C’est sans doute grâce à l’état intermédiaire que l’existence du rêve lucide a pu être constatée spontanément par des rêveurs isolés ignorant tout du phénomène. C’est en effet à partir de lui que commence le plus souvent l’induction « naturelle » du rêve lucide, et cela s’explique sans doute par la qualité de conscience que réclame cet état. Mais avant d’apprendre à utiliser l’état intermédiaire, encore faut-il pouvoir le reconnaître.
RECONNAÎTRE L’ÉTAT INTERMÉDIAIRE
Contrairement à ce que pourrait suggérer sa dénomination, il ne s’agit pas de la simple transition de la veille au sommeil et au rêve couramment décrite par les rêveurs et dont Hervey de Saint-Denys donne plusieurs exemples, bien qu’elle présente un point commun avec lui : le sentiment de ne pas encore dormir et pourtant de ne plus veiller.
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« Voici comment je me suis endormi hier soir ; je m’en souviens très nettement ce matin. Tandis que j’étais dans cette période d’assoupissement qui n’est pas encore le sommeil et qui n’est déjà plus la veille, l’idée de la pluralité des mondes m’est revenue à l’esprit ; l’ouvrage de Fontenelle sur cette matière ayant été lu par moi dans le jour, je me rappelai quelques objections que je m’étais faites à moi-même ; je les attribuai, je ne sais pourquoi, à un personnage en robe noire et perruque, et je discutai longuement avec lui. J’estime que mon rêve proprement dit commença par cette discussion imaginaire, car je me souviens parfaitement que je n’étais pas encore endormi et que je n’avais encore aucune vision, quand j’en agitai dans ma tête les premiers éléments. Peut-être le personnage en perruque me fut-il inspiré par un portrait de Fontenelle, placé en tête du livre que j’avais lu. Toujours est-il que ce personnage, avec lequel je discutais, tira de sa poche un instrument de forme singulière, etc., etc. Suit le récit du rêve, qui dès lors est parfaitement caractérisé ».
Au cours de la transition simple l’attention du sujet devient flottante, comme dans une rêverie éveillée ; dans l’état intermédiaire au contraire, le sujet reste parfaitement conscient.
Du point de vue du sujet qui s’observe, « l’état intermédiaire » est un état dans lequel il pense ne pas dormir alors qu’il peut constater « en lui » des phénomènes qui n’appartiennent manifestement pas à la veille.
« Induction plus réussie que la veille, malgré une difficulté persistante à détendre la nuque. (La tête tend toujours à partir en arrière au moment vibratoire). » Ces « vibrations », dont il n’est pas sûr que je les ressens, ne sont peut-être pas essentielles. Je vois qu’il y a surtout un état de tension à l’intérieur du cerveau (que j’ai rencontré parfois en méditant) dont la « force » tend à se communiquer au reste du corps. Si l’on veut, on peut avoir l’impression que cela vibre ou fourmille. A tort ou à raison, j’ai résisté à l’accélération de la respiration, la maintenant calme et longue. « Les « tâtonnements » des mains étendues sont plutôt vaseux, c’est-à-dire que l’imagination ordinaire semble y tenir la place principale. Plus intéressantes certaines « gymnastiques » (lever les jambes et surtout se tourner sur un flanc puis sur l’autre. Là, j’ai vraiment l’impression qu’il se passe quelque chose d’inconnu.
« Après cela, j’ai constaté avec objectivité, mais aussi une certaine satisfaction, que j’avais l’impression d’être incapable de bouger. Je suis finalement arrivé à bouger ma main droite, avec « grésillement et étincelles ». Ce n’était pas vraiment difficile, mais plutôt lointain » .
De son point de vue, le rêveur ne considère pas qu’il dort.
Il a en effet la pleine conscience de l’état de veille et il commente ce qui lui arrive en fonction d’elle. Mais, d’un autre côté, ce qui lui arrive ne relève pas de l’état de la vie de veille, et il en est bien conscient (« là j’ai vraiment l’impression qu’il se passe quelque chose d’inconnu »). Comment situer cet état, s’agit-il déjà de l’endormissement ? Il n’est guère possible de dire que le sujet « rêve », puisqu’il a conscience de son corps, le bouge même. C’est cet état qui appartient à la fois à la veille et au sommeil tout en conservant une pleine conscience que nous appelons ici « état intermédiaire ».
On pourrait néanmoins tenter de l’expliquer par une impression subjective de veille et le ramener entièrement du côté du rêve : le rêveur croirait être éveillé et rêverait ses sensations de l’état d’éveil. De fait, certains cas s’expliquent manifestement ainsi.
« Allongé à 15h20 environ pour sieste. Mal à la tête, fatigue générale. Cassette [de relaxation], et en continuité la cassette « concentration ». Je somnole très rapidement avec la relaxation en raison de la fatigue. Je m’entends ronfler, j’ai des images hypnagogiques. Lorsque la cassette de relaxation est terminée je suis réveillé, du moins c’est ce que je pense. Mais je me sens encore ensommeillé. Je laisse arriver la cassette de concentration. Puis j’essaie de me réveiller ou de me retourner. Il y a du bruit dehors et je voudrais au moins baisser le volume. Tout du long j’entends nettement la bande, donc je ne suis pas endormi. Je me rends compte que je suis dans un état particulier. J’essaie de faire de la lévitation des membres, puis de tout le corps. Je me sens déplacé de côté. J’ouvre les yeux à moitié et avec difficulté. L’orientation de la pièce a changé de place. Mes yeux sont lourds. (Mais bientôt je me réveille vraiment et je m’aperçois que je suis toujours sur le dos. Je me retourne alors de côté.) […] ».
Le rêveur est ici apparemment victime d’un faux-éveil au cours duquel il se sent dans un état intermédiaire. Mais faut-il en conclure que l’état intermédiaire se réduit au rêve de faux-éveil ? Même ce rêve, pourtant assez clair par la vérification faite à l’éveil, reste délicat à qualifier. En effet la conscience dont fait preuve le rêveur est extrêmement proche de celle de l’éveil en raison des conditions d’endormissement. De plus, il s’agirait d’un faux-éveil lucide, puisque le rêveur se sait dans un état particulier n’appartenant pas à l’état de veille normal et dans lequel il essaie de léviter [4].
Or, un faux-éveil « lucide » est un état paradoxal, puisque le faux-éveil suppose que le rêveur croit être réveillé et donc ne dispose pas de sa lucidité. Le rêveur est donc lucide par la conscience qu’il a de ne pas être dans un état normal tout en pensant percevoir clairement des événements du monde extérieur, comme s’il était éveillé, tels que la voix de la cassette ou les sensations tactiles. De plus, dans ce récit, l’état intermédiaire se produit à la soudure d’un « réveil » tandis que, dans le cas précédent, il concerne l’endormissement.
S’il est relativement facile de parler de faux-éveil lorsque le sujet s’est déjà endormi, cela n’est guère possible pour un endormissement que le sujet considère, de son point de vue, ne pas encore avoir eu lieu. Là, les éléments perceptifs de la vie de veille sont « suivis » par la conscience et ne semblent pas avoir subi de modification : les perceptions restent les mêmes (bruits extérieurs ou de la respiration, sensations physiques du lit et de la pression des couvertures….). Simplement il y a des phénomènes « en plus » qui indiquent l’état intermédiaire. Et quand le sujet bouge, il peut se rendre compte à la fois qu’il n’est pas endormi et que ses perceptions étaient exactes, donc qu’il était bien éveillé.
L’état intermédiaire n’est donc pas le sommeil, ou plus exactement il n’est pas le sommeil habituellement défini comme l’état dans lequel le dormeur est coupé de la vie de relations.
Si nous laissons de côté le problème que pose la nature de l’état intermédiaire pour le moment, nous pouvons constater, de façon immédiate, que bien des rêves lucides se situent dans son prolongement naturel. C’est principalement le cas pour les rêves lucides d’endormissement au début desquels les sujets décrivent des phénomènes qui ne s’inscrivent pas de façon nette dans l’état de veille ou celui de rêve (ou de sommeil entendu comme perte de conscience de l’environnement de l’état de veille) ou plus exactement qui semblent participer des deux états.
