Poursuivons notre saga. Après le recyclage des nazis, le stay-behind et l’instauration d’un régime mondial au service de la finance, abordons maintenant ce qui fait le ciment du système: la corruption.
La corruption a toujours existé et elle est inhérente au pouvoir. Les affaires politico-financières émaillent la vie politique française davantage que dans beaucoup de pays développés et j’ai l’habitude de qualifier ce pays de République fromagère. On va voir à travers une série d’affaires comment est gérée la République par ceux qui passent leur temps à nous faire la morale.
Dans cet article, on va illustrer par quelques exemples l‘existence d’un système de corruption qui est niché au coeur du pouvoir et n’a rien d’anecdotique même si c’est ce qu’on aimerait nous faire penser: les filtrs de la justice, des médias, des hiérarchies sont si efficaces qu’une affaire de corruption a très peu de chances d’arriver au tribunal. Surtout si personne ne balance.
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Pour le XXe siècle, on peut remonter à la retentissante affaire du canal de Panama[1], qui fut enterrée déjà à l’époque à l’aide d’une commission d’enquête parlementaire, ou encore à l’affaire Stavisky dans les années 30 [2], qui ont pour point commun d’impliquer des politiques dans des magouilles de détournement d’argent à grande échelle, et d’être restées relativement impunies excepté pour quelques lampistes.
Ces pratiques-là n’ont bizarrement jamais cessé et une grande partie de l’activité politique consiste à les dissimuler.
Le patronat a toujours eu ses caisses noires, et l’affaire de l’Union des industries de la métallurgie l’UIMM il y a quelques années a montré que les pratiques de financement occulte des syndicats et acteurs politiques n’ont pas cessé [3]. Mais d’où vient l’argent ? Des poches des salariés : caisses de congés payés du BTP depuis les années 50 [4], formation professionnelle aujourd’hui. Et surtout : une lutte contre les salaires pour tirer toujours plus de bénéfices.
Un système de corruption au service des partis et des politiques
Les politiques ont quant à eux pris l’argent partout où ils le pouvaient, qu’il soit d’origine légale ou illégale : de la mafia aux marchés publics en passant par le logement social, la création d’associations, les entreprises publiques (Elf…), les rétro-commissions, ce sont des milliards d’euros chaque année qui disparaissent des poches des citoyens.
Une fois que le « pognon » est dans les paradis fiscaux, il devient presque impossible à tracer ce qui garantit l’impunité. C’est pour cela que les paradis fiscaux ne sont pas près de disparaître.
Ces affaires dites « politico-financières » s’accompagnent d’une réduction des moyens de la justice, aussi bien sur le plan matériel que légal, car ce sont les politiques qui font les lois. Mais au-delà du détournement et de l’accaparement d’argent public, la corruption gangrène les démocraties en instaurant un système parallèle et les appauvrit.
En France après la guerre, la corruption a repris une ampleur institutionnelle avec la French Connection, qui comme on l’a vu était très liée au SAC, notamment à Pasqua et la société Ricard [5]. On va s’arrêter un peu sur le SAC, ce « service d’action civique » qui réunissait truands et anciens collabos autour des gaullistes, et qui était le service d’ordre du parti gaulliste.
Jacques Foccart, fidèle gaulliste depuis la fin de la guerre, a été l’architecte du SAC et de la Françafrique, ce système de rançonnement des citoyens des pays d’Afrique sous la coupe de la France. En même temps que le réseau du SAC a été mis en place, Foccart a créé des sociétés d’import-export un peu partout à l’étranger, et le SDECE (les renseignements) a été mis à contribution pour organiser différentes magouilles et le financement du système gaulliste.
Le dénommé Thyraud de Vosjoli, ex chef d’antenne du SDECE à Washington[6] et fervent anticommuniste, a expliqué dans son « roman » à clés « Lamia »:
« Par l’entremise du SDECE, le régime de de Gaulle n’a pas seulement dissimulé de très importantes sommes d’argent en Suisse et dans d’autres pays étrangers ; mais, en plus, l’argent des impôts a servi à créer des sociétés industrielles et à acheter des participations dans de nombreuses affaires. Des gaullistes de confiance servent d’hommes de paille, on leur donne des situations élevées comme celle de directeurs et d’administrateurs, et ils reçoivent des traitements importants. Les bénéfices des sociétés sont utilisés à des fins politiques ou vont augmenter des fonds secrets […] la plupart des sociétés dirigées par le SDECE ont leur siège en France, et leur but est, généralement, de s’assurer le contrôle d’industries importantes : journaux, usines d’électronique, hôtels, maisons d’éditions, entreprises d’import-export, etc ».
Pas beaucoup de clés là-dedans, c’était la triste réalité. Mais le bouquin a été fortement attaqué.
Foccart était donc le chef d’orchestre des petites affaires illégales gaullistes, principalement en Afrique où il organisait aussi des coups d’Etat à l’occasion[7]. Celui qui n’a jamais été résistant contrairement à la légende qu’il s’est construite après la guerre[8], a rejoint à la fin de la guerre l’équipe rapprochée de de Gaulle qui lui a confié en coulisses les rênes du SDECE, les renseignements.
En 1951 déjà, le RPF (le « Rassemblement du peuple français », le parti gaulliste) a créé un comité financier sur lequel Pompidou avait apparemment la main [9]. Le budget du parti devait être « assuré par les cotisations et les souscriptions de ses membres« , ce qui était une originalité en ces temps où aucune loi n’encadrait le financement des partis.
Certes, il y a bien eu des souscriptions publiques, et très orientées vers les petits patrons, qui ont rapporté de l’argent. Mais :
« un certain nombre de donateurs fortunés effectuent des versements réguliers ou exceptionnels au RPF, soit au mouvement en tant que tel, soit sur l’un des comptes « particuliers » du général de Gaulle, qui s’en sert ensuite pour participer au cofinancement de l’organisation. L’un des plus gros contributeurs, Marcel Dassault, verse 100 000 francs par mois. Alain Griotteray, propriétaire des aspirateurs Tornado, donne lui aussi de fortes subventions.
Certains membres du conseil national du RPF sont eux-mêmes de gros donateurs, tel René Lucien, président de Messier, une firme de matériel aéronautique. Certains hommes d’affaires apportent leur contribution lorsqu’un trou de trésorerie doit être comblé en urgence, tel Émilien Amaury, le patron du groupe du Parisien libéré, qui achète pour 1 million de francs lors [d’une souscription] « à titre de provision pour nos frais ». D’autres se contentent de prêter de l’argent, tel le banquier Pierre Louis-Dreyfus en 1951″ [10].
Parmi les chevilles ouvrières importantes, ou les fusibles diraient certains, de ces réseaux de financement, il y avait un certain Jean Michard-Pélissier. Il n’a pas de page Wikipedia, mais ce riche avocat spécialisé dans les dossiers immobiliers a été conseiller municipal d’Antibes, député des Hautes-Alpes dans les années 30, conseiller de ministres de la IVe République, et puis en 1959 Chaban-Delmas l’a nommé au Conseil Constitutionnel, le placard doré.
Pourtant, Michard-Pélissier a touché « entre 500.000 et 2,5 millions de Francs en petites coupures » dans le cadre d’une grosse opération immobilière détruisant le littoral, selon des informations obtenues par le journal d’extrême-droite Minute -qui a été condamné pour diffamation en 1972 dans cette affaire[11]. Une avenue entre Antibes et Juan-les-Pins porte encore son nom.
Sous de Gaulle et après, l’Afrique a servi de tiroir-caisse occulte pour financer la vie politique française ainsi qu’à remplir les comptes offshore des politiciens.
Comme l’explique Frédéric Charpier dans « La CIA en France »:
« Une des spécialités de Foccart consiste à mettre en contact d’affaires les entreprises françaises et les chefs d’État africains : Francis Bouygues, le futur géant du BTP, ou Ambroise Roux, longtemps patron de la puissante Compagnie générale d’électricité, ont ainsi profité de l’entregent de Jacques Foccart et de ses réseaux ».
Sa diplomatie parallèle, dirigée directement à l’Elysée comme c’est encore hélas le cas, utilisait des sociétés d’import-export comme la Safiex, qui avait des filiales aux Antilles, pour organiser le trafic d’armes et financer le parti gaulliste.
« La Safiex, une société anonyme française d’import-export que Foccart a créée en 1946 et qu’il codirigera par la suite avec Ernest Cazelles, un ancien collaborateur de Guy Mollet, ainsi que quelques autres sociétés d’import-export qui lui sont associées profitent elles aussi du système. Durant de nombreuses années, elles s’illustrent dans le commerce des armes et participent au financement du mouvement gaulliste. Elles vont engranger au fil des ans un confortable trésor de guerre, que Foccart contrôle lui-même », explique Frédéric Charpier.
Comme il n’y a jamais assez d’argent, un système de fausses factures a rapidement été conçu et mis en place. Celui-ci reposait sur des entreprises privées liées au RPF qui réalisaient des études bidon payées très cher par des entreprises « amies » et reversaient une bonne partie de l’argent audit RPF. Un tas de grands patrons (Crédit Lyonnais, Simca, Rhône-Poulenc, Rothschild…) et de moins grands patrons ont versé leur obole via leurs entreprises pour que De Gaulle et ses copains arrivent puis se maintiennent au pouvoir. Très vite (et en même temps que le coût des campagnes augmentait de manière exponentielle), ces « souscriptions » sont devenues, en étant dissimulées dans des marchés publics, de l’extorsion et de la corruption.
En 1965, alors que les Américains étaient très remontés contre De Gaulle, ils se sont dit que financer le « centre » allait leur permettre de l’affaiblir et d’augmenter leur contrôle sur la vie politique française.. Ils ont donc misé sur Jean Lecanuet pour qui de Gaulle était « un danger pour la France », qui a mené la première « campagne à l’américaine » (hyper marketing et sans vraiment de fond). Cette campagne a explosé les records de l’époque.
De son côté, le patronat a financé allègrement les partis de droite, qui défendaient d’autant mieux ses intérêts. Comme il a financé l’extrême droite dans les années 30, 40, 50, 60, et même 70 avec le financement d’Ordre Nouveau par l’UIMM (Union de la métallurgie).
