Secrets révélés

Le Projet ALSOS, à l’origine du projet Paperclip

Une opération de renseignement pour connaitre l'état et l'avancée des recherches nucléaires Allemande.

Durant toute la guerre, les Etats-Unis eurent l’incertitude constante, que l’Allemagne pourrait être en avance de deux ans dans le développement d’une arme nucléaire.

Tant que les Etats-Unis n’avaient pas plus de renseignements, ils devaient supposer que l’Allemagne nazie était en train de travailler sur un programme nucléaire, qui serait en avance sur le leur. Par conséquent, il était essentiel pour les autorités Américaines d’apprendre tout ce qu’elles pouvaient sur les progrès accomplis par l’Allemagne.

Cependant, le renseignement militaire classique par les voies normales (le G-2, le service de renseignements de l’US Army; l’ONI, Office of Naval Intelligence; et l’OSS, Office of Strategic Service) semblait insuffisamment préparé pour enquêter sur cette question.

D’une part, dû au fait que le secret autour du Projet Manhattan devait être total et si complet, que même les organismes de renseignements militaires, ne devaient pas être au courant de la moindre chose, concernant le projet Américain. Et d’autre part, ils n’auraient pas la compétence scientifique nécessaire pour être en mesure d’analyser et de pouvoir évaluer les éventuels progrès Allemands.
Il fallait donc créer un nouvel organisme de renseignements (et de centralisation des informations recueillies), exprès pour aider et rassurer le projet Manhattan.


La création du Projet Alsos

La solution s’est présentée en septembre 1943, lorsque le général Marshall suggéra qu’une opération de renseignements séparée, directement sous l’égide du « Manhattan Engineer District » serait mise en place. L’extrait suivant d’une note par le général George Marshall en 1943, a officialisé le projet et a établi la priorité des missions de l’opération Alsos:

« Bien que la majeure partie de l’évolution scientifique ennemie secrète est menée en Allemagne, il est très probable que beaucoup d’informations utiles peuvent être obtenues en interrogeant à ce sujet d’éminents scientifiques italiens en Italie… La portée de l’enquête devrait couvrir tous les principaux scientifiques militaires, sur l’évolution de leurs recherches et les enquêtes doivent être menées de manière à acquérir des connaissances de la progression de l’ennemi sans divulguer notre intérêt dans un domaine particulier. Le personnel qui entreprendra ce travail doit être scientifiquement qualifié à tous égards…

Il est proposé d’envoyer quand les Alliées occuperont l’Italie un petit groupe de scientifiques civils assisté par le personnel militaire nécessaire pour mener ces enquêtes. Les membres du personnel scientifique seront choisi par le Brigadier-Général R. Leslie Groves, avec l’approbation du Dr. Vannevar Bush et le personnel militaire être approuvé par son adjoint. Le Chef d’état-major et le personnel du G-2 doit être disponible pour lui… Ce groupe formera le noyau d’une activité similaire dans d’autres territoires ennemis occupés et des pays ennemis lorsque les circonstances le permettront. »

Le projet pris le nom de « Opération Alsos » et devint alors bel est bien un sous-projet du Projet Manhattan.

Le projet Alsos se décomposait en trois phases

Ce futur service de renseignements, au contraire des autres services précédemment cités, devait non seulement trouver des informations en amont, mais également serait obligé de se rendre sur le terrain, dès que cela serait possible. C’est pourquoi dès le départ, il avait été décidé que l’opération Alsos se déroulerait en trois phases (en fait, trois « missions militaires » distinctes, au fur et à mesure de l’avance Alliée):

Phase I – l’Italie;
Phase II – La France;
Phase III – l’Allemagne.

Le détachement d’origine était composée au départ d’un petit groupe de treize personnes, y compris des interprètes et six scientifiques.


Les membres de l’équipe étaient généralement familiers avec les programmes de recherche des Etats-Unis et de l’Angleterre et étaient capables d’obtenir par le biais d’interrogatoires, d’un recoupement et d’une analyse des informations, des renseignements scientifiques détaillés, sur l’avancée de la recherche atomique en Allemagne.

Les membres étaient dirigés par le lieutenant-colonel Boris T. Pash, commandant l’opération. Le Dr. Samuel Goudsmit sera ajouté à l’équipe, en tant que responsable de toute la partie scientifique. Par la suite, l’unité grandira tout au long de la guerre.

Le Bureau de Londres

En décembre 1943, un bureau fût ouvert à Londres pour faire la liaison entre le « Manhattan Engineer District » et les diverses agences de renseignements opérant en Europe occupée. Le bureau était commandé par le Major R. Furman et sera plus tard sous le commandement du capitaine K. Calvert (le major Furman retournera à Washington pour travailler avec le général Groves).

