuer des solutions liquides, il s’y dessine un tourbillon », raconte Hervé Cadiou.
Le chercheur britannique remarque alors que ce tourbillon est créé par des bactéries cachées dans les sédiments, capables de s’orienter par rapport au champ magnétique grâce a une molécule très particulière : la magnétite… utilisée pour fabriquer les aiguilles des boussoles !
Ce minéral aux propriétés magnétiques forme de longues chaines qui s’accrochent aux membranes cellulaires. A la manière de l’aiguille d’une boussole, ces chaines sont toujours orientées dans l’axe nord-sud, ce qui oblige mécaniquement les bactéries à en faire de même.
“Ces bactéries, qui vivent dans des milieux très particuliers, à faibles concentrations en oxygène, nagent toujours le long des lignes de champ magnétique, ce qui leur permet de ne pas se perdre”, explique Damien Faivre, de l’Institut Max-Planck.
Ainsi, les êtres vivants sont capables de produire leurs propres boussoles !
Cette magnétite pourrait-elle constituer la clé du sens magnétique chez les animaux ? Pour le savoir, les chercheurs se sont lancés dans la traque de ce précieux minéral, au cœur de nombreuses cellules, organes et espèces… Un travail laborieux, mais payant : cette boussole moléculaire a été identifiée chez plusieurs animaux, dans des cellules de la muqueuse olfactive de la truite, dans la partie supérieure de becs de pigeons et… dans le cerveau humain !
De quoi donner forme à une première hypothèse d’un mécanisme susceptible d’être à l’œuvre en nous : chaque mouvement de la tête entrainerait celui de la magnétite toujours orientée dans l’axe nord-sud – par rapport aux cellules qui la contiennent. Ces mouvements provoqueraient mécaniquement l’ouverture de canaux dans la membrane des cellules, ce qui permettrait l’envoi de messages chimiques à des cellules nerveuses en contact direct avec elles .
Mais cela n’a encore jamais été démontré chez l’homme. Et, pour de nombreux chercheurs, la magnétite pourrait n’être, dans notre espèce, qu’un simple déchet cellulaire…
UN DEUXIÈME RÉCEPTEUR DANS LA RÉTINE
La découverte d’un deuxième mécanisme va cependant finir de les convaincre. Ce mécanisme est pour la première fois envisagé à la fin des années 1990 avec la découverte du cryptochrome, une molécule sensible à la lumière, présente chez les plantes et dans la rétine de nombreux animaux, dont l’homme.
En réagissant à la lumière, cette molécule produit des radicaux libres, des particules chargées électriquement et dont la position des électrons les uns par rapport aux autres influence les réactions chimiques qui se produisent dans la rétine. Or, la position de ces électrons dépend elle-même de la direction du champ magnétique ! Des modifications de ce dernier pourraient donc se traduire par des variations d’activité dans la rétine. De quoi imaginer une seconde forme de magnétoréception, qui passerait par exemple par l’apparition de différentes taches, plus ou moins lumineuses, à l’intérieur du champ visuel, selon l’orientation du regard par rapport aux lignes de champ magnétique
Cette hypothèse est renforcée par de nombreuses observations, à commencer par une étude de 1993 montrant que les rouges-gorges sont capables de s’orienter par rapport au champ magnétique uniquement sous des lumières bleues et vertes, auxquelles le cryptochrome est spécifiquement sensible. D’autres résultats tendant à impliquer ce mécanisme ont été retrouvés chez de nombreuses espèces, comme la mouche du vinaigre ou l’arabette des dames, célèbre plante de laboratoires. L’une de ces espèces est Homo sapiens… et la démonstration est à la hauteur des réticences de la communauté scientifique sur le sujet !
QUEL IMPACT SUR NOTRE ORGANISME?
En 2011, l’équipe de Thorsten Ritz, de l’université de California, à Irvine (Etats-Unis), a ainsi créé des mouches mutantes, dénuées de cryptochrome, et donc incapables de s’orienter par rapport à un champ magnétique. Or, après que le gène du cryptochrome humain leur fut transféré, ces mouches ont retrouvé leur sens magnétique. Preuve que le cryptochrome humain est, lui aussi, capable de détecter le champ magnétique !
Une découverte qui renforce les conclusions des études menées par Franz Thoss dans les années 2000. Ce chercheur allemand a montré, en soumettant plusieurs personnes à un test de détection de stimuli lumineux d’intensités croissantes, que l’œil humain détectait plus facilement la lumière quand le regard était dirigé parallèlement aux lignes de champ magnétique. La différence de sensibilité était suffisamment faible pour expliquer que, en dehors de tout cadre expérimental, personne ne se soit jamais aperçu de cette incroyable faculté !