Dire que le rêve lucide surgit à partir de l’état intermédiaire c’est dire, en fait, que la conscience de cet état se prolonge dans le rêve qui suit.
Il y a donc continuité de conscience de la veille au rêve en passant par l’état intermédiaire, ce qui ne saurait être le cas avec la période de transition puisqu’elle s’apparente aux pensées confuses, et donc peu conscientes, de l’état de veille. De ce point de vue il faut bien distinguer le rêve lucide qui succède à une période de transition de celui qui succède à l’état intermédiaire.
« D’abord c’était comme une sorte d’engourdissement, durant lequel je pensais de la manière la plus confuse aux personnes qui ont dîné aujourd’hui avec nous, et à la jolie figure de Mme de S… Son visage ne m’apparaissait pas nettement d’abord ; ensuite je l’ai mieux vu, et puis, sans que j’imagine comment cela s’est fait, ce n’était plus elle que je voyais, mais sa cousine, Mme L…, laquelle était assise devant un métier à tapisserie. L’ouvrage auquel elle travaillait représentait une guirlande de fleurs et de fruits admirablement nuancés, ainsi que tous les détails de la chambre et du costume de Mme de S…, quand l’idée que je rêvais et que je venais de m’endormir à l’instant me venant tout à coup à l’esprit, j’ai secoué le sommeil par un effort de volonté, et prenant mon crayon, j’ai aussitôt noté ceci comme pouvant me servir à constater de quelle manière un songe commence. Il me semble bien n’avoir pas eu de lacune positive entre les idées que j’ai roulées dans ma tête en m’assoupissant, et ces dernières images si nettes, si complètes que c’était positivement un rêve véritable. »
Nous voyons Hervey de Saint-Denys passer par une « sorte d’engourdissement » accompagné de pensée confuse (« je pensais de la manière la plus confuse »), voit des images floues, puis nettes, et s’avise brusquement qu’il rêve (« quand l’idée que je rêvais et que je venais de m’endormir à l’instant me venant tout à coup à l’esprit, j’ai secoué le sommeil par un effort de volonté » . Ici il est clair que la période de transition n’est pas lucide. Hervey de Saint-Denys n’a pas conscience tout de suite de la nature de ces images et ne se rend compte qu’il rêve qu’au bout d’un moment. Il ne s’agit donc pas d’un rêve lucide d’endormissement ou, si l’on préfère, d’un endormissement conscient se prolongeant dans un rêve lucide, mais du surgissement de la lucidité en rêve, la continuité portant sur les pensées sans concerner la conscience de l’état.
A l’inverse, un rêve lucide succédant à l’état intermédiaire donne le sentiment d’une prolongation de la conscience de cet état au rêve.
Un après midi, étant allongé sur le sofa, les yeux clos, je m’aperçus soudain que je pouvais voir clairement le dessin qui se trouvait sur le dossier. Cela me fit comprendre que j’étais en état de transe. Je sortis de mon corps par décision volontaire et me trouvai alors, par une transition très brusque, dans un beau coin de campagne que je ne connaissais pas.
Ce qu’Oliver Fox appelle la « condition de transe » correspond à l’état intermédiaire : il reste pleinement conscient tout le long de l’expérience et se rend compte qu’il n’est pas dans l’état d’éveil normal lorsqu’il s’aperçoit qu’il a le sentiment de voir, les yeux fermés. Il plonge alors délibérément dans l’état de rêve en utilisant une sorte de clef métaphorique, celle qui consiste à « quitter son corps ».
Il faut cependant remarquer qu’il n’a pas cherché à établir cet état intermédiaire qui est survenu spontanément.
Nous pouvons donc considérer cet exemple comme une induction naturelle, même si, à partir de l’état intermédiaire, le rêveur a utilisé une technique dont il a pris l’habitude. L’induction à partir de l’état intermédiaire est donc une sorte de prolongement de cet état dans celui de rêve, dans la mesure où le rêveur reste conscient au cours des différentes étapes.
L’état intermédiaire peut également déboucher sur le rêve lucide sans intention délibérée de la part du rêveur, mais cela est plus rare. On comprend alors qu’il soit relativement intéressant d’apprendre à le reconnaître, en d’autres termes à en prendre conscience lorsqu’il se présente (et par la suite à le provoquer) pour l’exploiter en vue de devenir lucide en rêve.
Pour cela, le seul fait de déceler, dans ce qu’on croit être un état d’éveil calme, des éléments étranges ne suffit pas. Il faut être dans l’attente de ces éléments si l’on ne veut pas laisser la conscience dériver, ce qui requiert une étude approfondie des différents types d’états intermédiaires. Toutefois, la nature ambiguë de cet état rend sa description délicate.
En effet, l’état intermédiaire pose un problème de situation pour le chercheur car les sujets ne lui donnent pas un statut particulier mais le considèrent comme une sorte de frontière où deux domaines tendent à se confondre. Ils n’y voient pas un « état » à proprement parler, sont peu enclins à le définir et encore moins à l’étudier.
On trouve en fait deux attitudes à l’égard de l’état intermédiaire.
La première consiste, pour celui qui enregistre ses rêves lucides, à ne pas en tenir compte, parce qu’ils n’appartiennent pas au domaine du rêve, et donc à ne pas les noter.
La deuxième consiste au contraire à inclure ces expériences dans le rêve et à ne pas signaler de ce fait ce qui les rend singulières.
Dans le premier cas, le plus courant, nous n’avons pas de compte rendu de cet état, sauf par la mention « endormissement conscient », dans le deuxième les éléments qui pourraient indiquer qu’il s’agit d’un état intermédiaire ne sont pas signalés comme tels et leur repérage reste difficile.
Pour obtenir des récits d’états intermédiaires, il était donc nécessaire d’attirer l’attention des rêveurs sur ce point et il est possible que l’observation de son propre endormissement favorise leur émergence.
Le fait que l’état intermédiaire puisse être provoqué par l’observation de l’endormissement n’affecte cependant pas la qualité naturelle de l’induction de la lucidité qui émerge à partir de lui. Dans la mesure où nous nous y intéressons parce qu’il permet lui-même de déboucher sur le rêve lucide, qu’il ait été obtenu ou non par induction ne nous gêne en rien : même provoqué il reste reconnaissable dans sa description par ceux qui l’ont spontanément vécu.
Cependant, aborder l’état intermédiaire dans son rapport avec le rêve lucide pose en soi un problème : il n’est guère possible de délimiter le moment où il commence et celui où il finit. On ne peut donc pas l’aborder par son « contenu » mais plutôt par le « bout » par lequel le rêveur le tient, c’est-à-dire la façon dont il le vit, qu’il se considère éveillé ou endormi sans rêver ou encore dans un état nouveau différent de la veille, du sommeil et du rêve.
ETAT INTERMÉDIAIRE DANS LEQUEL LE SUJET PENSE NE PAS DORMIR
La première façon, pour le sujet, d’entrer dans l’état intermédiaire passe souvent par les sensations corporelles. Le corps est en effet le lieu privilégié de la prise de conscience d’un changement d’état par rapport à l’éveil ou au sommeil. Dans l’un des exemples que nous avons donnés plus haut, le sentiment d’être dans un état intermédiaire se fait par rapport à des modifications dans la perception du corps. Cette situation peut aller de la simple détente au sentiment d’absence de corps en passant par toutes sortes d’états comme la paralysie et les altérations corporelles.
L’état intermédiaire le plus difficile à saisir est sans doute le sentiment de détente totale dans lequel le sujet sent son corps et pense qu’il pourrait le bouger s’il voulait, mais sans cependant le faire pour ne pas « casser » cet état de détente.
Il faut noter que dans cet état le sujet peut effectivement bouger et se relever ou s’endormir, sans jamais se rendre compte qu’il est passé par un état particulier. Il ne prend conscience de sa particularité que s’il le « teste » en se livrant à certaines sensations qu’il accentue par l’imagination ou, plus simplement, en observant son propre corps pour découvrir des « décalages » sensoriels.
