Secrets révélés

Magouilles et corruption des élites 14 – L’Allemagne: 51e Etat américain?

On termine la tournée des réseaux stay-behind en Europe avec l’Allemagne. Un élément-clé pour comprendre la géopolitique européenne et la suprématie allemande en Europe, puisque les Etats-Unis ont décidé d’en faire une succursale au niveau des renseignements.

Les réseaux stay-behind d’Europe, présents aussi au Moyen-Orient et en Amérique latine, étaient à la fin de la guerre constitués par les réseaux d’ « anciens » nazis. En Allemagne, les renseignements officiels sont directement issus de l’armée « secrète » stay-behind.

Aujourd’hui, la mouvance néo-nazie et néo-fasciste est directement soutenue par les renseignements allemands, qui collaborent toujours très étroitement avec les renseignements US.

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En 1990 quand l’affaire des réseaux stay-behind a fait le tour de l’Europe suite aux révélations du 1er ministre italien Guilio Andréotti, les politiciens allemands ont fait comme les autres : ils ont dit qu’ils n’étaient pas au courant, que cette organisation était inactive, et que finalement personne dans le monde politique ou militaire n’avait rien à voir avec ça. Et bien-sûr aucune action sur le territoire allemand n’a été mentionnée.

Pourtant le stay-behind est en filigrane derrière des attentats et manipulations survenues depuis les années 60. Les médias ont pu montrer que le Shape, le commandement de l’OTAN, coordonnait les services secrets des différents pays, dont l’Allemagne, depuis 1954.

Et quand l’affaire a éclaté en 1990, il est apparu que plein de nazis, notamment un tas d’officiers SS, avaient été mobilisés dans le cadre de ce réseau stay-behind. Et les US connaisaient parfaitement leur CV.

On relève qu’en Allemagne, chose étonnante, ce ne sont pas les renseignements officiels qui ont créé l’armée secrète, mais l’armée secrète qui s’est mutée en services de renseignement officiels.

Proche du bloc soviétique, l’Allemagne avait une position stratégique de rempart dans l’esprit des US. C’est notamment pour cette raison que le réarmement de l’Allemagne après-guerre a été pour eux une véritable priorité, comme ce fut déjà le cas après la Première Guerre.

Il faut aussi souligner que dès 1942 une partie des Nazis a commencé à préparer son avenir après la chute prévisible du Reich. En 1943 par exemple, Martin Bormann a transféré en Amérique Latine de nombreux documents et des fonds importants, déplacés par avion et bateaux cargos entiers[1]. 

« L’homme de confiance du Führer effectua des dépôts considérables dans des banques suisses, argentines et brésiliennes. Les transports maritimes se firent sous pavillons neutres ou grâce à des sous-marins d’un type nouveau pratiquement à l’abri des forces alliées », écrit Pierre Mariel dans « La revanche des nazis ».

Bormann lui-même s’est installé en Bolivie, comme Klaus Barbie, en 1948. On notera qu’une partie de l’argent, sorti du Reich via l’operation Eagle’s flight, est revenue en Allemagne en 1955 quand la RFA a été déclarée indépendante.

Fin 1944, les dignitaires nazis de plusieurs pays ont commencé à installer leur famille dans une région autrichienne autour de Hallstatt, haut-lieu des recherches archéologiques sur la préhistoire qui devint donc un repère de Nazis dont la population a gonflé en quelques mois de plus de 60.000 habitants civils[2]. Dans les lacs et mines de sel alentours, ils ont jeté des caisses d’or, d’argent et d’armes.

Pendant le siège de Berlin fin 1943- début 1944, le directeur de la Reichsbank Eugen Pfühl a réuni à Bâle (où se trouvait déjà Allen Dulles) un groupe d’économistes et de banquiers qui a désigné « une centaine de nazis pour s’établir à l’étranger, afin d’y créer des sociétés, réelles ou fictives, susceptibles d’abriter des capitaux allemands, de racheter des firmes allemandes et de les sauver ainsi de la mainmise des Alliés. Déjà Pfühl avait entreposé à la Reichsbank des tonnes d’objets précieux volés aux déportés dans les camps d’extermination. Il en avait remis la contrepartie monétaire aux S.S. Jamais trace n’en fut retrouvée et les enquêteurs de Nuremberg manquèrent de curiosité sur ce point précis« , explique Pierre Mariel.

Des centaines d’entreprises détenues par des allemands et créées avec des capitaux obscurs ont ainsi été créées dans le monde entre 1944 et 1946, la moitié en Amérique latine, mais aussi beaucoup au Moyen-Orient, en Espagne, au Portugal, en Turquie.

En août 1944, Albert Speer, ministre de l’Armement d’Hitler qui a plus tard, malgré de nombreux soutiens internationaux, été condamné à Nuremberg, a organisé une réunion à l’hôtel de la Maison Rouge à Strasbourg avec quelques responsables du Reich.

Objectif : organiser le transfert des capitaux nazis et aussi semble-t-il de plaques pour fabriquer de faux dollars et livres sterling. Tout cet argent a filé dans les banques de quelques pays « neutres », d’abord la Suisse et le Luxembourg.

A quoi cet argent a-t-il servi ? Eh bien à poursuivre le grand œuvre des nazis à travers le monde, à travers des réseaux secrets qui se sont mis au service du capitalisme anglo-saxon.

Après la guerre : mise en place d’une internationale nazie

L’ALlemagne n’a retrouvé son autonomie qu’en 1955. Jusque-là, le pays était découpé en morceaux sous gestion US, anglaise, française ou russe, les US ayant le dernier mot. Cela leur laissait une certaine marge de manoeuvre pour recruter tous les nazis qu’ils voulaient et peser sur la gestion politique et économique du pays.

Plusieurs réseaux parallèles sur le mode « stay-behind », dont certains étaient en lien entre eux, ont été mis en place dès la fin de la guerre par les Américains. Ce sont ces réseaux, constitués majoritairement d’anciens officiers nazis, qui ont été l’embryon de la nouvelle armée et des nouveaux renseignements du pays. Cela, tout le monde le savait évidemment dans le monde politique.

« Entre 1949 et 1955, la CIA a organisé deux réseaux stay-behind composés d’agents allemands. Le premier, le réseau Pastime à Berlin, le second, le réseau Kibitz dans le Sud-Ouest de l’Allemagne. En 1952, le réseau Kibitz comptait 125 agents, parmi lesquels d’anciens nazis. Ces derniers intervenaient également au sein des filières d’exfiltration Die Spinne, Odessa, rat-lines, et ils auraient participé au système Octogon, l’évasion des capitaux nazis« , écrit Gérard Desmaretz dans « Stay Behind. Les réseaux secrets de la guerre froide ».

Il explique que les US ont fait en sorte de conserver l’armée allemande la plus intacte possible à la fin de la guerre, et ont protégé des bataillons entiers allemands du front de l’Est de l’Armée Rouge. Ce réseau Kibitz n’a pas duré très longtemps et a vite été remplacé par d’autres.

Ce réseau Kibitz était piloté par Walter Kopp, lieutenant colonel de la Wehrmacht, sous les ordres de John McCloy, le Haut-Commissaire US en Allemagne. Il a été mis en sommeil en 1953 suite à son exposition.

Reinhard Gehlen, membre notamment de l’Ordre de Malte dont il a reçu une croix du mérite en 1948 [3]a été l’un des maîtres d’œuvre de ces réseaux stay-behind en Europe, d’abord à l’Est de l’Europe.

Les Américains ont immédiatement eu une confiance totale en ce nazi [4], chef de l’armée allemande sur le front de l’est, qui était parvenu à infiltrer le Conseil de guerre de l’URSS –il savait donc que les Russes allaient gagner- et leur est arrivé avec 52 caisses de documents et de nombreux microfilms sur les communistes allemands, sur le staff et la stratégie nazis ainsi que sur la stratégie russe. En août 1945, Gehlen est allé aux Etats-Unis, il est revenu le 1er juillet 1946.

C’est ainsi qu’en 1946, sous le nom de Dr Schneider, Gehlen est revenu en Allemagne avec un mandat des US et sous la supervision de JohnMcCloy (le responsable de la zone US en Allemagne), pour créer et diriger une organisation de plus de 5.000 membres, en partie construite sur les restes d’une organisation de sécurité secrète Nazie, le Deutsche Verteidigungs Dienst (DVD)[5].

Cette symbiose entre les militaires et renseignements nazis et ceux des Etats-Unis après la guerre a été qualifiée par l’historien Agilolf Keßelring de « réseaux de renseignement militaire germano-américain ».

Gehlen a créé cette organisation, appelée « organisation Gehlen », à la demande des Américains et sous leur autorité, et c’est cette organisation qui a été le noyau ds renseignements de la République Fédérale Allemande au début des années 50. Gehlen a donc recruté ses anciens camarades nazis de la SS, de la Gestapo, de la Wehrmacht etc. pour constituer l’état-major de son organisation, puis des renseignements officiels, le BND.

