Secrets révélés

Magouilles et corruption des élites 4 – Recyclage des fachos dans la politique. Contrôle des syndicats

Aujourd’hui, place au chapitre sur les politiciens qui ont collaboré avec Vichy ou même avec les allemands, mais qui sont revenus dans le paysage après la guerre avec la bénédiction des US. Du côté des syndicats, la reprise en main s’est faite à coups de subventions et de divisions.

L’objectif dans les deux cas était le même: réduire la puissance des communistes. Et ensuite, imposer l’American Way of Life, le modèle américain…

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Afin d’avoir la main sur le syndicalisme international et de contrer le syndicalisme de la mouvance communiste, les US ont organisé dès l’après-guerre une « confédération internationale » des syndicats appelée l’International Confederation of Free Trade Unions, dirigée par des pions de la CIA. L’antenne US, l’American Federation of Labour était donc une filiale de la CIA.


Dès 1943, les alliés se sont appuyés sur différents syndicats exilés à Londres, dans le cadre de la préparation du débarquement. Ces contacts ont perduré après la guerre, permettant certaines manipulations du monde syndical un peu partout en Europe de l’ouest.

En 1943, il est devenu clair pour les US, que l’ennemi numéro 1 était le communisme. Les nazis et autres collabos apparaissaient alors comme de précieux alliés pour l’impérialisme financier US.

Allemagne :

En Allemagne aussi, la « dénazification » a été un flop. Il faut dire qu’elle n’a pas duré très longtemps : le parti libéral, où de nombreux nazis s’étaient retrouvés après la guerre, a réclamé dès 1949 la fin de la « dénazification », qui sera votée dès 1951 par les parlementaires. Et en 1948, des lois d’amnistie ont mis fin à la plupart des poursuites.

Dans les années 60, un débat a été lancé au Parlement allemand pour amnistier l’ensemble des crimes commis avant 1945 [1]. En 1979, la conclusion de ce débat a été, fort heureusement, une déclaration d‘imprescriptibilité pour les crimes commis sous le régime nazi.


« Comme on sait, les instances créées par les Alliés (chambres de dénazification instaurées en mars 1946 par les Américains et en 1947 par les Français et les Britanniques) avaient à charge de classer la population selon cinq grandes catégories : les « principaux coupables » (Hauptschuldige), les individus « compromis » (Belastete), les individus « peu compromis » (Minderbelastete), les « suiveurs » (Mitläufer) et les individus « exonérés » (Entlastete). Or, selon l’expression désormais consacrée de Lutz Niethammer, les chambres de dénazification sont devenues une gigantesque « fabrique de suiveurs » (Mitläuferfabrik)? : d’après un bilan établi en 1949-1950, ces chambres ont en effet classé moins de 3 % des individus ayant comparu (sur un total de 950 000 individus en zone américaine, de 670 000 en zone française et de 2 millions en zone britannique) dans les deux principales catégories de coupables, alors que la catégorie des « suiveurs » rassemble 51 % des cas traités en zone américaine, 45 % en zone française et 11 % en zone britannique (où près de 60 % des individus sont « exonérés »)?« , écrit Marie-Bénédicte Vincent dans son article « De la dénazification à la réintégration des fonctionnaires » paru dans la très bonne revue « Vingtième Siècle. Revue d’Histoire ».

Et de résumer ainsi les choses : « Ainsi, la dénazification s’est transformée en un processus de réhabilitation, qui facilite la réintégration des agents initialement évincés, en particulier dans les administrations ».

Le fait de permettre à ces nazis de continuer leur carrière dans la fonction publique, y compris la haute fonction publique, permettait d’assurer une continuité dans le traitement des affaires. Et on sait bien que les élites ont très peur du changement.

Laisser ces sbires du pouvoir en place était une garantie que lesdites affaires pourraient continuer tranquillement, d’autant plus que la campagne anti-communiste éloignait une partie des masses de cette potentielle alternative à l’ultra libéralisme.

On a certes un peu fait mine de punir quelques nazis patentés, mais l’épisode a été bref : « 39 000 fonctionnaires ayant perdu leur poste du fait de la dénazification sont réintégrés jusqu’en mars 1953« , précise encore Marie-Bénédicte Vincent. Pourtant, la presse de droite (et même très à droite) évoque encore la pseudo épuration politique en Allemagne comme un chapitre des « plus douloureux […] pour beaucoup d’Allemands« . Aucune source précise n’est citée, évidemment. Nous sommes censés les croire sur parole.

Ne soyons pas hypocrites, il s’est passé exactement la même chose en France, en Belgique, aux Pays-Bas et ailleurs en Europe de l’Ouest. En Espagne, cette épuration n’a même jamais eu lieu.

Le premier chancelier allemand après la guerre était Konrad Adenauer, qui avait des sympathies nazies dès le début des années 30, s’est montré très favorable à l’annexion de l’Autriche en 1938, mais serait ensuite devenu un opposant à Hitler. En tout cas, les US avaient choisi ce membre de la CDU, le parti des « démocrates chrétiens », depuis un moment.

Dans son gouvernement, il y avait plusieurs nazis, comme Hans Globke qui était le chef de cabinet d’Adenauer [2] tout en étant membre de l’organisation Gehlen, selon des documents déclassifiés de la CIA (p. 420). Globke, qui était un haut fonctionnaire du ministère de la Justice sous les nazis, avait contribué aux lois raciales et au « code Juif » appliqué en Slovaquie, et était semble-t-il le supérieur d’Eichmann.

D’après une étude officielle de 2016, plus de 76% des politiques et hauts fonctionnaires Ouest-Allemands d’après 1945 étaient d’anciens Nazis. Il s’agit donc d’un phénomène endémique, pour ne pas dire systémique. Plusieurs ministères, dont ceux de la justice, de l’Intérieur et de l’Economie, étaient particulièrement vérolés, ce qui était bien pratique pour éviter les ennuis.

Bref, le programme de dénazification du pays a été limité [3] et très vite abandonné (dès 1949). Et à partir des années 50 on observe « la réapparition aux postes de commande de l’appareil d’Etat, de l’armée et de l’économie, de tous ceux qui en avaient été éloignés dans les premières années de l’après-guerre pour s’être compromis avec le régime hitlérien« , écrivait Frédéric Laurent dans « L’orchestre Noir ». D’autres comme Nicolas Lebourg, s’attachent à affirmer qu’il n’y a pas vraiment d’internationale nazie.

Même sans être forcément nazis, les politiques allemands étaient triés sur le volet comme ailleurs en Europe. Le Parti Socialiste était autant sous contrôle que les chrétiens démocrates. Par exemple un éminent banquier, Karl Otto Pohl, a rejoint le SPD (socialistes) en 1948 et est devenu le conseiller économique de Willy Brandt, dans la plus parfaite rigueur économique tout en étant très favorable à l’industrie et à la finance.

Il a été nommé vice-président de la banque centrale, la Bundesbank, en 1977, sur recommandation du chancelier. Il en est devenu le président en 1980 et s’est mis à défendre tous les délires européens : union économique et monétaire, banque centrale européenne calquée sur le modèle de la Bundesbank évidemment, règles de déficit (les fameux 3% qui empêchent toute action). En même temps, Pohl, qui n’a quitté la Bundesbank qu’en 1991, était partenaire de Oppenheim Jr & Cie qui faisait partie du groupe Carlyle très proche de la CIA, consultant du Thirty Group, administrateur de Royal Oil, Volkswagen, Unilever, Rolls-Royce et d’autres, et a été présent à des réunions du Bilderberg (19821991 a minima). Au début des années 2002, il est entré au conseil d’administration du groupe US Carlyle.

En 1992, Pöhl, obsédé par la stabilité des prix et des monnaies, a fait une conférence à Washington, intitulée « Un nouvel ordre monétaire pour l’Europe« . C’était l’année où les français et d’autres peuples européens ont voté en faveur du traité de Maastricht qui devait instaurer l’euro quelques années plus tard. Il appelait à la « libéralisation intégrale des mouvements de capitaux« , à « la pleine intégration des marchés bancaires et financiers« , à créer une monnaie unique, ou encore à intégrer les pays d’Europe de l’Est dans l’Europe.

Les américains qui avaient de nombreuses participations dans l’industrie allemande, ont fait pression pour limiter le pouvoir des « conseils d’entreprise », ces représentations des salariés qui pouvaient participer à la gestion des entreprises. « Ni les dirigeants américains des entreprises concernées, ni les autorités américaines d’occupation ne manifestèrent de l’enthousiasme pour la chose. Ils préféraient de loin le modèle industriel des nazis avec lequel, dans une entreprise – tout comme dans le parti ou l’État nazis-, le directeur jouait le rôle de Führer (…) », explique Jacques Pauwels dans « Big Business avec Hitler ».

Pour garder la main, ils ont donc éliminé les représentants des salariés trop à gauche, communistes ou anti fascistes, ce qui a été fait d’autant plus rapidement que dans le patronat non plus, la dénazification n’avait pas été des plus efficaces. Le patron de l’usine Ford de Cologne pendant la guerre, par exemple, un certain Robert Schmidt, est resté directeur de Ford Allemagne jusqu’à sa mort en 1962.

En matière syndicale, la stratégie adoptée en Allemagne a été l’inverse de celle qui a été appliquée en France. Au lieu de diviser et d’affaiblir les syndicats, on les a renforcés en les rendant incontournables, comme en Belgique. Dans ces pays, il faut adhérer à un syndicat pour percevoir le chômage ou la retraite. En Allemagne, les syndicats sont aussi historiquement très coopératifs avec le patronat : « Les intérêts patronal et syndical se rejoignent dans la nécessité de discipliner le monde ouvrier pour éviter les déboires (grèves sauvages ou mal suivies)« , résume Gilles Leroux dans l’article « Syndicats et patronat ».

Après la guerre, il a surtout été question de concentrer les syndicats allemands, en regroupant tout le monde par branche. Au départ, ce sont les Alliés présents dans l’Allemagne occupée qui ont « négocié » entre eux la forme d’organisation syndicale Outre-Rhin. Et au départ, ils n’étaient pas franchement revendicatifs, les premières demandes salariales et sur les conditions de travail n’intervenant qu’après 1955.

Mais ce sont les US, via l’AFL, qui ont eu le dernier mot.  Par ailleurs, la plupart des syndicats étaient depuis le début des années 50 très proches du SPD, le parti « social démocrate » allemand. Comme en France, l’AFL-CIO, le syndicat international piloté par les Etats-Unis et des pions de la CIA, a manœuvré pour rebâtir le syndicalisme d’après-guerre, de manière à réduire au maximum l’influence communiste.

Les syndicats allemands, autour de la Confédération allemande des syndicats, la DGB, ont aussi été traditionnellement favorables à l’Europe, qui signifiait de plus gros marchés. C’est ainsi qu’ils ont joué un rôle clé dans la structuration du sydncialisme européen d’après-guerre.

Dans les années 2000, les allemands se sont un petit peu rebellés contre cette ingérence permanente des US dans les affaires intérieures. Gerhard Schröder a agité l’argument anti aéricain pour se faire réélire, les médias ont sorti quelques Unes peu sympathiques envers les US, et les relations se sont tendues avec Bush Junior. Mais en 2012, la DGB allemande palait encore de lancer un « Plan marshall pour l’Europe » pour relancer l’investissement, la croissance et l’emploi, c’est-à-dire un discours qui est chez nous tenu par le Medef…

France :

En France, l’épuration a un peu fonctionné après la guerre, grâce aux communistes, mais les fascistes et nazis étaient encore fort nombreux, pas du tout repentants, et toujours désireux de prendre le pouvoir. Selon les derniers chiffres qui circulent, il y aurait eu 124.000 à 132.000 personnes jugées [4] pour divers crimes liés à la Collaboration, dont 791 peines de mort et environs 50.000 « dégradations nationales », ce qui est, il faut bien le dire, très peu en comparaison de l’ampleur des crimes commis.

Il y aurait eu également, selon les chiffres donnés par les préfectures, autour de 9.000 exécutions sommaires (d’autres comme Raymond Aron parlaient de 30.000 ou même 40.000 tués, histoire de faire bien peur à cette frange de la population qui avait des choses à se reprocher). Et un peu moins de 200 condamnations pour collaboration économique, ce qui pour le coup est incroyablement peu. Pourtant, après la guerre la Sûreté Nationale a listé plus de 100.000 membres dans les « partis antinationaux » (les groupuscules français pro-Allemagne) durant la guerre. Et ceux-là ne sont que les encartés [5].

Annie Lacroix-Riz, dans son dernier livre « La non épuration en France de 1943 aux années 50« , explique que dès 1942, les Américains ont demandé à de Gaulle que l’épuration soit la plus minimaliste possible, que la quasi-totalité des cadres de Vichy soient laissés en place. A Alger, la Commission d’épuration qui a été créée en 1943 a été totalement empêchée d’agir. A tel point que juste après l’annonce de la fin de ses travaux, les membres de la commission se sont inquiétés : « il ne se passe pas de jour, que la Commission d’épuration n’apprenne incidemment que des fonctionnaires qui lui sont déférés, sont ou vont être promus à des fonctions qui constituent autant d’avancement ou qu’ils vont partir en mission pour représenter à l’étranger le Comité français de la Libération nationale« [6].