L’un des phénomènes particuliers les plus courants dans l’état intermédiaire est certainement le sentiment de décalage du corps ou d’une partie du corps par rapport à sa position effective. Le rêveur, par exemple, se détend avec une main allongée sur le côté et finit par sentir avec une acuité extraordinaire cette même main posée sur le ventre – tout en ayant le sentiment d’être bien éveillé. Évidemment s’il se redresse il s’aperçoit que la main n’avait pas changé de place.
Dans le rêve qui suit, ce sentiment est encore plus fort puisqu’il procure au rêveur une double sensation :
« […] J’enlève ensuite les écouteurs […] et me retourne pour dormir. Mais j’entends le poum-poum-poum d’un ballon qu’un enfant fait taper sur le sol dans la pièce au-dessus. Je me dis que les nouveaux locataires ont des enfants, ce qui ne va pas plaire à S… J’ai le sentiment que je ne dors pas. Néanmoins je sens un doigt de ma main refermé là où il n’est pas, à gauche. C’est-à-dire que j’ai une sensation double de ma main.
(Rêve lucide 🙂 Je décide d’essayer de sortir de mon corps. Je m’élève au-dessus de lui. Tout est noir. Je fais quelques pas puis j’avance résolument dans le noir, avec une sensation d’irréalité. Je n’ai pas l’impression vraiment d’avoir un cap. Je suis en fait du noir se déplaçant dans du noir, même si la sensation de déplacement est nette […] ».
Le rêveur est au début bel et bien réveillé puisqu’il effectue des mouvements physiques (enlever des écouteurs, se retourner pour dormir), qu’il entend un bruit dans la pièce au-dessus et précise qu’il a le sentiment de ne pas dormir. Toutefois, à partir du moment où il décèle une anomalie, il décide de provoquer un rêve lucide en utilisant la même image métaphorique que Fox, mais pour sa part il qualifie ce qui se passe ensuite de rêve lucide.
Ce type d’état intermédiaire semble d’ailleurs souvent influencer le déroulement du rêve comme le montre la suite de ce rêve :
« Je retourne dans mon corps. Là j’essaie de le soulever sans me réveiller. Je sens à merveille mon bras se lever, puis tout mon corps léviter. Pourtant je raisonne que j’ai souvent eu ce sentiment en rêve lucide d’emporter mon corps avec moi et que chaque fois que j’ai lutté pour me réveiller et vérifier si c’était bien le cas j’ai été déçu. J’ai regretté d’avoir voulu m’en assurer car ce sentiment de réalité intense n’était pas l’indication que mon corps physique se déplaçait. […] »
On comprend alors à la lecture de ce genre de récits qu’il est parfois difficile, sinon impossible, d’en dissocier l’état intermédiaire tant les similitudes sont grandes :
« J’ai envie de me mettre sur le côté droit. J’enlève les écouteurs. Je me tourne et me laisse porter par ma respiration.
(Note + Rêve lucide 🙂 Je me sens parfaitement détendu mais je ne dors pas, du moins je le crois. Je reprends mentalement le rythme du balancement. Je me sens me balancer. Je me mets tourner vers la gauche. Ça marche très bien. Mais je tourne dans le mauvais sens. Je veux tourner vers la droite. J’interromps le mouvement pour le lancer dans l’autre sens. Pendant un moment je crains d’avoir brisé le rythme et de me réveiller. Mais non.
Je m’arrête puis j’essaie de lever le corps. Le niveau des jambes — il est difficile de dire les jambes — se soulève. J’ai l’impression que, par contrecoup, mon thorax et ma tête appuient sur l’oreiller. Je voudrais vérifier si je suis vraiment les jambes et une partie du corps en l’air tellement j’ai l’impression que c’est réel. Finalement le reste de mon corps s’allège et tout s’élève. Là je dois être en train de flotter au-dessus du lit. L’impression est tellement réelle que je me force à ouvrir un œil pour vérifier. Je m’aperçois que je suis toujours dans le lit et sens mon corps dessus. […] Je referme aussitôt l’œil et essaie de me laisser tout de même porter par ce qui me reste d’état crépusculaire. J’ai perdu la sensation de flotter et je regrette ma curiosité. […] »
Dans ce récit il est d’autant plus difficile de séparer le rêve de vol de l’état intermédiaire qu’à aucun moment le rêveur n’a le sentiment d’être endormi : son état lui semble fragile (« je crains d’avoir brisé le rythme et de me réveiller« ) et lorsqu’il se met à flotter sa curiosité lui fait ouvrir les yeux, comme s’il ne dormait pas [13]. Cependant, on peut considérer qu’il est en rêve lucide à partir du moment où justement il a un doute, où la sensation de flotter au-dessus de son lit lui parait réelle, ce qui signifie qu’il a perdu le point de repère des sensations de veille habituelles. Ce rêve montre par ailleurs que les modifications qui s’opèrent dans les sensations du rêveur à partir de cet état peuvent prendre des formes diverses.
Divers types de modifications autres que le décalage par rapport au corps peuvent affecter les sensations du rêveur à partir de l’état intermédiaire, comme le montre la lecture des journaux de rêves.
Il n’est guère possible pour l’instant d’en donner une liste exhaustive ni même un principe classificatoire, mais on peut remarquer que nombre de ces transformations se retrouvent souvent dans le cours d’un rêve lucide survenu au milieu du sommeil, donc en dehors de l’état intermédiaire. Certaines d’entre elles ont suffisamment frappé les esprits pour que ceux qui les ont vécues leur accordent un statut tout particulier, tel l’état de paralysie que Fox appelle la « condition de transe ». Parmi les sensations « nouvelles » qui peuvent assaillir un sujet ayant le sentiment de ne pas encore dormir se trouvent le balancement et le tournoiement, comme dans le rêve précédemment cité.
Le sentiment de vibration du corps revient lui aussi souvent dans les relations de cet état.
« Relaxation excellente et grande intensité du conditionnement imaginatif, mais je n’ai pas eu l’impression d’avoir obtenu autre chose que des effets d’autosuggestion. Sauf à un moment, où un mouvement de fuite rapide vers le haut m’a un peu effrayé (je l’ai réprimé involontairement). Autrement, il n’y a que des états un peu bizarres. Je sens toujours mon corps sur le lit et il vibre, surtout les membres (les pieds et les mains). »
Cette vibration est-elle « réelle » ou n’existe-t-elle que dans l’état intermédiaire ? Le fait que ce sentiment de vibration se retrouve en rêve, parfois avec une intensité extraordinaire qui déclenche le rêve lucide, incite à penser qu’il ne s’agit pas d’un phénomène de l’état de veille. Au contraire, elle est souvent pour le rêveur une indication si nette du passage à l’état intermédiaire lui-même qu’il n’hésite pas à assimiler cet état et la lucidité, comme dans l’endormissement conscient suivant
« [après une préparation] plongée dans le sommeil lent.
« Début de rêve lucide : Je sens un état caractéristique. Mon corps se lève tout seul, pris de vibrations. Dans le noir je m’élève et me retourne sur les bras dans mon lit. Mais tout est encore noir et ça ne se concrétise pas en images et sensations nettes. Je décide de recommencer en levant la main droite. Elle est énergisée. Je commence le mouvement (mais cette énergie, ou ce mouvement, me réveille) ».
La vibration peut aussi survenir en cours de rêve lucide et c’est alors le rêveur qui l’intensifie :
« Rêve lucide : Je sors du lit. Une vibration me saisit. Je l’accentue. Du coup je m’élève du sol. Dans le couloir je ne peux plus toucher terre. Je vais jusqu’à la chambre de ma sœur. Suis-je somnambule ? J’essaie de la réveiller. Rien à faire, mes coups ne portent pas. Elle se réveille tout de même. […] »
Puisque le sentiment de vibration peut être retrouvé aussi bien en rêve lucide que dans l’état intermédiaire, une méthode d’induction consistant à le répéter en imagination avant de s’endormir peut être mise au point pour déclencher l’état intermédiaire ou le rêve lucide. Mais tous les types de transformations ne sont pas susceptibles d’être reproduits sur un mode imaginaire. Le sentiment de paralysie (c’est-à-dire ressentie mais non vérifiée), par exemple, ne peut guère faire l’objet d’une simulation puisqu’à l’état de veille c’est la tentative même de bouger, sans succès, qui prouve son existence. Cette paralysie ressentie joue souvent un rôle secondaire et intermittent dans l’état intermédiaire.