Un article du Frankfurter Allgemeine du 23 avril 2018 explique que l’historien « Keßelring démontre de manière convaincante avec divers exemples (…), que l’organisation Gehlen a joué le rôle central dans le concept américain de remilitarisation de l’Allemagne de l’Ouest ».

En 1947, il a installé le QG de cette organisation et ses 400 employés (ex nazis, collabos, SS et autres) à Pullach, grâce à un financement US de 3 millions de dollars. Le QG du BND est toujours à Pullach.

Le tout, sous la façade d’un groupe industriel avec des filiales et succursales un peu partout en Allemagne. Au total, environ 5000 personnes travaillaient pour cette structure alimentée par des fonds US, qu’on a appelée l’organisation Gehlen[6] et qui va se transformer en BND, les renseignements allemands « officiels », en 1955.

L’organisation Ghelen avait recruté un certain Hans Globke, proche conseiller et chef de cabinet d’Adenauer dans les années 50, ce qui en faisait l’un des plus proches conseillers du chancelier. C’était lui qui dirigeait en sous-main la CDU, le patri chrétien, de droite.

Dès 1933, Globke, haut fonctionnaire au ministère de la Justice, avait été actif dans les réformes imposées par le NSDAP, le parti nazi, notamment les lois raciales et le « code Juif ». Globe était aussi le supérieur hiérarchique d’Eichmann.

Pour la CIA, « Globke était le principal point de liaison entre le gouvernement de Bonn, la CIA et l’OTAN. Selon  l’historien Timothy Naftali, ‘Globke était une bombe à retardement pour l’OTAN« expliquait un article du Guardian en 2005, repris par Courrier International.

Gehlen a aussi espionné les leaders socialistes du SPD, notamment Willy Brandt tout au long de sa carrière politique, notamment bien-sûr dans sa vie privée. Apparemment, le BND a carrément fait chanter Brandt et l’a même obligé à démissionner de son poste de chancellier en 1974 après qu’un de ses collaborateurs ait été dénoncé comme espion de la RDA (l’Allemagne de l’est), ce que le BND savait depuis 1954.

Une des techniques de Ghelen et du BND était justement d’accuser des opposants d’être des espions de l’est, à travers des campagnes médiatiques faciles à réaliser puisque beaucoup d’agents des renseignements étaient placés comme « journalistes » dans diverses rédactions, ou alors des « journalistes » s’étaient vendus pour assurer la propagande demandée par le BND.

Gehlen a pris comme bras droit le Dr Franz Six, dont il a fait abréger la peine consécutive à sa condamnation à Nuremberg à 20 ans de prison pour avoir dirigé un commando de la SS puis l’office de la sécurité du Reich[7].

Il a aussi recruté le SS Otto von Bolschwing, ex aide de camp d’Eichmann responsable de pogroms en Roumanie et proche d’Himmler. Cela avec la bénédiction de la CIA qui l’a recruté en 1949, probablement parce qu’il était un grand connaisseur du Moyen-Orient et de la Palestine[8].

Les hommes de ce réseau étaient entraînés dans les bases du Gladio, notamment en Sardaigne. Et la loge P2, poisson pilote du Gladio en Italie, avait des antennes en Allemagne.

Le système de communication utilisé par les cellules stay-behind était le même qu’en France, en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas: le système de radio Harpoon, dont les appareils qui permettyaient d’envoyer des messages cryptés à 6.000 km étaient produits par la société allemande AEG Telefunken.

En parallèle, la direction d’une autre organisation secrète sur le modèle du stay-behind mais tournée vers l’international a été confiée à Otto Skorzeny, un responsable de la SS qui avait toute la confiance d’Hitler.

Comme Barbie et d’autres, il a été arrêté après la guerre, interrogé, puis s’est échappé de cette passoire qui faisait office de camp d’interrogatoire des dignitaires nazis géré par les US. Selon certains observateurs Juifs, Skorzeny était en contact avec Mengele dès 1948 au moins, quand tous les deux se trouvaient en Bavière.

Appelée Odessa (l’organisation des anciens SS, « Organisation der S.S. Angehörigen »), cette structure s’étendait à l’international et a bénéficié d’une partie de l’argent sorti par les nazis à la fin de la guerre. Au départ elle a beaucoup agi comme une amicale d’aide aux nazis sortis de prison ou en fuite, et à partir de 1949 son état-major s’est installé en Argentine où le dictateur Juan Peron, qui partageait tout à fait leurs vues, les accueillis les bras ouverts.

« Primitivement, l’état-major d’ODESSA siégeait à Augsbourg. Dès 1947, il jugea plus prudent de se transporter en République argentine. C’est alors que son réseau européen se perfectionna. Tous les vingt à cinquante kilomètres, était établi un relais de trois à cinq sédentaires, qui n’avaient connaissance que des relais précédant immédiatement le leur, ou lui succédant. Ces relais (Anlaufstellen) jalonnaient la frontière austro-allemande, particulièrement à Ostermieting en Haute-Autriche, à Zell-am-See près de Salzbourg, et à Innsbrück, dans le Tyrol« , explique Pierre Mariel dans « La revanche des nazis ».

Selon le journaliste argentin Uki Goñi qui a écrit « La autentica Odessa », Perón, pro nazi leader d’une loge militaire secrète pro nazie, le Grupo Oficiales Unidos, a offert l’asile à au moins 200 fugitifs nazis et fascistes dans les années d’après-guerre, dont beaucoup de français, de belges et d’italiens, arrivés via les rat lines organisées par le Vatican. Notamment par le cardinal français Eugène Tisserant (officiellement « antinazis ») qui a joué un rôle clé dans la mise en place des chemins d’exflitration vers l’Argentine.

Cette immigration a aussi concerné 7.250 croates ayant fui à la chute du Reich, dont beaucoup de nazis.

Les discussions pour organiser cette fuite ont commencé dès l’été 1942, quand deux officiels argentins ont fait une petite tournée en Europe, de l’Espagne au Vatican en passant par la France occupée, à la rencontre de responsables SS et du Vatican.

L’ambassadeur argentin en Suisse, Benito Llambí, membre de la même loge militaire que Perón, a aussi beaucoup contribué à cette opération via la création d’un « Centro Argentino de Emigración » (Centre Argentin de l’Emigration) spécialement dédié aux nazis en fuite, par lequel sont passés Mengele ou Eichmann et plusieurs de ses proches collaborateurs.

En 1948, Otto Skorzeny était en Argentine pour accuillir ses anciens camarades. Il faisait de nombreux aller-retours entre Buenos Aires et Madrid dans l’Espagne de Franco, pour organiser les nombreuses activités de son réseau plus ou moins souterrain.

En accueillant tous ces nazis, l’objectif était aussi pour l’Argentine de récupérer du savoir-faire scientifique et militaire, notamment pour se munir de l’arme nucléaire. Certains de ces nazis ont occupé des fonctions officielles importantes dans la dictature de Péron comme Branko Benzon, ex diplomate Croate pro nazis qui est devenu responsable de l’Immigration où il a continué à appliquer une politique antisémite.

Tout ce petit monde se frénquentait: le collabo hollandais Willem Sassen était proche d’Eichmann, de Skorzeny, de Mengele. Ces criminels de guerre nazis buvaient leur café ensemble en terrasse au milieu des années 50, comme l’explique Uki Goñi.

Sassen qui a aussi collaboré avec moult dictateur latino américains, était un éditeur de médias et de livres connu sur la place publique, mais surtout dans les milieux nazis en Argentine. Où les péronistes sont encore nombreux et le sujet de ces nazis arrivés à la fin des années 40 est tabou.

Les nazis étaient également très présents au Paraguay, où les allemands étaient déjà arrivés en masse au tournant du XXe siècle. Ils ont rapidement pris en main les rênes de l’Etat et de l’économie, ce n’est pas pour rien que Mengele et plusieurs autres sont allés y vivre. Le réseau de Skorzeny a été actif dans de nombreux coups d’Etat, y compris l’assassinat de JFK en octobre 1963 parce qu’il voulait démanteler la CIA, ou une tentative d’enlèvement de Fidel Castro en 66.

Otto Skorzeny a établir un réseau souterrain d’ancien nazis et fascistes de toute l’Europe, qui était basé en Espagne mais essaimait dans le monde entier. Ce réseau était en partie financé par l’argent du 3e Reich, en partie par des industries telles que celles qui sont issues de l’éclatement d’IG Farben (Hoechst, BASF, Bayer…), Mercedes, Volkswagen…

Il y avait dans son équipe, comme le notait un document de la CIA des années 70, des gens comme Werner Neumann, ex secrétaire d’Etat dans le ministère de la propagande de Goebbels, ou Hans Rudel, ancien de la SA installé en Argentine. L’objectif de l’organisation était alors de créer des cellules secrètes un peu partout dans le monde et de s’insérer dans des partis politiques existants.