En 1999 encore, le RPF de Charles Pasqua a reçu de l’argent issu des réseaux africains de Pasqua, notamment des propriétaires de Casinos qui faisaient dans l’évasion fiscale et le blanchiment
L’affaire de la Garantie Foncière, une pyramide de Ponzi était elle aussi organisée par de fervents gaullistes, dont l’ancien responsable des finances du service d’ordre du RPF, le député André Rives alias André Rives-Henrÿs. Elle a mis au jour une « République des copains » et le mélange des genres, avec la disparition de dizaines de millions de Francs. La Garantie Foncière promettait des retours sur investissement de 10 % par an pour des placements dans une Société Civile de Placement Immobilier (SCPI, statut créé en 1966) censée investir dans l’immobilier.
L’affaire, qui a démarré en 1969, a entraîné une crise dans le parti gaulliste et n’a pas aidé Chaban-Delmas à gagner les élections en 1974. Et elle a été jugée en 1974, avec deux lampistes condamnés in fine. C’est à ce genre de calendrier qu’on reconnait certaines interventions dans le cours de la justice. Une fois au téléphone, un des protagonistes lançait à un autre « N’oublie pas les 180 millions que tu as donnés pour la campagne électorale de Pompidou.« . Evidemment, tout le monde a nié.
Lors du procès, il y avait du gratin sur le banc des accusés :
« Parmi les 17 inculpés du procès se trouvent un ex-député, un avocat ayant appartenu au Conseil économique et social, un ancien journaliste, deux anciens directeurs de banque et des personnages qui après avoir touché à bien des commerces ont fini par débiter de l’épargne comme on vend des cravates à la criée » écrivait alors un journaliste du Figaro.
La Garantie Foncière a aussi permis à certains partons d’entreprise, comme les frères Willot (une famille du textile français), d’obtenir du cash pour développer leur activité en revendant des immeubles au prix surévalué de plus de 50% à la Garantie Foncière, qui gonflait ainsi son actif. La pratique était semble-t-il courante à la Garantie Foncière.
Un personnage montre assez bien l’ambiance de l’époque, c’est le dénommé Claude Lipsky, qui a joué un rôle central dans l’affaire de la Garantie Foncière. Ce fils de ferrailleur devenu patron de la Société Française des Ferrailles a été condamné en 1976 à 8 ans de prison dans une autre affaire d’escroquerie à plus de 6 millions d’euros (45 millions de Francs à l’époque) : l’affaire du Patrimoine Foncier, dont 8000 souscripteurs ont été victimes.
Il faut dire qu’on les a appâtés avec une publicité où figurait la photo de Pompidou, sans que celui-ci réagisse, ce qui a donné une caution à cette campagne de souscriptions.
Ce qui a valu à Lpisky, comme à d’autres avant et après lui, la qualification d’ « escroc du siècle » dans la presse.
On l’a retrouvé en 1987 dans une affaire de faux placements proposés à des militaires avec l’aide de deux militaires complices ainsi qu’à des retraités et commerçants auxquels il promettait des taux d’intérêt records de 20% par an. Là aussi, c’était une pyramide de Ponzi. Mais on ignore où est passé tout l’argent détourné, comme c’était le cas pour la Garantie Foncière et comme c’est généralement le cas avec les pyramides de Ponzi malgré de longues procédures judiciaires.
Lipsky, comme tous ces escrocs, faisait transiter l’argent par plusieurs sociétés implantées dans des paradis fiscaux. Le château de cartes s’est écroulé en 1998 quand il a eu des difficultés pour rendre leur capital à certains de ses « clients ». Moins de 10 ans après le début des SCPI, la plupart étaient passées par la case justice pour divers types d’escroqueries.
Henri Jannes, ex haut fonctionnaire dans les télécommunications, avait dénoncé l’achat de quantités de matériels défectueux à la compagnie Américaine ITT avec l’argent public. Il a ensuite aidé des victimes de ces nombreuses escroqueries couvertes par les milieux politiques qui en profitaient largement.
En 1973, Jannes a fait une liste de 8 scandales de son époque, où à chaque fois des millions d’argent public ont été détournés, dont la Garantie Foncière et le Patrimoine Foncier qu’on vient d’évoquer :
Le krach de la Banque de Nice en 1965:
Cette banque locale a fait faillite suite à un contrôle de la Commission de contrôle des banques qui a révélé des maversations. Des détournements ont laissé un passif de 60 millions de Francs. Après le fondateur et dirigeant de la banque qui a été retrouvé suicidé (noyé daans un lac), Louis Martinon-Maurel, qui avait créé la banque en 1932, le plus gros actionnaire était le président de la commission des Finances au Sénat (Alex Roubert, sénateur SFIO et ami de Martinon).
Et Roubert avait en plus touché un chèque de 170.000 F de la part de Martinon-Maurel et lui avait filé un coup de main pour poursuivre son arnaque.
Apparemment, Martinon était connu comme trafiquant d’or et a bénéficié, sinon de protection, d’une passivité bienveillante de la part des responsables des autorités de contrôle. Son passif a été évalué finalement à 20 millions de Francs (mais 70 millions au départ) et beaucoup d’ « épargnants » ont été lésés sans que la « justice » n’éclaircisse l’affaire malgré un procès en 1971. Les épargnants n’ont récupéré qu’environ 20% de leurs dépôts et investissements, et on n’a évidemment jamais su où étaient passés les millions.
L’affaire Trigano – Debré – Rothschild :
Debré tout nouveau ministre de la Défense en 1966, proche de de Foccart et du SAC, député de La Réunion, est intervenu auprès du ministère des Affaires étrangères pour que la France donne au gouvernement de l’île Maurice une grosse quantité de blé (la nourriture), « étant entendu que celui-ci ferait don en contrepartie d’un village-vacances au Club Méditerranée. Or cet organisme n’est pas un club véritable mais une société anonyme dirigée par M. Trigano, dans laquelle les Rothschild détiennent environ un tiers du capital« , précise Jannes.
Dans les années 60, le Club Med qui n’avait qu’une dizaine d’années a été renfloué par Edmond de Rothschild qui a pris 35% des parts.
Gilbert Trigano avait été contacté à la base par Debré pour implanter un club Med à La Réunion où les élus n’ont pas été emballés. Mais Trigano nlorgnait sur l’île Maurice, ce qui a convenu à Debré qui a fait appel au ministre des Affaires étrangères Maurice Schumann pour qu’il dise au ministre des Finances Giscard qu’il s’agissait d’un projet géostratégique. Les clubs ouvrent au début des années mais doivent être revendus dans les années 90.
C’est dans les années Mitterrand que le club a connu son apogée, puis Trigano et son fils ont été ejectés du groupe en 1997 par les actionnaires parmi lesquels Edmond de Rothschild. Et on notera que le Club Med a été dirigé dans les années 2000 6 2010 par Henri Giscard d’Estaing.
L’affaire du CADIR :
Une affaire dans laquelle le ministre des PTT et le secrétaire d’Etat aux affaires sociales ont créé une association destinée à recevoir 5 millions de Francs réclamés à un promoteur pour que son projet de 600 villas à l’île de Ré soit validé.
Dans « D comme Drogue », Alain Jaubert précise qu’un groupe de politiciens dont le maire de La Rochelle et le secrétaire d’Etat à l’Emploi a dit au promoteur de passer par cette association qui n’existait pas encore (le CADIR pour Comité d’Aménagement et de Développement de l’Ile de Ré, domicilié au bureau du secrétaire d’Etat au logement) et leur ami Gilbert Beaujolin [12] s’il voulait lancer le projet.
Mais Beaujolin a d’emblée réclamé une « commission » de 7% sur les recettes. Plus tard il a adapté la demande, réclamant le golf et le terrain d’aviation ou bien 5 millions de Francs. Le conflit entre les politiques et le promoteur qui refusait de céder s’est amplifié et l’affaire a fini en justice, où le promoteur a gagné en appel. Mais les politiques s’en sont bien tirés, seul le secrétaire d’Etat Dechartre a dû démissionner.
L’affaire du notaire escroc Delarue :
En 1961 son étude de Pantin qui a fait l’objet d’une inspection affichait un trou de 100 millions de Francs. Mais cela n’a pas dérangé la chambre des notaires et il a pu continuer à exercer. Si bien qu’en 1966 le trou s’élevait à 400 millions. En 1968 Jean-Pierre Delarue, proche ami du député des Hauts-de-Seine Claude Labbé, s’est même présenté aux élections législatives sur la liste du parti centriste de Giscard. Quelques années plus tôt, il avait avancé 600.000 F lors de la création de la Garantie Foncière, et finançait aussi l’UDR [13]. Autour de lui, il y avait plusieurs piliers du gaullisme.
Ses magouilles, dont on a dit qu’elles ont été organisées parce que Delarue perdait de l’argent au jeu et dans des placements spéculatifs, auraient fait 811 victimes dont le propriétaire du domaine de Villarceau ainsi que de nombreux aristos et bourgeois. Il a quand-même été condamné pour exercice illégal du métier de banquier et pour se smaversations à 11 ans de prison. Mais il en est vite ressorti pour raisons de santé. Là encore, on n’a jamais su où la plupart de l’argent s’était évaporé.
Au début des années 80, à nouveau, en pleine santé, il a tenté de poursuivre la chambre des notaires qui l’avait qualifié d’escroc et a même écrit au ministre de la « justice » de Miterrand Badinter. Et puis a été retrouvé mort le 24 juin 1983 d’une crise cardiaque mais avec une trace de coup sur le crâne. Son avocat a été kidnappé le 25 juin puis relâché au bout de quelques jours, apparemment marqué par l’épisode. Selon certains, Delarue a été « coincé » par des escrocs qui lui ont fait signer des actes en blanc.
Le scandale des abattoirs de la Villette :
Une affaire de 1 milliard de Francs dilapidés dans les abattoirs de la Villette, construits sous Napoléon 3 et qui appartenaient à la ville de Paris. En 1957 la décision de les reconstruire a été prise pour une estimation de 175 millions de Francs. Puis les élus du coin décident de mettre leur grain de sel et en 1960 le projet est chiffré à 230 millions, à la louche.