« Bonne relaxation. Néanmoins, il reste difficile d’empêcher la tête de partir en arrière. Le « balayage » vibratoire m’a paru assez intense.
« Extensions » imaginaires jusque dans les appartements voisins. Impressions tactiles assez réussies. Tout cela n’était rien de plus qu’un jeu de l’imagination sensorielle. (La conscience reste « dans le corps »). Lorsque les mouvements intéressent le corps entier, c’est beaucoup plus surprenant. J’ai eu la sensation d’être conscient quelques dizaines de centimètres au-dessus de mon corps allongé.
La « paralysie » a été constatée de loin, une ou deux fois. »
Dans ce genre de rêve la paralysie est corrélative de la sensation du corps : elle est constatée par rapport à d’autres sensations et non en elle-même.
On peut donc dire que la paralysie comporte des « degrés » dont le premier n’existe que par opposition et en alternance avec la sensation du corps.
Tant que le corps est ressenti, cependant, même de façon intermittente, il y a toujours le risque que la perception première « casse » la transformation de la sensation comme dans les exemples précédents : le rêveur ne peut admettre que son intensité est supplantée par la perception « onirique » (« l’impression est tellement réelle que je me force à ouvrir un œil pour vérifier« ) ou encore l’intensité de ce qui est oniriquement ressenti est en elle-même trop forte pour permettre à un état relativement fragile de se maintenir (« je commence le mouvement (mais cette énergie, ou ce mouvement, me réveille)« ). Lorsque le corps est ressenti, la proximité de l’état de veille gêne la plongée consciente dans le rêve. Il en va autrement lorsque l’état intermédiaire ne comprend pas la sensation du corps.
Certains états intermédiaires, bien que comprenant le sentiment de ne pas dormir tout en vivant des phénomènes qui ne sont plus du domaine de l’état de veille, n’appuient pas ce sentiment sur la sensation du corps éveillé.
Le corps se retrouve en quelque sorte hors du champ perceptif de l’état d’éveil tout en servant encore de référent à cet état, en quelque sorte par négation. C’est le cas typique de la paralysie effective (différente en cela de celle que nous venons de rencontrer) qui a reçu diverses dénominations dans la littérature.
« Finalement je sens que je m’endors, que je glisse dans le sommeil.
(Rêve lucide ): Or, à ce moment il me semble que S… ouvre la porte de la chambre. Je veux me relever mais je ne peux pas, je suis paralysé. J’ai beau essayer, je ne peux pas bouger. Je décide de profiter de cet état pour faire une sortie hors du corps. Je me pousse, je pousse mon double d’une secousse, comme lorsqu’on se pousse à l’aide du corps. Je sors de mon corps. […] »
Le rêveur ne prend conscience de sa paralysie que lorsqu’il essaie de bouger (il s’agit donc d’un « deuxième degré », celui de l’action physique impossible). Cette absence de sensations physiques incite à penser que le reste du champ perceptif est également annihilé et que les autres perceptions (« il me semble que S … ouvre la porte de la chambre« ) du rêveur appartiennent déjà au domaine onirique.
Pourtant il s’agit bien d’un état intermédiaire puisque c’est la paralysie qui lui fait prendre conscience des possibilités qui s’offrent à lui (« Je décide de profiter de cet état pour faire une sortie hors du corps« ). En d’autres termes c’est paradoxalement l’incapacité complète à se mouvoir qui est l’indication d’une liberté plus étendue.
D’autres rêves qui ne débouchent pas sur la lucidité montrent que la paralysie est tout à fait corrélative du sentiment d’éveil, même si les perceptions sont absentes.
« Je suis paralysé dans mon lit et n’arrive pas à me réveiller, à bouger pour sortir de mon lit. Je commence à avoir peur. Tout est hostile. […] »
Dans son commentaire, que nous avons déjà cité, le rêveur note qu’il n’avait pas le sentiment de dormir, ou plus exactement qu’il n’était pas parvenu à s’endormir : « j’ai eu beaucoup de mal à m’endormir. Puis au moment où j’ai décidé de me lever […] j’ai découvert que j’étais paralysé et j’ai fait des efforts désespérés pour me lever. Tout en continuant à me considérer comme paralysé je me suis trouvé en train de flotter dans la chambre » .
Ce type d’expérience nous donne une indication sur le « sentiment d’éveil » qui accompagne la paralysie.
En effet, puisque les perceptions sont coupées, elles ne sont pas à l’origine d’un tel sentiment. Il est possible alors que ce soit l’activité mentale consciente du sujet qui le tienne en éveil, comme dans le cas des insomniaques qui n’arrivent pas à dormir uniquement parce qu’ils ne cessent de retourner dans leur esprit divers sujets de préoccupation.
Penser volontairement équivaut à penser consciemment et, même dans le cas de la perte des perceptions, cela peut apparemment suffire à maintenir un sujet en « éveil » au point qu’il se sente paralysé alors qu’il ne s’est pas endormi. Ce rêve montre également que la phase de paralysie est parfois corrélative de la détente totale en ce sens que le sujet croit qu’il peut bouger s’il le désire alors qu’en réalité il ne le peut pas, ce dont il ne se rend compte qu’au moment où il tente de le faire.
Lorsqu’on compare les états intermédiaires avec les débuts de rêves lucides on trouve des similitudes de contenu telles qu’on en vient à supposer qu’il existe des sortes de « passages » menant au rêve lucide, de même que le faux-éveil fait souvent figure de chemin de retour vers l’état de veille à la fin d’un rêve lucide.
« Rêve lucide : Je sens une montée de quelque chose, très spécifique d’un sentiment de sortie hors du corps que je connais bien et qui m’annonce en fait un rêve lucide. C’est une montée vers le haut, au-dessus du corps allongé, et non vers la tête. Comme d’habitude dans ces cas-là, je force un peu pour « sortir ». Mais il y a une résistance, habituelle elle aussi, qui me donne l’impression d’être un élastique coriace. Je décide alors d’abandonner mon corps, c’est-à-dire de ne plus faire d’effort pour sortir, et d’être déjà dehors. Ça marche. [… ] »
Le début de ce rêve, qui a eu lieu en milieu de nuit, est typique d’un rêve lucide d’endormissement passant par l’état intermédiaire. Il est possible qu’il ait été précédé d’un micro-éveil mais, même si tel est le cas, il faut considérer que l’intensité de la conscience est plus forte en rêve que pendant le micro-éveil qui, lui, n’a pas laissé de trace dans le souvenir du rêveur.
D’une façon générale l’état intermédiaire qui concerne les sensations corporelles met en rapport les sensations « de veille », qu’elles soient présentes ou absentes (paralysie), et leur confrontation avec des sensations corporelles « oniriques » qui les réorientent ou même sortent de l’ordinaire. L’état intermédiaire naît donc ici du choc d’impressions qui n’appartiennent pas au même espace.
Ce choc prend d’autres formes que le décalage par rapport au corps. Un phénomène équivalent peut se produire par exemple pour la vision, apparemment à partir de l’état d’éveil, mais sans néanmoins passer par l’appréhension consciente du corps. Il consiste souvent dans le surgissement de lumières qui ne peuvent pas avoir de réalité dans la vie de veille et qui sont pourtant « vues » comme si elles étaient réelles alors que le sujet a le sentiment de ne pas dormir :
« Une curiosité à noter au passage au sujet de la tentative d’auto-conditionnement « sortie hors du corps ». — Dans des circonstances de « méditation
» avant de m’endormir, il arrive assez fréquemment qu’il y ait la sensation d’une vive lumière blanche en haut, perçue, pour ainsi dire, sur les franges de la vision. L’essai de représentation de sortie du corps a produit un effet inverse, celui d’une lumière « en bas », très différente de l’autre, car elle est plutôt dorée, comme celle d’un feu. La lumière d’en haut « tranche » avec l’obscurité. Celle d’en bas s’y joint par une sorte de fourmillement. »
Les phénomènes visuels ne sont pas les seuls susceptibles de se produire. Des phénomènes auditifs peuvent aussi se manifester, et même les accompagner :
« Pas d’induction, à cause d’une trop grande fatigue. Mais, au moment d’un endormissement provisoire, une curiosité : une véritable explosion au niveau du plexus du cœur, accompagné d’un bruit sec et de lumière dans les yeux. A l’endroit où elle s’est produite, la sensation n’est pas désagréable. Plutôt un vide produit par la disparition d’une tension ou d’une gêne. »
Ces phénomènes sont probablement à classer dans le domaine hypnagogique tel que les décrit Eugène-Bernard Leroy. Ce qui nous importe ici c’est qu’ils semblent pouvoir déboucher sur le rêve lucide, et surtout qu’une tentative de rêve lucide modifie la forme de la manifestation de ces phénomènes lorsque ces derniers ont été constatés dans d’autres circonstances (« l’essai de représentation de sortie du corps a produit un effet inverse, celui d’une lumière […] très différente de l’autre« ). Bien étudiés ces phénomènes pourraient sans doute être utilisés comme fil directeur vers la lucidité ou comme indicateur de l’état auquel on peut espérer aboutir.