Un des enjeux a été de remettre rapidement sur pied la mouvance nazie en Allemagne, avec la création dès les années d’après-guerre de sortes de groupes d’anciens combattants à moitié clandestins, comme la Schnez Truppe qui fonctionnait déjà sur le mode du Gladio, avec des cellules autonomes censées agir militairement en cas de basculement communiste, ou le Bünderschaft qui était un peu l’amicale des anciens officiers nazis. Groupes qui étaient évidemment en lien avec le réseau de Skorzeny à l’international, et sous la coupe de Gehlen.

Plus officiellement, d’anciens Waffen SS ont monté dès 1949 une association d’entraide qui devient la Hilfsgemeinschaft auf Gegenseitigkeit en 1951 (HIAG). La HIAG était dirigée par Kurt Meyer, un ancien général des Jeunesses hitlériennes. Assez vite, la gentille association d’entraide se structure et devient un point de liaison entre différents groupes de militants nazis dans le monde. Elle réclamait notamment la réhabilitation de tous les nazis, et a même obtenu une pension pour les anciens SS en 1961.

Sa politique a ensuite été d’intégrer des membres dans les associations politiques ou de la société civile, ainsi que dans les différents partis politiques. Parmi ces infiltrés, certains sont devenus députés. A la fin des années 50, environ 20.000 anciens SS étaient membres de l’association.

Des filiales s’organisent aussi en Autriche ou aux Pays-Bas, très orientées politiquement, l’une proche du « Parti de Liberté » d’extrême droite, l’autre carrément néo-nazie[9], et divers groupes d’anciens SS, notamment en Belgique, en Afrique du Sud ou en Australie, s’affilient à la HIAG.

Depuis l’Amérique latine, les nazis ont investi en Europe, notamment en Irlande où ils ont eu un poids économique important dès la fin des années 40. De là, ils ont organisé un noyau qui devait pouvoir agir en Europe.

Ils ont organisé différents trafics très lucratifs comme les armes, la drogue, la fausse monnaie, les minerais précieux, et des circuits de blanchiment, grâce à des petites forteresses et des aérodromes disséminés en Amérique latine, ainsi qu’à leurs entreprises d’import-export.

Ce réseau de nazis qui s’est étendu rapidement à l’ensemble de la planète et pouvait faire son nid dans de nombreuses dictatures, s’est aussi fédéré derrières les restes des sociétés secrètes nazies, qui ont poursuivi leurs activités sous d’autres noms, là aussi partout dans le monde où il y avait des nazis.

Qu’espéraient-ils? Le retour du national-socialisme et de ses théories, à un niveau planétaire si possible.

Au service de  l’oncle Sam

En 1949, John McCloy a été nommé gouverneur de la zone d’occupation US et premier Haut-Commissaire de la commission alliée en Allemagne. De 47 à 49 ce très proche de la famille Rockefeller était gouverneur de la Banque Mondiale et avant cela il était assistant du ministre de la guerre US, empêchant le bombardement des chambres à gaz et lignes de chemin de fer.

Et encore avant dès 1929, il avait travaillé au cabinet d’avocats d’affaires Cravath, Henderson & de Gersdorff dès sa sortie d’Harvard où il avait sympathisé avec les Rockefeller. Son patron Paul Cravath était vice-président du Council on Foreign Relations, ce qui a permis de lui mettre un pied à l’étrier. Pour son client JP Morgan, McCloy a par exemple géré un prêt de 110 millions de dollars à Hitler[10]. En 1936 il était l’invité personnel d’Hitler aux Jeux Olympiques de Berlin.

En Allemagne McCloy a surtout été très actif pour réduire les peines des quelques nazis condamnés lors d’une vague tentative d’épuration, avec en tête des industriels tels que Krupp ou Flick qui a fait 3 ans sur les 7 auxquels il a été condamné (ce grand collectionneur d’art contemporain avait notamment ouvert des entreprises de fabrication d’armes pour le Reich aux Pays-Bas avec des capitaux US et utilisé des travailleurs forcés auxquels il a toujours refusé de verser 1 mark d’indemnités).

On notera également qu’il était de la même famille que le premier chancelier d’après-guerre Konrad Adenauer, les deux étant mariés à des femmes de la famille Zinsser, propriétaire de la compagne chimique US Zinsser & Co.

Il a ensuite fait une carrière de conseiller de la plupart des présidents des années 50 à 80.

McCloy a nommé Gehlen a la tête des renseignements allemands non officiel, l’organisation Gehlen, qu’il a rendus « légaux » en 1955, en devenant le BND… Les deux ont été les yeux et les oreilles de la CIA en Europe de l’Ouest, et ont en permanence agité le chiffon rouge communiste devant des US hystériques.

McCloy a recruté de nombreux nazis, comme Klaus Barbie à qui il a permis de repartir tranquillement d’Allemagne où les US l’avaient exfiltré après la guerre, alors que les ex Résistants français de gauche voulaient l’attraper. Il a pu se planquer avec l’aide du Counter Intelligence Corps (CIC) pour lequel Barbie a travaillé très activement dès 1947[11].

McCloy a aussi empêché l’extradition de Barbie en 1950 pour le procès de René Hardy, à l’issue duquel il a finalement été acquitté d’avoir trahi le réseau de Jean Moulin, balancé à la Gestapo de Klaus Barbie dans une sorte de coup d’Etat de la pseudo résistance vichyste, celle qui est restée au pouvoir après la guerre.

En Allemagne, Barbie avait un réseau de SS qu’il utilisait comme réseau de renseignement et travaillait pour les US en leur rapportant les opérations menées par les renseignements français et des Russes dans la zone gérée par les US, ainsi que sur les activités des Allemands d’origine roumaine.

Pour en revenir à von Bolschwing, le bras-droit de Gehlen, après avoir rendu de bons et loyaux services aux Etats-Unis il y a été accueilli en 1953, naturalisé en 1959 et a été protégé des poursuites lancées contre lui en Allemagne après l’arrestation d’Eichmann en Argentine en 1960 : les US ont oublié de dire qu’il vivait tranquillement chez eux, et à ce moment Von Bolschwing allait occuper un poste au département d’Etat (affaires étrangères) basé en Inde, dans le domaine de l’import-export.

Il a travaillé dans l’industrie pharmaceutique comme directeur international du marketing chez Warner Lambert Pharmaceutical Co. Le président de Warner Lambert était Elmer Bobst, pédocriminel antisémite proche d’Eisenhower et grand ami de Nixon[12]. C’est seulement en 1980 qu’un des « chasseurs de nazis » à ses trousses, Simon Wiesenthal, a annoncé que von Bolschwing se trouvait aux Etats-Unis où il collaborait avec la CIA.

En juin 1948, le responsable de la CIA en charge des contacts avec les services de renseignements de feu le 3e Reich James Critchfield, et Reinhard Gehlen, ont négocié directement un accord jetant « les bases d’une coopération germano-américaine » le tout « dans le cadre de l’Union de l’Europe de l’Ouest et de la Communauté Atlantique »  car ceci est « indispensable pour le succès de la mise en œuvre d’une politique d’opposition et pour contenir la Russie Communiste » [13].

Et jusqu’à ce que l’Allemagne ait retrouvé son autonomie, c’étaient les Américains qui commandaient et fiançaient les projets qui leur plaisaient.

Après son « organisation Gehlen », Gehlen a donc dirigé le Bundesnachrichtendienst (BND, les renseignements allemands officiels) de 1956 à 1968. On a vu dans la partie sur la non-épuration d’après-guerre que beaucoup de nazis ont été recyclés dans l’armée, dans la police et dans les renseignements, devenus le BND (Bundesnachrichtendienst) en 1956. Ils y recevaient une nouvelle identité qui les lavait plus blancs que blancs.

Ledit BND était totalement sous contrôle des US, auxquels Gehlen devait transmettre la liste des 150 plus hauts responsables afin qu’ils constituent un dossier sur chacun d’entre eux[14].

Au début il était seulement question d’observer les mouvements de troupes soviétiques, puis des cellules secrètes, parallèles au BND, ont été mises en place avec des membres tous foncièrement anti communistes, donc d’anciens nazis ou collabos.

Les US se sont occupés de l’entrainement de ces groupuscules, qui ont installé des dépôts secrets d’armes et de matériel un peu partout en Europe, mais surtout le long du « rideau de fer ». Parmi ces groupuscules, le Bund Deutsche Jugend (Ligue de la jeunesse Allemande), un groupe d’extrême droite dont 2000 membres, surtout d’anciens Nazis, sont entrainés par les US pour bloquer l’URSS, et même les opposants allemands[15].

Gehlen a pris sa retraite en 1968, dans une luxueuse villa payée par les US, et a été remplacé par le général Gerhard Wessel, qui fut son bras droit sur le front de l’Est et fut le représentant de la RFA au comité militaire de l’OTAN à Washington.

La même année en France, le préfet du Haut-Rhin Maurice Picard, un franc-maçon qui dirigeait la Protection civile du Territoire, a été condamné à 7 ans de prison par la cour de Sûreté de l’Etat pour avoir été un espion au service des Allemands et du réseau Gehlen. Pendant la guerre, Picard avait balancé des Résistants aux renseignements nazis, notamment le réseau « Brutus », mais à la Libération il a réussi à se faire passer pour un Résistant.