Le chantier qui a commencé en 1961 en incluant aussi un site industriel pour 360 millions de Francs au total, a pris du retard et en 1967 seulement deux bâtiments avaient été reconstruits. Au passage, une forte augmentation du coût du chantier entre les deux puisqu’en 69 quand il est livré, le projet devait coûter 600 millions.
Notons que ce gonflement des prix entre l’annonce pour obtenir le marché et la fin du chantier est une technique classique, utilisée encore aujourd’hui pour quasiment tous les gros chantiers de BTP ou même l’EPR. Mais dans des proprotions plus raisonnables tout de même.
En 1970 on chiffrait le tout à 1,2 milliard, le double de la dernière estimation. Finalement en avril 1970 il a été décidé de stopper le chantier et on a décidé de tout détruire excepté la grande halle de la Villette. Pour cela, il a fallu tout revendre à un prix bradé. La société d’économie mixte qui n’avait pourtant que des capitaux publics, censée gérer le projet, a dépensé sans compter[14] bien que la cour des comptes ait tiré la sonnette d’alarme dès 1967.
Un article du Nouvel Observateur de juillet 1972 sur quelques scandales expliquait au sujet de cette affaire :
« Avril 1971 : la commission d’enquête du Sénat rend public son rapport sur la Villette. En dépit de deux avertissements de la Cour des Comptes, la Société d’Economie mixte de la Villette (S.E.M.V.I.), que préside le député U.D.R. de Paris, Michel de Grailly, a procédé à six réévaltiations en sept ans. Le coût du projet a augmenté de 77,5 %. En un peu plus de dix ans, 950 millions (95 milliards d’anciens francs) ont été dépensés. Conclusion de la commission d’enquête : « Le renom et l’autorité de l’Etat pourraient ne pas résister à une seconde affaire de la Villette. » Pierre Marcilhacy, qui présidait cette commission d’enquête, a donné, le 30 juin, au cours d’un débat au Sénat, les noms de ceux qu’il considère comme les responsables, parmi lesquels M. de Grailly et quatre ministres de l’Agriculture : MM. Edgar Faure, Edgard Pisani, Robert Boulin, Jacques Duhamel« .
Evidemment, aucun des ministres n’a été inquiété, seuls trois hauts fonctionnaires ont été renvoyés devant une cour de discipline budgétaire. Une commission d’enquête a été mise en place par le Sénat et un bouc émissaire, Michel de Grailly, qui dirigeait depuis 1965 la société d’économie mixte en charge de piloter le projet, a été désigné (il a dû démissionner).
Les « 500 milliards du téléphone » :
L’ingénieur Henri Jannes a montré que chaque année pendant 5 ans l’Etat a versé 1 milliard de Francs en trop à des entreprises prestataires ou des fournisseurs d’équipements téléphoniques. Les surfacturations pouvaient s’élever jusqu’à 200 ou même 700%.
Jannes a tenté d’alerter plusieurs ministres et même Pompidou, en grande partie en vain. Mais grâce à lui, la société nationale du téléphone a commencé à moins gaspiller l’argent public et le téléphone a enfin commencé à être diffusé sur le territoire.
Etonnamment, les syndicats ont été presque silencieux sur cette affaire, qui a déjà révélé les méfaits du pantouflage, quand de hauts fonctionnaires ou politiques vont se faire rémunérer dans le privé après leurs fonctions publiques. Aujourd’hui, on les voit faire des allers-retours continuels au gré des pouvoirs en place.
On retrouve un certain nombre de politiciens Corses et du sud-est de la France dans de grandes magouilles immobilières en région parisienne, et plus précisément dans les Hauts-de-Seine, depuis les années 60. La plupart des anciennes mairies communistes, où vivaient des ouvriers dans les années 50, comme Nanterre, Puteaux, Levallois-Perret, sont passées à droite en même temps que les anciens pâtés de maisons ouvrières étaient rasés pour laisser place aux immeubles de bureaux.
On doit citer Charles Ceccaldi Reynaud (décédé en 2019), dont la fille Joëlle, maire LR de Puteaux comme son père, a eu quelques ennuis judiciaires qui se sont souvent bien terminés pour elle, même si on attend encore les suites de l’affaire des 102 lingots d’or stockés dans une banque luxembourgeoise pour laquelle elle a été mise en garde-à-vue et en examen en 2020 sous le chef de blanchiment de fraude fiscale.
Quant à son père, il a évité les procédures comme un parcours d’obstacles, et est mort avant le procès du marché truqué de la chaufferie de La Défense dans lequel il était un personnage-clé. En 2008, en pleine guerre contre Joëlle, il a balancé son compte non déclaré au Luxembourg, ce qui a entraîné la procédure. Le Canard Enchaîné a révélé qu’il avait été ouvert via une société-écran aux Iles Vierges, dont on a parlé dans la partie sur les paradis fiscaux, puis l’argent a été converti en lingots.
Le père Ceccaldi (1925-2019) avait commencé à la SFIO (ex-PS) puis s’est fait nommer directeur de l’office HLM de Puteaux en 1960 avant d’entrer au conseil municipal et de devenir maire en 1969. Et il a milité contre le rapprochement des socialistes avec les communistes.
En 1971, il s’est opposé au candidat socialiste Pierre Dardel dans une campagne ultra violente qui a culminé avec la mort par arme à feu d’un colleur d’affiches du clan Dardel.
« L’enquête piétine des mois », écrit Alain Jaubert dans « D comme Drogue », et « Les hommes de Ceccalci-Reynaud, parmi lesquels on compte plusieurs truands notoires et des membres du SAC, ne seront que très peu inquiétés ».
Le SAC, donc, pouvait aussi servir les « socialistes ».
Pour mener cette campagne qu’il a finalement gagnée, Ceccaldi avait été aidé en cela par Achille Peretti, mais de Neuilly, qui n’a pas présenté de candidat à droite à Puteaux. Avec Peretti, il avait organisé un système de détournement basé sur la spéculation immobilière : un prête-nom rachetait pour eux des immeubles à Neuilly et à La Défense, dont le prix grimpait en flèche.
Sur la grande époque des Corses dans les Hauts-de-Seine et de leurs magouilles immobilières ou contre leurs opposants notamment, je recommande le livre « 9-2 Le Clan du Président » d’Hélène Constanty et Pierre-Yves Lautrou, paru chez Fayard en 2007, car c’est de cette bande (Ceccaldi, Santini, Peretti, Balkany…) qu’est issu sarkoléon, comme Pasqua.
En 1976, Chirac est devenu le premier maire de Paris et a transformé la mairie en gigantesque pompe à fric pour ses futures élections et les caisses du RPR. Sur 4000 employés, 680 étaient francs-maçons à l’époque Chirac. L’affaire des emplois fictifs retentit encore à nos oreilles. Celles des faux électeurs, des HLM où les entreprises versaient 3 à 5% des marchés en liquide au RPR, des subventions à des associations satellites à Paris [15] et en Corrèze notamment, des billets d’avion payés en liquide, de l’achat du château de Bity par la fondation Pompidou, des marchés publics avec ce financier occulte, Jean-Claude Méry, sont restées mémorables.
Jean-Claude Méry avait déclaré en 2000 dans une vidéo avoir remis 5 millions de Francs en liquide à Chirac en 1986. Chirac est toujours passé à travers les mailles du filet, ou presque [16] (contrairement aux sous-fifres comme Tibéri, Michel Roussin membre de la GLNF et ex chef de cabinet de Chirac à la mairie de 1983 à 1993, Juppé tombé pour les emplois fictifs, Didier Schuller…)
Méry qui s’occupait de récupérer l’argent des entreprises pour le financement du RPR, a aussi dit qu’il a donné 3,5 millions au PS et 1 million au PC, le reste des 10 millions d’euros au total étant allé dans les commissions. Le système permettait aussi d’utiliser des entreprises liées aux différents partis politiques, qui réalisaient des surfacturations pour récupérer de l’argent qui finissait dans des paradis fiscaux.
Il a commencé à parler parce que le juge Eric Halphen commençait à s’interroger sur ses activités, affaire qui deviendra celle dite des HLM de Paris, et menaçait ses amis pour être protégé. Finalement il a été retrouvé suicidé. Didier Schuller a expliqué aux journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet dans « French Corruption » que Méry avait dit que s’il tombait il ferait aussi tomber Michel Roussin et Chirac.
Selon Schuller, c’est Sarkoléon alors soutien n°1 de de Balladur, qui avait appelé les services fiscaux pour dénoncer les magouilles des HLM.
De nombreux porteurs de mallettes de billets ont témoigné à diverses occasions, et les mallettes allaient toujours dans le même sens à cette époque : vers Chirac et sa garde rapprochée. Didier Schuller, un des porteurs de mallettes de cette époque, a expliqué à l’auteur de « French Corruption » à quel point la pratique de rémunération des politiques par les industriels était banale, comme il avait pu le constater au début des années 70 alors qu’il était au cabinet de Robert Boulin, ministre chargé des relations avec le Parlement [17].
Des pratiques fort anciennes et qui n’ont jamais vraiment cessé. Par exemple, les emplois fictifs ont continué sous Delanoë, Hortefeux fut ensuite le porte mallettes de sarkoléon dans les années 80 [18], puis ce fut Thierry Gaubert, conseiller de sarko à la mairie de Neuilly condamné en 2022 avec sa femme Hélène de Yougoslavie pour fraude fiscale et blanchiment de près de 9 millions d’euros qui s’est notamment occupé du financement de la campagne de Balladur[19]… On notera que Gaubert comme Hortefeux ont été en contact étroit avec le sulfureux Ziad Takieddine.
« Gaubert faisait le lien entre Sarko et les puissances de l’argent. Quand Sarko a récupéré Cécilia et qu’il a commencé à avoir des besoins de fric, c’est Thierry qui s’occupait de tout, avec un petit peu Hortefeux, aussi. Tout ce qui tourne autour de l’immobilier, notamment. Et avec Balkany, bien sûr. C’est Balkany, qui avait le contact avec les promoteurs, en particulier Denise Lasserre, décédée depuis [promotrice immobilière des Hauts-de-Seine proche de Balkany et en relation étroite avec sarko], et dont le fils est mort étrangement, en tombant d’un toit… », a expliqué Didier Schuller aux auteurs de « French Corruption ».