ETAT INTERMÉDIAIRE DANS LEQUEL LE SUJET PENSE ETRE EN TRAIN DE S’ENDORMIR
Cependant, si certains états intermédiaires sont caractérisés par le sentiment de ne pas encore dormir ou de ne plus dormir, d’autres, à l’inverse, se caractérisent par le sentiment très net de l’endormissement.
Le sujet se sent s’endormir, mais il considère qu’il ne dort pas encore tout à fait en raison de la conscience qu’il a de cet état et de la continuité de sa conscience avec l’état de veille. On peut alors se demander si le sujet n’est pas en fait en état de rêve lucide plutôt que de considérer qu’il s’agit là d’un type d’état intermédiaire. La réponse ne peut qu’être empirique, elle dépend du sentiment intime qu’a le rêveur de son endormissement. Même lorsque la perception du corps est en jeu, l’état intermédiaire prend des formes très répandues, et très reconnaissables, de « descente » intérieure ou d’immersion dans des scènes « pré-oniriques » qui ne se transforment en rêve complet que dans un deuxième temps.
Contrairement au sentiment de ne pas encore dormir ou de ne plus dormir, celui de s’enfoncer dans le sommeil équivaut à constater une transformation.
Dans le type d’état intermédiaire précédent, le dormeur note des événements incompatibles avec ce qu’il ressent comme un état de veille tandis que, dans le cas présent, il sent que quelque chose « se passe » et il interprète cette modification comme un endormissement en cours. Les caractéristiques en diffèrent cependant d’un rêveur à l’autre (et parfois pour le même rêveur selon les circonstances) mais ce qui importe c’est que le rêveur reconnaît son endormissement et qu’il est capable de l’observer. Il se pourrait, à ce titre, que certains endormissements conscients qui ne sont pas encore des rêves soient étiquetés par le sujet comme des rêves lucides :
« (Rêve lucide). Je suis rentré dans un rêve confus : je me suis senti m’endormir, mais en ayant la sensation de ne pas être endormi profondément, mais à demi-vigilant : je me sens me retourner dans le lit, je sens bien que je suis dans le lit endormi, mais je suis conscient, avec une idée très forte dans la tête. « Je suis en train de rêver et je suis dans le sommeil, malgré les pensées et les mouvements ». Je me rends compte que ma main est posée sur mon pubis; cela m’amène à me dire que j’accomplis la consigne programmée, et cela me réveille. (3h du matin). Je me rendors et je rêve. » [25] Dans de tels récits il est parfois difficile de comprendre si le sujet rêve qu’il s’endort ou s’il décrit réellement un endormissement. De plus, les caractéristiques qui permettent de reconnaître l’état d’endormissement sont malcommodes à saisir. Il arrive même qu’elles ne soient simplement pas données, comme dans un rêve précédemment cité concernant la paralysie et au cours duquel le rêveur se contente de signaler qu’il s’endort (« je sens que je m’endors, que je glisse dans le sommeil« ).
Le rêve lucide qui suit le sentiment d’endormissement, ou plutôt qui l’interrompt, confirme l’état d’endormissement ressenti, mais dans la mesure où nous désirons comprendre le mécanisme impliqué et éventuellement en tirer une méthode d’induction, des descriptions détaillées sont requises.
L’endormissement est en effet comme un chemin extrêmement court qu’on remarque d’habitude à peine. Le rêve lucide qui surgit à partir de lui semble assez souvent n’en être que la prolongation. Ce que nous cherchons alors ce n’est donc pas tant son aspect que les moyens naturellement utilisés par le rêveur lucide pour l’observer et le prolonger. Cette tâche est cependant délicate car ce qui se produit lors de l’endormissement conscient est souvent indescriptible et ne laisse qu’une trace floue dans la mémoire du fait de cet aspect particulier. Malgré tout, un élément revient souvent dans les descriptions d’endormissement, celui de ne plus contrôler ses pensées, ou plus exactement ses associations d’idées.
Le sujet qui, à l’état de veille, peut ramener le cours de ses pensées sur un thème qui l’intéresse, ou du moins le détourner de ce qui ne lui plait pas ou qui lui semble incongru, n’a plus ici de réel contrôle sur le mouvement de la pensée
« Je me suis réveillé tôt et rendormi. Aussi au début j’ai mélangé ce à quoi je voulais penser et les images qui venaient alors que je ne dormais pas encore. »
Ce contrôle peut disparaître complètement alors que le sujet est toujours conscient : les images mentales (mais non encore oniriques) se succèdent de façon apparemment anarchique et plus le sujet descend dans l’endormissement, plus ces pensées semblent se densifier et devenir perceptibles. Ce sentiment de « décrocher » d’avec ses pensées agit probablement pour la plupart des gens comme le signal qu’il est temps de perdre conscience. La prolongation de cet état jusqu’à la plongée dans le rêve lucide provient sans doute de ce que le sujet entraîné ne tient pas compte d’un tel signal, ce qui se traduit pour lui par une sorte de double décrochement.
D’une part il s’éloigne de la vie de veille avec laquelle il n’a plus de contact perceptif ni même mental car ses associations d’idées sont désordonnées et lui donnent parfois le sentiment d’être « extérieures » à lui comme si elles ne lui appartenaient pas — et, inversement au rêve lucide, dans un tel état il n’est plus possible de réfléchir mais simplement d’observer consciemment. Cette comparaison négative par rapport au rêve lucide montre d’autre part que tout se passe comme si le rêveur, bien qu’ayant décroché du monde de la veille, n’a pas encore « accroché » le monde du rêve.
Cet état intermédiaire est donc très différent du rêve lucide ou même du rêve en général dans lequel le rêveur est, la plupart du temps, en possession de ses facultés mentales. Cet état d’observation presque pure explique que le rêveur a souvent le sentiment de flotter entre deux mondes. Ce passage d’un monde à l’autre comporte une progression : si le sentiment de perdre contact avec ses pensées en marque le début, celui de les voir prendre une forme perceptible, en d’autres termes de se concrétiser, indique que, sans avoir encore quitté l’état intermédiaire, on se prépare à aborder le monde du rêve.
Cette concrétisation de la pensée en images dans un premier temps, en percepts dans un second, est souvent dénommée, à tort semble-t-il, imagerie hypnagogique, car les limites entre de telles images et les phénomènes hypnagogiques ne sont pas toujours très claires. Ces pensées-images en train de se concrétiser, même si elles n’appartiennent pas aux hallucinations hypnagogiques, sont nettement ressenties par les sujets comme n’étant pas encore le phénomène du rêve bien que lui étant apparentées.