Après la guerre, il a protégé des nazis et a rapidement été en relation avec Gehlen, mais aussi avec Skorzeny. Le procès aurait pu nuire grandement à l’organisation Gehlen mais il s’est opportunément avéré que Picard opérait aussi pour le KGB, qui l’a recruté en menaçant de faire fuiter ses activités pendant la guerre.

Du côté de l’armée, le recyclage a aussi battu à plein malgré un démantèlement officiel de la Wehrmacht. Au niveau des pays écrasés par le Reich, il y avait d’ailleurs peu d’emballement pour un réarmement de l’Allemagne qui était pourtant une des priorités de Monnet, Schuman et des européistes du Bilderberg.

En effet, un des objectifs était de créer une communauté européenne de défense avec notamment une armée allemande, projet qui fut retoqué en 1953. Mais l’OTAN avait été mise en place sans l’avis des électeurs et des politiques, dès 1949, pour unifier les stratégies militaires des pays soumis aux US, et évidemment derrière les intérêts du capitalisme US. L’Allemagne l’a intégrée en 1955.

1955 est aussi l’année de la création officielle de la nouvelle armée allemande dans laquelle les SS pas trop gradés ont été immédiatement intégrés. Très vite le niveau hiérarchique a été élevé, jusqu’au grade de lieutenant – colonel de la SS, puis 61 généraux et colonels de la SS ont pu entrer dans l’armée soi-disant « dénazifiée » allemande.

On notera que d’éminents militaires nazis se sont ainsi retrouvés à siéger à l’OTAN, notamment :

  • Adolf Heusinger : Ce général de l’armée allemande a été chef d’état-major d’Hitler dont il était très proche. Il a géré les invasions de plusieurs pays de l’est, comme la Pologne ou la Norvège. Il a été emprisonné de 1945 à 1947, le temps d’officier à Nuremberg en tant que « témoin », et en 1950 on le retrouve conseiller d’Adenauer pour les questions militaires. Il logiquement repris du service pour la CIA à travers la création avec Reinhard Gehlen du BND, le service fédéral de renseignements d’après-guerre, puis la mise en place de l’armée en 1955 où il a pris le grade de lieutenant général, avant de devenir en 1961 président du comité militaire de l’OTAN à Washington, jusqu’à sa retraite en 1964.
  • Hans Speidel : Général de la Wehmacht sous Hitler puis de la Bundeswehr dans l’Allemagne « démocratique », dont il a contribué à la création. Militant de la Communauté Européenne de Défense, il a été nommé Commandant en chef des forces armées de l’OTAN en Europe de l’est en 1957.
  • Albert Schnez : ancien de la Wehmarcht, proche après la guerre du ministre de la défense Franz Josef Strauss (lui aussi ancien de Wehrmacht), puis général responsable des armées à la fin des années 60 quand Willy Brandt était chancelier. Discrètement à la fin des années 40, il a mis en place son propre réseau secret d’anciens nazis, appelé l’organisation Schnez ou « Schnez Truppe » dont Heusigner et Speidel étaient des membres fondateurs. Là aussi, il était officiellement question d’entraide d’anciens militaires, mais les débats ont vite tourné sur l’anticommunisme et des financements de la part des US et de patrons d’entreprises sont arrivés. Des armes ont donc été achetées et cachées un peu partout (jusqu’en Suisse), des groupes hommes ont été structurés, armés et entraînés, soi-disant en cas d’invasion soviétique. Il y aurait eu jusqu’à 10.000 membres sur les listes de Schnez, qui a même proposé son aide à Skorzeny et à Gehlen[16]. Il a failli être nommé au commandement de l’OTAN mais ses collègues d’Europe de l’ouest ont trouvé qu’il était trop nazi. Il a cependant assuré la coordination entre l’OTAN et Strauss sur le sujet des armes nucléaires.

D’autres nazis éminents ont collaboré avec la CIA dans le domaine des renseignements, depuis l’Allemagne ou l’étranger, notamment l’Amérique latine. Il est impossible d’en faire une liste exhaustive mais au-delà de Gehlen et Skorzeny, on peut en citer quelques-uns, actifs dans différents domaines :

  • Willy Litzenberg : Ce policier membre du NSDAP dès 1933 et la SS en 1937 a intégré la police politique secrète du parti nazi (la GESTAPO) jusqu’à la fin de la guerre. Il a ensuite été détenu plusieurs mois par les alliés, a servi de « témoin » à Nuremberg, puis a été recyclé par Heusinger et Gehlen dans le BND où il a œuvré jusqu’à sa mort en 1964 [17]. Il y a mis en place un réseau d’agents en partie composé d’anciens collègues de la GESTAPO, avec l’objectif de constituer des cellules dans la société.
  • Gerhard Graf von Schwerin, général de la Panzertruppe sous le Reich, est devenu dès mai 1950 conseiller d’Adenauer pour les questions militaires et de sécurité, en charge plus spécifiquement de la création et du développement des toutes nouvelles forces armées, officiellement « dénazifiées ».
  • Klaus Barbie : on a déjà vu son parcours, de la Gestapo, notamment à Lyon, jusqu’en Bolivie où il été le bras droit de plusieurs dictateurs tout en étant un des plus gros trafiquants de drogues et d’armes de la région. Il a été recruté dès 1947 par le CIC (Counter Intelligence Corp, plus tard intégré à la CIA), ses crimes de guerre ont été dissimulés, notamment aux français qui le recherchaient pour les assassinats de plus de 4.000 résistants et Juifs et la déportation de 15.000 autres. Barbie était officiellement exportateur de bois et a continué à collaborer avec la CIA, qui lui a assuré une longue impunité en Amérique latine malgré les chasseurs de nazis à ses trousses –et à celles de plusieurs de ses copains implantés sur ce continent[18]. Dans le cadre de cette collaboration, Barbie a notamment contribué à la traque et à l’assassinat de Che Guevara en 1967. A partir de 1966 au moins, il a également travaillé pour les renseignements allemands sous le matricule V-43118[19].

  • Josef Mengele : Après s’être planqué quelque temps en Allemagne, Mengele a été exfiltré en Argentine via l’Italie et le réseau Odessa [20]  –très connecté avec le Vatican- puis au Paraguay, puis au Brésil où il serait mort en 1979. Ensuite, il a beaucoup voyagé comme on l’a vu dans un article sur le contrôle mental made in USA. En Argentine, il ne se planquait pas du tout : Peron l’a reçu plusieurs fois, et s’est montré très impressionné par ses connaissances en génétique, qui était une de ses grandes spécialités. Il aurait aussi travaillé pour le BND, selon certains. Enfin, plusieurs victimes de MK-Ultra aux Etats-Unis déclarent avoir reconnu Mengele sur le sol américain et canadien lors de sessions d’expériences « médicales » et de traumas.
  • Friedrich –Fritz- Schwend : ce SS a été l’un des principaux organisateurs des filières d’exfiltration de nazis est arrivé à Lima au Pérou en 1950 avec un passeport fourni par la Croix-Rouge[21]. Il y a ouvert divers business notamment la société Estrella dans l’import-export (en particulier d’armes), dans laquelle Barbie était aussi impliqué. Schwend avait la main sur la gestion d’importants fonds nazis (dont de la fausse monnaie parfaite en livres et en dollars) qu’il avait en partie lui-même dissimulés pour assurer la lutte après la fin de la guerre, et qui ont servi à aux nazis pour refaire leur vie et ouvrir des business à l’étranger. Comme Barbie, il a travaillé pour les renseignements US, à commencer par le fameux CIC, et a mis en place son propre réseau de nazis. Schwend était aussi en contact avec Mengele à Buenos Aires. Il est mort à Lima en 1980.

ors de l’adhésion en 1955 de l’Allemagne de l’ouest à l’OTAN, comme partout les accords étaient accompagnés de protocoles secrets.

Dans « Les armées secrètes de l’OTAN », Daniele Ganser relate les propos d’un ancien responsable du renseignement de l’OTAN au sujet de ce protocole signé par Adenauder « selon lequel les autorités ouest-allemandes s’abstiendraient de toutes poursuites judiciaires à rencontre des partisans de l’extrême droite reconnus. Ce que l’on sait moins c’est que d’autres personnalités politiques allemandes de premier plan furent également informées de l’existence de ces plans de résistance. L’une d’entre elles n’était autre que le ministre des Affaires étrangères allemand de l’époque, l’ancien dignitaire nazi Hans Globke« .

Car en effet, les armées secrètes de fascistes pullulaient dans l’Allemagne dénazifiée. Avec des financements US, souvent directement par la CIA comme pour le Bund Deutscher Jugend et le Technischer Dienst qui était sa branche « clandestine », créés en 1950 avec la participation active de Klaus Barbie, et qui ont existé officiellement jusqu’en 1953.

Le Bund Deutscher Jugend était, selon un article du Spiegel en avril 2021, « financé par des fonds américains, des fonds fédéraux et d’importants dons de l’industrie ouest-allemande« . Finalement l’organisation, qui était bien rattachée au stay-behind allemand, a été dénoncée et a dû se dissoudre.