En parallèle de l’installation de Chirac à Paris, Pasqua s’est installé dans les Hauts-de-Seine [20], un territoire industriel et ouvrier qu’il va transformer en paradis des sièges de grandes entreprises et des cadres supérieurs. Il commence par organiser le redécoupage électoral du département pour réduire l’influence encore forte des communistes, et s’entoure de jeunes types aux dents longues comme Balkany à Levallois, Devedjian à Anthony, Sarko, Jean-François Probst ou l’indécrottable franc maçon André Santini à Issy-les-Moulineaux.
L’un des appuis les plus utiles de Pasqua était Etienne Léandri, un mafieux, ancien collaborateur des renseignements allemands et de la gestapo[21], qui s’est rapproché à la fin de la guerre de Lucky Luciano et de la CIA.
C’est d’ailleurs grâce à la CIA, dont il a rencontré le n°1 Allen Dulles plusieurs fois, qu’il a été blanchi en 1955 pour accompagner la « lutte anticommuniste » en France. Léandri s’est lancé dans l’immobilier et les affaires, et est devenu l’un des « conseillers » favoris de Pasqua, c’est-à-dire un porteur de grosses valises et courroie de transmission vers le SAC.
Tant que Pasqua était au sommet, Léandri a bénéficié d’une totale impunité. Léandri a ensuite été proche de Mitterrand et de son fils Jean-Christophe [22], notamment autour de l’affaire de l’Angolagate dans laquelle le fils Pasqua était aussi impliqué (790 millions d’euros de ventes d’armes à l’Angola qui était sous embargo et en guerre civile), et dans laquelle Pasqua a été souvent cité[23].
Léandri, qui gérait la SOFREMI par laquelle ont transité les commissions et rétro commissions liées aux divers contrats négociés « pour la République » (on va en parler plus bas), était en effet en liens d’affaires –et d’amitié- avec Pierre Falcone, le marchand d’armes au cœur du scandale. C’est aussi Léandri qui a initié le fils Pasqua à l’art des marchés d’armes. Pierre-Philippe Pasqua a pris la fuite avant d’être jugé pour des pots-de-vin dans cette affaire et dans l’affaire Alstom et de prendre une misérable année de prison ferme –il a donc échappé à la prison.
Léandri était aussi proche, cela va sans dire, de Jean-Charles Marchiani, fidèle bras-droit de Pasqua, et des réseaux du SAC en général.
Mais comme Léandri est mort en 1995, Pasqua, qui était poursuivi pour trafic d’influence passif et recel d’abus de biens sociaux, a été relaxé en 2011 à l’issue du procès en appel. L’Angolagate, ce sont près de 800 millions d’euros d’armes issues de l’ex URSS vendues d’occasion au pouvoir angolais (le « président » Dos Santos), entre 1993 et 1997, de manière totalement illégale mais avec l’appui des réseaux Pasqua qui était alors ministre de l’Intérieur.
Les mêmes armes avaient été achetées moins de 300 millions d’euros. Ce pays aux nombreuses ressources vivait alors dans une guerre civile incessante.
Ont été cités dans ce dossier : les deux vendeurs d’armes Pierre Falcone (devenu ambassadeur de l’Angola auprès de l’Unesco) et le libanais Arcadi Gaydamak, Pasqua et son fils, le fils Mitterrand, les deux lieutenants de Pasqua Jean-Charles Marchiani et Bernard Guillet, ou encore Paul-Loup Sulitzer, le patron de RMC Jean-Noël Tassez et le fidèle conseiller de Mitterrand Jacques Attali (qui a été relaxé dans l’affaire d’une étude réalisée pour 1,5 million de Francs au sujet de micro-crédit en Angola et celle des « cadeaux de noël » offerts à Falcone) [24].
Lors du procès en 2008, le fiston Mitterrand (condamné) s’est écrié : « Si je m’étais appelé Alain Minc ou Jacques Attali, j’aurais touché beaucoup plus « (il n’aurait touché que 14 millions de Francs pour des « conseils »). Certes, mais papa était mort, et le PS était déjà passé à autre chose.
Il est vrai que sous Mitterrand, les rétro-commissions sur les ventes d’armes à l’Afrique ont « explosé » selon le marchand d’armes Claude Leboeuf, connaisseur de la place, interviewé par Le Parisien en mai 2001.
Revenons en 1995, qui était aussi l’année de la campagne où Balladur et Chirac se sont affrontés. Chacun a donc cherché des millions pour sa campagne (et les deux ont largement dépassé les plafonds de dépenses autorisés), ce qui, comme avant chaque grande échéance électorale, a mené à diverses magouilles dites « politico-financières ».
Et le fidèle Léandri était à la manœuvre :
« Cas pratique avec l’affaire de la Sofremi (Société française d’exportation de matériels, systèmes et services relevant du ministère de l’Intérieur), une des plus consternantes du genre. Entre 1993 et 1995, sous le gouvernement Balladur, elle a fait exploser le montant des commissions (entre 15 et 24 %) lors de la vente de matériel policier en Argentine, en Colombie et au Koweït. À la manœuvre, Étienne Léandri encaissera pour sa part 20 millions de francs, avant d’en reverser la moitié à Pierre-Philippe Pasqua, fils de son père, l’autre à Jean-Jacques Guillet, éditeur du très pasquaïen Quotidien du maire.
Lors du procès de la Sofremi, en 2007, son ancien président Bernard Dubois ne pourra que déplorer : ‘Je ne trouvais pas normal que le ministère de l’Intérieur me demande de piller la trésorerie, mais je n’ai pas voulu m’y opposer’ », expliquent les auteurs de « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République« .
Au début des années 90, quand Pasqua était ministre de l’Intérieur, la Sofremi (« Société française d’exportation de matériels, systèmes et services », créée par Pierre Joxe en 1985 et chargée des exportations d’armes de la police pour le compte de l’Etat), servait donc à financer son parti et ses copains à travers des rétrocommissions élevées, autour de 15% du montant total des marchés. Son fils Pierre-Philippe a pris à 1 an ferme en appel en même temps que Pierre Falcone, en 2009. Ils ont aussi eu une amende de 350.000€ chacun, pour des versements de commissions de 36 millions de Francs par la Sofremi.
https://youtu.be/wmPCq5Ch0zY
(Documentaire : Mafia et République – épisode 3)
Pasqua quant à lui n’a été jugé qu’en 2010, à un âge déjà bien avancé et ne risquait de toute manière pas grand-chose (il a pris 1 an avec sursis pour « complicité et recel d’abus de biens sociaux » c’est-à-dire quasiment rien). Au cinquième jour de ce procès, le 22 avril 2010, Le Nouvel Obs précisait :
« L’ancien ministre est soupçonné d’avoir été l’ordonnateur d’un système de commissions et de rétrocommissions qui ont bénéficié à personnalités de son entourage. Il est poursuivi pour « complicité d’abus de biens sociaux et de recel » ».
Et puis, les témoins avaient soudain perdu la mémoire. Comme l’ex PDG de la Sofremi qui ne se rappelait plus avoir parlé de financements à destination de Charles Pasqua, ni que Pasqua lui avait demandé de piller la boîte pour assurer lesdits financements. Quant aux « personnalités de l’entourage » de Pasqua qui ont touché des millions, certains regards se sont tournés vers le bon vieux Léandri, mort depuis un bail à ce moment[25].
Affaire plus ou moins liée : l’affaire Alstom (déjà!). Pas celle qui fait scandale aujourd’hui, mais une affaire bien antérieure impliquant encore Pasqua dans le cadre d’une commission de 5,2 millions de Francs versée par Alsthom [26] via une société de droit Panaméen sur un compte Suisse de Léandri, dont 700.000$ ont fini sur le compte du fils Pasqua.
La construction du quartier d’affaires de La Défense a également été l’occasion de tirer des dessous de table grâce notamment aux bonnes œuvres de l’EPAD, l’Etablissement public d’aménagement qui rachetait les terrains, les rasais et les revendait aux promoteurs. De 1980 à 1985, la relance du projet a permis à Christian Pellerin de construire 400.000 m² de bureaux, et lui dit qu’il a construit la moitié du quartier. Pour mener ses affaires, il a été très proche aussi bien de la droite que de la « gauche », notamment du ministre socialiste du Logement et de l’urbanisme Paul Quilès qu’il invitait souvent à ses frais dans son chalet de Méribel[27].
Les réseaux de financement de la chiraquie ont pris du plomb dans l’aile depuis une bonne dizaine d’années. La guerre a été déclarée à partir de 2012 par l’équipe de Hollande, Valls en tête, contre les piliers des réseaux africains de la droite.
Michel Tomi, un patron de casinos Corse proche de Pasqua, en fut l’une des victimes. Ce truand jadis appelé par la presse « le parrain des parrains » avait démarré comme croupier à Monaco dans un casino du clan Francisci avant de se lancer dans les jeux en Afrique, s’est retrouvé empêtré dans des procédures judiciaires pour corruption. Sa fille était directrice du PMU au Gabon et a permis à Tomi de financer la campagne de Pasqua sous l‘étiquette de son parti le Rassemblement pour la France eaux européennes de 1999.
Car en Afrique, Tomi avait des relations haut placées, comme le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) ou Idriss Deby, le président tchadien jusqu’à sa mort en 2021. En échange de ces financements, Pasqua alors ministre de l’Intérieur lui a permis d’exploiter le casino d’Annemasse, à la frontière avec la Suisse. Son fils a une compagnie d’aviation basée à Dubaï, la Afrijet Business Service qui a racheté Gabon Airlines.
Et justement, Michel Tomi était alors très proche du président du Gabon Omar Bongo, tout comme du président élu au Mali en 2013 IBK, qui voyageait avec les avions Afrijet.