« Nuit insomniaque. Superbes images hypnagogiques pendant un moment : descente dans de luxueuses salles ornées aux couleurs sombres — rouge foncé, violet, noir — mais partout scintillantes d’or et de pierreries. Il y avait une sorte d’orgue de barbarie précieux et diverses collections d’objets curieux admirablement présentées, avec économie. Les sols noirs, brillants, reflètent. Au dehors, on devine des jardins nocturnes. Tout cela était proche du rêve lucide, et pourtant j’étais parfaitement éveillé. »
Ces premières images oniriques ne sont pas assimilées au rêve dans la mesure où le rêveur se situe à distance d’elles. Les récits des rêveurs indiquent que s’ils font une différence nette entre cet état intermédiaire et le rêve, elle ne porte pas sur la nature de ce qui est perçu mais sur la position de la conscience observatrice par rapport à ces nouveaux percepts. Plus le rêveur s’implique (on serait tenté de dire « s’incarne ») dans ces images, plus il naît au rêve :
« Bonne relaxation, assez bonnes « vibrations », mais sans résultats autres que des sensations bizarres. Beauté des images hypnagogiques : D’étranges paysages embrumés, glauques, avec des sortes de menhirs à peine devinés et des êtres vêtus de rouge foncé se faufilant dans la pénombre. Etang rempli de plantes, couvert de grands arbres au feuillage ensoleillé. Pays très familier et pourtant inconnu avec espace, ciel bleu traversé de beaux nuages, infini détail des arbres, des villages, des collines. Ces dernières images étaient accompagnées d’une « sensation de jeunesse » personnelle, preuve qu’elles étaient en voie de devenir un rêve. (Je ne suis pas impliqué dans les images hypnagogiques, je le suis dans la plupart des rêves.) »
Le rêve lucide qui fait suite à de tels états intermédiaires n’implique pas nécessairement le rêveur dans ces images pré-oniriques. Si le rêveur garde ses distances vis-à-vis d’elles, le rêve qui suit se révèle souvent pauvre en « perceptions » et « abstrait », comme s’il était privé du matériau qui le constitue habituellement et qu’il devait se former sur une autre base :
« Rêve lucide qui me laisse l’impression d’avoir duré très longtemps alors qu’il a peu de contenu. Explication : l’endormissement a été long et progressif. A plusieurs reprises je me suis dit — à la vue d’images hypnagogiques et de débuts de rêves — « Dommage que je ne dorme pas encore car on ne peut pas considérer ça comme des rêves lucides ». Concentration sur hara très forte et continue. Je pense que tous ces facteurs ensemble ont produit le rêve après l’endormissement.
La conscience lucide était continue mais non active. Le rêve la considérait comme une sorte d’étalon de mesure situé à l’arrière-plan et possédant une certaine perfection. Elle était comme « dorée », absolument constante et sans contenu, c’est à dire qu’elle était conscience mais sans objet, le rêve n’étant pas un objet parce qu’il faisait partie d’elle. Il y avait une conscience lucide secondaire qui connaissait sa présence et qui pouvait dire « je rêve » et une conscience de rêve pour qui les deux autres étaient des présences étranges et incompréhensibles. Le contenu du rêve était très simple. La conscience lucide servait de mesure. On l’utilisait pour mesurer des vêtements dans un magasin de confection où elle ne servait à rien puisque ce n’était pas un tailleur, que tout était cousu d’avance. J’essayais un manteau. Il y avait trois tailles, les deux premières trop petites, la troisième trop grande. Je prenais néanmoins le troisième manteau, me laissant persuader que les manteaux trop grands étaient à la mode. Plus tard, je paraissais devant des amis qui me faisaient remarquer que ce vêtement ne m’allait pas. Tous ces détails assez insignifiants par rapport à « l’étalon conscience ». »
Les images pré-oniriques perçues « de loin » indiquent donc l’état intermédiaire mais n’annoncent pas forcément le rêve qui va suivre. Parfois, alors même que le rêveur s’est impliqué complètement et consciemment dans une image qui se transforme pour lui en un petit rêve, il continue à considérer la scène avec une certaine « distance » :
« Ayant pratiqué la « respiration circulaire », j’ai bien obtenu un rêve hypnagogique assez stable. C’était une belle forêt brumeuse. J’y ai longuement erré avec A. F. mais nous ne sommes jamais parvenus à en sortir, ni même à trouver un chemin. »
Si le sujet considère qu’il s’agit là d’un rêve hypnagogique et non d’un rêve lucide, c’est sans doute parce qu’il a gardé le contact avec le monde de la veille, qu’il se sent donc encore réveillé, ce qui indique que, si le sentiment de plonger dans le sommeil précède souvent l’approche de telles images, il peut aussi ne pas se produire et l’état intermédiaire débuter directement dans le voisinage de ces images. Mais assez souvent ces images pré-oniriques forment la substance même du rêve lucide une fois que le rêveur s’y est impliqué. Cette implication est, semble-t-il, le résultat d’une manipulation des images alors qu’elles ne sont pas encore oniriques :
« Je me réveille à 9h après un rêve dont il ne me reste rien maintenant. J’éteins le magnétophone et décide de me rendormir malgré quelques coups frappés dans les murs. […] Très vite des images « de biais » apparaissent. Je commence plus ou moins à leur donner vie.
« Rêve lucide : Au début je pense être dans un rêve éveillé, mais je m’aperçois que les images sont réellement persistantes. Peut-être est-ce moi qui les évoque, qui les provoque ou les projette, toujours est-il qu’elles ont une certaine densité. J’ai bien sûr le sentiment que je pourrais facilement les balayer, ce qui donne cette impression de fragilité de ce qui m’entoure, mais je joue le jeu.
« Je suis dans un autocar ou un bus (ou peut-être même un avion) qui traverse des contrées relativement vastes et désertes, sans doute le Canada. L’autocar s’arrête dans une ville. J’ai mon sac à dos à prendre avec moi mais autrement je ne dispose de rien d’autre et ne sais même pas où j’atterris. Je ne connais pas cet endroit. Une fois hors du car j’hésite un peu sur la direction à prendre. Je m’engage dans un couloir d’immeuble qui donne en fait sur des appartements, un peu comme une maison indienne est ouverte sur l’extérieur. Au fond du couloir se trouve une grande pièce, une sorte de salon dans lequel je retrouve des gens que je connais, probablement mes parents et d’autres membres de ma famille. Je reste là avec eux quelque temps puis décide d’aller me laver les mains. Je veux sortir au bout du couloir pour avoir accès au lavabo près de l’entrée mais un enfant noir est là et je sens qu’il est hostile à ce que quelqu’un s’approche. Je reviens sur mes pas car à droite en sortant du salon il y a un autre lavabo, tout aussi dissimulé, mais convenant tout aussi bien. […] »
Ce rêve commence par des images « pré-oniriques » qui ne sont pas le résultat de l’activité mentale du rêveur mais à la vie desquelles il participe. Tant qu’il a le sentiment qu’il peut les « balayer » il est encore dans l’état intermédiaire. Mais au fur et à mesure que leur déroulement se poursuit, le rêveur y est de plus en plus impliqué et elles deviennent un rêve à part entière, ce qui peut être constaté par la suite de l’expérience qui est un rêve lucide de vol typique.
« […] Quelqu’un sort du salon pour s’enquérir si j’ai eu accès au lavabo et se rend compte que finalement j’ai été à l’autre, ce qui est tout aussi bien. Je me mets devant le lavabo et de ce fait je fais face au couloir qui m’apparaît dans sa longueur. J’ouvre le robinet et mets mes mains sous l’eau. Il me vient alors à l’idée de prier pour que l’énergie divine passe ainsi en moi. Mes mains se remplissent de lumière blanche vibratoire. Cette lumière se propage dans mes avant-bras et mes bras et je sens un mouvement ascensionnel au bas de ma colonne vertébrale. L’énergie emplit maintenant tout mon corps et je me sens décoller du sol.
« Flottant au-dessus du sol je retourne au salon. Les autres membres de ma famille sont toujours là. Je reste en hauteur, allant de-ci, de-là, et réfléchis que c’est ce que font les enfants en général et c’est pourquoi les souvenirs d’enfance donnent des aperçus en hauteur. Puis je m’installe sur un matelas mousse que je fais voler, je suis assis dessus […] ».
Ainsi lorsque l’état intermédiaire est caractérisé par le sentiment de glisser dans le sommeil en raison de l’apparition d’images pré-oniriques, deux situations peuvent se présenter : le rêveur va à la rencontre de ces images et dans ce cas son « orientation » décide de la concrétisation du rêve lucide à partir d’elles ; ou alors ces images viennent à la rencontre du rêveur et dans ce cas ce dernier n’a plus le choix du rêve (même s’il peut décider de se réveiller). Dans les deux cas la conscience persiste depuis l’état de veille mais, dans le premier, elle prend la forme d’une présence à soi, surtout observatrice (et parfois purement observatrice) tandis que, dans le deuxième, elle est plutôt conscience de soi, plus susceptible de manipuler, au moins potentiellement, les scènes pré-oniriques.