Le bureau était composé du capitaine George C. Davis, de trois WAC, « Women Auxilliary Corps » (le « corps des auxiliaires féminines » de l’US Army) et de deux agents du CIC, « Counter Intelligence Corps » (le contre-espionnage Américain).

L’objectif principal de ce bureau de liaison a été de centraliser le maximum de renseignements pour les trois « Missions Militaires Alsos » (France, Italie, Allemagne), en réussissant la localisation de près de cinquante scientifiques Allemands ainsi que de laboratoires et d’installations qui étaient soupçonnés d’être utilisés pour la recherche nucléaire.

La mission Alsos I – Italie

Les objectifs en Italie étaient d’obtenir des informations préalables sur les développements scientifiques de la recherche ennemie et d’être en possession de toutes les personnes importantes, les laboratoires et les informations scientifiques, dès que cela serait rendu possible, par les opérations sur le terrain.

La mission Italienne a d’abord été constituée à Alger le 14 décembre 1943. En plus du lieutenant-colonel Boris Pash, il y avait un autre officier, quatre interprètes, quatre agents du CIC et quatre scientifiques: le major William Allis, le lieutenant-Cdr. Bruce S. Vieille, le Dr James B. Fisk de l’OSRD, « Office of Scientific Research and Development » et le Dr John R. Johnson (aussi de l’OSRD).

En Italie, la mission n’a pu obtenir aucune information concluante sur les expérimentations en Allemagne des recherches sur l’énergie atomique, mais d’autres types de découvertes scientifiques qui y seront faite, seront d’une grande utilité pour les Alliés.

La mission Alsos II – France

Au cours de l’été 1944, le week-end qui suivi le débarquement en Normandie, le contingent augmenta avec l’arrivée de trente scientifiques, dont la plupart étaient officiers. En France, Alsos fera sept opérations sur le terrain.

Le 9 août 1944, des éléments avancés de la mission Alsos atterriront en France occupée et entreront dans la ville de Rennes. Plus tard dans le même mois, le lieutenant-colonel Pash, le capitaine Calvert et deux autres agents du contre-espionnage rejoindront les unités d’assaut de la XIIème armée, qui s’avança vers Paris (il parait que la Jeep de Pash sera le deuxième véhicule Américain à entrer dans Paris).

Un des principaux objectifs de la mission Alsos II était le Collège de France à Paris, où Frédéric Joliot-Curie avait son laboratoire. Joliot-Curie a volontiers répondu aux questions et a confirmé que c’était sa conviction que l’Allemagne « avait fait peu de progrès », dans la maîtrise de l’énergie atomique.

L’importance des informations ressortant des entretiens avec Joliot-Curie seront de connaitre les noms de plusieurs grands scientifiques Allemands qui avaient, soit visité ou avaient temporairement travaillé au laboratoire de Paris. Ceux-ci étaient: le professeur Erich Schumann, qui avait déjà dirigé la recherche Allemande sur l’uranium; le Dr Kurt Diebner, un physicien nucléaire; le professeur Walter Bothe, un excellent expérimentateur dans le nucléaire; le Dr Abraham Essau, le Dr. Wolfgang Gertner, le Dr Erich Bagge, et le Dr. Werner Maurer.

Au début de l’automne, Paris était entre les mains des Alliés et l’équipe Alsos II établira un siège pour sa mission. De là, plusieurs petites équipes Alsos travaillèrent avec les forces Alliées, pour commencer la recherche et la localisation des scientifiques Allemands.

Investissant toutes installations de recherche et de matériels connexes (comme l’uranium et l’eau lourde), et aussi d’archiver et d’étudier le contenu de tous documents scientifiques. La tâche la plus difficile était de repérer les scientifiques Allemands et le lieu de leurs recherches, même si le travail préalable du bureau de Londres les aida énormément.

Au moment de la seconde mission Alsos dans la France occupée, Horace Calvert avait réussi à obtenir des dossiers officiels Allemands de l’ensemble des scientifiques de haut niveau, et aussi où ils avaient travaillé et où ils avaient vécu.

Pendant les derniers mois de 1944, la mission Alsos s’avança en Allemagne. Les progrès furent temporairement arrêtés par la contre-offensive Allemande (la Bataille des Ardennes). La mission a utilisé ce temps pour analyser les milliers d’éléments d’information qui étaient en leur possession.

Des références persistantes à une petite commune Allemande de Hechingen donna lieu à croire que certain type de recherche seraient peut être concentrés à cette endroit. Et il s’avéra à ce moment que le sort de trois des plus éminents physiciens Allemands, Werner Heisenberg, Otto Hahn et Carl von Weizsäcker, était encore inconnu.