Aujourd’hui, les indices sont là, nombreux et solides : l’homme possède tous les outils moléculaires et tous les circuits cellulaires pour capter les champs magnétiques. Quand certaines espèces n’exploitent que la magnétite ou que le cryptochrome, d’autres, comme l’homme, pourraient bénéficier de l’activité de ces deux récepteurs à la fois. Reste à découvrir si cette information est bien prise en compte par notre cerveau, et comment celle-ci pourrait, sans que nous en soyons conscients, se répercuter sur le fonctionnement de notre organisme.
Quelques études publiées, mais jamais répliquées, ont évoqué des différences dans l’activité électrique du cerveau ou dans la rapidité des mouvements oculaires de personnes endormies, en fonction de l’orientation dans laquelle ces dernières étaient allongées. Mais des études plus sérieuses, menées sur de grands échantillons de population, manquent encore. Peut-être les récentes découvertes permettront-elles enfin à de tels projets d’être lancés.
Les chercheurs demeurent très sceptiques sur la capacité de l’homme à déduire son orientation du champ magnétique, aucune étude, depuis celle de Baker, n’ayant mis en évidence une telle faculté. « Si cela existe vraiment, je ne m’y fierais pas pour trouver ma direction », s’amuse Thorsten Ritz.
Et ces découvertes sont loin de fournir une explication scientifique aux pratiques des sourciers et des magnétiseurs ou au feng shui. Mais elles devraient renforcer le débat sur un autre sujet la question des risques sanitaires liés aux ondes électromagnétiques issues des lignes à haute tension.
DES CRAINTES FINALEMENT JUSTIFIÉES?
Si notre corps est capable de ressentir le champ magnétique… les ondes électromagnétiques peuvent-elles le perturber?
Pour les lignes à haute tension, qui produisent des champs assez intenses – wi-fi, portables, antennes-relais, 5G… L’hypothèse d’un sens magnétique humain relance la question. ll faut dire que la réponse est aujourd’hui loin d’être claire…
Dans ce contexte, l’hypothèse d’un sens magnétique chez l’homme représente donc une piste d’explication intéressante.
En effet, des études ont suggéré, pour expliquer les effets potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé humaine, que celles-ci perturberaient notre rythme veille/sommeil. Or, le champ magnétique est lui-même impliqué dans la régulation des rythmes biologiques des espèces magnétoréceptrices, comme cela a été démontré, notamment, chez la mouche et la plante. La présence d’un sens magnétique chez l’homme pourrait donc constituer une première piste solide pour enfin faire la lumière sur cette question.
Pourquoi aurions-nous conservé un sens que nous ne savons visiblement pas comment employer?
“Peut-être qu’il y a très longtemps, nos ancêtres s’en servaient pour s’orienter, et que nous avons, depuis, perdu cette capacité”, propose Franz Thoss.
Autre hypothèse : malgré la présence dans notre organisme de tous les outils permettant de percevoir le champ magnétique, nous n’aurions jamais développé les moyens d’intégrer cette information et de l’utiliser pour notre orientation. C’est déjà le cas des plantes, dont le champ magnétique influence la croissance. Si elles ne tirent aucun profit de ce sens magnétique, elles auraient cependant conservé le cryptochrome pour ses autres fonctions essentielles – réception de la lumière et régulation des rythmes biologiques quotidiens. Peut-être la magnétoréception a-t-elle été conservée de la même manière chez l’homme, malgré son inutilité…
L’une des grandes difficultés, pour tirer cette affaire au clair, est que l’influence du champ magnétique terrestre est très faible, donc difficile à démontrer.
“Cela a freiné les avancées”, regrette Margaret Ahmad, de l’université Paris-VI. Mais le frein principal est probablement d’ordre psychologique. Ce domaine dans lequel peu d’équipes osent se lancer “porte encore les stigmates d’une imagerie populaire associée aux mages et aux magnétiseurs”, explique Hervé Cadiou, qui reconnait que “beaucoup d’études non rigoureuses ont été menées sur ce sujet dans le passé, et ont fait beaucoup de tort à la recherche”.
Grâce à l’entêtement de quelques chercheurs, un impressionnant chemin a quand même été parcouru. Il y a cinquante ans, le sens magnétique n’était qu’un fantasme.
Or, on admet aujourd’hui que ce phénomène, qui a longtemps relevé du domaine de l’étrange, irrigue presque toutes les branches de l’arbre de la vie. Et après tout, que la vie soit sensible aux forces qui la bercent, en tous points du globe, depuis son apparition… cela est-il vraiment si étrange ?
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