LE « SOMMEIL LUCIDE »
Nous avons posé que l’état intermédiaire n’appartient franchement ni à la veille ni au sommeil mais que la conscience y persiste depuis la veille et mène éventuellement au rêve lucide. Deux façons d’envisager cet état nous sont apparues : le sentiment d’être éveillé alors que se produisent des phénomènes qui ne peuvent appartenir qu’au rêve et celui de s’endormir sans être encore pour autant dans le rêve.
Une telle classification a sans doute une valeur pratique puisqu’elle nous permet de reconnaître la diversité d’accès au rêve lucide, mais elle ne rend pas compte de tous les aspects de l’état intermédiaire lui-même.
En d’autres termes, si elle se révèle utile pour le rêve lucide, elle ne constitue pas un critère pour étudier l’état intermédiaire dont certaines manifestations défient la description. Il arrive en effet que le rêveur vive « autre chose », plus précisément qu’il vive dans le sommeil une expérience qu’il ne qualifie pas de rêve. S’agit-il alors d’un état intermédiaire ou la difficulté de qualifier l’état tient-elle à ce que notre description du rêve est culturellement stéréotypée ?
Ce que les rêveurs qualifient parfois spontanément de « sommeil lucide » est un exemple d’un tel état. Les sujets considèrent qu’ils dorment effectivement et consciemment, sans pour autant avoir de rêve,
« […] sur le matin ni un réveil ni un rêve lucide mais un éveil dans le sommeil juste après un rêve. En repassant le rêve vision d’un trou dans lequel je tombais. Réflexion dans le sommeil : j’aurais pu faire un rêve lucide là-dessus » […] »
ou du moins sans vivre les rêves de la façon habituelle :
« Curieusement, il semble y avoir eu un « sommeil lucide » sans rêves complexes. Ou plutôt ceux-ci étaient réduits à des ébauches. Le sommeil lucide consiste simplement à savoir qu’on dort. Au début, je croyais que je ne dormais pas — justement à cause de cette conscience — mais quelques fragments de rêve m’ont persuadé du contraire. J’étais, en quelque sorte, « au-dessus » de mon sommeil et de mes rêves. Ceux-ci se bornaient à des sortes d’ébauches : deux brigands ou géants étaient enchaînés à des troncs d’arbres où ils risquaient d’être brûlés ou éblouis par le soleil. (Les images étaient tirées d’un livre sur la mythologie que je lis en ce moment). Peu de temps avant le réveil, j’ai retrouvé ce morceau de rêve absolument tel quel, comme s’il était resté là, immobilisé, pendant le reste de la nuit. En plus, il y avait un nom : « Euryale » (je crois que c’est le nom d’une nymphe). »
De telles expériences sont difficiles à classer. Le sujet reconnaît lui-même qu’au « début, je croyais que je ne dormais pas — justement à cause de cette conscience — mais quelques fragments de rêve m’ont persuadé du contraire« . On ne peut cependant pas le ranger définitivement du côté du rêve car c’est l’absence ou « l’éloignement » par rapport au rêve qui permet de l’identifier.
L’état intermédiaire se présente donc comme un tremplin naturel vers le rêve lucide, que le sujet pense ne pas dormir ou être en train de s’endormir ou même de dormir sans rêver (« j’aurais pu faire un rêve lucide là-dessus« ). Il se présente parfois spontanément à celui qui observe son endormissement. Mais il est préférable d’accélérer le processus et de le provoquer.
PROVOQUER L’ÉTAT INTERMÉDIAIRE
Provoquer l’état intermédiaire est, comme pour le reste, une question d’entraînement.
Mais cette capacité se révélera de peu d’intérêt si l’état doit se prolonger sur un rêve non lucide. Or, c’est bien ce qui se produit lorsque la conscience n’a pas été « développée ». Dans le meilleur cas un tel rêveur se trouve dans un état de conscience « semi-lucide » qui l’incite à croire à la « réalité » (sous-entendu : de veille, car la réalité onirique n’est pas ici en cause) de ses expériences nocturnes.
Ainsi il n’est pas rare qu’il soit persuadé être sorti de son corps pour aller se promener dans le monde physique, alors qu’en fait il n’en a visité qu’une contrepartie onirique. Une conscience plus développée évite ce genre d’erreur. Mais le plus souvent, après avoir peiné pour atteindre consciemment l’état intermédiaire, le rêveur laisse sa conscience se relâcher et tombe dans un rêve ordinaire. La pratique régulière des exercices conscientiels est donc indispensable pour tirer le meilleur parti de l’état intermédiaire.
Ajoutons que l’état intermédiaire est une sorte de « plaque tournante » pouvant mener à des expériences très diverses et souvent déroutantes. Nous nous limiterons ici à notre propos, c’est-à-dire l’induction du rêve lucide.
Les voies d’accès à l’état intermédiaire sont multiples et dépendent souvent de capacités individuelles qu’il n’est pas toujours aisé de mesurer. Celles qui vont être détaillées ici sont fiables, mais l’entraînement qui vous les rendra praticables varie selon chacun.
L’étude des récits d’états intermédiaires montre que certains phénomènes lui sont sinon concomitants, du moins extrêmement familiers, comme la détente extrêmement profonde, la paralysie corporelle, le sentiment de déplacer un « autre » corps, de vibrer, de se balancer, de tournoyer, pour n’en citer que quelques-uns. La façon la plus simple de provoquer l’état intermédiaire est d’« amorcer » l’un de ces phénomènes en le « reproduisant » (dans la mesure du possible) avant l’endormissement. Nous porterons ici notre attention sur le phénomène le plus « classique » : la paralysie.
ATTEINDRE LA PARALYSIE DE L’ÉTAT INTERMÉDIAIRE PAR L’IMMOBILITÉ ABSOLUE
Il existe plusieurs façons de provoquer la paralysie. La plus simple, à ma connaissance, consiste à s’allonger et à rester parfaitement immobile. Cette méthode suppose plusieurs choses :
1. Être parfaitement alerte. Si vous êtes fatigué vous allez très naturellement vous endormir sans vous en rendre compte. Le mieux, dans des situations de fatigue, est de s’accorder un somme réparateur avant d’entamer l’exercice de paralysie.
2. Avoir du temps. La paralysie peut se déclencher après un temps variable. Disons que si vous ne réussissez pas à l’accrocher par vous-même, elle se manifeste cependant lors de la phase correspondant au sommeil paradoxal. Rappelons à ce propos que les « cycles » de sommeil se manifestent « en sourdine » pendant l’éveil. Si vous restez immobile, l’effet « paradoxal » peut se produire malgré votre état éveillé. Mais cela suppose d’attendre pendant au moins 1h30, durée moyenne d’un cycle, pour être sûr de bien accrocher la phase paradoxale.
3. Faire preuve de la patience. Si vous vous grattez, bougez d’une quelconque façon, éternuez, modifiez votre respiration, poussez un soupir, tout est à reprendre à zéro. Il faut donc résister à toutes les tentations ou aux sollicitations du corps. C’est tout à fait possible avec l’entraînement.
Cette « méthode par l’immobilité » peut paraître difficile (du moins au début). Mais elle a le mérite de la simplicité, et elle se révèle très efficace à l’usage. Elle donne parfois le sentiment d’être propulsé hors de son corps, comme si l’accumulation de mouvements « potentiels » obligeait à les « actualiser » d’une manière ou d’une autre, ici dans l’état intermédiaire. Rappelez-vous qu’elle n’est praticable que lorsque l’on est « frais et dispos », donc après la sieste, ou au petit matin, ou encore après une séance de relaxation.
Nous vous proposons de la pratiquer pendant une semaine, tous les jours.