Tomi était aussi lié à la bande de la Brise de Mer, la mafia Corse. Son père était déjà ami avec celui de Pasqua en Corse. Il était aussi proche de Bernard Squarcini, qui a recruté le frère de Tomi dès sa sortie d’école, le flic ultra violent contre les manifestants Paul-Antoine Tomi, à la DGSI [28] nouvellement créée. Il y est devenu commissaire et officie aujourd’hui à la circulation, plus précisément la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), où il dirige les brigades à moto[29]. Qui recevait aussi des versements annuels en cash de 25.000€ de la part d’un des lieutenants de son grand frère.
En 2013 quand une enquête a été ouverte à Paris contre au sujet de ses relations d’affaires avec les présidents malien et gabonais, « Les policiers qui filochent Michel Tomi à Paris ont la surprise d’apercevoir à plusieurs reprises Squarcini monter dans la voiture de ce dernier (…) Autre hasard : le 3 juin 2013, alors que le soleil inonde la capitale, Squarcini est attendu par l’homme d’affaires pour déjeuner. Rendez-vous a été pris chez Ly, un restaurant asiatique chic de Neuilly, avenue Charles-de-Gaulle » expliquent les auteurs de « Bienvenue place Beauvau – Police : les secrets inavouables d’un quinquennat ». Un dîner en présence de Charles Pasqua mais Squarcini n’est pas venu. Et en 2014 Squarcini a déclaré que Tomi « travaille pour le drapeau ».
Si Valls s’en est pris à Tomi et aux réseaux Pasqua, c’est probablement parce qu’il avait ses propres contacts en Afrique. Puis à son tour Macron a fait le ménage, mis ses proches dans les renseignements et tenté de récupérer les réseaux de financement.
Notons au passage que Squarcini est passé de la direction de la DCRI à la création de son cabinet de sécurité dont le client principal est LVMH. Et depuis, il est aujourd’hui mis en examen pour plusieurs affaires comme la surveillance illégale de la rédaction du journal Fakir, pour avoir transmis des informations dans le cadre de l’affaire Cahuzac, pour « trafic d’influence et détournement de fonds publics« …
En août 2021 il cumulait selon Médiapart 16 mises en examen: c’est cet individu que sarkoléon a nommé pour rpendre la direction des renseignements français de l’intérieur, la DCRI qu’il venait d’ailleurs de remixer à sa sauce et pour répodnre à ses propres intérêts.
Et Squarcini s’est servi de la DCRI pour accéder à des données confidentielles qu’il a monnayées ou transmises à titre gracieux à des amis et clients comme la famille Arnault ou Alexandre Djourhi, dont on aura l’occasion de parler rapidement aussi.
Le successeur en Afrique de Michel Tomi, Francis Perez, le « roi des casinos » membre de la loge « La Lyre de Salomon », possède son petit empire des jeux et des hôtels en Afrique[30]. Lui aussi avait commencé son business dans le sud de la France en rachetant des casinos, grâce aux réseaux de l’ex OAS : « Au départ, c’est Georges Santa Maria, un ancien de l’organisation secrète pro-Algérie française, à laquelle appartenait également le père de Perez, qui lui met le pied à l’étrier en le faisant travailler pour sa société d’importation de machines à sous » [31].
Le père de Perez était déjà ami avec Toussaint Luciani, ancien membre de l’OAS qui a mis le pied à l‘étrier au jeune Francis. Mais quand Pasqua nouveau ministre de l’Intérieur a autorisé les machines à sous dans les casinos en France, en 1986, Perez n’a pas obtenu sa part du gâteau et a quitté la France[32].
Perez était aussi en liens d’affaires avec Alain Orsoni, le nationaliste Corse qui est un ami d’enfance. En avril 2018, Perez, Jean-Philippe Dorent et Gilles Alix de l’agence Havas (filiale de Bolloré) ainsi que Vincent Bolloré ont été convoqués par l’office central de lutte contre la corruption pour les concessions à Bolloré de ports d’Afrique de l’Ouest, au Togo et en Guinée, obtenues selon la justice dans des conditions suspectes[33]. On n’a cependant plus beaucoup entendu parler de ce dossier depuis 2018.
On le retrouve pas plus tard qu’en octobre 2020 dans des manoeuvres autour de la présidentielle en Côte d’Ivoire. Il aurait ainsi aidé le candidat de l’opposition Guillaume Soro depuis 2017 : « plusieurs rendez-vous auraient eu lieu entre Soro, Olivier Bazin (un homme d’affaires proche de Perez présent dans les jeux au Tchad) et un ancien gendarme de l’Élysée qui fut le conseiller militaire de Laurent Gbagbo (l’ex-président ivoirien déchu par Ouattara en 2010) »selon Vanity Fair. Mais Soro a dit finalement que Perez n’a rien à voir avec lui.
Le PS français, celui de Mitterrand, a également mis en place son système de financement occulte, au moins à partir de 1965 quand les campagnes sont devenues extrêmement chères.
Mitterrand soi-même a reçu de l’argent d’amis fortunés tout au long de sa carrière. Lui qui disait en 1971 que son « ennemi » c’était « le Monopole » n’a pas rechigné à se faire aider Bettencourt, dirigeant de l’Oréal, qui le fait travailler au magazine « Votre beauté », le temps de revenir en politique. Dans les années 60 il se rapproche de François De Grossouvre, patron du SAC de la région de Lyon, ou de Roger Patrice-Pelat son ami depuis la guerre.
Deux des régions où le PS était le plus fort, et qui étaient aussi gangrenées par la corruption, sont aujourd’hui des fiefs de l‘extrême droite : le Pas-de-Calais et les Bouches-du-Rhône. La gestion du PS dans le Pas-de-Calais a même inspiré la série Baron Noir, sur la corruption d’un édile local et de la fédération PS.
Le maire PS d’Hénin-Beaumont ville du Pas-de-Calais passée dans les bras du FN, Gérard Dalongeville, a mélangé les caisses de la ville, celles du parti et les siennes, passé des marchés publics opaques ou même pas du tout de marchés publics, organisé un système de fausses factures aux dépens des contribuables, gaspillé des sommes énormes sans utilité et extorqué de l’argent aux entreprises du coin. Il a expliqué que pendant « des années » il avait « couvert le PS ».
Lors d’une perquisition, 13.000 € en billets de 100 et 500 € ont été retrouvés dans le coffre-fort de son bureau à la mairie, et certains fonds sont allés au Luxembourg.
Dalongeville a dénoncé « l’enrichissement personnel de quelques-uns » en plus du financement du parti grâce à ce système de corruption, et a parlé de deux canaux de financement du PS, via un bailleur social la Soginpora, et via la structure publique d’aménagement urbain de Lens, l’Adévia. Mais le PS local, tenu par Martine Aubry, a dit que c’était n’importe quoi et l’enquête s’est arrêtée là, se concentrant sur Dalongeville et une vingtaine d’autres prévenus du coin qui ont été jugés en première instance en 2013 (Dalongeville a pris 3 ans fermes et n’a pas fait appel).
Au niveau de la fédération PS, c’est un dénommé Jean-Pierre Kucheida, député-maire de Liévin, qui s’est trouvé dans la ligne de mire. Suite aux accusations de Dalongeville, il a été mis en examen pour « corruption passive » et « recel d’abus de biens sociaux » [34]. La justice s’interrogeait par exemple sur les 160.000€ qui ont servi à rénover sa maison principale et une résidence secondaire.
Chose assez amusante dans ce dossier : le vice-président du TGI de Béthune, où était instruite l’affaire Kucheida, a été lui aussi mis en examen et placé en préventive pour « corruption passive, trafic d’influence et tentative d’escroquerie ». Ce dossier était lié à celui des malversations du PS mais a été « saucissonné ». Prix du juge ? 60.000 €[35].
Dès les années 80, des affaires retentissantes ont fait la Une : comme l’affaire Urba [36], la fameuse affaire Pechiney, celle de la Sages[37], ou encore celle d’une autre société appelée « Diffusions et Éditions publicitaires ». Il a aussi été question des protections socialistes dont ont bénéficié divers truands, comme le proxénète Henri Botey [37], par ailleurs parrain de Marine Le Pen.
A cette époque, le financement des partis politiques n’était quasiment pas réglementé, et l’Etat remboursait au maximum 50% des plafonds autorisés pour les présidentielles. Les politiques se faisaient donc aussi affairistes et trouvaient de l’argent partout.
Mais au lieu de continuer à condamner ces pratiques illégales, les politiques ont décidé de donner de l’argent public aux partis politiques, ce qui n’a pas du tout fait cesser les pratiques mafieuses comme on l’a vu avec sarkoléon et le financement libyen de sa campagne électorale à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros, ce qui explosait littéralement le plafond de dépenses de 21 millions d’euros.
C’est donc ainsi qu’en 1989 ont été votées deux lois :
- Une pour organiser un financement légal des partis politiques avec de l’argent public jusqu’à 500.000F par candidat, ce qui n’était pas le cas, qui en même temps amnistie les financements occultes par des entreprises commis précédemment. Cette loi a permis à quelques mitterrandiens d’échapper à des procédures fâcheuses.
- Une loi d’amnistie pour les affaires de financement illégal de campagnes électorales et de partis politiques commis avant le 15 juin 1989 (sauf s’il y a eu « enrichissement personnel »).
Le BTP versait aussi sa part, de même que la grande distribution, l’armement etc. Sans oublier bien-sûr la fameuse Françafrique, qui a autant rapporté à la mitterrandie qu’à la chiraquie. Car la démocratie, c’est bien, mais pas chez ceux qui nous financent…
Prendre l’argent des Africains, volé aux peuples, pour financer les campagnes électorales des politiciens français, est une pratique qui remonte au moins aux années 60 à l’époque Jacques Foccart et perdure encore aujourd’hui. Certains intermédiaires, comme Robert Bourgi, ont raconté quelques anecdotes croustillantes à ce sujet.
En 2011 celui-ci a expliqué qu’Omar Bongo, président du Gabon pendant 41 ans, avait donné de l’argent au FN pour la campagne de 1988, et que Villepin et Chirac avaient reçu l’obole de plusieurs chefs d’Etat au début des années 2000. Bourgi, proche de sarkoléon, a évoqué la somme de 20 millions de dollars pour la chiraquie entre 1995 et 2005, apportés personnellement par lui. Mais, d’autres intermédiaires étaient certainement actifs.