Tout ce petit monde a été relaxé par la Cour suprême en 1952, dans l’indignation générale. Décision qui a valu une promotion aux deux juges à l’origine de cette décision à l’encontre du bon sens.

Un document des renseignements US daté du 28 janvier 1953 évoque la Bund Deutsche Jugend (ligue des jeunes allemands), créé en 1950 par Paul Egond Lueth pour « rallier les groupes de jeunesse à la cause de la démocratie occidentale et combattre le communisme« . Ce document explique que Lueth a contacté la Haute Commission US pour demander un soutien à son projet, « qui incluait l’activation d’un réseau souterrain en Allemagne de l’est« . Et c’est ainsi que Lueth a été renvoyé vers la CIA.

« Sous la direction de la CIA, la Ligue de la jeunesse Allemande a été développée comme une organisation de propagande à grande échelle ». Elle a été créée dans le cadre d’une opération de l’Office of Policy Coordination (OPC) intitulée projet LCPROWL pour établir une organisation clandestine paramilitaire de plusieurs milliers d’anticommunistes.

Le financement venait de l’OPC, les membres étaient principalement recrutés dans la Ligue de la jeunesse Allemande. Puis la branche paramilitaire a été séparée de la ligue qui est devenue la vitrine officielle. Celle-ci a d’ailleurs mené une campagne intensive de propagande en faveur du « plan Schuman » écrit par Jean Monnet pour créer les bases de l’Europe et relancer « l’amitié franco-allemande ».

Certains instructeurs de cette armée « secrète » allemande ont été entraînés sur des bases de l’armée US.

Tout cela s’est au départ passé dans le dos des autorités allemandes, jusqu’à ce qu’une enquête de la police de Hesse sur la Ligue ne vienne compromettre cette structure, fin 1952.

En effet, des perquisitions ont été menées chez un responsable local de la CIA et de responsables de l’organisation. Mais, les responsables militaires US sur place ont su convaincre le ministre président de Hesse et le président du parti socialiste de ne rien faire (en effet, selon des documents trouvés à l’époque, plusieurs leaders socialistes et 1000 communistes devaient être éliminés en cas de guerre).

On notera que l’un des coordonnateurs du Bund Deutscher Jugend, le dénommé Paul Lüth qui assurait l’approvisionnement par des fonds américains[22], était éditeur d’une revue littéraire de propagande US et est devenu quelques années après le démantèlement de ce réseau médecin et prof de médecine sociale dont il est devenu un grand spécialiste.

Il y a aussi eu le réseau mis en place par Martin Bormann, qui a rapatrié les avoirs des nazis en Allemagne en 1955 à la création de la RFA. « Derrière le programme de Bormann de rapatriement des avoirs Nazis il y avait l’idée, développée en 1943, de les utiliser dans le cadre d’une Europe de post-guerre confédérée sous le contrôle dissimulé de l’Allemagne dans ce qui a même été appelée une « Communauté Economique Européenne » ou CEE » expliquait David Guyatt en 2005 dans World Affairs: The Journal of International Issues.

Car l’Allemagne, tout comme le Japon au niveau de l’Asie, avaient pour les capitalistes US et anglais, ceux qui avaient monté le Council on Foreign Relations après la Première Guerre, un rôlé clé à jouer dans le jeu d’échecs mondial devant amener à la domination totale des US après la Deuxième Guerre.

David Guyatt explique que derrière le Council on Foreign Relations, il y avait le groupe de pression discret de Cecil Rhodes, magnat du diamant en Afrique du Sud et eugéniste patenté. Parmi les élites allemandes de l’époque, il n’était pas rare de trouver des adeptes membres de ce groupuscule ou qui en étaient proches.

En effet, le groupe secret de Cecil Rhodes, tout comme l’Ordre de Malte d’ailleurs, ciblait spécifiquement les élites allemandes en leur offrant des bourses d’études pour apprendre l’othodoxie eugéniste anglaise dans différents domaines.

Selon Guyatt, l’ultra réactionnaire Ordre de Malte, dont Gehlen a reçu en 1948 une des plus hautes distinctions, était aussi impliqué dans la gestion de l’argent des nazis. Et évidemment, ont rouve de nombreux types de la CIA parmi les hiérarques de l’Ordre de Malte.

Doté du statut diplomatique par l’Italie et le Vatican dès 1951, l’Ordre de Malte avait donc le droit d’émettre des passeports et d’utiliser la valise diplomatique, ce qui est très pratique pour transférer tout et n’importe quoi à travers le monde.

Développer la propagande US et les théories capitalistes

Comme en France, en Italie et ailleurs, les US ont aussi investi beaucoup d’argent dans la propagande politique, en finançant divers groupuscules de droite voire d’extrême-droite. Ceux-ci étaient chargés de mener une propagande anticommuniste, pro US, pro européenne.

L’Allemagne a aussi connu sa stratégie de la tension, avec par exemple la Fraction Armée Rouge (RAF- Rote Armee Fraktion), surnommée la bande à Baader, du nom de son leader[23]. Ce groupe d’extrême gauche a commis une série d’attentats, d’attaques de banques et d’enlèvements de patrons d’entreprises au nom de la lutte armée, entre 1968 et les années 90.

Il y a eu deux voire trois générations de ce groupe, les deuxième et troisième ayant commis un plus grand nombre de meurtres et d’attentats pendant que la première puis la deuxième génération étaient en prison.

D’autres groupes d’extrême gauche ont été créés, comme le Mouvement du 2 juin, qui faisait aussi dans les attaques de banques et les enlèvements, et revendiquait les mêmes choses.

Certains des membres du groupe étaient devenus des informateurs de la police ou des renseignements, d’autres étaient des infiltrés. Au total la RAF aurait commis 34 meurtres et assassinats, et aurait vu passer dans ses rangs autour de 80 personnes. Elle a officiellement cessé d’exister en 1998.

Des liens avec les réseaux de la CIA ont été soulignés, notamment via l’école Hypérion, basée à Paris, qui permettait aux militants des groupuscules de « gauche » à tendance terroriste de se rencontrer. Un rapport de la police italienne a qualifié Hypérion de « plus important bureau de la CIA en Europe » au milieu des années 80[24].

D’autres liens de la RAF avec les services allemands ont été mis en évidence même si là encore, le sujet est un grand tabou national. Il y avait par exemple l’agent provocateur Peter Urbach qui a fourni des armes et des explosifs à la RAF tout en renseignant les services allemands sur ses militants et ses activités.

Urbach a joué le rôle le plus important dans la transformation d’un groupe de militants un peu allumés en groupe franchement terroriste. Apparemment il a été recruté avant 1967, quand il a commencé à inflitrer les groupes d’étudiants gauchistes pour le compte de l’Office pour la protection de la constitution, une sorte de police politique créée en 1951.

A l’origine de l’opération et de nombreuses autres infiltrations dans les milieux de gauche, il y avait le ministre de l’Intérieur -socialiste- de Berlin Kurt Neubauer. Objectif: criminaliser le mouvement d’extrême gauche pour le décrédibiliser aux yeux de l’opinion publique.

C’est Urbach qui a fourni le premier flingue un des fondateurs de la RAF, l’avocat Horst Mahler. Lors d’une manif qui a dégénéré en 68, il a tranquillement fourni des cocktails Molotov aux plus excités. Il a disparu de la circulation en 1971 quand il a été démasqué après avoir permis l’arrestation d’Andreas Baader et aurait fui aux Etats-Unis avec l’aide de l’Office pour la protection de la constitution où il est mort des années plus tard en Californie.

Il y a aussi le cas Ulrich Schmücker, un autre agent infiltré dans un mouvement d’extrême gauche, le « Mouvement du 2 juin », qui a été assassiné d’une balle dans la tête à Berlin en 1974 on ne sait toujours pas par qui malgré plusieurs procès: l’enquête a été torpillée par l’Office berlinois pour la protection de la constitution, qui cherchait à dissimuler ses propres manipulations.

Schmücker avait été retourné lors d’un séjour en prison, pendant un long passage en isolement.

Ce mouvement du 2 juin avait aussi été infiltré par un petit truand, proxénète de son état, Volker Weingraber, devenu en 1974 informateur et agent infiltré pour le compte de l’Office de protection de la constitution.

Etrangement, on retrouve ledit Weingraber en Italie pendant la séquestration et l’assassinat d’Aldo Moro en 1978. Il s’y était réfugié tranquillement après avoir été grillé par ses petits camarades.

Une partie des membres de la RAF a été tuée par la police, beaucoup se seraient suicidés, ce qui est contesté pour certains ou en tout cas dénoncé comme lié à une stratégie d’élimination des membres des commandos. Par exemple le « suicide collectif » en prison en 1977 de quatre membres de la RAF, dont Andreas Baader, était selon la seule survivante Irmgard Moller une élimination en règle par un commando envoyé spécialement par les autorités.