Les US, amenés à nous « libérer », détestaient de Gaulle et il était loin de représenter leur première option dans le cadre de ce qu’ils avaient déjà conçu comme l’American Military Governement of Occupied Territories (le gouvernement militaire américain des territoires occupés).

« Washington, qui s’entendait fort bien avec Vichy, ferait affaire avec son haut personnel militaire et civil en poste de l’empire. Ces gens, informés des intentions américaines depuis l’installation, en décembre 1940, du représentant du Département d’Etat Murphy à Alger, avaient à des dates diverses noué contact avec le diplomate« , écrit Annie Lacroix-Riz. En 1940 et 1942 ce sont d’abord le maréchal Weygand, puis l’amiral Darlan qui ont eu leurs faveurs, mais le deal fut de courte durée car ce dernier il a été assassiné en décembre 1942 par un Résistant (ce qui a probablement influe sur le cours des choses). Ce sont ces généraux qui ont permis aux US de s’installer tranquillement en Afrique du Nord, principalement à Alger, pendant la guerre.

Même Pierre Laval, ex premier ministre de Pétain, banquier, homme d’affaires et homme de la synarchie, était en contact direct avec les Américains, et cela jusqu’à l’été 1944, c’est-à-dire au débarquement.

Si Laval a été exécuté à la Libération, son directeur de cabinet Jean Jardin, tout aussi acharné que lui à persécuter les Juifs et les opposants (il a demandé et obtenu la Francisque en 42), a poursuivi sa carrière après un exil en Suisse [7]. Grâce à ses appuis dans les milieux financiers et patronaux, et aussi parce qu’il a détruit de nombreux documents avant la défaite de l’Allemagne, il a totalement évité les ennuis après la guerre. Cet ex d’Ordre Nouveau proche de la synarchie[8] dans les années 30 est ainsi devenu conseiller officieux du CNFP (l’ex Medef), de grandes entreprises, ainsi que de politiques comme l’ultralibéral fan d’Europe et membre du Bilderberg Antoine Pinay, à qui il permet d’entrer dans le premier gouvernement de la Ve République [9]. Il a aussi contribué au financement de la carrière d’un autre collabo bien connu : Mitterrand.

On notera que, si Jean Jardin bénéficie d’une très bonne presse en France, son petit-fils Alexandre Jardin le décrit comme un vrai connard, et pense qu’il était impliqué dans la rafle du Vel d’Hiv (apparemment, le grand-père, qui suivait les manœuvres de près, était agacé que seulement 13.000 personnes aient été embarquées, au lieu des 25.000 escomptées). Un article de 20 Minutes de mai 2011 mentionne un document « immatriculé AN, 3W 358, 2, [qui] révèle que Sokolowski, grand ami de Jean Jardin jusqu’à sa mort en 1976, une sorte de «bon tonton» pour Alexandre, était en fait un agent nazi chargé d’espionner Laval ».

Dès le 26 août 1944, une loi est publiée pour qualifier l’indignité nationale de simple « état » et non plus de crime, avec une « peine » réduite à « la dégradation nationale » qui consistait en une privation temporaire des droits civiques. Cela a fonctionné pour tous ceux qui avaient adhéré, sans trop s’agiter, à des partis collaborationnistes, voté les pleins pouvoirs à Pétain, ou participé aux diverses activités du régime vichyste.

Bref, l’objectif était de ne rien changer, et si changement il devait y avoir, celui-ci devait être minimal. Les US avaient prévu de ne changer que le minimum des cadres de Vichy. En septembre 1942 une directive de Roosevelt précisait encore que « aucun changement dans les administrations civiles françaises n’est envisagé par les Etats-Unis« . Tous ceux qui avaient collaboré avec les US, qu’ils aient commis ou non des meurtres de Juifs et de Résistants, devaient passer à travers les mailles du filet. En 1943, de Gaulle assurait aux US qu’il allait « établir l’ordre en France quand le territoire serait libéré« , cela pour « empêcher les communistes de prendre le pouvoir » [10].

L’historien et journaliste Eric Branca dans son livre « L’ami américain. Washington contre De Gaulle 1940-1969« , précise qu’à la fin mai 1944, le Département d’Etat US « a adressé via Madrid à l’ancien président du Sénat, Jules Jenneney, et à son homologue de l’Assemblée nationale, Edouard Herriot, un questionnaire secret destiné à connaître leur disponibilité …. Et à savoir, entre autres, s’ils étaient prêts à s’opposer, avec l’aide des Américains, à l’établissement d’une ‘dictature’« . Pour eux, la « dictature », c’était potentiellement de Gaulle.

Quelques milliers d’arrestations de collabos ont malgré tout été réalisées, mais plus de 3.000 ont été rapidement libérés sans aucune enquête ni procédure. Annie Lacroix-Riz rapporte les propos d’un membre de la commission de sûreté chargée de l’épuration, qui avait déclaré en 44 que « des libérations seraient obtenues moyennant une dîme assez élevée : les ‘cours’ s’établiraient entre 200.000 F et 1 million« . Cette commission de sûreté a été empêchée de travailler, de mener des enquêtes, de condamner ceux qui devaient l’être.

Les Collabos de la Ve République

Bref, les Collabos n’ont pas été punis, ou si peu. A l’Assemblée, une bonne partie des parlementaires qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain étaient de nouveau là dans les années 50 [11].

Quartier Libre – Annie Lacroix Riz

Certaines régions, comme l’Alsace et la Lorraine, ont même quasiment échappé à toute épuration. Dans « La non épuration en France », Annie Lacroix-Riz écrit : « La précocité du pardon octroyé aux Alsaciens-Lorrains les plus germanophiles, de la gauche anti-communiste à la droite, exclut la ‘Guerre froide’ des motifs de l’amnistie de 1953 des participants français au massacre d’Oradour-sur-Glane« .

Nombre d’anciens collabos, fascistes, nazis etc. ont ainsi pu revenir dans des partis politiques, dans la fonction publique, y compris la police, les renseignements et la justice, et dans l’économie.

Par exemple :

François Mitterrand

Il a été fasciste dès 1934, quand il a rejoint les Volontaires Nationaux du Colonel La Rocque (instigateur de tentatives de coup d’Etat dans les années 30 et meneur d’une ligue fasciste financée par le patronat) commencé par collaborer : il a été l’un de ceux qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain et a même un soutien de la Révolution nationale et cadre de Vichy. Il a aussi demandé – et reçu en 1943- la breloque suprême du régime: la Francisque.

Puis il a senti le vent tourner et serait passé à la « Résistance » en 1943, avant de collaborer avec Allen Dulles dès 1944, à travers un mouvement d’aide aux prisonniers[12], le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD) qu’il a dirigé. André Bettancourt a dirigé l’antenne de Genève, avec Pierre de Bénouville et Allen Dulles, alors patron de l’OSS, qui a contribué au financement du MNPGD.

En 1946, Mitterrand a pu se lancer en politique dans la Nièvre grâce à l’appui financier et au carnet d’adresses d’Eugène Schueller (notamment dans le clergé et chez les notables du coin), le patron de l’Oréal aux idées très fascistes. Il était alors à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR). Mitterrand s’y est présenté comme député, afin de reprendre une circonscription à la gauche, et a été élu avec un programme anticommuniste sur une liste Unité et Action Républicaine. Il a été nommé ministre dès 1947, aux Anciens Combattants (pas tous si anciens que cela à cette époque), en pleine période des procès de collabos qui tentaient d’obtenir une virginité. En 1948, Mitterrand s’est pointé au Congrès de La Haye où se sont croisés tous les « pères fondateurs » de l’Europe, et a rejoint le Mouvement Européen. En 1949, Mitterrand a pondu une loi d’amnistie pour les collabos, promulguée en janvier 1951.

En 1965, il a été candidat à la présidentielle grâce au soutien financier du CNPF (l’ex Medef) via son ami René Bousquet, préfet vichyste blanchi en 1949, désireux de financer les partis non-communistes. Les mêmes l’ont encore soutenu en 1974. Dans les années 70, Mitterrand était aussi avocat, ce qui lui a permis d’être rémunéré par des entreprises, pour divers « conseils » [13]. Aujourd’hui ils sont très nombreux à devenir avocats d’affaires entre deux mandats.

Il est devenu président de la Fédération de la gauche démocrate socialiste (FGDS, ex-SFIO), et de 1966 à 1968, ladite fédération -en particulier Mitterrand et son frère Robert [14]- a eu « des relations très étroites » avec l’administration US selon l’ambassadeur US de l’époque, et les rencontres ont été tenues secrètes[15] car cela aurait fait très mauvais genre à « gauche ».

Selon Vincent Nouzille, qui explique cela dans son livre « Des secrets si bien gardés », Mitterrand a même fait preuve de « zèle » auprès des US, donnant « des gages d’un atlantisme fervent« . Ce qui s’est avéré une réalité mais n’a jamais été dit publiquement (par exemple il critiquait la guerre du Vietnam et a utilisé pendant un temps les communistes). En tout cas, Mitterrand a rassuré les US sur son élan dans la fameuse « construction européenne », ce qui semble pour eux être la condition sine qua non pour laisser un politicien européen accéder aux plus hautes fonctions, ainsi que sur l’intégration de la France dans l’OTAN et sur sa détermination à détruire les communistes (ce qu’il fit).

Le conseiller privilégié de Mitterrand devenu président avec l’aide du Grand Orient, était d’ailleurs Jacques Attali, membre de la Trilatérale qui a aussi fréquenté le Bilderberg. Fervent anticommuniste, Mitterrand s’est ensuite très bien entendu avec Reagan, puis avec Bush 1er dont il a été le premier invité étranger important en 1981.

On peut ajouter que la franc-maçonnerie française a été à la manœuvre lors de la création du parti socialiste sur les restes de la SFIO, et tout un tas de clubs ont été créés par des frères la truelle pour soutenir le mouvement autour de Mitterrand. Il y avait par exemple le Club des Jacobins de Charles Hernu, ou la Ligue pour le combat républicain, qui comptait François de Grossouvre parmi ses membres [16]. Dans son tout premier gouvernement, Mitterrand les a récompensés de leur soutien sans faille en nommant un tiers de francs-maçons à des postes gouvernementaux.

André Bettencourt

Gendre de Schueller, mari de Liliane depuis 1950, a dirigé la PropagandaStaffel à Paris pendant la guerre, il a é édité (et écrit dans) un journal pro- Nazis financé par la propagande allemande, « La Terre française ».

A ce poste,  » Il est placé sous la triple tutelle du ministre de la propagande, Joseph Goebbels, de la Wehrmacht et de la Gestapo. Il a la haute main sur toutes les publications françaises, qu’elles soient collaborationnistes ou nazies« , écrit Thierry Meyssan en 2004. Bettencourt, très proche de Mitterrand, s’est lancé dès 1947 dans la politique, en succédant à son père au poste de conseiller général et conseiller municipal. Il est ensuite devenu président du Conseil régional de Haute-Normandie, député, sénateur, et même ministre sous De Gaulle.

Le tout, bien-sûr, en travaillant aussi chez l’Oréal. Il est même passé chez Nestlé en 1942 : Schueller en était le premier actionnaire et l’avait envoyé « aryaniser » l’entreprise en Suisse, où Bettencourt en a profité pour rencontrer les représentants de l’OSS Allen Dulles et Max Schoop qui selon Meyssan lui auraient refilé 2,5 millions de Francs. Evidemment, pour mener une telle carrière politique, il a fallu mentir sur ses activités pendant la guerre et se fabriquer un passé de résistant[17], comme tant d’autres l’ont fait en toute impunité.

Maurice Papon

Papon, qui était franc-maçon [18], a pu occuper le poste de ministre du Budget de Raymond Barre sous la présidence de Giscard. Sans les efforts de survivants des camps, notamment de couple Klarsfeld[19], Papon aurait coulé des jours heureux jusqu’à la fin, sans avoir à répondre des actes commis durant la guerre.

De 1942 à 1944, Papon était en effet secrétaire général de la préfecture de Gironde, en charge des « Questions Juives », c’est-à-dire la répression contre les juifs. Il a supervisé l’arrestation et la déportation de 1600 Juifs de la région, dont très peu ont survécu. « Le 2 avril 1998, au terme de plus de seize ans de procédure et de six mois d’un procès fleuve, Maurice Papon est condamné par la cour d’assises de la Gironde à dix ans de prison ferme pour complicité de crimes contre l’humanité. Il lui est reproché d’avoir apporté son « concours actif » à l’arrestation puis à la déportation des 72 victimes représentées par les parties civiles« , résumait Guillaume Mouralis dans l’article « Le procès Papon, justice et temporalité », de mars 2002.