Sous sarkoléon, Ziad Takieddine a été un des intermédiaires les plus connus puisqu’il était déjà impliqué dans l’affaire Karachi et a déclaré avoir ramené l’argent de Kadhafi à l’Elysée, là encore avec des mallettes de cash. Il y avait aussi un des rivaux de Takieddine, Alexandre Djouhri qui avait déjà servi le clan Chirac dans les années 90 – 2000, et qui est aujourd’hui sous contrôle judiciaire après une fuite à Londres puis en Suisse.
Aujourd’hui, certains s’interrogent sur le rôle et les relations d’Alexandre Benalla si proche du président de la République, qui se balade dans toute l’Afrique sans mandat officiel pour négocier des contrats, entre autres via la société Mars dirigée par son pote barbouze Vincent Crase. Benalla qui a gravi aussi vite les échelons de la GLNF (loge « Les chevaliers de l’espérance ») que ceux de la gendarmerie.
On parle aussi de financements de l’étranger ce qui est en principe totalement interdit pour une campagne électorale : le Qatar qui fait tant de cadeaux à la France, comme les 300 millions d’euros pour la guerre en Libye ou les millions versés à Carla Bruni, BHL et au fils Platini, ou encore l’argent de la Libye pour financer les campagnes de sarkoléon à coups très probablement de dizaines de millions d’euros.
Des affaires qui devraient être des scandales mais aucun média commercial n’a l’air de vraiment enquêter, c’est même tout juste s’ils répercutent les révélations de Médiapart. Qu’en disent les libyens qui se retrouvent dans un pays ravagé, au niveau de vie réduit à néant et sous l’influence islamiste ?
A l’heure de la coupe du monde de foot (qui fut la monnaie d’échange de toutes ces largesses du Qatar envers la sarkozye), il serait temps de s’interroger sur les conséquences locales et internationales, à court comme à long terme, de nos choix électoraux.
Si aujourd’hui sarkoléon n’a qu’un bracelet électronique (depuis septembre 2021) -tout en se baladant dans le monde entier à la demande du micron pour les mariages et enterrements de dignitaires étrangers et il était encore au Japon en septembre 2022- c’est bien parce qu’il a su faire ami-ami avec Jupicrétin (macron) qui lui a la main comme aucun prédisent de la 5e avant lui sur le pouvoir judiciaire et sur pouvoir législatif.
Business et politique : l’ère du mélange des genres
Contrairement aux promesses et autres incantations des politiques pour justifier des lois aussi favorables à leurs magouilles, la corruption n’a pas cessé malgré des annonces régulières de nouveaux plans antifraude. Sous la micronie, qui a totalement pris en main une « justice » qui n’a de toute manière rien d’indépendant, on n’a même plus une seule affaire politico-financière à sortir, comme si tout était dans les clous… Les marchés publics sont le canal privilégié de la corruption[38], et selon les secteurs on estime que 10 à 30% du montant des marchés sont détournés dans la poche des intermédiaires.
L’Association Anticor qui travaille sur la corruption dans la politique et peut porter plainte dans ce cadre, a été violemment attaquée par la micronie en 2020 : pourquoi ?
Cette association est seule et sous-dimensionnée, mais elle dérange déjà parce que parmi ses dossiers il y a celui d’Alexis Kohler, qui prend toutes les décisions à l’Elysée, ce soutien de l’armateur MSC.
« Bien qu’il soit difficile de mesurer le coût exact de la corruption en raison de sa nature cachée, on estime qu’entre 10 et 30 % des investissements dans des projets de construction financés par des fonds publics seraient perdus du fait d’une mauvaise gestion et de la corruption (CoST, 2012), et les estimations de perte de valeur des projets à hauteur de 20 à 30 % à cause de la corruption sont très répandues (Wells, 2014, Stansbury, 2005) », expliquait un rapport de l’OCDE de 2016 [39].
« Au sein de l’Union européenne, le coût de la corruption est plus généralement estimé à 120 milliards d’euros par an ce qui représente environ 1 % du PIB de l’UE, soit un peu moins que le budget annuel de l’UE en 2014, qui s’élevait à 143 milliards d’euros« . Et il ne s’agit là que d’estimations officielles.
Et avec le covid, les choses ne sont pas arrangées selon les experts du domaine : on a tellement « assoupli » les règles à tous niveaux que des marchés ont été passés sans mise en concurrence ou appels d’offre et sans aucune transparence.
Le cabinet d’avocat NohrCon interroge :
« la part de l’attribution directe de marchés publics après une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalable a augmenté avec l’apparition de la pandémie, et la demande de produits spécifiques a augmenté de manière explosive en peu de temps.
Selon la Commission Européenne, l’attribution directe sans mise en concurrence est juridiquement admissible « dans la stricte mesure où des raisons impérieuses dues à des événements que le pouvoir adjudicateur n’a pas pu prévoir rendent impossible le respect des délais d’appels d’offres publics, d’appels d’offres restreints ou négociés« .
Mais la question se pose. La justification par l’imprévision du recours à ces procédures sans mise en concurrence peut-elle perdurer alors que la pandémie s’éternise? »
L’affairisme est bien implanté dans les mœurs politiques et on va voir à travers quelques exemples comment les choses fonctionnent, souvent avec l’aide de la franc-maçonnerie d’ailleurs -même si la fra,c-maçonnerie et ses dérives feront l’objet d’un épisode ultérieur. Il y a du financement de partis politiques, qui n’a été régulé que progressivement au fil des scandales, et de l’enrichissement personnel, cependant bien plus difficile à prouver.
D’ailleurs le point commun de nombreuses affaires de corruption est que lorsqu’un président ou un ministre est cité, elles ont tendance à s’arrêter net. Et à mon avis, le fait que certaines affaires parviennent malgré tout à inquiéter un sarkoléon donne seulement une idée du nombre d’affaire étouffées derrière.
L’affaire Cahuzac a montré cela parfaitement : Cahuzac, ministre délégué au budget sous Flamby, a été condamné pour avoir bénéficié personnellement de sa fraude fiscale[40] mais il avait dit qu’une partie de la somme appartenait au parti socialiste et devait financer une campagne de Rocard en collectant de l’argent auprès d’entreprises pharmaceutiques qu’il connaissait- dont Pfizer- par ses activités de lobbying.
D’ailleurs il a été très ouvert aux intérêts des labos une fois qu’il a occupé des fonctions dans le public, notamment en tant que conseiller technique pour le médicament au cabinet du ministre de la Santé, Claude Evin de 88 à 91. Puis Cahuzac a refusé de donner le nom des donneurs d’ordre pour la création de ce butin et s’en est tiré sans mettre un pied en prison (il a pris 2 ans fermes a et eu un aménagement de peine). Il était défendu en appel par notre ministre de la « justice ».
Il y a eu un certain nombre d’affaires retentissantes dans le sud de la France au cours des années 90-2000. A Cannes, le maire UDF-PR et gradé de la GLNF Michel Mouillot a fait un peu de prison suite à cinq mises en examen, notamment pour une affaire de 2 millions touchés en liquide dans un dossier de construction.
Ce proche de Léotard, qui avait démarré sa carrière chez Pernod Ricard [41] après des études de marketing aux States et admettait ne pas être « une oie blanche », avait alors dénoncé une liquidation politique de la part de la chiraquie.
La commission d’enquête sur les comptes de campagnes avait produit un rapport (non disponible en ligne) en avril 1994, qui a montré que rien que pour les législatives de 1993 et pour les entreprises de travaux publics, les dons légaux aux députés ont été nombreux :
- La générale des eaux avait versé 13,9 millions de F
- Bouygues avait versé 10,7 millions
- La Lyonnaise des eaux avait versé 7,7 millions.
Et les partis bénéficiaires de ces gracieux dons étaient dans l’ordre : le PS (11,3 millions), le RPR (8,6 millions) et l’UDF (7,8 millions). En termes d’individus, Le Parisien du 5 décembre 2000 citait Michel Roussin (868.870F), jacques Toubon (666.000F), Marie-Noël Lienemann (581.5000F), Julien Dray (240.000F). Et alors que le plafond pour une législative était fixé à 500.000F, Balkany, déjà avait réussi à collecter pas moins d’1,8 million de Francs.
Le financement de la campagne présidentielle de Balladur en 1995 a commencé à être jugée en 2019, 25 ans après les faits, sans sarkoleon qui était son directeur de campagne. Et le duo Balladur – Léotard n’a été jugé qu’en 2020 et 2021 en appel : Balladur a été relaxé de tous les chefs d’accusation et Léotard a pris 2 ans de sursis… Sarko qui était son directeur de campagne n’a même pas été renvoyé devant le tribunal. Circulez…
Pour cette campagne, l’argent ne pouvait venir du RPR, monopolisé par Chirac. Les lieutenants de Balladur, à commencer par Sarko alors ministre du Budget et Léotard ministre de la Défense, ont alors été chercher dans des rétro commissions (des retours de commissions illégaux) sur des contrats d’armement déjà quasiment conclus [42].
C’est suite à un attentat commis sur des ingénieurs venus effectuer l’un des contrats d’armement à Karachi et à la procédure initiée par les familles que l’affaire a été révélée.
Mais le secret défense et les circuits de financement occultes, passant par des sociétés offshore et plusieurs paradis fiscaux, ont permis une certaine opacité. En 2007 seulement, des perquisitions ont dans les locaux de deux entreprises françaises impliquées ont permis de relier sarkoléon à la magouille.
« D’après l’ancien directeur financier de la DCN, ‘’la création de ces structures n’a pu se faire qu’avec l’aval des cabinets des deux ministères de la Défense et du Budget’’, respectivement dirigés par François Léotard et Nicolas Sarkozy. ‘’Ce système était étroitement contrôlé par l’État. En amont, le volume des commissions était validé contrat par contrat par les deux ministres de la Défense et du Budget’’, ajoutent les magistrats« , rapportent les auteurs de « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République ».
Et le conseil « constitutionnel » qui doit vérifier les comptes de campagne savait parfaitement que les comptes de Chirac et Balladur étaient bidonnés.