Elle raconte que cette nuit-là, elle a été agressée et probablement droguée, et qu’elle a appris par quelqu’un que deux de ses camarades étaient morts. Elle s’en est sortie miraculeusement avec quatre coups de couteau au thorax et trois jours de coma.

Le suicide d’Ulrike Meinhof (une journaliste devenue leader de la seconde génération après avoir défendu les membres de la première) dans sa cellule en mars 1976, avec une corde de 51 cm selon les autorités mais de 80 cm selon d’autres témoins, est l’un de ceux qui posent question. Divers éléments laissent penser qu’elle a été battue, violée et étranglée avant qu’une mise en scène de suicide ne soit montée et diffusée avec l’aide des médias.

En tout cas ses amis sont persuadés qu’elle a été éliminée, dans le cadre de la tentative de faire table rase de la période « révolutionnaire » tumultueuse depuis les années 60. Le traitement qui lui a été reservé en prison où elle était depuis 1972 était, comme celui d’une partie des membres de la RAF, particulièrement violent. Il était basé sur l’isolement complet et la privation sensorielle.

De temps en temps, on colle encore un nouveau crime sur le dos de l’un ou l’autre membre du groupe, grâce notamment à la preuve ultime de l’ADN.

A l’autre bout de l’échiquier politique, les groupes néo nazis et néo fascistes ont ont commencé à se multiplier en Allemagne de l’ouest à partir des années 70, alimentés par les transfuges de la nébuleuse fasciste internationale.

En 1981, le Turc qui a tiré sur Jean-Paul 2, membre d’un groupe d’extrême-droite appelé les Loups Gris calqué sur le modèle du stay-behind, était resté plusieurs mois à Munich avant l’opération. De nombreux membres des Loups Gris étaient stationnés en Allemagne de l’Ouest, où ils donnaient des coups de main opérationnels au BND, notamment pour gérer les travailleurs immigrés turcs[25].

Par ailleurs, un des complices d’Agça a expliqué devant un juge italien avoir reçu 3 millions de marks de la part des renseignements allemands pour l’organisation de l’attentat et les armes avaient été fournies par le biais d’un marchand d’armes allemand proche du BND, Horst Grillmayer.

Agca avait déjà assassiné le rédacteur en chef d’un journal de gauche en Turquie, avec la bénédiction du parti fasciste et il était passé en 1979 par un camp d’entraînement au Liban. En Italie Ali Agça était aussi en contact avec Toto Riina et d’autres parrains de Palerme.

Il y avait aussi évidemment en Allemagne le terrorisme d’extrême droite, incontournable dans le cadre de la stratégie de la tension, du fait de tout un tas de groupes plus ou moins officiels.

Le premier parti nazi officiel au niveau fédéral depuis 1945 a été créé dès 1964 (le Deutsche National Partei -DNP, parti national Allemand) mais est retourné dans la clandestinité dès 1969. Ses membres étaient issus des 13 organisations « néo » nazies alors recensées en Allemagne et l’un des meneurs a expliqué lors du congrès fédéral de 65 que « Nous n’avons pas inventé les camps de concentration et ne voulons pas être châtiés pour cela. Il ne faut pas oublier leur valeur éducative : de communistes et de marxistes, ils ont fait de bons Allemands » [26].

Dès 1952, le gouvernement de Basse Saxe a fait interdire un parti nazi qui commençait à remporter un peu trop de succès dans les urnes. Il y avait aussi le « groupe Naumann », du nom d’un nazi qui était le dernier secrétaire d’Etat et successeur de Goebbels. Après la guerre Werner Naumann est resté planqué en Allemagne, qui tentait d’infiltrer les partis politiques d’Allemagne de l’ouest afin de renverser la démocratie et de rétablir le « national socialisme »…

Les membres du groupe de Naumann étaient d’éminents nazis, comme l’ex chef des Einsatzgruppen Werner Best, le responsable de la propagande radio du Reich Hans Fritzsche (acquitté de toutes les charges contre lui à Nüremberg), le colonel SS Paul Hausser… Que du beau monde.

Finalement Naumann a été arrêté en 1953 par les anglais alors qu’il comptait se présenter à des élections locales sous la bannière du Deutsche Reichspartei. En effet, tout cela faisait désordre en pleine phase de « construction européenne » [27].

L’activisme nazi en Allemagne ne s’est jamais calmé. En 1972 Gary Lauck a créé aux Etats-Unis le NSDAP-AO, avec l’objectif de permettre à des partis nazis de se présenter aux élections en Allemagne et en Autriche. Il a ensuite beaucoup voyagé en Europe pour faire sa propagande et nouer des contacts avec les groupes néo nazis et fascistes d’Europe, et son journal The New Order était diffusé en 9 langues.

Lauck a ainsi fourni du matériel de propagande et des fonds aux néo-nazis allemands. Le NSDAP-AO y était très implanté et en lien avec une nébuleuse d’organisations nazies et assimilés. Mickael Kuhnen, meneur de cette mouvance, était un de ses principaux relais en Allemagne.

En parallèle de ces réseaux stay-behind classiques, l’Allemagne comme la France, l’Italie et le reste de l’Europe a été la cible d’une propagande culturelle puissante de la part des US en s’appuyant sur la pseudo « dénazification » du pays. Qui était un leurre ou de la pure propagande, comme on l’a vu[28].

« Alors qu’un concierge pourrait être mis sur liste noire pour avoir balayé les couloirs de la Chancellerie du Reich, nombre d’industriels, scientifiques, administrateurs et même des officiers de haut rang d’Hitler étaient tranquillement réintégrés par les puissances alliées dans un effort pour empêcher l’Allemagne de s’effondrer », écrivait Frances Stonor Saunders dans « The cultural cold war, the CIA and the world of arts and letters ».

Car en effet, beaucoup de capitalistes anglais, US, français et autres avaient placé des billes dans l’industrie allemande et attendaient un retour sur investissement, comme c’était le cas dans les années 30.

L’agent de la CIA Michael Josselson, qui a œuvré à la division des renseignements de la Psychological Warfare Division en Allemagne, est le créateur en 1950 du Congrès pour la Liberté de la Culture (Kongress für kulturelle Freiheit), une officine de la CIA qui diffusait des financements vers des intellectuels et médias pro américains et pro-capitalisme comme André Malraux, André Gide, Denis de Rougemont, Raymond Aron en France. Ledit congrès était directement financé par la CIA.

En 1946 Josselson est revenu au « civil », et toujours à Berlin a occupé le poste d’officier des affaires culturelles, puis aux affaires publiques du Haut-Commissariat des Etats-Unis en Allemagne.

A ce poste, « il a été affecté au « filtrage du personnel » dans la presse, la radio et les médias de divertissement allemands, qui ont tous été suspendus en attendant l’élimination des nazis », écrit Frances Stonor Saunders. Des revues pro US ont été créées comme le mensuel Der Monat qui bénéficiait d’un financement direct de la CIA et visait à développer les liens entre les intellectuels allemands et US.

La fondation Ford, comme ce fut le cas en France, y allait aussi de ses financements, toujours raccords avec les intérêts du capitalisme US.

Nicholas Nabokov, ami de Josselon affecté dès 1945 (en même temps que l’économiste John Kenneth Galbraith) à la Morale division de la Strategic Bombing Survey unit US en Allemagne, a travaillé avec Josselon pour l’Information Control division où il a été affecté à la section « musique », avec l’objectif de « créer de bonnes armes psychologiques et culturelles avec lesquelles détruire le nazisme et promouvoir un authentique désir pour une Allemagne démocratique » et d’éjecter ceux qui n’étaient pas raccord de l’industrie musicale.

Il fallait à la fois intoxiquer les masses avec la propagande et neutraliser les velléités nationalistes dans le paysage musical allemand (ce qui n’était pas une mince affaire même si la notion de « dénazification » a été comprises avec une extrême souplesse[29]).

L’Allemagne a aussi eu son mouvement anticommuniste « Paix et Liberté », « Volksbund für Frieden und Freiheit » qui était dirigé par Eberhard Taubert, un ancien collaborateur de Goebbels. Il a été officiellement dissous en 1970 suite aux critiques sur le nombre de nazis présents parmi ses cadres, alors que le mouvement avait pignon sur rue.

Le monde de l’édition a été ciblé également : des programmes de publications des auteurs (US ou européens pourvu qu’ils soient anticommunistes) ont été mis en place, des tournées de promotion ont été organisées, et la Psychological Warfare Division se chargeait de traduire de bouquins de culture capitaliste US, comme « The New Deal in action », mais aussi des bouquins pour enfants, d’art ou de littérature classique US.

La franc-maçonnerie, comme partout, a été utilisée par les US dès la fin de la guerre avec la refondation et la création de nombreuses loges, pour disposer d’un réseau de renseignement et d’action. La Berlin 46 Outpost Lodge 895, loge internationale de langue anglaise, a été créée en 1946-1947 à Berlin de la fusion de différentes loges militaires, et est toujours composée d’expatriés anglophones, principalement US.