Entre temps, en tant que préfet de police de Paris, il a été directement responsable des répressions sanglantes d’une manifestation de sympathisants du Front de Libération National algérien en octobre 1961[20], et en 1962 de celle d’une manifestation de gauche contre l’OAS, qui a fait 8 morts. Le tout dans un contexte d’état d’urgence lié à la guerre d’Algérie. Juste après la guerre, en 1946, il a été chargé de rédiger une première loi d’amnistie.

De 1956 à 1958, il était préfet en Algérie alors qu’il voulait être nommé à la CECA, l’embryon d’Europe. De retour en France, il était donc préfet de police, tout en étant maire puis député dans le cher pour l’UDR, dont il était le trésorier. En 1972 il est devenu président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, puis ministre du Budget de 1978 à 1981, année où une plainte est déposée contre lui pour crimes contre l’humanité. On connaît mieux la suite.

Maurice Couve de Murville

Figure de la droite française qui a évolué dans l’ombre de De Gaulle, député et sénateur UDR puis RPR des années 70 aux années 90, il a été ministre des Affaires étrangères pendant près de dix ans (1958-1968) et Premier ministre en 1968. Mais sous Vichy, alors qu’il était encore un jeune inspecteur des Finances, il a été haut fonctionnaire, occupant le poste de directeur des Finances extérieures et des charges de 1940 à 1943 [21].

Il était même assez proche de Laval, fréquentant régulièrement en privé son directeur de cabinet, Jean Jardin, père de l’écrivain Alexandre Jardin. Juste après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, il a lâché Vichy et rejoint les troupes de De Gaulle à Alger. Il a donc été lavé plus blanc que blanc, et même obtient le tampon « Résistant » grâce à de Gaulle qui l’a nommé, entre autres, secrétaire aux Finances en juin 1943. Couve de Murville a donc intégré le gouvernement provisoire de la République française en février 1945.

« Couve du Murville fut après août 1944 avec son second Berthoud l’atout maître des financiers », leur permettant de faire valider les soi-disant ventes forcées qu’auraient exigées les Allemands, explique Annie Lacroix-Riz dans « Industriels et banquiers sous l’Occupation ». En 1954, il a été désigné comme représentant permanent de la France auprès de l’OTAN, avant d’être nommé l’année suivante ambassadeur à Washington puis à Bonn en 1956.

Jean-André Faucher

Il était franc-maçon (devenu en 1977 Grand Secrétaire de la Grande Loge de France) et journaliste dans presque tous les médias d’extrême droite qui ont existé en France depuis la guerre, grand soutien de Mitterrand, proche de son ministre de la Justice Roland Dumas et de Charles Hernu dont il était le bras droit lors de la campagne présidentielle de 1965 [22], et fut aussi un collabo. Il adhérait déjà à 16 ans au Parti Populaire Français de Jacques Doriot. A 18 ans en 1939, il a rejoint une sorte de milice vichyste, la Légion française des combattants [23], organisation de masse du régime vichyste dont il est devenu l’un des cadres.

Il est ensuite devenu l’un des piliers des Chantiers de jeunesse, avant d’être promu en 1943 comme délégué à la Propagande de Pétain pour la zone nord, entretenant la propagande fasciste dans la presse collabo. Il a été dénoncé comme indic de la Gestapo à la Libération, et a été condamné dans la foulée à l’ « indignité nationale » et à la peine de mort. En son absence, car il s’était fait la malle, occupant divers emplois sous divers pseudonymes.

Faucher s’est alors rapproché d’un groupe d’extrême droite créé en 1946 ou 1947, le Rassemblement travailliste français, puis a fondé une obscure « Armée Française loyale » qui comme par hasard s’est trouvée impliquée dans le « Plan Bleu », cette opération paramilitaire anticommuniste pilotée par les US et les anglais, dont on a parlé rapidement et sur laquelle on va revenir, et qui visait à faire un coup d’Etat militaire en France.  A l’origine, l’Armée française loyale avait été créée « pour organiser des milices en soutien des forces de l’ordre en cas de grève« , selon le livre « Les réseaux stay-behind en France » (p.86).

Faucher a finalement été arrêté en octobre 1948. Mais, coup de chance : il a été immédiatement amnistié. Bien qu’il ait pris quelques mois de prison pour sa participation au Plan Bleu. A sa sortie, il a écrit dans des feuilles d’extrême droite comme Rivarol, Charivari, l’Heure française, Jeune Nation, Aux écoutes, tout en se disant de gauche et non communiste [24]. Faucher a soutenu l’Algérie française, les poujadistes (mouvement d’extrême droite), puis est passé dans le camp des socialistes au début des années 60, quand il a pris sa carte du parti et a été initié en franc-maçonnerie, à la Grande Loge de France dont il deviendra « grand secrétaire » en 1977 [25].

En 1957, il s’est rapproché du socialiste Charles Hernu (autre Franc-Maçon) et a organisé une rencontre avec le Pen, rencontre qu’il s’est empressé de relater dans un journal d’extrême-droite [26]. En loge, il s’est activé pour rapprocher sa loge de la bande de Mitterrand, organisant même en 1957 une rencontre entre Le Pen et Charles Hernu, et a fondé en 1962 la loge Louise Michel.

En 1965 il a œuvré au rapprochement du Parti Radical, où grenouillaient de nombreux collabos, et des « socialistes » autour de Mitterrand. Et « en même temps », Faucher soutenait des groupuscules nationalistes européens, écrivait dans Le Crapouillot, dans Minute, ou dans Valeurs Actuelles à partir de 1970. Son fils a suivi la même voie en plus « soft » et a été rédacteur en chef du Figaro.

Jean-André Faucher a même créé sa propre obédience, la « Grande loge d’Orient et d’Occident », et en 1981 Fabius l’a fait nommer au Conseil Economique et Social, ce machin dans lequel pantouflent les amis du pouvoir, avant d’être nommé secrétaire d’Etat aux départements et territoires d’Outre-Mer. Il a même obtenu la légion d’honneur en 1986.

René Bousquet

On a déjà vu son parcours, classique des fascistes recyclés dans les structures d’après-guerre. Lui aussi était franc-maçon, ce qui a certainement été utiles à certains moments compliqués. Il a fui en Allemagne après la guerre et a été libéré par les Américains puis placé sous mandat de dépôt en 1945 à son arrivée en France. La Haute Cour de Justice l’a jugé en 1949, et a considéré que l’organisateur de la rafle du Vel d’Hiv avait été un résistant  presque toute sa carrière, et ne méritait que 5 ans d’indignité nationale pour avoir été chef de la police de Vichy [27].

Il a été amnistié en 1958 et ainsi pu se lancer en politique, comme candidat aux législatives dans la Marne. Il est devenu ami de Mitterrand, siégeait dans les conseils d’administration, jusqu’en 1978, quand son rôle dans la rafle du Vel d’Hiv est dénoncé dans la presse.

Une plainte a été déposée contre lui en 1989 pour crime contre l’humanité par des associations de déportés et de résistants, il a été inculpé en mars 1991 et a été assassiné en juin 1993. Ce qui a évité une mise en lumière des décisions surprenantes de la haute Cour de « Justice » en 49.

Pierre Guillain de Bénouville

Ce fils d’assureur alsacien né en 1914 était un fervent royaliste, antisémite et anticommuniste ultra conservateur. Il a démarré sa vie militante dans les années 30 chez les Camelots du Roi et l’Action Française (il a activement participé aux émeutes fascistes de 1934 et à un attentat contre Léon Blum en 1936), a fréquenté les chefs de l’organisation fasciste la Cagoule, et était alors en relation avec d’autres fascistes comme François Mitterrand et André Bettencourt le futur patron de l’Oréal.

En 1936 il a combattu contre les Républicains en Espagne. Mobilisé à la déclaration de guerre, il a été fait prisonnier par les Allemands, s’est échappé, a rejoint la France et milité pour le Maréchal Pétain. Il serait devenu résistant en 1941 mais a joué un rôle important dans l’arrestation de Jean Moulin[28] en juin 1943. Il était aussi proche d’Allen Dulles, qu’il voyait et avec lequel il  a correspondu pendant 25 ans. Selon son biographe Guy Perrier, « En juin 1948, Bénouville et son épouse sont reçus chaleureusement par les Dulles qui les introduisent dans les milieux américains influents« .

A la Libération il a reçu divers honneurs pour ses faits d’armes dans la résistance. Après la guerre il a rejoint le RPF de de Gaulle et est devenu député d’Ille-et-Vilaine puis de Paris et, a soutenu l’Algérie française. Il a été très proche de Chirac, dont il a contribué à l’ascension et en 1984 il a défendu Mitterrand quand certains s’interrogeaient sur son attitude pendant la guerre.

En même temps qu’il faisait de la politique en se rapprochant de l’extrême-droite, Bénouville était administrateur de grandes entreprises, comme les éditions Robert Laffont, les cinémas Gaumont, ou encore Dassault Bréguet. Il s’était aussi placé depuis la fin de la guerre au service d’Allen Dulles, dont il était proche. Beaucoup de collabos lui doivent d’avoir évité des ennuis à la Libération, comme le rappelle Annie Lacroix-Riz dans « La non épuration en France ».

Michel Junot

Moins connu, ce haut fonctionnaire a été Chef du cabinet du Secrétaire général à l’Administration à Vichy puis sous-préfet en charge du maintien de l’ordre en 1942 à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande, où il y avait deux camps de prisonniers, dont beaucoup de Juifs avec des enfants. Il a été adjoint au maire de Paris Jacques Chirac de 1977 à 1995. Neuf médias qui avaient dénoncé son parcours ont perdu les procès en diffamation intentés contre eux par Junot, car ils avaient écrit qu’il avait supervisé le dernier convoi de prisonniers pour les camps. Il avait en tout cas joué un rôle dans l’organisation des deux camps de prisonniers sur sa zone, d’après des documents trouvés par Le Point en 1997[29].

Devenu gaulliste en 1944 –encore un-, il a quand-même été coincé par la Commission nationale d’épuration qui, rappelle l’Humanité,  « le décrit comme un «modèle d’arriviste, dénué de tout scrupule. A écarter de toute fonction publique»« . Junot a en tout cas repris tranquillement sa carrière préfectorale en 1948, après un passage au gouvernement de l’après-guerre.

En 1948 encore, il retourne au gouvernement, comme chef de cabinet du secrétaire d’État à la présidence du Conseil, et oscille ainsi entre le job de préfet et de nombreuses missions dans les gouvernements des années 50. En 1958, il devient député de la Seine, chez les Indépendants, et se lance dans le business. En 77, Chirac l’amène à la mairie de Paris. Il a été en grâce jusqu’en 1986 quand il propose à Chirac une alliance avec le Front National. Très à droite, il aimait bien passer à Radio Courtoisie, et a contribué à créer la « Droite Libérale Chrétienne ».

Raymond Marcellin

Cet avocat et ministre de l’Intérieur (et traitre à la Bretagne), n’a pas hésité à utiliser les pires méthodes contre les syndicats, les Bretons et autres opposants politiques au « régime ». Dès 1940 il a rejoint le régime de Vichy à 27 ans, doctorat de droit en poche, pour diriger la « formation professionnelle » du régime vichyste. Du coup, il a été décoré de la Francisque (qu’il fallait réclamer).

Devenu résistant d’un coup en 1944, il s’est reconverti comme avocat à Paris en 1945.

Sa page Wikipedia résume qu’il fut « Ministre de seize gouvernements entre 1948 et 1974« . Pompidou, l’homme des Rothschild en France, l’a eu à la bonne et l’a nommé ministre de l’Intérieur le 31 mai 1968, pour s’attaquer à la gauche via une politique de répression totale, et aussi pour entretenir de bons rapports avec les barbouzes.

A l’époque, il menait la répression à coup de lois: « Le 12 juin 1968, le gouvernement  dissout une dizaine d’organisations d’extrême gauche. Le 18, de Gaulle gracie une douzaine de condamnés de l’Algérie française – Raoul Salan en tête« , racontait France Inter en 2018, ou  avec sa « loi anti-casseurs » de 1970,

Il est resté à l’Intérieur jusqu’en 1974, est ensuite passé quelques mois au ministère de l’Agriculture, puis est redevenu tranquillement maire de Vannes, un fief de droite, député et sénateur.

Pierre-Étienne Flandin

Fils d’un député de l’Yonne, il est devenu avocat puis député de l’Yonne, à droite. Il a trainé dans les ministères dans les années 30, notamment comme ministre du Commerce puis des Finances, alors que le pays était en pleine crise économique. Il a mené des politiques d’austérité, a approuvé toutes les avancées d’Hitler, voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, et proposé sa collaboration au régime de Vichy dès le début de la guerre. Il est resté ministre des Affaires étrangères quelques semaines sous Vichy mais malgré sa bonne volonté les Allemands l’ont mis sur la touche.