Si vous n’avez pas obtenu de résultat au bout de sept jours, ou si vous ne disposez pas des loisirs nécessaires, passez à la méthode suivante. Notez bien que, si vous le pouvez, il est préférable au moins de commencer par cette première méthode car elle développe une volonté particulière qui se révèle utile pour « s’orienter » dans l’état intermédiaire et entrer dans un état onirique tout en restant pleinement conscient.
ATTEINDRE LA PARALYSIE DE L’ETAT INTERMEDIAIRE PAR LES TENSIONS PHYSIQUES
Le but est d’amener le corps à la relaxation la plus profonde possible afin de le mettre « au bord » de la paralysie.
Or la méthode de relaxation « corporelle » la plus efficace et celle qui consiste à contracter les muscles puis à les relâcher. Il s’agit là d’une méthode extrêmement répandue et utilisée de façon préliminaire aussi bien pour la simple relaxation que pour l’apprentissage rapide, l’hypnose ou le « dédoublement » (Lefébure). Sans doute l’avez-vous déjà pratiquée dans un cadre ou un autre. Tout en conservant le principe de cette méthode, nous allons lui adjoindre une extension « imaginée ».
Mais commençons par décrire l’exercice lui-même. Allongez-vous confortablement et laissez-vous aller. Vous pouvez, si vous le souhaitez, commencer par une rapide relaxation par le souffle, telle celle donnée dans la leçon 3, mais ce n’est pas indispensable. La méthode consiste à contracter les différentes parties du corps puis à les relâcher pour obtenir, par réaction, la meilleure détente possible.
Le point important consiste à ÊTRE CONSCIENT AU MAXIMUM de la sensation de détente qui accompagne le relâchement.
Donc inutile de porter toute votre attention sur la contraction si cela vous amène à négliger le repos qui suit. Au demeurant cette tension doit être légère. En effet, une trop forte contraction pourrait vous amener à déplacer les membres. Par exemple, si vous tendez trop une jambe ou un bras, ils finissent par « décoller », c’est-à-dire qu’ils quittent le lit sur lequel ils reposaient. Or, à la différence des relaxations classiques, il faut absolument éviter ce phénomène. En effet, l’énergie de la tension doit rester dans le corps et non être dissipée par un mouvement. Ajoutons également que cet exercice DOIT commencer par le bas du corps et remonter progressivement vers le haut.
Nous allons donner ici plusieurs variantes de cet exercice. Il est conseillé de les essayer toutes au fil des jours, dans l’ordre, et d’adopter celle qui vous permettra d’accéder le plus rapidement à l’étape vibratoire qui sera décrite dans quelques instants. Commençons par la façon la plus simple d’opérer.
1. Exercice de base
Étirez-vous puis allongez-vous. Détendez-vous en portant votre attention sur votre souffle, si vous le jugez utile. Puis contractez les pieds et relâchez-les. Faites de mêmes avec les autres parties du corps en suivant un ordre ascendant : les mollets, les cuisses, les fessiers, le ventre, le thorax, les mains, les bras, le cou, le visage, la tête. A chaque fois prenez nettement conscience du sentiment de détente qui suit la contraction. Recommencez ce cycle aussi longtemps que nécessaire pour sentir vibrer tout le corps. Remarquez qu’il n’est pas nécessaire de détailler autant les parties du corps. Vous pouvez faire par exemple : jambes – tronc – bras – tête et nuque… Un circuit particulièrement simple à mémoriser est proposé par Lefébure : jambe droite – jambe gauche – bras droit – bras gauche – tronc – cou – tête – tout le corps…
2. Exercice de base amélioré
Pour certains, la compréhension « corporelle » de la façon d’opérer la contraction tarde parfois à se manifester. Au point qu’ils asphyxient littéralement leurs muscles en les contractant trop longtemps, sans en retirer de réel bénéfice pour la relaxation, ni non plus pour la conscience attentive de cette relaxation. Il est alors bon d’introduire un rythme qui leur permet de se guider.
Étirez-vous puis allongez-vous. Détendez-vous par la méthode du souffle, si vous le jugez utile. Crispez vos orteils le plus fort possible, sans pour autant que cela entraîne un mouvement des jambes et comptez lentement jusqu’à 4 ou 5. Puis relâchez vos orteils complètement et attardez-vous sur la sensation de relaxation. Sentez à quel point et en quoi elle diffère de la contraction. Cette façon de procéder suppose que vous contractiez en inspirant et que vous relâchiez en expirant, pour cette simple raison que la tension consomme de l’oxygène. Vous pouvez aussi 1) inspirer, 2) retenir l’air tout en contractant les muscles, 3) relâcher l’air en relâchant la tension musculaire. Dans ce cas ne dépassez pas 8 secondes de rétention car au-delà vos muscles manqueraient d’oxygène.
Faites ensuite de même avec : les pieds – les jambes – les fessiers – l’abdomen et le bas du dos – le torse et le haut du dos – les épaules – les bras – le visage – le corps entier. Ou utilisez le circuit donné par Lefébure si vous préférez. Les périodes de détente peuvent être plus longues que les périodes de tension. Vous pouvez profiter de ces moments pour suggérer à vos muscles de se détendre toujours davantage.
Recommencez ce cycle aussi longtemps que nécessaire pour sentir vibrer tout le corps.
3. Exercice de base amélioré avec contractions mentales
Les exercices précédents doivent vous permettre, avec un peu d’entraînement, d’atteindre une relaxation très profonde sans pour autant sombrer dans le sommeil. L’indicateur qui vous permet d’évaluer la profondeur de votre relaxation est la vibration que vous ressentez dans le corps. Chez certains elle est présente dès qu’ils s’allongent, pour d’autres elle n’apparaît qu’après plusieurs cycles de contractions. L’erreur à ne pas commettre serait de s’arrêter là en pensant que l’on a atteint l’état requis. Il faut au contraire continuer les contractions de façon à INTENSIFIER ce sentiment vibratoire.
Mais, objecterons ceux qui ont déjà pratiqué ce type de relaxation, vient un moment où les muscles sont tellement détendus que les contracter à nouveau demanderait un effort qui irait à l’encontre du but recherché. Lorsque vous en êtes là, continuez vos contractions MENTALEMENT. Pour deux raisons :
1) Si vous avez vraiment atteint la profondeur requise dans votre relaxation, vous n’aurez aucun mal à SENTIR les contractions imaginées, légères au début puis de plus en plus fortes. Si tel n’est pas le cas, vous pouvez reprendre les contractions physiques.
2) Les contractions mentales renforcent le sentiment vibratoire. Or c’est ce sentiment vibratoire qui vous permettra de glisser dans l’état intermédiaire.
Si la transition des contractions physiques aux contractions mentales vous semble délicate, vous pouvez adopter une phase intermédiaire. Cette phase consiste à alterner contractions physiques et contractions imaginées, ce qui permet de disposer immédiatement du souvenir de la contraction physique au moment de contracter les muscles mentalement. Mais, pour ce qui nous concerne, ne vous contentez pas de ce seul exercice. Récapitulons les phases de ce troisième exercice de contractions :
1) Contractions physiques seules. Au bout d’un nombre de cycles variable (selon les sujets et les séances) le sentiment vibratoire s’intensifie tandis que le corps n’est plus qu’une masse un peu lointaine. On peut alors passer à :
2) Contractions physiques ET mentales alternées (phase facultative). Lorsque se manifestent des phénomènes de « déplacement » (une main se trouve là où on ne l’avait pas mise, par exemple), on peut passer à :
3) Contractions mentales seules.
Que se passe-t-il ensuite ? Divers phénomènes peuvent se produire : la vibration s’intensifie de façon insolite, voire inquiétante. Ou alors on se sent pris dans un tourbillon. Ou on a le sentiment de flotter, ou de partir comme une fusée. Dans tous ces cas, il ne faut surtout pas intervenir, sauf pour accentuer le processus si celui-ci semble faible ou ne se manifeste pas. Ces phénomènes (parmi d’autres) indiquent que vous entrez dans l’état intermédiaire.
Il est possible d’entrer dans l’état intermédiaire sans être réellement paralysé. Aussi n’essayez pas de tester votre « paralysie » même si elle vous semble bien établie. Si par hasard vous vous y risquiez quand même et que vous parveniez à bouger, recommencez tout le processus.
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