La mission Alsos III – Allemagne

La mission militaire Alsos III est entrée en Allemagne le 24 février 1945. Elle eu alors en soutient l’apport du 1269ème Engineer Combat Battalion. C’est à ce moment qu’une urgente préoccupation de leurs supérieurs, occupa une bonne partie de leur temps.

Les Américains avaient peur de ne pas apprendre des informations importantes, car des scientifiques et des installations pouvaient être aussi fait prisonniers par les Soviétiques, du fait de leur avance sur le terrain. Cela était la source de beaucoup d’intrigues de la part des Alliés, dans leur maneuvre pour avancer sur Berlin. En fait l’objectif principal des Américains n’était pas de prendre Berlin avant les Soviétiques. Leur priorité était de s’assurer, d’occuper les zones géographiques où ils savaient que se trouvaient des scientifiques et des complexes de recherche, importants pour les Etats-Unis, de par leurs activités de pointe et de haute technologie.

Par exemple, si une installation clé était dans la zone d’occupation prévue pour les Soviétiques. Il n’y avait aucune possibilité pour les Américains d’atteindre les personnels et les installations. Afin de remédier à cela, le général Groves a fait une demande au général Marshall pour que ces positions inaccessibles par les Américains soient détruites (non seulement pour contrer une éventuelle menace Allemande, mais aussi pour éviter qu’elles ne tombent intactes aux mains des Soviétiques).

Le 15 mars 1945, 612 forteresses volantes B-17, larguèrent près de 2000 tonnes de bombes sur les usines Auergesellschaft à Oranienburg, au nord de Berlin. L’usine fût totalement détruite.

L’opération Havre

D’autres maneuvres ont eu lieu, initiées par la mission Alsos. L’une d’elle est l’Opération Havre. Après la libération de la France, il avait été décidé de donner aux Français une « zone d’occupation » en Allemagne, qui leur sera finalement cédée. La zone destinée à être donnée aux forces françaises avait été désignée « American zone A ».

Des installations de recherche, y compris la recherche nucléaire réputée, dans le centre de la région de Hechingen se situait dans la future zone Française.

Le général Groves déclara: « Comme je l’ai vu, il ne saurait en être question, les troupes Américaines doivent y arriver. Ils nous faut être les premiers à arriver à cette installation vitale, car il est de la plus haute importance pour les Etats-Unis que nous contrôlions toute la zone qui contient les activités de l’énergie atomique Allemande… J’ai été obligé d’engager des mesures draconiennes pour accomplir notre but. »

La stratégie derrière l’Opération Havre, devait être d’une rapidité considérable, pour avancer et tenir la zone assez longtemps pour capturer les chercheurs, saisir les documents et supprimer tous les enregistrements ou copies disponibles, et détruire toutes les installations opérationnelles restantes.

L’opération a été lancée en avril 1945 et Hechingen a été prise le 24 avril. Pash pris un laboratoire de physique atomique et plusieurs scientifiques recherchés, dont Otto Hahn, Carl von Weizsäcker, et Max von Laue.

On y appris que Heisenberg, Gerlach, et quelques autres avaient quitté Hechingen deux semaines avant et se trouvaient peut-être à Munich ou à Urfeld, dans les Alpes Bavaroises.

Le 27 avril, les scientifiques Allemands ont été transférés à Heidelberg pour un nouvel interrogatoire, où l’emplacement des dossiers sur la recherche atomique a été révélé par von Weizsäcker. Ils étaient scellés dans un fût en métal qui avait été caché dans une fosse sceptique derrière la maison de von Weizsäcker.

Le colonel Boris Pash, (à droite) en Allemagne en 1945.

Alors que l’opération Havre était en cours, les enquêtes à Heidelberg portèrent leurs fruits. Il était devenu évident qu’il y avait deux groupes de travail en Allemagne sur la pile à uranium. Le premier, d’après les travaux de Kurt Diebner à Francfort et le second, à partir des travaux de Werner Heisenberg.

Le 12 avril, le laboratoire Diebner a été occupé à Francfort. Le 1 mai 1945, Gerlach a été capturé et Diebner le 3 mai. Simultanément, une opération conduite par Pash à Urfeld, permits de capturer Heisenberg et de confisquer des dossiers de recherche à Heidelberg.

Il y eu aussi la prise d’autres éléments liés à la recherche nucléaire Allemande, à Haigerloch, à Henchingen, à Bisingen, et à Tailfingen entre le 22 et le 26 avril.