Il est alors allé en Afrique du nord en 1942, au moment du débarquement des US en Afrique du Nord. Là, il a noué des liens avec les généraux qui étaient en contact avec les US, comme l’amiral Darlan et le général Huntziger, et a rencontré plusieurs fois le fils de Churchill, alors chargé de mission auprès de Tito. Fin 1943, le comité d’épuration d’Alger avait l’intention de l’arrêter pour trahison, ainsi que d’autres collabos comme Tixier Vignancourt ou Pucheu.

Mais grâce aux efforts conjoints des collabos et des US qui se sont indignés publiquement de ces arrestations[31], il a seulement eu une « dégradation nationale » à la Libération et a pu reprendre la vie politique, assez difficilement, dans l’Yonne.

De 1954 à sa mort en 58, il a présidé le « Centre des hautes études américaines », une sorte de lobby atlantiste crée en 1945 et financé par le patronat. Il est mort en 58

Jean-Henri Azéma

Lui a au moins été fidèle à ses principes d’extrême droite : en 1944 il n’est pas devenu « résistant » mais s’est engagé dans les Waffen SS [32]. Du coup, il a été obligé de s’enfuir à la Libération (il a été condamné à perpétuité et ses biens ont été confisqués), puis a rejoint l’Argentine en passant par la Suisse, grâce à de faux papiers.

En 1952 il s’est impliqué dans l’équipe d’un président qui a mené une politique de gauche, pendant 3 ans. Azéma s’est alors exilé en Bolivie quelques années, avant de revenir en Argentine où il est devienu publicitaire. Son fils Jean-Pierre Azéma est devenu l’un des grands historiens de la Deuxième Guerre mondiale. Pompidou l’a aussi amnistié, en 1970.

Serge Jeanneret

Celui-là était foncièrement de droite et antisémite. Instituteur et monarchiste, il a rejoint l’Action Française et le Parti Populaire Français de Doriot dans les années 30, puis il est passé au  gouvernement Laval en 1942 en tant que chef adjoint de cabinet du ministre de l’Éducation nationale, Abel Bonnard, un vichyste convaincu.

De 1943 à 1944, il était « conseiller technique à la fondation française pour l’étude des problèmes humains » de Vichy, et a même été décoré de la francisque pour ses bons et loyaux services, notamment dans la presse pétainiste. Ce qui ne l’empêcha pas de passer à la Libération pour un « vichysto-résistant » car en fait il aurait joué un double jeu. Il a quand-même été révoqué de l’enseignement.

La suite de sa carrière montrera qu’en double jeu, l’individu était un spécialiste : Jeanneret a rejoint les modérés qui soutenaient Pinay après la guerre, puis les poujadistes, puis a participé à la création du Front National en 1972, avant de passer au RPR comme conseiller municipal de Paris sous Chirac, de 1977 à 1989.

Puis Jeanneret est retourné au FN en 1986, et a été élu comme conseiller régional FN d’Ile-de-France alors qu’il siégeait encore  avec le RPR au Conseil de Paris. Cela, grâce à sa proximité avec la chiraquie, et parce que la droite voulait garder un oeil sur le FN parisien.

André Boutemy

Boutemy fut préfet de Thonon en 1940, sous Vichy, puis nommé directeur des Renseignements Généraux en avril 1941, jusqu’en 1943, quand il est nommé préfet de la Loire puis de Lyon. C’est là qu’il rencontre celui qui lui mettra le pied à l’étrier politique, l’industriel Georges Villiers, alors maire de Lyon et futur patron du CNPF.

A la Libération, Boutemy n’a pas eu trop d’ennuis : trois mois de prison, puis non-lieu pour les accusations de collaboration. Il a donc et rejoint Villiers au CNPF (le Conseil national du patronat français, futur Medef), où il s’est entouré de vichystes pour lutter contre les communistes. Et cela passait par le financement de diverses officines anti-communistes.

Le CNPF finançait également les candidats politiques qui lui convenaient, et c’est encore Boutemy qui était chargé de cette distribution, à hauteur de 500.000 F pour un député, 1 million pour un ancien ministre [33]. Un des favoris de Boutemy était d’ailleurs Antoine Pinay, ce patron des Indépendants fan d’Europe et de du Bilderberg, mais il arrosait tout ce qui était non-communiste. 160 députés auraient ainsi bénéficié de l’argent du patronat.

En 1953 Boutemy a éténommé ministre de la Santé et de la population, ce qui agace les communistes qui le poussent à la démission. Il sera finalement député puis sénateur, et étrangement, s’est rapproché des soviétiques à la fin de sa carrière, lors d’une période de dégel favorable au business. Quand il est mort en 1959, ses archives planquées dans une banque ont beaucoup intéressé les autorités et le CNPF.

Pierre Bousquet

Autre engagé dans les Waffen SS, en 1943 (il était caporal dans la division Charlemagne), il a continué dans la politique, à l’extrême droite,. Dans les années 50 et 60 il a été cadre de différents mouvements à tendance très fasciste, comme Jeune Nation, le Rassemblement Européen pour la Liberté, le Mouvement national du progrès et le Parti National Populaire, puis en 1972 il a été l’un des membres fondateurs du FN et le premier trésorier. En 1983 il a fait dissidence et créé un autre parti d’extrême droite, le Parti nationaliste Français.

Georges Albertini

On ne peut pas faire de liste des fascistes en politique sans évoquer l’incontournable Georges Albertini, sur lequel on va revenir car ce fasciste a su se faire sa place au cœur du système gaulliste, contribuant même à lancer la carrière d’un des pires affairistes qu’ait connu la 5e République : chirac. Albertini est largement inconnu du grand public, certainement parce que son parcours, si révélateur du marigot politique français, est un peu gênant. Avant la guerre, Albertini était plutôt à gauche, membre des Jeunesses Socialistes.

Mais il était déjà sensible au rapprochement avec l’économie allemande, et est devenu « pacifiste », c’est-à-dire contre la guerre avec l’Allemagne, c’est-à-dire pour l’invasion allemande. Fin 1941 il se rapproche de Jacques Doriot en entrant à la Légion des Volontaires Français, en 1942 il a rejoint le Rassemblement National Populaire (fasciste et collaborationniste) de Marcel Déat dont il est devenu le numéro 2, et a au passage écrit dans des journaux antisémites. Il a aussi été dir’cab de Déat quand il était ministre du Travail de Pétain en 1944.

Emprisonné à la Libération, il s’est retrouvé dans la même cellule à Fresnes qu’Hippolyte Worms le patron de la banque Worms (décidément nombre d’amitiés se sont nouées entre les collabos emprisonnés à la Libération) qu’il connaissait depuis les années 30 [34], a été condamné à 5 ans de prison pour « intelligence avec l’ennemi », puis amnistié en 1951. Après tout, ce n’est pas si grave, on l’a vu, de trahir son pays et ses concitoyens, et de vouloir massacrer une partie de la population.

Il n’a donc fait que 3 ans et demi de prison: « Son réseau SFIO d’avant-guerre va lui obtenir une sortie anticipée. Paul Ramadier est à la manœuvre, Guy Mollet également, mais surtout Vincent Auriol, élu premier président de la IVe République en janvier 1947, qui signera sa remise de peine« , selon un article de 2014 dans La Tribune. En 1948, c’est donc son pote de la SFIO Vincent Auriol[35] qui l’a fait libérer par un décret, pour qu’il contribue à créer le syndicat Force Ouvrière (financé grâce à la CIA car non communiste) en France. Albertini a su conserver et développer ses amitiés chez les « socialistes », étant proche de Guy Mollet ou du n°2 de la SFIO Pierre Commin, tout en entrant chez Worms. C’est chez Worms où il est entré dès sa sortie de prison qu’il a mis en place une officine de propagande anti communiste (le Bureau d’études et de documentation économique et social (BEDES)), qui publiait notamment la revue Est-Ouest.

Albertini sera l’un des principaux conseillers de Pompidou, et aura une influence sur les deux mentors de Chirac, Marie-France Garaud (qui conseille déjà Pompidou) et Alain Juillet. Il est devenu un fervent européaniste, dans le courant du « fédéralisme européen ». On ne sera pas surpris non plus qu’Albertini ait aussi soutenu Mitterrand, dont il a contribué au financement politique. Il a aussi beaucoup aidé les anciens collabos à obtenir des grâces et autres amnisties.

Pour mieux comprendre comment ce genre de personnages a pu prospérer sous le gaullisme, il faut reprendre le fil des années d’après-guerre. Quand le RPF, le Rassemblement Pour la France, est créé en 1947 en se positionnant clairement comme anti-communiste, toute la droite, y compris l’extrême droite, s’y engouffre.

A gauche, les US ont joué l’entrisme, avec notamment le courant trotskiste, la création de Lutte Ouvrière ou de la LCR, et la division. Recette payante. Quand Jospin a admis, honteux, avoir bien été trotskiste dans sa jeunesse, c’est parce que cela signifiait qu’il avait noyauté la gauche, en l’occurrence le parti socialiste auquel il est entré en 1971 et où il a mené grâce à Pierre Joxe une carrière fulgurante. En 1982, Jospin, alors premier secrétaire du PS, serait allé à Washington pour une réunion organisée par Irving Brown, afin de rencontrer des gens de l’AFL-CIO pour les rassurer sur la présence de ministre communistes dans le premier gouvernement de la mitterrandie.

La marque de fabrique des trotskistes, courant communiste dissident, était l’entrisme, c’est-à-dire d’intégrer d’autres groupes et partis pour les infiltrer. Plusieurs membres du PS sont des transfuges du courant trotskiste –lambertiste, comme Cambadélis, Julien Dray (qu’on retrouve à l’Unef, caisse noire du parti socialiste) ou Mélenchon, l’ex socialiste (et franc-maçon). C’est pour cette raison qu’il est peu probable que son parti représente un jour une menace réelle pour le pouvoir, du moins tant qu’il le dirige.

Interrogé par L’Express en novembre 2001, Pierre Lambert[36], leader de la CGT et des trotskistes, a déclaré qu’il se préparait à mettre sur la table « des documents explosifs » au sujet de Jospin, alors 1er ministre d’un Mitterrand moribond. Il est mort en 2008 sans qu’on en sache davantage. Jospin ou Cambadélis n’ont quitté le trotskisme qu’en 1986, alors qu’ils étaient déjà en pleine ascension au parti socialiste. Mais contrairement aux apparences, ils ne défendaient pas les travailleurs mais des positions atlantistes et anticommunistes.

En 1985, il a créé le Mouvement pour un parti des travailleurs, qui deviendra le Parti des Travailleurs fin 1991. Un de ces micro partis de gauche qui se présente aux élections, y compris les présidentielles, et disséminent les voix.

Noyautage et division du monde syndical

De l’autre côté, à cette époque de l’après-guerre, les syndicats, où les communistes étaient puissants, ont été contenus par les Américains grâce à la technique de la division. La cheville ouvrière de cette stratégie était Irving Brown, le représentant de l’AFL-CIO (American Federation of Labour – Congress of Industrial Organizations) en Europe qui était aussi un agent itinérant de la CIA, a beaucoup œuvré en Europe pour contenir le communisme. Dès 1946, année où l’AFL-CIO décide se lancer ouvertement dans l’anticommunisme[37], il prenait contact avec l’opposition interne de la CGT, en vue de scinder le syndicat communiste.

En 1947, année de la création de la CIA et du lancement du plan Marshall, le président US Truman a mis en place une opération secrète pour financer les syndicats non communistes. En France, l’objectif numéro un depuis deux ans était de briser la CGT en finançant la création de Force Ouvrière.

Ce financement secret a été réalisé par Jay Loverstone, qui dirigeait la section Internationale de l’American Federation of Labour [38] (AFL), et par Irving Brown. En fait, cette organisation syndicale mondiale a été conçue comme une structure d’influence américaine, et une couverture pour le financement de partis politiques et syndicats favorables aux US, cela partout dans le monde. Les syndicats financés par l’AFL-CIO étaient convertis à l’économie de marché et leurs dirigeants étaient grassement rémunérés.

« La stratégie de division des mouvements ouvriers italien et français en vue de créer une alternative aux syndicats communistes était une version internationale de ce que Lovestone avait déjà tenté de faire dans le syndicat de l’automobile dans les années 1930« , explique Tania Regin dans l’article « Force Ouvrière à la lumière des archives américaines« .

L’influence d’Irving Brown, qui collaborait avec l’OSS depuis 1943 [39], a duré plusieurs dizaines d’années et a porté ses fruits durant bien longtemps. Le journaliste allemand Heinz Duthel dans son livre « Global Secret and Intelligence Services – vol I », explique qu’Irving Brown était le « responsable du stay-behind pour les milieux de gauche et étudiants en Europe » et qu’il « se vantait d’avoir financé aussi bien l’UNI [syndicat étudiant très à droite] que la MNEF et d’avoir formé personnellement Jean-Christophe Cambadélis et Lionel Jospin ». De fait, les deux ont appartenu à la MNEF comme au courant trotskiste.