On y montait les échelons beaucoup plus vite que dans les « loges » civiles en raison de la durée relativement courte de stationnement en Allemagne : juste après la guerre, elle était principalement composée des militaires US francs-maçons qui étaient là, puis les horizons professionnels se sont diversifiés (business, recherche, diplomatie, finance) …

Le Gladio local était encore opérationnel dans les années 80, même si officiellement les effectifs étaient fortement réduits et le groupe action aurait été dissous en 1983. Il ne serait plus resté alors que la section « renseignements ».

Et en 1990, « les postes du BND pour la gestion de l’organisation ont été réduits à 35« , expliquait Der Spiegel du 19 novembre 1990. Mais, soulignait le quotidien, « Les unités de sabotage de l’OTAN existent toujours, contrairement à ce que suggère le rapport Jung ils ne sont en aucun cas dissous ».

Pourtant, en 1981 encore 33 caches d’armes avec des armes chimiques notamment ont été découvertes dans le pays. Il a été dit qu’elles avaient été mises en place par le militant fasciste Heinz Lembke qui entrainait ses troupes dans la forêt. Lembke a en tout cas été retrouvé suicidé dans sa cellule le 1er novembre 1981, la veille d’une deuxième audition devant un procureur lors de laquelle il devait expliquer qui utilisait ces armes[30].

Il était aussi cité dans le dossier de l’attentat de la fête de la bière le 29 septembre 1980 qui a fait 13 morts (dont le poseur de bombe) et plus de 200 blessés, pour avoir refourgué des explosifs provenant de ces caches à un groupe paramilitaire d’extrême droite, le Wehrsportgruppe Hoffmann (groupe de sports de défense Hoffmann). Or, c’est justement vers ce groupe de néo nazis qu’a mené l’enquête sur l’attentat.

Enquête qui n’a jamais débouché sur la condamnation des responsables, et qui a été classée sans suite par la justice en 1982.

Plusieurs observateurs ont fait le lien entre Lembke et le stay-behind. « Sur l’ensemble des armes découvertes dans les arsenaux souterrains, on ne put déterminer l’origine que de trois. Elles provenaient d’une firme privée qui fournissait l’armée allemande et l’OTAN« , écrit Daniele Ganser.

En 1995 une nouvelle affaire de caches d’armes de groupuscules d’extrême-droite a percé dans les médias : un néo nazi dénommé Peter Naumann, expert en explosifs et proche de Lembke par le passé [31], a été désigné plusieurs caches d’armes et munitions. Ledit Naumann était impliqué dans plusieurs attentats et les armes venaient de stocks de l’armée (ce qui a valu une amende à un officier de l’armée qui approvisionnait le groupe). Plus de 200 kilos d’explosifs ont été retrouvés dans les caches d’armes, ainsi que de sgrenades, des mines, des fusils, armes de poing et munistions.

D’ailleurs, le terrorisme d’extrême-droite est considéré comme le danger n°1 en Allemagne actuellement, notamment en raison de son « infiltration » des forces de l’ordre et de l’armée. En réalité il y a une porosité historique entre les « forces de l’ordre » et l’extrême-droite, comme on vient de l’expliquer, et tout a été fait pour en arriver là.

Et les groupes d’extrémistes de droite multiplient les attentats, toujours plus nombreux d’année en année depuis les années 70 : plus de 20.000 attaques diverses et variées ont été recensées rien qu’en 2020 [32].

Les groupes néo nazis se sont multipliés au niveau local et national jusqu’à aujourd’hui: Junge Nationaldemokraten (Jeunes Nationaux Démocrates) qui était la branche jeunesse du NPD (Parti National Démocrate à l’extrême-droite), Der Stahlhelm – Kampfbund für Europa (Le Stahlhelm – Ligue de combat pour l’Europe), l’incontournable Blood & Honour, le Gesinnungsgemeinschaft der Neuen Front (GdNF, communauté du nouveau front qui était la tête de pont du NSDAP-AO), le  Nationalsozialistischer Untergrund (NSU, parti national socialiste clandestin), Sauerländer Aktionsfront…

La plupart cherchent à s’armer et beaucoup sont passés à l’action. Les armes qui ont pu être retrouvées lors de perquisitions après des attentats sont des armes de guerre  et des exploosifs puissants. Par ailleurs, on observe que certains leaders de ces groupuscules sont proches des renseignements allemands, et que ceux-ci y rémunèrement de très nombreux « informateurs ».

Un groupe de gauchistes allemands antifascistes constate : « Quand des organisations sont créées par des néo-nazis en Allemagne, les forces de sécurité ont presque toujours la main dans le pot de confiture « .

Beaucoup de leaders de ces mouvements étaient des informateurs rémunérés (parfois l’équivelent d’un salaire ainsi que de quoi développer leurs activités) par les rensiegnements et/ ou l’office pour la protection de la constitution. Il y a des dizaines de cas recensés par les organisations de gauche.

Le NSU dont certains membres ont commis une dizaine de meurtres d’étrangers et de braquages de banques dans les années 2000 était suivi de tellement près par les renseignements que cela pose question.

Les trois tueurs identifiés ont reçu l’aide d’informateurs connus du BND, comme Tino Brandt, reponsable du NPD qui était grassement rémunéré par les renseignements depuis 1994. En 2000 il a reçu 2000 marks des renseignements, qui ont servi à payer les faux passeports des trois tueurs.

Ils ont été aidés par Blood & Honour, dont le reponsable en Thuringe Marcel Dienel était aussi un indic des renseignements, qui a collecté de l’argent pour leurs opérations en organisant des concerts « secrets », et leur a fourni armes et munitions.

Les renseignements allemands étaient par ailleurs au courant des activités des trois terroristes depuis la fin des années 90, mais les ont laissés faire pendant des années, jsuqu’en 2011 quand Beate Zschäpe s’est rendue à la police après avoir fait exploser le GQ du groupe.

Le  NPD qui est un parti officiel, est complètement infiltré par les renseignements, certains ont avancé le chiffre de 130 taupes dont certaines dans des postes importants. Il y a aussi eu les cas Carsten Szczepanski et Toni Stadler, deux informateurs rémunérés des renseignements régionaux du Brandebourg et de l’office pour la protection de la constitution, qui ont créé des groupes d’activistes néo nazis dans les années 90, dont certains ont commis des attentats [33].

S’il n’a pas été interdit par la cour constitutionnelle fédérale en 2003, c’est seulement parce que l’office de protection de la constitution était mouillé jusqu’au cou dans ses activités. Les juges ont en effet expliqué que les juges ont expliqué que la présence de ces nombreux informateurs au niveau de la direction du NPD constituaient un « obstacle procédural inamovible« .

On constate que la stratégie de la tension n’a jamais cessé: le modus operandi est toujours le même et l’omerta aussi.

Les services allemands ne semblent toujours pas autonomes par rapport aux services US qui ont toujours surveillé de très près les services allemands, même après la chute de l’URSS et du mur de Berlin. Quant à l’espionnage commun germano US, il a encore été exposé par Edward Snowden en 2013 : depuis un accord secret signé en 1970 [34], le BND et la CIA ont organisé un puissant système d’espionnage électronique des leaders politiques européens, officiellement « amis », via une société basée en Suisse appelée Crypto AG qu’ils ont créée pour l’occasion.

Cette charmante entreprise qui n’a été liquidée qu’en 2018 pouvait aussi louer ses services à des pays tels que le Pakistan, le Vatican, ou encore des dictatures latino-américaines.

Depuis 2001, le BND a aussi protégé la CIA pour ses arrestations et transports illégaux de prisonniers illégaux, interpellés arbitrairement n’importe où dans le monde et expédiés à Guantanamo où les US leur lavaient le cerveau.

Le cas de l’Allemagne est révélateur de la mainmise de la CIA sur la politique intérieure allemande dès la fin de la guerre. Le réseau stay-behind s’y est très vite confondu avec les renseignements officiels d’un côté, et avec la mouvance nazie puis « néo-nazie » qui ne cesse de se développer. Comme en france, alors que les autorités se focalisent sur un mytique terrorisme d’ « ultra-gauche », l’extrême-droite a les mains libres. Et on constate qu’en Allemagne, les groupuscules néo nazis sont aidés et financés par les renseignements.

Notes :

[1] Cf. « The Bormann Brotherhood »  de William Stevenson.

[2] Cf. « La revanche des nazis » de Pierre Mariel.

[3] Cf. « Foundations Of The Anglo-American Financial Empire: The secret story of world war II Japanese and Nazi gold » de David Guyatt, 2005, dans World Affairs: The Journal of International Issues World Affairs: The Journal of International Issues.

[4] Cf. « Die Organisation Gehlen und die Verteidigung Westdeutschlands »  d’Agilolf Keßelring.

[5] Supervisé par Martin Bormann, il était basé à Dachau et avait des ramifications dans tous les pays d’Europe, en Egypte, aux USA, qui étaient souvent pilotées par des nazis et ont ensuite perduré sous d’autres noms comme Die SPinne ou Edelweiss.

