La Roumanie est une république avec un régime semi-présidentiel, comme en France. L’élection présidentielle devait se tenir fin 2024 avec un second tour prévu le 8 décembre. Mais rien ne s’est passé comme prévu..
Marcel Ciolacu, premier ministre social-démocrate, partait favori dans les sondages, devant le candidat de droite George Simion. Mais un outsider, Călin Georgescu, a bouleversé la donne…
Quelques jours à peine avant les élections, le candidat de droite George Simion perd du terrain dans les sondages, au profit de Georgescu, qui se rapproche des 10% d’intentions de vote.
Călin Georgescu, ex fonctionnaire international, affiche un programme clivant, ex :
- Fin du soutien à l’Ukraine (qualifiée d’État « inventé »)
- Interdiction de la « propagande LGBT »
- Impôt sur les sociétés plafonné à 10%
Mais au-delà de ces propositions,..
Certaines déclarations de Georgescu sont particulièrement troublantes.
Alors qu’il tenait en 2020-21 des propos élogieux envers la Garde de Fer, organisation fasciste des années 1940, il nie désormais toute sympathie pour ce mouvement.
Mais il a aussi déclaré qu’il ne croyait pas que l’homme ait déjà marché sur la Lune, et que les raisons de l’effondrement du WTC le 11 sept. 2001 ne « pouvaient pas être révélées ».
Plus troublant encore, il dit avoir rencontré à l’ONU des êtres d’une espèce « non-humaine.
Malgré les polémiques et son retard dans les sondages, Georgescu crée la surprise et se qualifie pour le second tour face à la centriste Lasconi.
Contre toute attente, Marcel Ciolacu, premier ministre, et grand favori de l’élection, n’est pas qualifié.
C’est le choc.
Georgescu est alors accusé de ne pas avoir déclaré dans ses comptes de campagne des dépenses liées à de la diffusion de contenus sur TikTok.
Ses vidéos avaient en effet gagné en popularité, certaines dépassant le million de vues.
La Roumanie bascule alors dans la panique.
- Georgescu est accusé d’avoir été soutenu par la Russie, la Chine… et même par Israël !
- Des manifestations anti-Georgescu ont lieu dans tout le pays.
- La Cour Constitutionnelle refuse dans un 1er temps d’annuler le scrutin.
… puis elle change d’avis.
- Le 1er tour est invalidé, le 2e tour est annulé.
- Un entrepreneur en cryptomonnaies est notamment arrêté pour avoir financé de sa poche 380 000 $ de campagnes de promotion TikTok pour Georgescu.
Mais dans un pays de 19 M d’habitants, un compte TikTok à 246 000 abonnés peut-il vraiment faire basculer une élection ? Même boosté par une campagne à 380 000 $ ? Pour le prix de 7 fourgons électriques, peut-on vraiment propulser un candidat de 1% à 23% des voix ?
Est-ce que le succès de Georgescu ne repose pas aussi sur sa participation à 14 débats télévisés ?
Favori des sondages, Marcel Ciolacu, n’a souhaité participer à aucun débat. Ce n’était peut-être pas très judicieux.
Quant à l’implication personnelle de Georgescu dans la mobilisation suspecte observée sur TikTok, elle reste encore à prouver.
Fin décembre, l’enquête révèle ainsi que l’une des campagnes pro-Georgescu les plus virales avait en réalité été financée par le parti libéral (plutôt centriste) !
Ce parti finançait en effet une campagne décrivant les qualités du Président idéal, pensant les faire coller avec le profil de leur candidat.
- Mais des partisans de Georgescu ont repris ces vidéos pour décrire… Georgescu !
- Reste qu’il est très probable que la Russie ait soutenu la diffusion de contenus pro-Georgescu.
Mais malgré tout, la popularité de Georgescu explose dans la foulée de l’annulation des élections. Fort de 23% des voix au 1er tour (annulé), il est crédité de… 40% d’intentions de vote pour le scrutin suivant !!