L’un de ceux qui a joué un rôle dans la scission de la CGT avec la création de Force Ouvrière en 1947 est René Belin, ex leader de la CGT devenu ministre du Travail sous Pétain, qui a par exemple voté les lois sur le statut des Juifs et liquidé la CGT dès décembre 1940 puis de la CFTC[40]. A Marseille au même moment, deux agents de l’OSS, Tom Braden, qui deviendra l’adjoint d’Allen Dulles à la CIA, et son collègue Phil Chadbourne, poussent à la scission de la CGT. Et par ailleurs, les US financent allègrement les syndicats et partis politiques « indépendants », c’est-à-dire qui rejettent le communisme et se montrent conciliants avec les revendications patronales, comme la SFIO et le RPF, le parti de droite.

En Italie, Irving Brown organisé la scission de la Confederazione generale del lavoratoro italiana (CGIL), ou de la Fédération Syndicale Mondiale, créée en 1945 à Paris, sur le même mode que pour la CGT.

On retrouve aussi Irving Brown et l’AFL derrière certains financements à la CFTC, la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, ou la CGC, la Confédération Générale des Cadres.

Les manœuvres ont très vite commencé au parti socialiste de l’époque, la SFIO, où Irving Brown a aussi poussé à la scission, avec la création de Lutte Ouvrière. La SFIO était très liée à la CGT, et la mission de Brown était de les séparer. « C’est donc dans le contexte des relations du « groupe Bothereau » avec Irving Brown que fut négocié le brutal virage « gauchiste » qui affecta conjointement la tendance minoritaire et la SFIO à partir de décembre 1945. Il incita les plus modérés des confédérés à célébrer les vertus du Trotskiste Vallière, et les éléments les plus droitiers de la SFIO à approuver le discours de ceux qui, au sein du parti, préconisaient de « combattre le communisme par la gauche » : les affrontements se déroulèrent notamment sur les thèmes de « l’indépendance syndicale » et du sacrifice, par les unitaires, des revendications ouvrières sur l’autel de la « Bataille de la production »« , écrit Annie Lacroix-Riz dans un article de 1990 sur les manœuvres syndicales d’Irving Brown.

Le 4 mai 1947, Paul Ramadier, le président du Conseil, a accepté la demande US de virer tous les ministres communistes du gouvernement. Un ancien Collabo qui avait voté les pleins pouvoir à Vichy et a été membre du 1er cabinet Pétain [41], Robert Schuman, devenu ministre des Finances dans le gouvernement Ramadier, contribue à cette éviction. Schuman est l’un de ceux que l’imaginaire européen appelle les « pères fondateurs de l’Europe ».

Schuman a aussi contribué avec le ministre de l’Intérieur à la répression violente des grandes grèves de 1947 -1948, menées par les communistes, ainsi qu’à la traque des Résistants communistes (qui avait été lancée sous Pétain). Il est ensuite nommé ministre des Affaires étrangères de juin 1948 à septembre 1952, puis ministre de la Justice en 1955.

L’époque est en effet marquée par d’importantes grèves, notamment des mineurs, contre lesquelles l’Etat n’a pas hésité à envoyer l’armée. Les autorités (la SFIO est au pouvoir) comprimaient alors les salaires et revenaient sur des droits des mineurs, ce qui a entraîné des mobilisations très importantes qui sont méthodiquement [42] et violemment réprimées, dans le Pas-de-Calais notamment.

Les tensions sociales sont aussi profitables à la montée des communistes aux différentes élections, en France comme en Belgique ou en Italie. L’objectif principal des US et des capitalistes était donc d’anéantir la gauche la plus à gauche.

En 1949, l’AFL via une filiale appelée le Free Trade Union Committee, dirigée par Jay Lovestone [43], et via Irving Brown qui représentait l’AFL en Europe, assurait une partie du financement Force Ouvrière d’abord avec l’argent du plan Marshall, puis avec celui de la CIA. En effet, dès le départ, Force Ouvrière a connu des problèmes de trésorerie, mais les syndicats internationaux, puis directement la CIA, ont su combler les trous.

On retrouve Irving Brown comme courroie de transmission de fonds importants depuis les Etats-Unis vers les syndicats européens, notamment Force Ouvrière. Il s’est installé à Paris en novembre 1945 pour y prendre contact avec les « cégétistes non communistes », notamment Léon Jouhaux, patron de la  CGT jusqu’en 1947, puis de la CGT-FO à partir de décembre 1947, quand FO est créé. Si Brown s’est fixé à Paris, c’était parce que selon lui et ses chefs, la France était « la clé de l’évolution syndicale en Europe occidentale« .

Des voyages étaient aussi organisés aux Etats-Unis pour les représentants syndicaux de la CGC, de la CFDT et de FO, et les services secrets français ont qualifié Irving Brown d’ « agent itinérant de la CIA ». De fait, il avait été recruté dès 1944 par William Donovan, alors chef de la CIA, pour favoriser l’entrée des marchandises dans les ports et dans le pays en vue du débarquement, en mettant en ordre de marche dockers et cheminots.

En 1946, « Brown intrigue pour rompre l’hégémonie communiste à la direction de la CGT et appuie la fraction Force ouvrière constituée depuis 1944 par Léon Jouhaux et Robert Bothereau, qui siègent au bureau fédéral et au secrétariat confédéral du syndicat. Avec eux, il prépare la scission qui doit entraîner le plus grand nombre de militants de la CGT hors de l’orbite communiste« , écrivent Benoît Colombat et David Servay dans « Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours », p.69.

L’argent est ensuite venu du Free Trade Union Committee, le FTUC [44] créé en 1941, mais aussi d’entreprises multinationales comme Esso, General Electric ou Singer, ce qui peut étonner au premier abord.

A la même époque (1948-1949), un groupe lié à Force Ouvrière, les « Forces Ouvrières Syndicalistes Européennes » (FOSE) est créé et contribue à nouer des liens entre le parti et ses homologues à l’international. Ce groupe a aussi eu une forte influence « idéologique » sur Force Ouvrière. « L’objectif de ce groupe est de populariser l’idée d’Europe fédérale auprès des travailleurs. Son Secrétaire général est Raymond Le Bourre, par ailleurs Secrétaire général de la fédération FO du spectacle, son vice-président est Roger Lapeyre, qui est aussi Secrétaire général de la fédération FO des travaux publics« , explique Tania Regin dans l’article « Les relations intersyndicales françaises à la lumière des engagements internationaux 1948-1978″. Le Bourre était en contact permanent avec Jay Lovestone et Irving Brown, et a travaillé avec son collègue de FO André Lafond [45], lui aussi en contact permanent avec l’AFL, au rapprochement des syndicats anticommunistes et pro-Européens.

Lafond était, aux yeux d’Irving Brown, l’opposition à Léon Jouhaux –mais selon les US trop proche des soviétiques- à l’intérieur de la CGT. Il n’hésitait pas à solliciter son ami Irving pour placer des copains dans des entreprises US, ou pour divers services. Mais il est tombé en disgrâce quand il a milité pour l’Algérie française, à contre-courant du monde syndical. Le Bourre a été exclu peu après Lafond du syndicat international, la CISL (Confédération Internationale des Syndicats Libres, anti communiste, soutenue par l’AFL, par Brown et par les US, et très influente en Afrique du Nord). Le Bourre était alors accusé d’être « L’homme de Pinay et du patronat français, l’homme de plusieurs services secrets« , et il a quitté le syndicat en 1959.

Le FSOE a très rapidement cherché à mettre sur la table la question du rapprochement avec l’Allemagne, qui n’était clairement pas à l’ordre du jour de l’opinion publique française 3 ou 4 ans après la fin de la guerre. Et cela passait par oublier les réparations pour en pas affaiblir ce pauvre pays, au nom de l’humanisme (sic.).

Les leaders de FO, Léon Jouhaux (qui a été président du mouvement fédéraliste européen) et Robert Bothereau, tenaient le même genre de discours, selon lesquels l’Europe amènerait la joie et l’allégresse dans les foyers des travailleurs.

A partir de 1948, un nouvel organisme intégré au Département d‘Etat US, l’OPC (Office of Policy Coordination) est créé pour mener des opérations secrètes que la CIA ne pouvait pas mener en principe, puis est englobé dans la CIA en 1952 [46]. Dirigé par Frank Wisner, ses missions étaient principalement d’ordre subversif, comme élaborer le système des réseaux stay-behind en Europe ou le financement du FTUC et de divers syndicats dissidents comme Force Ouvrière, ainsi que des syndicats alignés anglais et allemands (qui ont toujours pignon sur rue aujourd’hui) [47].

Quand le Parti Communiste a voulu organiser son grand raout, le « Congrès mondial du mouvement pour la paix », en 1949, les américains se sont excités et ont pris contact via le fidèle Irving Brown avec le « Rassemblement Démocratique révolutionnaire », un groupe atlantiste et non communiste créé autour de Jean-Paul Sartre et David Rousset, et avec un ou deux médias comme le journal anticommuniste Franc-Tireur.

Ils ont organisé un important contre-événement histoire d’assurer une couverture contradictoire[48], qu’ils intitulent sobrement « Journée internationale de résistance à la dictature et à la guerre ». C’est carrément l’OPC qui gère le transport des délégations étrangères jusqu’à Paris, et on invite des « personnalités de gauche » comme Simone de Beauvoir et André Breton. Mais pour les US ce fut un bide : les discours tenus lors de l’événement n’étaient pas assez pro-américains et anti-communistes à leur goût.

Ajoutons à ce tableau du syndicalisme d’après-guerre la CFTC, Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, qui était très proche du MRP (Mouvement républicain populaire), le parti gaulliste des années d’après-guerre. De nombreux membres de la CFTC siégeaient dans des organismes liés à la Libération, précédant la création de la 4e République, et pendant des années les cas de cumuls de mandats politiques et  syndicaux (MRP –CFDT) étaient nombreux. Logiquement, la CFTC a pris position contre l’épuration : « Tous les ténors du MRP, syndicalistes inclus, agirent contre l’épuration, de Marcel Poimboeuf à son successeur Gaston Tessier« , écrit Annie Lacroix-Riz dans « La non épuration en France ». Poimboeuf a été l’un des fondateurs de la CFTC en 1919, et a été élu député MRP des Vosges d’octobre 1945 à juillet 1951.

Les liens de Force Ouvrière avec les Etats-Unis sont restés très forts, comme l’a rappelé l’hommage vibrant de Marc Blondel, dirigeant de FO, aux victimes du 11 septembre 2001 dans Force Ouvrière Hebdo : « Nous entretenons en effet de manière quasi historique des relations particulières avec le mouvement syndical américain qui, nous ne l’oublions pas, a joué un rôle déterminant dans la création du syndicalisme libre en France lors de la guerre froide« .

La situation n’a pas beaucoup changé au fil des années 60 et 70, et en 1982 devant la commission d’enquête parlementaire sur les activités du SAC, Alain Guérin, qui avait travaillé pour L’Humanité sur le marigot gaulliste, a expliqué que « Les syndicats indépendants, comme la CaSI, future CFT puis CSL, née d’une série scissions, formaient une branche de ces réseaux contrôlés par Albertini, l’ancien adjoint de Déat. Ils demeurent liés au SAC : ils lui permettent de bénéficier de certains fonds privés : grand patronat ».

Un autre syndicat dont on parle peu mais dont on comprend mieux aujourd’hui l’impact quotidien sur nos vies est la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Alors qu’après la guerre, elle était plutôt dirigée par des socialistes et des communistes, et représentait la majorité des agriculteurs qui vivaient alors sur de petites exploitation de polycultures, la FNSEA a très vite été reprise en main par les grands céréaliers du centre de la France. En 1950, la FNSEA a intégré les propriétaires non-exploitants (autrement dit les industriels de l’agriculture). C’est ensuite qu’elle a poussé à marche forcée la « modernisation » de l’agriculture, entraînant les dégâts sociaux, écologiques et alimentaires que l’on connaît.

L’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), créée par Pierre Boussel dit Lambert, a compté parmi ses rangs Mélanchon, qui y est entré en 1969, Cambadélis qui rencontrait « souvent » Irving Brown[54], ou Jospin. Ses membres ont ensuite fait de l’entrisme au parti socialiste et dans de nombreuses structures de gauches comme les syndicats étudiants, que les deux ont rejoint dans les années 70 ou 80. Mélanchon est par ailleurs franc-maçon et le revendique. François Duprat, l’un des fondateurs du front National, membre d’Occident et d’Ordre nouveau, fondateur des Groupes nationalistes Révolutionnaires, disait avoir commencé sa carrière militante chez les lambertistes.

En 1967, un ancien directeur de la CIA, Thomas W. Braden, expliquait qu’afin de financer des « syndicats libres », des « fonds secrets » ont été distribués.