Roland Dumas qui la présidait a expliqué qu’ils ont fait réviser plusieurs fois les comptes par les auditeurs pour que les dépenses rentrent dans la limite légale alors que légalement ils auraient dû les rejeter et ainsi annuler la candidature de ces deux corrompus. Par contre, les comptes de Jacques Cheminade ont été refusés pour une histoire de prêts !
Pour résumer l’ambiance de cette campagne et montrer qui aspire à gérer le pays, un article de France Info de 2020 expliquait notamment [43] :
« Chez Jacques Chirac, 31 personnes se sont présentées à la banque Rivaud le même jour, le 6 mai, veille du deuxième tour, pour déposer un total de 3,5 millions de francs en liquide. Pour Édouard Balladur, 10,25 millions de francs ont été versés en une fois au Crédit du Nord, trois jours après le premier tour. Interrogée, la banque précise : « en quatre sacs de billets de 500 francs ». Interrogés sur ces importantes recettes en liquide, les deux candidats ont livré la même explication : elles sont le fruit de collectes dans les meetings et de vente de t-shirts et gadgets divers.
L’explication n’a manifestement pas convaincu les Sages. « Chacun sait très bien d’où venait cet argent », lance ainsi le conseiller Maurice Faure, évoquant probablement les fonds secrets du gouvernement dans lesquels les partis politiques ont largement puisé à l’époque. Concernant Édouard Balladur, il est possible que ces fonds soient provenus de rétrocommissions sur des marchés de ventes d’armes« .
En 2012, les comptes de campagne de sarko ont été bloqués pour un mini dépassement 2% du plafond de dépenses, ce qui a quand-même obligé les fans de l’UMP à verser des euros lors d’un « sarkothon » pour payer les frais. Quant au dépassement des plafonds de campagne, ledit sarko ne risquait que 3.750 euros d’amende et 1 an de sursis pour avoir littéralement explosé les frais de campagne en 2012.
Il faut dire que rien que Kadhafi lui aurait apporté 30 à 50 millions d’euros à la campagne de 2012 alors que les plafonds étaient alors fixés à 22,5 millions.
L’affaire Bygmalion a ensuite suggéré que les comptes de campagnes officiels n’étaient les bons, et qu’une bonne partie des factures avaient été fortement sous-estimées afin de rentrer dans le cadre des 22,5 millions.
Des factures bidons pour des conventions bidons ont ensuite été payées par l’UMP pour compenser. Bygmalion, une boîte de com’, a été créée par Copé et deux de ses proches, Bastien Millot et Guy Alves, pour obtenir des contrats de l’UMP.
Le financement des partis et des campagnes électorales a été un appel d’air pour les pratiques de corruption, qui est une pratique banale en politique. C’est seulement en 2000 que la France a ratifié la convention de l’OCDE interdisant de graisser la patte d’agents publics étrangers.
Les grandes surfaces ont été pendant longtemps un véritable tiroir-caisse pour la politique. De 1981 à 1995, les ouvertures de grandes surfaces de plus de 1.000m² devaient toutes être validées par le ministre du Commerce, en dernier ressort. Puis en 1996 Raffarin a transmis ce pouvoir (pour les surfaces de plus de 300 m²) à une « Commission nationale d’équipement commercial » (CNEC), composée de membres nommés par décret. Ce qui a permis d’énormes rentrées d’argent au nom, sans rire, de la protection du « petit commerce ».
C’était après l’affaire Denys Brunel, le mari de Chantal Brunel actuelle maire UMP de Bussy-Saint-Georges et proche de sarkoléon : Brunel, quand il était encore directeur général de Monoprix entre 1993 et 2000, a été « condamné » à 2 ans de sursis et 60.000€ d’amende pour avoir détourné 98.400€ de la boîte. Au départ il était mis en examen pour « abus de biens sociaux », « faux et usage », « blanchiment de fonds provenant d’abus de biens sociaux » et « corruption » et était soupçonné d’avoir financé la campagne de sa compagne qui elle a été « blanchie ».
France Info rapportait le 9 juin 2011 que :
« Selon Edouard Meldonian, ancien membre du parti Démocratie libérale, lui-même mis en examen dans ce dossier, Denys Brunel l’a contraint à sortir illégalement de l’argent liquide de la société pour financer la campagne électorale de Chantal Brunel en 2002, en réalisant des factures pour des prestations déjà effectuées« .
Meldonian était aussi le patron de la société de services informatiques Facile Info qui était bénéficiaire du chèque de Brunel, qu’il a dit devoir encaisser pour lui remettre la somme en espèces afin de financer les activités politiques de madame.
Denys Brunel avait été nommé directeur de cabinet de la ville, poste qu’il occupait à titre gracieux dès les élections pour « gérer les affaires urgentes », jusqu’à sa mise en examen en 2011. Pendant la polémique, Chantal Brunel a contre attaqué en évoquant des contrats entre le maire précédent et le dénommé Meldonian pour 700.000 €, sous-entendant qu’ils s’étaient arrangés pour organiser une cabale contre elle[44].
Avec la grande distribution, le système de corruption a été carrément institutionnalisé pour bénéficier à tous les échelons politiques. Comme l’explique le livre « Histoire secrète de la corruption sous la Ve république », chaque maire pouvait toucher sa part sur les surfaces autorisées :
« jusqu’en 1991 et 1993, date du vote des lois sur le financement des formations politiques, les ministres ou secrétaires d’État au Commerce et à l’Artisanat recevront des valises de cash de la part des grandes enseignes pour financer leurs partis et ceux de leurs alliés politiques. Mis en route sous la présidence Pompidou, ce système perdura sous Giscard et Mitterrand.
Face au nombre croissant d’élus qui exigeaient leur dîme, la grande distribution avait dû mettre sur pied une grille tarifaire de l’ordre de 1 000 francs le mètre carré ou également évaluée à 10 % de l’investissement total, permettant de construire et d’aménager une grande surface ou simplement de l’agrandir. Cette somme ou ce pourcentage représentait les diverses commissions et avantages occultes nécessaires pour passer outre aux différents barrages institués par les lois Royer et Raffarin. Chaque année, entre 500 et 900 autorisations d’ouverture étaient accordées… ».
Un élu et ex porte-parole du PS, Jean-Pierre Destrade, membre de la commission nationale d’urbanisme commercial, a été condamné pour avoir rançonné les patrons de la grande distribution de la région Aquitaine, dont il était député de 1981 à 1988 puis conseiller général.
En 2005, il a été jugé pour avoir fait transiter 20 millions d’euros provenant de nombreux patrons de magasins sur 67 comptes ouverts dans 25 banques. Destrade a expliqué qu’il s’agissait d’alimenter les caisses du PS, mais les juges ne l’ont manifestement pas cru, et il a pris 3 ans fermes pendant que ses 19 copains socialistes étaient relaxés[45].
Pendant ce temps, on a bétonné et bétonné, à tel point qu’aujourd’hui un tiers des zones commerciales sont bonnes à détruire. Par exemple, entre 1996 et 1997, les surfaces commerciales autorisées ont doublé, passant de 576 000 de m2, en 1996 à 1,2 million en 1997. En 2007, on en était à 3,7 millions de m² autorisés ! Une proportion toujours plus grande des projets déposés, toujours plus nombreux, est acceptée. Quant aux emplois, ils sont précaires, sous payés et subventionnés.
C’est l’époque de la fuite à Buenos Aires d’un dénommé Jean-Michel Boucheron, élu socialiste d’Angoulême (député de 1981 à 1993, secrétaire d’Etat chargé des Collectivités territoriales durant un mois en 1988) qui avait vidé les caisses de la ville, laissant une dette de 164 millions de Francs et a été poursuivi pour corruption. Il a été arrêté là-bas en 1995 et extradé en 1997.
Ce « bon maçon » (il était membre du Grand Orient, « Loge des hommes libres » (sic.) et de la fraternelle des parlementaires) a été condamné à quelques années de prison pour divers délits de corruption (recel d’abus de biens sociaux, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts pour la privatisation de la distribution d’eau[46]…).
Il demandait 10% aux entreprises qui voulaient obtenir un contrat avec la ville, ce qui a engendré des surfacturations. Et, lui qui remplissait les tenues de sa loge à Angoulême, a été radié du Grand orient.
Les années 90 sont aussi les années Tapie spécialisé dans le rachat d’entreprises en faillite pour 1 Franc symbolique (Wonder, Look, la Vie Claire, Terraillon, Testut…) et leur revente quelques années plus tard pour des millions. Les liens de Tapie avec le milieu ont souvent été interrogés, notamment après qu’on ait appris l’intervention personnelle de Tapie auprès du ministre de l’Intérieur, en 1992, pour obtenir la mise en liberté du mafieux Francis Le Belge.
Dans les business de Tapie, deux banques qui intriguaient beaucoup les renseignements revenaient régulièrement : la Finter Bank et la BGC (Banque Générale du Commerce, passée en 88 sous capital italien) qui lui auraient été suggérées par la clique Mitterrand. A sujet de la BCG, Ian Harmel écrit dans sa bio de Tapie « C’était Bernard Tapie » que :
« Cet établissement a joué un rôle majeur dans le financement de la campagne de Bernard Tapie aux élections législatives de mars 1993 à Gardanne. Sur les 11 chèques de sociétés adressés au patron de l’OM, 7 généreux mécènes ont leur compte à la BCG.
Simple coïncidence sans doute. Plus curieusement, le 13 mars 1993, sur le même chéquier de la BCG, 3 sociétés théoriquement indépendantes ont apporté au ministre de la Ville de François Mitterrand 3 chèques qui se suivent à 3 numéros près« .
Quant à la Finter Bank qui intervient auprès de plusieurs entreprises rachetées par Tapie comme Terraillon, elle était soupçonnée de faciliter le blanchiment d’argent, était mêlée à différents scandales financiers et appartenait au groupe du cimentier italien Carlo Pesenti, membre de la loge P2 et proche du Vatican.
En 1991, elle avait prêté 80 millions de Francs au groupe de Tapie, puis avait ramené ses engagements à 3 millions en 1993. C’est par exemple via la Finter Bank qu’un versement de 525.000 F à un intermédiaire véreux du foot, Maniel Barbosa, été effectué.