La découverte d’un stock d’uranium en Allemagne, par la mission Alsos III

Il y eu d’autres importantes réalisations de Alsos III, dont une opération dirigée par le lieutenant-colonel John Lansdale (qui s’occupait auparavant de la sécurité à Los Alamos et avait été envoyé par Groves pour faire partie de la mission Alsos) dans une zone près de Stassfurt, en Allemagne. Après la saisie d’une mine de sel connue sous le nom de « l’usine WIFO », le 17 avril 1945, Lansdale et ses hommes découvrirent un inventaire de près de 1100 tonnes de minerai d’uranium.

Cette découverte aboutira à la note suivante du général Groves, responsable du Projet Manhattan, pour le général George Marshall, chef d’état-major:

« En 1940, l’armée Allemande en Belgique a confisqué et ramené en Allemagne environ 1200 tonnes de matériau de minerai d’uranium.

Tant que cela est resté cachée sous le contrôle de l’ennemi, nous ne pouvions pas être sûr, qu’ils pourraient se préparer à utiliser des armes atomiques. Hier, j’ai été informé par câble que le personnel de mon bureau avait repéré ce matériel à proximité de Stassfurt, en Allemagne, et qu’il était maintenant procédé à son expulsion vers un endroit sûr en dehors de l’Allemagne où il serait sous le contrôle total de l’Amérique et des autorités britanniques.

La prise de ce matériau, qui était essentiel pour obtenir des approvisionnements d’uranium disponible en Europe, semble réfuter définitivement toute possibilité d’une fabrication par les Allemands et toute utilisation d’une bombe atomique dans cette guerre. » 

Effectivement, avec l’occupation de l’Allemagne, les nazis ne pouvaient bien-sûr plus « faire de bombe atomique ».

Mais voilà, alors que le projet Manhattan peine à trouver de l’uranium, les Américains en trouvèrent plusieurs centaines de tonnes en Allemagne. Malgré les dires de Groves (« toute possibilité d’une fabrication par les Allemands et toute utilisation d’une bombe atomique dans cette guerre »), concernant une « utilisation », évidemment, en avril 1945 ça n’était plus possible.

Mais pour ce qui est de la « fabrication » et des recherches, « qui n’auraient jamais abouties », selon l’histoire officielle, et bien là, il faut se rendre à l’évidence, que rien n’est moins sûr (surtout si l’on tient compte des 560 kg d’uranium, visiblement enrichi, trouvés dans l’U-234).

D’ailleurs, dans une interview pour le New York Times en 1995, John Lansdale, interrogé au sujet de l’uranium du U-234 déclara que ce matériau, a finalement atterri dans les bombes de Hiroshima et de Nagazaki…

Les trois missions Alsos en Europe occupée avaient atteints leurs objectifs.

A la fin de la guerre en Europe, les unités Alsos avaient un effectif total de 114 hommes et femmes, comprenant 28 officiers, 43 hommes de troupe, 19 chercheurs, 5 employés civils et 19 agents du CIC. L’opération fût dissoute le 15 octobre 1945.

Tous les scientifiques Allemands capturés et interrogés par les unités Alsos, ont été envoyés à Farm Hall, en Angleterre. Avant d’être récupérés, pour certain, par l’opération Paperclip.

L’opération Paperclip (originellement appelée « Opération Overcast ») fut menée à la fin de la Seconde Guerre mondiale par l’état-major de l’armée des États-Unis afin d’exfiltrer et de recruter près de 1 500 scientifiques allemands issus du complexe militaro-industriel de l’Allemagne nazie pour lutter contre l’URSS et récupérer les armes secrètes du Troisième Reich.

Ces scientifiques effectuèrent des recherches dans divers domaines, notamment sur les armes chimiques (Zyklon B), sur l’usage des psychotropesnote, sur la conquête spatiale, sur les missiles balistiques et sur les armes à longue portée (bombes volantes V1 et V2).

Après la guerre, Pash servira auprès du général MacArthur à Tokyo en 1946-47 et sera ensuite nommé comme représentant militaire auprès de la CIA de 1948 à 1951.

Mais son rôle réel y sera en fait, d’être en charge d’un programme de la CIA, un projet de recrutement d’anciens nazis, pouvant être utilisés pour des assassinats et des enlèvements.

Après il servira comme officier des forces spéciales en Autriche et puis à Washington comme adjoint d’état-major du renseignement de la VIème armée, et prendra sa retraite en 1957. Il est décédé en Californie le 11 mai 1995.

Concernant les archives des missions Alsos, il faut savoir que encore de nombreux documents, sont toujours classifiés, malgré le délais légale des 25 ans, sur la levée du secret.

Pour ce qui est des « missions de renseignements scientifiques et techniques », l’opération Alsos deviendra un véritable modèle. Les inspecteurs de l’ONU pour l’armement nucléaire, appliquèrent scrupuleusement les méthodes de travail des missions Alsos, jusqu’en Irak en 1992.


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