Puis avec la crise pétrolière et la crise économique des années 70, le pouvoir des syndicats a chuté en même temps que le nombre d’adhérents. Les régressions sociales ont pu se succéder sans qu’ils n’interviennent plus. Paradoxalement, le discours politique est devenu encore plus pro-business alors que la « croissance » plongeait.

L’extrême droite infiltrée à droite

Outre cette mainmise sur le syndicalisme, le monde politique a été sérieusement encadré. Il était hors de question que les communistes ne gagnent du terrain et n’accèdent au pouvoir. Et il fallait que les idées américaines, celles de l’American Way of Life etc., s’imposent dans les mentalités.

Il a donc fallu organiser la propagande pro capitaliste et anticommuniste, circonscrire au maximum lesdits communistes dans tous les domaines de la vie publique, et organiser des canaux de diffusion efficaces pour cette propagande intensive.

C’est dans cette ligne qu’ont été conçus une série de plans US, avec l’aval de certains politiques français. Parmi ces stratégèmes, il y a un obscur plan mis en place par la CIA avec la pleine et entière collaboration du gouvernement français, sous Pleven d’abord puis sous Pinay : le plan Cloven, trop peu connu.

C’est l’OPC (Office of Policy Coordination), ce service de la CIA destiné à organiser des opérations clandestines, qui a piloté ce plan mis en place en 1951-1952, destiné par exemple à :

  • Financer des médias pro américains et anti communistes, comme Combat, Franc-Tireur, ou le mensuel Preuves.
  • S’attaquer aux positions du Parti Communiste Français dans l’enseignement et les universités,
  • Réduire le nombre de communistes aux postes à responsabilité dans l’administration,
  • Réduire l’influence du Parti Communiste dans le mouvement syndical.
  • Réduire l’influence du communisme dans la presse [49]

Selon Benoit Colombat, David Servenay et leurs co-auteurs, une sorte d’état-major a été créé pour mettre en œuvre le plan Cloven, sous l’égide de l’ambassadeur US à Paris. Parmi ses membres, il y avait le préfet de police de Paris Jean Baylot, « haut dignitaire du Grand Orient de France, homme de confiance de la SFIO et très en cour à l’ambassade américaine« , il y a fondé la loge Europe Unie (au Grand orient) puis est allé s’occuper des affaires de la GLNF [50].

Il y avait aussi dans cette sorte d’état-major Georges Albertini (dont on a déjà parlé), proche du patronat, proche de Baylot et dont certaines activités anti-communistes et pro-US après-guerre ont été financées par la CIA[51]. Selon divers témoignages, comme celui de Jean-Pierre François, ex conseiller de Mitterrand, Albertini était en effet bien « en cour auprès des Américains qui s’en serviraient pour prévenir et combattre l’influence communiste et pacifiste en France« .

Avant la guerre, période à la laquelle il a été « successivement socialiste, syndicaliste CGT et pacifiste, puis bras-droit du collaborationniste Marcel Déat sous l’Occupation, Georges Albertini réussit pourtant à devenir un incontournable ‘tireur de ficelles’ politiques sous la IVe puis la Ve République, éminence grise de personnalités aussi diverses que Vincent Auriol, Edgar Faure, Guy Mollet, Georges Bidault, Georges Pompidou ou Marie-France Garaud ».

En fait, Albertini, qui a miraculeusement lui aussi, échappé à ses sanctions après la guerre[52], était devenu officiellement l’homme du patronat (dont Hyppolite Worms, patron de la banque Worms qu’il a rencontré en prison), créant et pilotant des officines patronales destinées à prêcher la bonne parole. Sa proximité avec la banque Worms et avec les réseaux francs-maçons l’a probablement beaucoup aidé dans ses diverses activités. Selon Patrice Hernu, dans « Affaire Hernu : histoire d’une calomnie », Albertini a intéressé les réseaux francs-maçons anticommunistes : « Ces réseaux sont à ce point actifs que certains, à la Grande Loge nationale française (obédience « anglo-saxonne »), songeront un instant à y faire adhérer… Georges Albertini. Ce dernier y renoncera de sa propre initiative« .

Albertini a fondé le Bureau d’études et de documentation économique et social (BEDES) « avec ses amis Guy Lemonnier, alias Claude Harmel, un autre ex-collabo, et surtout Boris Souvarine, ancien dirigeant de la IIIe Internationale communiste devenu un fervent adversaire de Staline. Ce centre d’archives est destiné à fournir des arguments et de la documentation à tous ceux qui, politiques ou dirigeants économiques, veulent combattre le communisme »précise un article de La Tribune sur Albertini. Sa revue Est-Ouest, anticommuniste, est financée par le Groupement des industries Métallurgiques. Sa participation au plan Cloven n’était pas anecdotique : il noyautait la gauche. Outre la mise en place des sections Force Ouvrière, il détourne les groupes d’extrême gauche, et conseille les politiques sur les moyens de contrer la montée des communistes.

En 1956, Albertini, qui disait 15 ans plus tôt vouloir instaurer un « national socialisme à la française » et « régler le problème Juif »[53], s’est arrangé pour trouver des financements pour François Mitterrand, candidat aux législatives.

Il y avait également dans ce petit groupe un dénommé Henri Barbé, qui fut ouvrier métallurgiste et dirigeant du parti communiste avant-guerre, mais a suivi Doriot pour créer le PPF, et est devenu collabo pendant la guerre. Ou encore Jean-Paul David, qui a dirigé le mouvement de propagande pro US appelé « Paix et Liberté ». Baylot et David « étaient en contact direct avec les autorités militaires de l’OTAN« .

Avec la création du SAC, le Service d’Action Civique, bras armé du pouvoir gaulliste, les US ont vu arriver un autre allié dans la lutte contre les communistes. Dans les années 70, le SAC vise principalement la gauche et les mouvements indépendantistes. A Marseille, où le SAC était aussi présent que la mafia, ses membres avaient infiltré des syndicats, mouvements et organisations de gauche, mais aussi des loges maçonniques.

« L’un de ces infiltrés, Robert Mourier, était à la fois membre du RPR et du SAC, ainsi que délégué FO à la caisse d’assurance maladie. Un autre, Yves Courtois, était le trésorier local du SAC et délégué CFTC au comité d’entreprise de la société Chambourcy« , explique Frédéric Charpier dans « Officines ». Les membres du SAC étaient aussi présents dans les médias, notamment locaux : Frédéric Charpier cite, entre autres, le cas du correspondant de l’ORTF à Montluçon, qui « était à la fois journaliste et commissaire en exercice des RG ».

Outre la franc-maçonnerie et ses dérivés, d’autres étranges groupuscules ont servi à s’implanter dans les partis politiques. Par exemple, peu de fans du Front National savent que la secte Moon était, au moins dans les années 70 et 80, un appui important du parti sur le plan financier. Jacques Médecin, qui fut un ministre et élu local de droite, devenu très proche de l’extrême droite, était un adepte car cette secte anti-communiste qui propage des « idées » d’extrême droite. Estrosi, qui règne toujours sur cette ville, était alors un de ses poulains. Un député FN dans les années 80, Pierre Ceyrac, qui était aussi membre de la secte, a fait le lien.

« Dans leur livre de référence paru au Seuil en 1994, intitulé Le Pen biographie, Gilles Bresson et Christian Lionet recueillent le témoignage de Pierre Ceyrac. « En 1985 (…), j’ai rencontré Le Pen (…). Il ne connaissait pas l’enseignement du révérend Moon, mais il n’était pas effrayé ou offusqué. Au contraire, il s’est montré curieux. J’ai apporté mon carnet d’adresses, des ouvertures dans le monde entier. Cette ouverture intéressait Le Pen. Moi, en tant que mooniste, ce qui m’intéressait au FN, c’était une ouverture sur la scène nationale. », relatait Le Monde du 3 septembre 2012. Ce serait même grâce à cette couverture internationale que Le Pen a pu poser à côté de Reagan lors d’un voyage à Washington.

Italie :

En Italie, une épuration a été tentée après la guerre, mais très vite les US et les anglais ont  « mis leur veto à l’épuration des hommes politiques et des militaires fascistes », et plus ils étaient haut placés, plus ils étaient protégés et promus rapidement. La première loi d’amnistie a été votée juste après la création de la République Italienne, en 1946, et le premier parti politique d’ « anciens » fascistes, le Mouvement Social Italien (MSI, Movimiento Sociale Italiano), a été créé en décembre 1946.

Lors des élections de 1948, d’autres fascistes ont réintégré la politique dans les rangs du parti de la Démocratie Chrétienne, qui a régné sur l’Italie jusqu’à l’arrivée de Berlusconi, et le MIS entre au Parlement.

James Angleton, qui était le responsable de l’OSS puis de la CIA en Italie à la fin de la guerre, avait sauvé la vie au prince Borghese, un fasciste à qui il a permis d’échapper à la justice. Angleton avait la main sur tous les groupuscules fascistes et d’extrême droite après la guerre, avec qui il était en contact depuis son arrivée sur place en 1944, ce qui lui a permis de mettre facilement en place le réseau Gladio local (dont on va parler plus bas). En 1947, Angleton envoyait à Washington une liste de toutes les organisations clandestines anticommunistes, dont certaines étaient financées par les services US[55].

Grâce à tous ces efforts, c’est donc la droite qui a gagné les élections de 1948, ce qui a accéléré la réintégration dans l’administration des anciens fonctionnaires fascistes, notamment les agents qui étaient dans la police politique de Mussolini, parmi lesquels ont été recrutés les effectifs des forces de police spécialisées dans la lutte anticommuniste, selon le modèle qui a été appliqué en France. Ces forces de répression anticommunistes, qui étaient séparées de la police normale, bénéficiaient d’importantes subventions, provenant du plan Marshall et de la CIA notamment.

Le monde syndical italien a été la cible, tout comme en France, des pressions US contre les structures communistes. Et tout comme Irving Brown a œuvré à diviser la CGT, il a financé un courant chrétien du syndicat communiste (la Confederazione Generale Italiana del Lavoro, CGIL), qui a mené la création en 1950 d’un syndicat non communiste, la Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori (CISL). Ce syndicat a été créé par Giulio Pastore, leader du courant chrétien démocrate, et a permis de réduire fortement l’influence communiste sur les travailleurs. Mais, ils étaient proches du Vatican et du Parti Chrétien Démocrate.

Un autre syndicat anticommuniste, l’Unione Italiana del Lavoro (UIL), a été créé la même année de la même manière. Social-démocrate celui-là, il se voulait centriste, une sorte de « 3e voie » entre les chrétiens et les communistes. Là où les US ont un peu raté, c’est qu’ils n’ont pas réussi à faire collaborer totalement leurs deux créatures pour constituer un front commun anticommuniste.

L’argent semblait affluer, et certains syndicats étaient tellement dépendants des financements US qu’ils les attendaient pour mener des actions de base. Ces deux syndicats, l’UIL et la CISL, ont en tout cas été très réceptifs quand les US ont lancé en Europe la « course à la productivité », qui a permis de lancer les salariés dans une sorte de compétition mondiale faisant progressivement passer au second plan la lutte pour les acquis sociaux.

Selon certaines sources, l’AFL-CIO était toujours un bras armé de la CIA dans le monde syndical international au cours des années 90.

***

Concluons cette partie en rappelant que la Résistance qui a permis d’affaiblir un tant soit peu l’occupant était liée aux Francs-Tireurs Partisans et pas à Combat, ce réseau de résistants tarifs. Pourtant, ce qu’il reste aujourd’hui de la Résistance, c’est cette mythologie de la résistance de droite. Elle a existé, certes, et dès le début de la guerre, mais était embryonnaire comparé à la masse des ouvriers qui sont entrés d’une manière ou d’une autre dans la Résistance.

Il ne faudrait surtout pas laisser la mythologie, l’idéologie, prendre le pas sur la réalité historique, comme cela arrive si souvent.

Notes

[1] Cf. Marie-Bénédicte Vincent, qui parle même d’une volonté politique de « désépuration », et insiste sur les processus disciplinaires internes de la fonction publique allemande, qui auraient permis une certaine épuration malgré tout, dans  « De la dénazification à la réintégration des fonctionnaires. Comment construire une éthique de la fonction publique en Allemagne de l’Ouest après 1945 ? »

[2] En réalité, c’était lui qui conseillait Adenauer sur de nombreux sujets, de 1953 à1963. Lors du procès d’Eichmann, beaucoup craignaient qu’il ne balance ses petits copains passés sous la bannière de la CIA, dont Globke.

[3] Selon l’historien Fabien Théofilakis, dans une interview à Atlantico, les chambres arbitrales qui devaient juger les nazis, devaient classer les coupables en cinq catégories : « les « coupables principaux », les « impliqués », les « faiblement impliqués », les « suiveurs » et les « disculpés ». Pas de catégorie « innocent ». Sur les six millions de cas traités jusqu’en février 1950, seuls 1 667 Allemands seront reconnus comme « coupables principaux » alors les deux dernières catégories dépassent, chacune, le million d’individus. »

[4] Parmi ces jugements, il y a aussi plus de 26.000 acquittements.