Et ce n’est pas tout…
Son fameux compte TikTok n’explose vraiment que suite à l’onde de choc du 1er tour, passant de 246 000 à plus de 400 000 abonnés en quelques jours.
Désormais archi-favori de la Présidentielle, Georgescu est visé par une enquête du parquet général. Ses proches sont perquisitionnés. De l’argent liquide (plusieurs millions de dollars !) et des armes sont trouvés chez un de ses gardes du corps.
Le 26 février, il est placé sous contrôle judiciaire et interdit d’apparition médiatique pendant 60 jours.
Coup de théâtre le 6 mars : le parquet maintient le contrôle judiciaire, mais pas pour les chefs d’accusation que vous pensez…
Exit les « fausses déclarations » et « troubles à l’ordre constitutionnel » :
Le parquet indique qu’il n’existe une « suspicion raisonnable » que concernant le délit de promotion de personnalités fascistes.
Sont reprochés à Georgescu avant tout les fameux propos de 2020-21.. … et des références plus ou moins subliminales (« dogwhistles ») à des codes fascistes, lors de discours tenus pendant la campagne de 2024.
Dans la foulée, la candidature de Georgescu au nouveau scrutin de 2025 est rejetée.
Une autre candidature nationaliste, celle de Diana Șoșoacă, est retoquée par la Commission Electorale.
Motif invoqué ? Des déclarations « contraires aux valeurs démocratiques » et un « danger pour l’appartenance à l’UE et à l’OTAN ».
Dans les faits…
… il est vrai que Diana Șoșoacă est un personnage pour le moins « controversé ».
Outre des propos antisémites, elle a :
- accusé les États-Unis de provoquer des séismes avec une arme secrète
- suggéré que la Roumanie annexe, entre autres, la Moldavie.
Et maintenant ?
George Simion, leader de la droite roumaine, devrait logiquement se qualifier pour le 2e tour. Critique à l’égard de Poutine et plus modéré que Georgescu, Simion est aussi moins populaire. D’après les sondages, il serait battu au 2e tour par le libéral Nicusor Dan.
Mais à ce stade, la qualification de Nicusor Dan est loin d’être certaine.
Retenons 4 éléments inquiétants de cette séquence :
40% des Roumains se disaient prêts à voter pour un candidat :
- Soupçonné de fraude électorale
- Aux propos très très radicaux…
- … si ce n’est complètement loufoques !
Oui, la Russie essaie d’influencer la vie politique des démocraties européennes. Mais la crainte des ingérences peut se révéler aussi déstabilisatrice que les ingérences elles-mêmes.
Des gens habituellement très raisonnables peuvent très vite basculer dans une panique sans doute excessive, et être convaincus que des bots likant des contenus TikTok suffisent pour qu’un candidat passe de 5% à 23% d’intentions de vote en un mois.
Des gens qu’on pourrait juger très attachés à la démocratie ne rechignent pas à applaudir l’éviction d’opposants politiques de scrutins nationaux. Et ce, même s’il s’agit de l’archi-favori des sondages…
Quoi qu’il en soit, le dilemme moral est compliqué.
- Faut-il plutôt éviter que des candidats « farfelus » soient élus ?
- Ou faire confiance aux électeurs pour choisir en leur âme et conscience.
Georges Simion arrive largement en tête du premier tour de l’élection présidentielle en Roumanie ce soir, avec plus de 30% des voix.
Le candidat d’extrême droite George Simion est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle roumaine ce dimanche 4 mai, selon la presse roumaine rapportée par Cnews. Le candidat de trente-huit ans, qui se définit lui-même comme un « Trumpiste », aurait obtenu entre 30% et 33% des suffrages.
Ce scrutin, organisé cinq mois après l’annulation exceptionnelle du précédent vote, sera suivi d’un second tour prévu le 18 mai.
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