[6] Cf. Gérard Desmaretz dans « Stay Behind. Les réseaux secrets de la guerre froide » (livre de droite).

[7] Cf. « La mafia des SS » de Victor Alexandrov.

[8] Von Bolschwing s’est notamment chargé de négocier en 1933 l’accord Haavara avec les organisations juives pour assurer l’immigration de Juifs allemands en Palestine en laissant tout derrière eux. Il y est resté quelques années, le temps d’organiser un milices sioniste appelée la Haganah et des groupes armés nationalistes arabes pour attaquer es anglais qui dominaient alors la région.

Toute cette agitation des nazis a commencé à inquiéter certains pays alliés, qui voyaient là une très mauvaise publicité et un risque pour les systèmes politiques en place. Quelques coups de pression ont donc été mis pour que cette internationale nazie de fasse plus discrète, avec quelques arrestations de nazis notamment.

[9] Cf. Nicolas Lebourg, « Les nazis ont-ils survécu ? », p.83.

[10] Cf. « The Nebula, a political murder traces back to NWS’absolute power » de Walter J.Baeyens.

[11] Dès 1949, les US avaient identifié le grand potentiel des militaires nazis pour remplir les rangs de leur « armée secrète », et le Pentagone a ordonné au tout nouveau Counter Intelligence Corps recruter les profils les plus performants à des fins de lutte contre les communistes et la gauche en général.

[12] Dans les années 30 Elmer Bobst, membre de l’ordre de Malte, dirigeait la branche US du labo Hoffman – La Roche qui faisait partie du cartel IG Farben largement financé par Wall Street. C’est lui qui a poussé Nixon à lancer en 1971 la « lutte contre le cancer » à coups de millions de dollars. La même année,  le National Cancer Institute dans quel il était influent a déménagé juste à côté de Fort Detrick, le principal labo militaire de recherche sur les armes biologiques.

[13] Cf « Eagle and Swastika: CIA and Nazi War Criminals and Collaborators » de Kevin Conley Ruffner, p. 327.

[14] Cf. « Les armées secrètes de l’OTAN » de Daniele Ganser.

[15] Le groupuscule recevait aussi 50.000$ par mois ainsi que des armes, munitions et explosifs, de la part des US. Le groupe a été mis à jour, il y a eu un mini scandale, et il a été interdit dès 1953.

Carte d’identité de l’armée américaine de Gehlen avec alias

[16] En 1951 Gehlen et Schnez ont signé un accord d’échange des informations obtenues par l’organisation Gehlen d’un côté, et la Schnez Truppe de l’autre, qui avait semble-t-il un excellent réseau de renseignement.

[17] Un rapport fort élogieux a été rédigé par les services de renseignements au sujet de ce « fonctionnaire excellemment qualifié ». Mais il a connu des difficultés quand a été révélé son rôle dans l’organisation de la répression d’un groupe de SS considérés comme des dissidents par Hitler en 1944.

[18] Barbie a été officiellement « retrouvé » en 1972 par des anti-nazis et extradé en France en 1983, pour son procès pour crimes contre l’humanité qui a eu lieu en 1987.

[19] Un article du 17 janvier 2011 paru dans le Figaro suite à la déclassification d’archives de la CIA précisait au sujet de la collaboration Barbie – BND : « Barbie a livré environ 35 rapports aux services allemands. Il a perçu un premier versement de 500 deutsche marks en liquide. Puis des honoraires lui ont été versés régulièrement par le BND sur un compte établi dans une banque de San Francisco, aux États-Unis. Quelques semaines après avoir été recruté par les services allemands, Barbie a pris la tête de la succursale bolivienne d’une entreprise dont le siège était à Bonn, capitale de l’Allemagne de l’Ouest, vendant du matériel militaire superflu de la Bundeswehr, l’armée allemande. Il était alors chargé par le BND de donner des indications sur d’éventuelles pénuries d’armes et de munitions en Bolivie, indique le journal ».

[20] L’Argentine était à l’époque, et surtout sous Peron de 1946 à 1955, très favorable à l’accueil des Nazis, à la fois par sympathies politiques et par intérêt financier. Mengele est ainsi arrivé à Buenos Aires le 20 juin 1949. Il a pu voyager dans tout le continent et même au-delà sans être inquiété. Il est retourné plusieurs fois en Europe durant les années 50 et 60, dont deux fois en Allemagne où sa famille d’industriels avait toujours pignon sur rue. Quand Peron a été éjecté du pouvoir, Mengele est allé vivre au Paraguay (sous son vrai nom) où le général Stroessner assurait bon accueil aux nazis.

[21] La Croix-Rouge Internationale a contribué à l’exfiltration de nombreux nazis en lien avec le Vatican, notamment l’archevêque Aloïs Hudal, proche de Pie 12 et Paul 6 et grand admirateur du 3e Riech. Hudal a notamment fait évader Eichmann et Stangl. Le Vatican a aussi opéré en lien avec l’Ordre de Malte.

[22] Cf. « Les armées secrètes de l’OTAN » de Daniele Ganser. « Quand le stay-behind allemand fut découvert, Lüth fut caché par les Américains, il put ainsi échapper à la justice et disparut sans laisser de traces. Un ancien camarade d’école de Lüth, Erhard Peters, occupait lui aussi des fonctions de premier plan au sein de l’armée secrète. L’homme fut nommé à la tête du Technischer Dienst en raison de ses compétences en matière de communications radio et d’opé-rations de guérilla », explique Ganser.

[23] Andreas Baader s’était entrainé dans des camps palestiniens, et est rentré en RFA avec l’idée de faire la révolution. Il a fait partie des membres arrêtés en 1972 et s’est suicidé en octobre 1977 avec plusieurs autres membres emprisonnés, à l’échec d’une prise d’otage dans un avion la Lufthansa, en échange de leur libération. Le groupe a continué sans lui pendant les années 80.

[24] Cf. « Operation Gladio The Unholy Alliance between the Vatican, the CIA, and the Mafia » de Paul L. Williams.

[25] Cf. « Operation Gladio The Unholy Alliance between the Vatican, the CIA, and the Mafia » de Paul L. Williams.

[26] Cf. « La revanche des nazis » de Pierre Mariel. L’auteur explique que 12 des 18 membres du comité directeur du NPD étaient des membres du parti nazi, comme l’ex « directeur éducatif » des Jeunesses hitlériennes ou un ancien chef de commando SS.

[27] Werner Naumann n’est resté en prison que quelques mois avant que les charges contre lui ne soient abandonnées. Il faut dire qu’il avait des contacts intéressants dans l’internationale nazie.

[28] Voir les parties de cette saga dans le chapitre « Recyclage des Nazis et Collabos dans les nouvelles structures » : 1) Les services sercets  2) La banque et l’industrie  3) La politique et les syndicats 4) Le monde universitaire  5) Les médias et la culture  6) La justice

[29] En 1947 certains musiciens étrangers s’étonnaient du nombre de nazis notoires qui pullulaient encore dans le monde de la musique en Allemagne, bien qu’ils soient passés par la commission de dénazification qui n’avait rien trouvé à leur reprocher ou si peu.

[30] Cf. « Les armées secrètes de l’OTAN » de Daniele Ganser.

[31] Lembke et Naumann ont commis un attentat ensemble en 1978, en mettant une bombre devant un monument antifasciste à Rome. Naumann est impliqué dans une série d’attentats par explosifs depuis les années 70. En 1988 il a été condamné pour un attentat et la préparation d’attentats, à seulement 4 ans de prison, mais a pu sortir au bout de 2 ans et reprendre ses activités.

[32]  Un article d’Euronews du 05/05/2021 expliquait :  « 23 604 : c’est le nombre d’attaques attribuées à l’extrême-droite qui se sont déroulées en Allemagne en 2020. Cela représente une hausse de 5,7% par rapport à l’année précédente et un chiffre record depuis la mise en place des statistiques il y a 20 ans. Ces crimes vont de l’incitation à la haine raciale, aux saluts hitlériens, en passant par les assassinats ».

Par exemple, Szczepanski a été recruté en 1994 par les renseignement du Brandebourg, alors qu’il était en prison pour un bon moment suite à l’assassinat d’un Nigérian. Bizarrement, il est sorti de prison dès 1997, et a ouvert dans une petite ville d’Allemagne de l’est un magasin et une maison d’éditions pour des publications et musqiues néo nazies. Il a alors joué un rôle important dans la mise en place d’un réseau d’organisations néo nazies dans ce secteur et est devenu président de la branche locale du NPD avec des responsbailités au niveau national.

Quant à Toni Stadler, qui tenait un autre magasin de musiques néo nazies, c’est grâce à l’argent des renseignements qu’il a financé et lancé le groupe de musique néo nazi « White Aryan Rebels » qui appelait à commettre des actes pédocriminels et à violer et tuer les étrangers, les Juifs et les anti-nazis. C’est un autre agent infiltré qui organisait la distribution.

[34] Ce système d’espionnage a été appelé « opération Rubicon » par le BND et « Opération Minerve » par la CIA.

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