[5] Cf. Annie Lacroix-Riz, « La non épuration en France », p. 31.

[6] Idem, p. 143.

 

[7] Jean Jardin a été envoyé par Laval l’a envoyé en tant que premier conseiller à l’ambassade de France à Berne en 1943, où se trouvait aussi Allen Dulles, futur patron de la CIA, avec lequel il avait des contacts réguliers. Dans un article des Echos en août 2009, l’historien d’entreprises Tristan Gaston-Breton écrit : « Jardin a des contacts réguliers avec [Dulles], au nom de Pierre Laval – qui cherche à pérenniser le régime de Vichy en cas de défaite allemande. Il a aussi des contacts avec les agents gaullistes en Suisse. Il les loge à l’ambassade, les entretient financièrement, leur ouvre des portes, leur fournit de faux papiers, les protège ».

[8] Il était notamment proche du patron de la banque Worms (le centre névralgique de la synarchie d’empire), Gabriel Leroy-Ladurie.

[9] Selon Tristan Gaston-Breton, « L’une de ses dernières interventions sera de favoriser, en 1958, une entrevue entre Charles de Gaulle et Antoine Pinay, permettant à ce dernier de rester au gouvernement ».

[10] Cf. « La non épuration en France », par Annie Lacroix-Ruz, p. 180.

[11] Il faut dire que sur 846 parlementaires (544 députés + 302 sénateurs), il y en a eu 569 pour les pleins pouvoirs sur 669 votants. Parmi les contre : Léon Blum, Vincent Auriol, Laurent Bonnevay, Max Dormoy, Félix Gouin, Lucien Hussel, Jules Moch, Victor Le Gorgeu, Paul Ramadier, Camille Rolland. Parmi les « pour », qui ont continué en politique souvent pour avoir été « résistants » à la fin de la guerre :

  • Adrien André, député radical de la Vienne dans les années 50,
  • Paul Antier : représentant de la Haute-Loire à l‘assemblée constituante de 1945, députéministre de l’Agriculture sous Pleven, ministre de la Marine Marchande, il est même candidat contre De Gaulle en 1965.
  • René Arbeltier : député en 46, secrétaire de la fédération socialiste de Seine-et-Marne dans les années 50, a créé une scission du PS en 1958, qui devient le PSU.
  • Jacques Bardous : le grand père de Giscard et anticommuniste fervent, il est tête de liste chez les indépendants dans les années 50
  • Edouard Barthe : membre de la SFIO, il redevient maire d’une ville de l’Hérault en 44. En 46 il est président de la fédération des pharmaciens, et devient sénateur en 48.
  • André Bauguitte : fils de préfet, il redevient maire de la Meuse après la guerre dans une liste du courant poujadiste puis va chez les gaullistes dans les années 60. En 65 il est élu maire de Verdun.
  • François Blancho : SFIO, il réintègre la SFIO en 1950, et en est le leader en Loire-Atlantique (passée hors de Bretagne grâce à Pétain), et redevient maire de Saint-Nazaire puis député dans les années 60.
  • Georges Bonnet : ministre sous la IIIe République, il est devenu Pétainiste et a fui en Suisse après la guerre, pour revenir et être élu député de Dordogne puis maire.
  • Raymond Cadix : redevenu maire et député du Morbihan après la guerre, dans le parti de Raymond Marcellin (ministre de l’Intérieur sous Pompidou).
  • René Coty : il a été élu président de la république en 1954, parce qu’il était de droite.
  • Louis Deschizeaux : redevenu maire de Châteauroux et député socialiste de l’Indre dans les années 60.
  • « Comte » Louis de Diesbach de Belleroche : militaire, redevenu maire d’une ville du Nord après la guerre, décoré de nombreuses médailles etc.
  • Hippolyte Ducos : il a occupé des postes ministériels dans les années 30, notamment sous-secrétaire d’Etat à la guerre en 1939. Après la guerre il s’est rabattu sur son fief (redevenu député radical en 1951, conseiller général, maire de Lilhac de 1947 à 1970)
  • Édouard Frédéric-Dupont : avocat, fils de polytechnicien, il entre en politique dans les années 30 comme conseiller municipal en Lorraine. Très à droite, il participe aux émeutes fascistes de 1934, devient député de la Seine et se rapproche encore des liges d’extrême droite à la veille de la guerre, notamment celle du colonel La Rocque. Il serait devenu résistant après avoir les pleins pouvoirs, bien qu’il ait été décoré de la Francisque lui aussi. Il continue donc sa carrière politique et contribue à la création du Parti républicain de la liberté, à droite, tout en militant pour la « réconciliation nationale » (= impunité des collabos). Il défend la colonisation avec Jacques Foccart, est un fervent partisan de l’OTAN, et de l’anticommunisme dogmatique, puis entre chez l’Union des Indépendants et défend l’Algérie française. Il s’assagit ensuite, passe au RPR tout en se rapprochant du Front National. Il meurt en 1995.
  • Ernest de Framond de La Framondie : après la guerre il devient maire d’une ville de Lozère et le reste jusqu’en 1972. Médecin, il a été président du Conseil de l’Ordre des Médecins de Lozère.
  • Jean Montingy : leader des radicaux socialistes avant guerre il a été délégué à la Société des nations avec Flandin et Bonnet (autres collabors), s’oppose à la déclaration de guerre à l’Allemagne puis vote les pleins pouvoirs à Pétain. Sous Vichy, il dirige la censure. Après la guerre, en 1951, il devient président de l’Union des intellectuels Indépendants, créée pour réduire aux maximum l’impact des tentatives d’épuration et pour taper sur le gaullisme, et qui réclamait carrément l’amnistie des collabos. En 1956 il est retourné en politique, et se présente aux législatives sous la bannière du Rassemblement National (extrême droite) d’un autre collabo, Tixier Vignacourt. Mais il est battu et revient à l’Union des Intellectuels Indépendants, pour lutter contre la décolonisation. Il est passé à travers l’épuration alors qu’il était visé par le Conseil National de la Résistance.
[12] Via un arrêté de Mitterrand alors président de la république, ce Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés a été classé comme mouvement de « résistance », arrêté cassé en 1991 par le Conseil d’Etat.

 

[13] De 1972 à 1980, Mitterrand a été rémunéré 17.000 à 72.000 F par an par Alsthom, entreprise publique qui a ensuite racheté à perte une société, Vibrachoc, dirigée jusque-là de façons opaque par Pelat et Robert Mitterrand. La société a été payée 110 millions alors qu’elle n’en valait que 2. Heureusement pour Mitterrand, Pelat est mort d’une crise cardiaque en mars 1989, à l’hôpital américain de Neuilly.

[14] Robert Mitterrand, père de Frédéric Mitterrand, était très proche du patronat français. Il a gravi les échelons en même temps que son frangin grimpait en politique, et en 1968 il a commencé à diriger des entreprises US, devenant directeur général puis PDG de Hydrocarbon Engineering puis DG de Sperry univac, avant de revenir dans le giron français.

[15] Cf. « Des secrets si bien gardés. Les dossiers de la CIA et de la Maison-Blanche : Les dossiers de la CIA et de la Maison-Blanche sur la France et ses Présidents – 1958-1981 » de Vincent Nouzille.


[16] Cf. « Histoire secrète de la Ve République », p. 613. Les auteurs expliquent qu’en 1965 un premier groupement de mouvements « socialistes » a été créé, la Fédération de la gauche démocrate et socialiste, dont le comité exécutif comportait une moitié de francs-macs « œuvrant discrètement pour François Mitterrand ». Ce qui n’a pas plu du tout au leader de la SFIO Guy Mollet, qui a alors claqué la porte du Grand Orient.

[17] Cf. « L’affaire Bettencourt : derniers secrets », de Ian Hamel.

[18] Cf. « Les frères invisibles », de Ghislaine Ottenheimer.

[19] Selon Guillaume Mouralis dans « Le procès Papon, justice et temporalité », « Comme pour les autres procédures pour crimes contre l’humanité, dans l’affaire Papon, l’action publique a été mise en route à la suite d’un dépôt de plaintes et non pas, bien que cela soit possible, sur initiative du parquet », et l’Etat a même mis une certaine mauvaise volonté à poursuivre les nazis et collabos. De fait, il aura fallu 16ans de procédure pour que Papon se trouve enfin devant une cour d’assises.

[20] Il y a toujours un grand débat sur les chiffres, mais il est clair que des dizaines de manifestants ont été noyés dans la Seine. 20 à 30.000 personnes dénonçaient notamment un couvre-feu imposé uniquement aux Maghrébins. 7000 flics étaient présents, plus de 11.000 personnes ont été arrêtées. Les journalistes avaient parlé de 150 cadavres d’Algériens repêchés dans la Seine entre Paris et Rouen, entre le 17 octobre, jour de la manifestation, et le 27 octobre 1961. D’autres ont parlé de 300 morts. Jean-Luc Einauldi, spécialiste du sujet, explique qu’après les violences, certains étant carrément jetés dans la Seine par les flics, « Les hommes sont embarqués dans des bus de la RATP, puis parqués dans différents lieux, notamment au Palais des Sports ».

[21] A ce poste, Couve de Murville a notamment permis de financer l’achat de matières premières destinées à répondre à des commandes allemandes, grâce à des avances financées par les contribuables français, et validé de nombreuses cessions d’actifs industriel aux allemands, avec un financement des contribuables, car présentées comme des obligations, comme l’explique Annie Lacroix-Riz dans ses livres « Aux origines du carcan européen (1900-1960) » (p.99) et « Industriels et banquiers sous l’Occupation ». Avec Yves Bouthillier, autre inspecteur des Finances Collabo et recyclé, il a organisé le transfert de l’or de la Banque nationale de Belgique, planqué dans les colonies, à destination du Reich, en 21 convois ultra sécurisés répartis en un an et demi.

[22] Un chantage serait l’origine de cette relation entre Faucher et Hernu, selon Robert Duguet dans « Dérives populistes dans le mouvement ouvrier hier et aujourd’hui ». « Après une opération de chantage à Charles Hernu –il le menace alors de révéler un passé collaborationniste que beaucoup ignorent – il va se placer dans le sillage de ce dernier. Ils auront des engagements communs dans la Franc-maçonnerie, plus pour se blanchir et pour faire de l’entrisme, que par humanisme ». Suite à cela, la collaboration a été parfaite pendant longtemps, et en 1965 Charles Hernu est le directeur de campagne de Mitterrand, avec Faucher comme numéro 2.

 

[23] Créée par le régime de Vichy dès août 1940, ses partisans « ont constitué le noyau irréductible des partisans de l’Etat français jusqu’en 1944. La Légion est de bout en bout associée, non seulement au Maréchal, mais aussi à l’essentiel de ce qui se fait en son nom, même si elle tente de s’en dégager in fine. Elle est l’organisation de masse du régime, la seule », écrivait Jean-Marie Guillon en 2004 dans son article « La Légion française des combattants, ou comment comprendre la France de Vichy ». Jean-Marie Guillon s‘étonne d’ailleurs que l’historiographie ne s’intéresse pas plus à cette « Légion », qui a joué un rôle central dans le régime vichyste. Il cite par exemple Raymond Aron, historien et politique bien connu, pilier de l’Europe, qui selon lui « a inauguré la veine indulgente à l’égard du « premier Vichy. Il ne consacre à la Légion qu’une place réduite, moins de deux pages, dans son ‘Histoire de Vichy’, et s’en tient à une présentation partielle de ses objectifs, sous un angle ‘patriotique et civique’ plutôt positif ». Il ajoute que « L’historiographie a donc, pour des raisons diverses, manqué de curiosité ». Elle est dissoute à la Libération.

[24] Selon Robert Duguet dans « Dérives populistes dans le mouvement ouvrier hier et aujourd’hui », « Au début de la IVe République, il se singularise dans un journalisme politique fondé sur une orientation idéologique : établir des liens entre l’extrême droite ‘sociale’ et les milieux de gauche non-communistes ».

[25] Cf. « Les frères invisibles », de Ghislaine Ottenheimer.

[26] Cf. « Le Pen, une histoire française », de Philippe Cohen et Pierre Péan.

[27] L’acte d’accusation de cette Haute Cour est déjà édifiant : « Sous-Préfet de Vitry-le-François en avril 1938, il était au début de la guerre, Secrétaire général de la Préfecture de la Marne, où il fut maintenu affecté spécial ; il n’en partit que le 15 juin 1940, après l’occupation allemande, et fut alors décoré de la Croix de Guerre. Il y reprit ses fonctions au début de juillet, fut nommé Préfet de la Marne le 17 septembre 1940, et Préfet Régional un an plus tard. Dans ces deux postes, il se révéla un excellent administrateur, habile et ferme, qui négocia avec l’occupant au mieux des intérêts français. Fidèle à ses opinions républicaines, il maintint ou fit rétablir dans leurs fonctions les Assemblées et les élus du département. Il intervint en faveur des Israélites, des francs-maçons, des syndicalistes et des communistes, évita des sanctions à la population et parvint, par des fausses statistiques, à limiter les impositions de l’occupant. Il favorisa les évasions de prisonniers du Camp de Châlons, enfin, il créa toute une organisation agricole qui permit de faire échec à l’arbitraire des réquisitions des occupants, et aux tentatives d’exploitation collective des fermes par les Allemands. Il apparaît donc que, pendant toute cette période de sa vie administrative, rien ne puisse être reproché à Bousquet ».

