24/06/2024
Après une semaine de silence, de chagrin et de sidération, les parents d’A., 12 ans, kidnappée et violée par un groupe de garçons de son âge à Courbevoie (Hauts-de-Seine), ont accepté de prendre la parole. Ils ont choisi Le Parisien-Aujourd’hui en France pour témoigner du supplice vécu par leur fille aînée (…)
Comment se porte aujourd’hui votre fille ?
Le père. Elle est très choquée. Ses agresseurs lui ont volé son enfance. Ce choc lui provoque des réminiscences, des flash-back la nuit. Elle rencontre des difficultés pour s’endormir et subit des réveils nocturnes. C’est un quotidien assez pénible. Le lendemain qui a suivi les faits, elle a réussi à trouver les mots pour expliquer à la police ce qui lui est arrivé, ce qu’elle a vécu. Depuis, elle connaît plus de difficultés à se confier.
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Vos avocats ont parlé d’une « expédition punitive » dont votre fille a été la cible. Qu’avez-vous compris des « raisons » pour lesquelles votre fille a été visée ?
Le père. Pour moi, c’est un acte clairement antisémite qui est lié à l’importation en France du conflit israélo-palestinien. L’expédition punitive consistait à venir massacrer une personne parce qu’elle est juive.
La mère. D’après ce que nous avons compris, F. (le mineur de 12 ans) a dit à notre fille : « Pourquoi tu as menti ? Je sais que tu n’es pas musulmane… Alors, tu es de quelle religion ? » En fait, il avait appris que notre fille était juive et il en déduisait qu’elle était forcément « pro-Israël » et anti-palestinienne. La réalité est bien différente puisque notre fille, comme nous-mêmes, est pour le camp de la paix. Mais visiblement, ce F. n’a pas supporté le fait qu’elle ait pu lui mentir sur sa religion.
Dans quelles circonstances votre fille avait-elle indiqué qu’elle n’était pas juive ?
Sa mère. Après le 7 octobre, notre fille a subi un harcèlement dans son collège et une mise à l’écart du fait de sa religion. Cela a commencé dans le courant du mois de novembre par des saluts nazis, des croix gammées sur les tables à l’école ou des blagues sur la Shoah. Elle a perdu plusieurs camarades musulmanes de cette façon, sans que cela ne débouche sur des violences physiques. Dans ce contexte déjà très tendu, nous lui avions conseillé de rester prudente sur les questions liées à la religion. C’est pour ces raisons qu’elle a dû laisser entendre à F. quelques semaines avant les faits qu’elle était musulmane.
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La mère. Nous ne vivons pas un antisémitisme résiduel mais un antisémitisme pesant, visible, palpable. Notre fille l’a vécu dans sa chair à l’école avant de subir l’impensable le 15 juin.
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Qu’avez-vous pensé des réactions du monde politique ?
Le père. Il nous a été très pénible de voir comment notre « affaire » a pu être instrumentalisée par l’ensemble des partis politiques. Nous préférons rester éloignés de ce genre de sollicitations. En revanche, nous nous exprimons auprès de vous pour alerter les consciences des parents et des enfants, quelle que soit leur confession, pour que ce genre de drame ne se répète pas.
La mère. Nous ne cherchons pas à faire pleurer sur notre sort et sur le sort de notre fille. Nous voulons surtout que les consciences se réveillent et fassent la distinction entre un conflit extrêmement brûlant qui se déroule à l’étranger et les Français juifs de l’autre. Or, il y a selon nous un mimétisme entre les actes perpétrés par les terroristes du Hamas dans les kibboutz et ce que notre fille a subi en bas de chez nous à Courbevoie.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Le père. Notre fille a été saisie de force puis conduite contre sa volonté dans un local désaffecté à l’abri des regards et retenue pendant un temps très long, peut-être une heure et demie. Elle a été menacée à l’aide d’un briquet, ils lui ont fait avaler un papier, puis elle a subi des actes sexuels affreux tout en étant filmée. Il y avait de la part de ses agresseurs l’envie très claire de la détruire et de faire de sa vie un calvaire. Le sentiment d’impunité de ces garçons est d’ailleurs sidérant. Ils se pensaient vraiment à l’abri de poursuites et ont pu croire que notre fille serait tellement effrayée qu’elle ne dirait rien.
Pourquoi ?
La mère. Avant de la laisser repartir, ils lui ont fait jurer sur Allah de ne rien dire, qu’elle ne devait surtout en parler à personne, ni à ses parents ni à la police. Ils lui ont même demandé de se convertir à la religion musulmane.
Qu’attendez-vous désormais de l’enquête et de la justice en général ?
Le père. Nous attendons simplement que la justice reconnaisse comme des crimes ce que notre fille a vécu. Nous espérons aussi que la société française prenne pleinement conscience du niveau de violence et de haine dont des enfants de 13 ans sont capables à l’encontre d’un autre enfant, au prétexte qu’il est juif. Notre drame est aussi le signe d’une faillite collective de notre société qui se révèle incapable de lutter contre cet islamisme radical qui gangrène même l’esprit des enfants jusque dans ses formes les plus extrêmes.
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