 

[28] C’est Bénouville qui aurait envoyé le dénommé Hardy à la réunion à laquelle ont eu lieu l’arrestation de Jean Moulin et d’autres résistants. Hardy n’y était pas convié, et est soupçonné d’avoir informé la Gestapo de Klaus Barbie, notamment parce qu’il venait tout juste d’être arrêté et remis en liberté. Pour certains, Jean Moulin, qui dénonçait la proximité du réseau de Bénouville avec les Américains, a été victime de La Cagoule. Et il est vrai que Bénouville se rendait régulièrement en Suisse pour voir son ami Allen Dulles pour négocier le rapprochement avec les US dans le dos de Jean Moulin qui cherchait à s’unifier sous les ordre de De Gaulle. Le journal Le Point du 23 mai 2013 s’interroge « Pourquoi Bénouville, qui savait Hardy surveillé, l’a-t-il envoyé dans une réunion aussi importante ? Gelin émet cette hypothèse : « Bénouville considérait Moulin comme un agent crypto-communiste », selon l’auteur d’un livre sur l’affaire. Par ailleurs, l’avocat de Klaus Barbie a menacé de sortir lors de son procès une lettre montrant que Barbie travaillait pour l’OSS depuis 1943. Et il est vrai qu’à la fin de la guerre, de nombreux résistants communistes ont été liquidés. Selon les avocats de Barbie, c’est en échange de la neutralisation de résistants communistes que les US lui auraient livré Jean Moulin. Annie Lacroix-Riz explique dans « La Non épuration en France » que dès 1946, les leaders gaullistes savaient quel rôle avait joué Hardy et ses contacts avec la gestapo lyonnaise, mais ont étouffé cette version des faits. Ils étaient aussi au courant des négociations entre Barbie d’un côté et Bénouville et Frenay de l’autre avant l’arrestation de Moulin et Delestraint. Jugé deux fois pour cette affaire, Hardy a été acquitté deux fois.

[29] Le quotidien citait notamment une lettre envoyée par Junot au préfet le 22 septembre 1942, deux jours après le départ du convoi, dans laquelle il écrivait: « La journée du 20 septembre 1942 s’est déroulée dans l’ensemble de mon arrondissement dans le plus grand calme. (…) L’embarquement des internés du camp des israélites de Pithiviers (…) s’effectuant entre 16 et 19 heures à la gare de Pithiviers, située à l’extrémité de l’avenue de la République, sur laquelle les communistes avaient invité (parfois par lettres personnelles) les habitants de Pithiviers à manifester à 18 h 30, je nourrissais certaines craintes quant à la possibilité d’incidents pouvant avoir des répercussions sur le bon ordre de ce départ. Il n’en a rien été… ». De nombreux résistants sont venus dire que Bousquet était un résistant.

[30] Cf. « Industriels et banquiers sous l’occupation – La collaboration économique avec le Reich et Vichy », d’Annie Lacroix-Riz, p. 17.

[31] Cf. « La non épuration en France de 1943 aux années 50 », p. 160.

[32] Sur 900.000 membres en 1944, la Waffen SS comptait une moitié d’étrangers.

[33] Cf. « Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours ».

[34] Cf. « Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours », p. 80.

[35] Auriol a été élu premier président de la IVe République en janvier 1947.

[36] Lambert était membre du Parti Communiste Internationaliste (PCI), recréé en 1944 et issu du trotskisme et a connu de nombreuses scissions dans ses premières années. Dès la fin de la guerre, le PCI commence le noyautage d’autres structures comme les Jeunesses Socialistes. En 1954, Lambert, Pierre Boussel de son vrai nom, créé avec le Socialist Workers Party (noyauté aussi) un parti communiste dissident, puis il rejoint la CGT-FO en 1961. Le PCI est dissous en 1968, puis relancé dans les années 70.

[37] Mais c’est dès 1944que l’AFL a établi une stratégie pour le contrôle sur le syndicalisme d’Europe de l’ouest, comme le rappelle Annie Lacroix-Riz dans l’article « Atour d’Irving Brown : le Free Trade Union Committee, le Département d’Etat et la Scission syndicale française ». Cette stratégie était financée par le Département d’Etat US.

[38] A l’époque, les syndicats mondiaux étaient généralement dans l’orbite de la Fédération Syndicale Mondiale liée à l’URSS et au Parti Communiste. La mise en place de ces syndicats américains permettait de contrer cette influence soviétique. En 1992 il créé le parti des Travailleurs, avec une bonne partie de membres issus de son courant.

 

[39] Cf. Frédéric Charpier, « La CIA en France, 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises », Seuil, 2008. Irving Brown a rencontré William Donovan, patron de l’OSS (et futur patron de la Fondation Ford) en 1943. Mais Brown n’était pas le seul leader syndical US à travailler pour l’armée pendant la guerre et même après.

[40] Belin, responsable de la CGT avant la guerre, était très proche de Jacques Barnaud. De 1940 à 1942, il était ministre du Travail de Pétain, cumulant avec le ministère de la production industrielle. Il a largement contribué à la rédaction de la Charte du travail et a dissous les organisations ouvrières en novembre 1940. Il a aussi signé la loi sur le statut des Juifs. A la Libération, le Conseil National de la Résistance voulait le juger mais il s’est enfui et planqué en Suisse. En 1949 il est mis hors de cause pour sa collaboration, tente de lancer un syndicat anticommuniste, la Confédération générale des Syndicats Indépendants, puis œuvre à la scission de la CGT en soutenant FO.

[41] Robert Schuman, qui était en Alsace l’homme de la famille Wendel (sidérurgie) a été sous-secrétaire d’Etat aux réfugiés sous Vichy, et il devait être arrêté pour être jugé en 1944 mais le ministère de l’Intérieur s’y est opposé car il a fait de la prison en Allemagne. Grâce à ses protections, il a pu se présenter aux premières élections de l’après-guerre.

[42] Des décrets lois pour réprimer le mouvement et empêcher les grèves sont passés, comme le licenciement après un certain nombre de jours d’absence « non justifiés ». La justice emprisonne et condamne à tour de bras, les syndiqués sont harcelés dans les entreprises et par la justice… D’ailleurs, le mouvement se termine en 1949 parce que la plupart des meneurs ont été virés par les Houllières. Ces décrets seront la cause de la grève de l’automne 1948, comme le rappelle l’article « La grève des mineurs de l’automne 1948 en France » : « La grève trouve son origine dans les trois décrets-lois pris par le ministre Robert Lacoste en septembre afin de résorber l’absentéisme, et qui remettent en cause les garanties prévues par le statut des mineurs. De nouvelles mesures peuvent contraindre les mineurs silicosés à travailler, tandis que les indemnités de maladie sont diminuées, les retraites menacées, et que les délégués mineurs voient leur possibilité d’action fondre ».

[43] Lovestone était très intéressant : il a été très tôt nommé à la direction du Parti Communiste Américain dans les années 20, avant de créer un parti dissident tendance trotskiste, puis de devenir anti-communiste, et de se lancer dans le syndicalisme à l’AFL, l’American Federation of Labour. Après la guerre, ce spécialiste des coups tordus entre en parallèle au service de la CIA dont il devient un personnage important, et recrute Irving Brown. L’AFL et la CIA auraient collaboré de 1948 à 1968. A la fin des années 50, Lovestone travaille avec James Angleton, le chef du contre-espionnage US, et transforme les syndicats sur lesquels il a la main à travers le monde en agences de renseignements.

[44] Le FTUC a été créé en 1944 par l’American Federation of Labour (AFL), pour disposer d’une structure internationale apte à mettre en place une organisation syndicale internationale non communiste et placée sous leadership US. Frédéric Charpier dans « La CIA en France » explique que lors de sa création, « Le FTUC disposera d’un budget distinct de celui de l’AFL, et ses comptes ne mentionneront aucune de ses opérations financières ». Quant à son budget, il venait en partie du gouvernement américain, en partie de donateurs privés. Le premier secrétaire du FTUC était évidemment Jay Lovestone. En fait, il est financé par l’OPC.

[45] André Lafond a commencé au parti communiste avant de glisser à la SFIO tendance trotskiste. En 1936 il quitte la SFIO et rejoint le Parti Communiste International (non stalinien). Il a ensuite rejoint Force Ouvrière où il faisait partie des dirigeants actifs à l’international.

[46] Cf. Rapport parlementaire belge sur les réseaux stay-behind.

[47] Le patron de l’OPC Frank Wisner était en réalité le seul « donateur individuel » du FTUC, versant 203.000$ en 1949 (cf. « Histoire secrète du patronat », p. 69).

[48] L’anecdote est rapportée par Frédéric Charpier dans « La CIA en France ».

[49] Ce qui fut manifestement fait très vite : en 1952, la puissance du PCF avait été réduite de moitié dans la presse. Car, « A la Libération, 45% des journaux et imprimeries – confisqués par les socialistes, les démocrates-chrétiens du MRP et les communistes, étaient tombés aux mains du PCF » (cf. « Histoire secrète du patronat »).

2019-11-04 00_27_14-Une exposition temporaire dédiée à Jean Baylot au Musée de la GLNF - YouTube - O

[50] Cf. « Noir Chirac », Baylot et Trestournel, membre de la GLNF, « En 1980, tous deux poussent à la tête de la GLNF Jean Mons, ancien directeur de cabinet des présidents du Conseil Léon Blum et Paul Ramadier – celui qui a négocié l’implantation du stay behind en France ». Baylot collectionnait les objets francs-maçons et une exposition a même été organisée en 2017 au musée de la GLNF. Sur une vidéo de l’exposition publiée sur la chaîne Youtube de la GLNF, Baylot y est présenté comme « l’une des personnalités majeures de la Franc-Maçonnerie du XX° siècle ». Son parcours chez les frangins est également présenté en détail : « Initié en 1921 au Grand Orient de France, il y fonda, en particulier, la Loge « Europe Unie » en 1953, qui décida de travailler au Rite Écossais Rectifié [Celui des US et des anglais].

Membre du Conseil de l’Ordre du Grand Orient, il quitta celui-ci en 1959, suivi par la Loge « Europe Unie » à la majorité de ses membres et rejoignit la G.L.N.F. Grand Maître Provincial d’Aquitaine, il fut le fondateur et le premier Vénérable Maître de la prestigieuse Loge nationale de recherche « Villard de Honnecourt » n°81.

Dans les Ordres maçonniques, il fut également Grand Prieur du Grand Prieuré des Gaules (R.E.R.), 33° degré du R.E.A.A. et membre actif du Suprême Conseil. Il fut enfin un écrivain maçonnique de haute lignée, dont il faut citer naturellement « la Voie substituée » (1968) magistrale démonstration de la déviation politique de la Franc-Maçonnerie française, mais aussi « Histoire de la G.L.N.F. » (1963) ou « La Franc-Maçonnerie traditionnelle dans notre temps » (1972).

Depuis 1976, une Loge de la G.L.N.F. porte son nom. Elle a été réveillée récemment. »

[51] Par exemple le Bulletin d‘études et d’informations politiques et internationales, édité depuis 1949, et qu’il a dirigé.

[52] Albertini a été « condamné le 21 décembre 1944 pour « intelligence avec l’ennemi », à 5 ans de travaux forcés, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens », rappellent Colombat et Servenay.  Cela, pour avoir été durant deux ans, de 1942 à 1944, secrétaire général du Rassemblement National Populaire et chef de cabinet de Marcel Déat, alors ministre du Travail du Vichy. En 1948 il obtient une grâce du président Vincent Auriol.

[53] Autre exemple de la prose de l’éminent Albertini : (cité par Colombat, Servenay et leurs co-auteurs de « Histoire secrète du patronat »)  En 1942 alors qu’il est secrétaire général du RNP de Déat, il écrit dans la feuille de chou du aprti, le National Populaire, que « Il ne convient pas seulement de souhaiter la victoire de l’Allemagne. C’est la terreur qu’il faut mettre à l’ordre du jour. Cela veut dire qu’il faut une loi, des suspects, des exécutions capitales. Le sang doit couler en France ». Et il coula. Et Albertini fit une bvrillante carrière au cœur de pouvoir politique.

[54] Selon « Cet étrange Monsieur Blondel » de Christophe Bourseiller.

[55] Cf. « L’Orchestre Noir » de Frédéric Laurent, p. 44.

Source : DondeVamos


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