La BGC, spécialisée dans le BTP, était même soupçonnée par les RG de « transferts de capitaux douteux d’origine essentiellement italienne » réinvestis dans l’immobilier principalement. Elle était dirigée par Jean-Marc Smadja, cousin d’Isabelle Balkany qui a longtemps œuvré à Levallois-Perret, est à la retraite mais a été nommé récemment « conseiller spécial » en urbanisme dans une mairie du Var dirigée par l’extrême droite, et où le maire « multiplie les projets immobiliers ». Il s’agit de Marc-Etienne Lansade, maire de Cogolin, un proche de Marion Le Pen parachuté à Cogolin en 2014 par le bureau du FN, et aujourd’hui beaucoup critiquent sa gestion des affaires locales.
Après la fin de la mitterrandie, Tapie a su se rapprocher de sarkoléon et sa bande, ce qui lui a permis d’éviter des redressements fiscaux, et surtout d’obtenir -pendant un temps certes- 403 millions d’euros de dommages et intérêts (du jamais vu) suite à la décision en 2008 d’un tribunal d’arbitrage (donc privé) spécial « Tapie », qui a été remis en cause. Mais quand il a été question de récupérer les 403 millions, ils s’étaient quasiment évaporés.
Dans les années 2000, ce sont les affaires Générale des Eaux [47], Lyonnaise des Eaux, Crédit Lyonnais (6,9 milliards de Francs de pertes estimées en 1994), Vivendi qui défraient les chroniques. Tapi a rencontré Mitterrand en 1987 et est rapidement devenu ministre de la Ville, avant d’être impliqué dans l’affaire du match truqué OM Valenciennes (apparemment ce n’était pas le seul match truqué par l’OM et le dopage était courant). Et Mitterrand a toujours soutenu Tapie, le disant absolument innocent de tout.
C’est l’époque des officines de renseignements, du boom des rétrocommissions, des mallettes de cash. La chiraquie triomphante. Alexandre Djourhi, Robert Bourgi, Ziad Takieddine, étaient parmi les intermédiaires connus ou moins connus de cette grande époque où les rétrocommissions coulaient à flots. Elles ont été interdites en 2000 mais la pratique reste courante, bien qu’un peu plus dissimulées par des ventes diverses et variées destinées à blanchir l’argent.
En 2006, lors des discussions sur le contrat Miksa destiné à vendre à l’Arabie Saoudite un dispositif de protection de ses frontières, les saoudiens ont demandé clairement à la France de ne pas faire entrer dans la danse d’intermédiaires bidons. C’était donc une fâcheuse habitude, comme on l’a vu avec les interventions de Takieddine dans les contrats d’armement Agosta au Pakistan, Miksa et Sawari II à l’Arabie Saoudite (dont les rétrocommissions ont selon lui alimenté la campagne de Balladr en 95), par exemple.
L’officine de l’ex flic et franc-maçon Hervé Séveno, I2F, a travaillé grâce à son grand ami Djouhri avec les groupes Casino, Véolia, EDF (il était ami avec Henri Proglio le patron d’EDF), Suez, LVMH, groupe pour lequel il a espionné le journal Fakir en 2015. En échange, Séveno renseignait Djouhri [48].
Le même Djourhi détenait en 2005 8% d’actions Véolia, boîte dirigée par son ami Hervé Proglio, proche de la chiraquie, avec de l’argent qui n’était pas le sien. 8% des actions, cela représentait alors 1,5 milliard d’euros, et certains observateurs se sont demandé s’il ne s’agissait pas d’une manne pour un ou des partis politiques [49].
Un peu comme Attali, Djouhri a su s’immiscer dans l’entourage des présidents de droite : Chirac, sarkoleon, et même le micron. Aujourd’hui, Djouhri est encore en Angleterre, en attente de son extradition. On comprend les anglais d’avour voulu respecter scrupuleusement les droits de Djouhri car il doit avoir beaucoup d’informations à donner sur les magouilles financières du pouvoir français. Et celui-ci ne doit pas être pressé de le voir témoigner devant les juges. En tant qu’intermédiaire de nombreux gros contrats dans divers domaines, il a certainement vu passer quelques millions d’euros de dessous de table.
Petit truand de banlieue né à Saint-Denis, il a été arrêté en 1981 pour braquage à main armée mais il n’y a pas eu de suites.
Selon les auteurs de « Histoire secrète de la corruption sous la Ve république, « En 1986, il est victime d’une tentative de meurtre sur fond de règlement de comptes entre Delon père et fils (Alain et Anthony), par bandes rivales interposées. Il s’en sort avec une balle dans le dos et nie avoir répliqué en dépit de résidus de poudre prélevés sur ses mains ».
Il a commencé ensuite à fréquenter du gratin dans les boîtes de nuit et s’est mis aux affaires, devenant le représentant d’Air Algérie à Paris. Il s’est alors rapproché de Villepin, puis s’est installé à Genève (avant de fuir récemment à Londres suite à l’affaire Kadhafi impliquant son pote sarko) d’où il a dirigé une société de traitement de déchets et de distribution d’eau. Djourhi était très proche de toute la droite, où il a compté de nombreux amis tels que le député UMP Alain Marsaud.
Il a été proche d’André Tarallo, le pote de Pasqua chez Elf, d’Henri Proglio un ancien d’Occident devenu patron de Véolia puis d’EDF, de Villepin le 1er ministre de chirac, de Bernard Suarcini, patron des renseignements français sous sarko, dont il était l’un des lieutenants.
Selon le livre « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République », l’argent donné par la Générale des eaux (devenue Véolia) aux politiques de gauche a assuré à Proglio (franc-maçon) une belle carrière dans les grandes entreprises :
« Proglio a dans sa poche des personnalités comme Laurent Fabius depuis 1994 et la mise en chantier d’un tramway à Rouen, ou Jean-Marc Ayrault depuis 1991 et la création d’un centre de traitement des déchets à Nantes. Des liens qui se révéleront précieux au printemps 2012, quand le candidat François Hollande désignera deux têtes devant tomber une fois qu’il sera élu président de la République : Bernard Squarcini à la DCRI et Henri Proglio chez EDF. Seul le premier tombera rapidement, le second devant céder son poste en novembre 2014″.
Toute une liste de proches de politiques a obtenu une place au chaud et bien rémunérée chez Véolia ou EDF : Pauline Borloo, Laeticia Estrosi, Arthur de Villepin, Julien Bartolone, Monique Lang, plusieurs frères et sœurs de Rachida Dati, Antoine Cahuzac le frère du ministre évadé fiscal…
Dans ces affaires, des francs-maçons étaient souvent à la manœuvre. Par exemple, Ghislaine Ottenheimer s’interrogeait en 1998 dans l’Express :
« Quel rôle ont joué les liens maçons dans l’affaire du Crédit lyonnais? On y retrouve, là encore, de nombreux « Enfants de la Veuve »: Michel Gallot, président de la SDBO, Pierre Despessailles, président de chambre honoraire au tribunal de commerce de Paris, ancien directeur de la SDBO, Michel Mouillot, maire de Cannes, Giancarlo Paretti, Florio Fiorini, etc. De nombreux membres de la GLNF (Grande Loge nationale de France), l’obédience la plus fréquentée par les hommes d’affaires, affirment: « L’affaire du Crédit lyonnais est une succession de renvois d’ascenseur maçons. C’est explosif! » «
Il y a eu aussi le maire de Nice dans les années 80-90 Jacques Médecin, le mentor de Léotard pus d »Estrosi qui comme son père, avait établi un système clientéliste : emplois à la mairie pour les copains, subventions, marchés publics truqués, baux commerciaux à tarifs préférentiels, permis de construire faciles…
Parmi les nombreuses affaires qui ont été reprochées à un moment ou à un autre à Jacques Médecin, il y a le dossier de la Serel, dans laquelle il a été « accusé d’avoir bénéficié de 4 millions de francs de pots-de-vin versés de 1986 à 1990 à une entreprise niçoise de signalisation routière en contrepartie de marchés publics. Médecin s’est défendu en affirmant qu’il s’agissait d’un financement de ses activités politiques. La cour d’appel a examiné les faits avec plus d’indulgence que le tribunal correctionnel qui, en août 1995, l’avait condamné à trois ans et demi de prison ferme et 1 million d’amende et avait refusé la confusion« , expliquait un article de Libération le 13 janvier 1996.
Jean-Dominique Fratoni, vieil ami de Jacques Médecin, mafieux et patron de casinos, a été cité dans le dossier de la disparition d’Agnès Leroux, cette héritière d’un casino concurrent que Fratoni voulait racheter -mais il est mort en 1980 en Suisse sans que cette piste ait été éclaircie. Une partie de l’argent provenant de ces magouilles atterrissait sur son compte à la Bank of California à Los Angeles. Notons que Fratoni a bénéficié de la générosité d’Alain Delon pour renflouer, en vain, un de ses casinos.
En 2018 Lyon a connu une longue grève du ramassage des ordures, dans la moitié de la ville gérée par l’entreprise familiale Pizzorno (tout de même cotée en bourse) où les éboueurs sont beaucoup moins payés que leurs collègues du public qui font le même travail. Pizzorno a fait parler d’elle surtout dans le sud de la France où elle est très implantée dans le ramassage des ordures. Il faut dire que le patron Francis Pizzorno fréquentait beaucoup de responsables politiques locaux, comme Elie Brun maire de Fréjus qui dû interrompre sa carrière en 2014 suite à quelques scandales dont seulement quelques-uns ont été en justice.
Pizzorno organise de grandes soirées dans sa villa où le gratin local est convié, et où Elie Brun était un habitué. Et Pizzorno était même présent au procès de Brun en 2013 pour soutenir son ami. En effet, brun s’est retrouvé sous le coup de plusieurs procédures liées à des malversations.
Comme l’expliquait le magazine L’Express en mai 2014, c’est un hiérarque local qui a dit à Pizzorno de se lancer dans les déchets dans les années 70. L’entreprise s’est développée après avoir ouvert sa première décharge et Draguignan est devenu son fief.
François Léotard a été un de ses administrateurs et son lobbyiste -grassement payé- et le député maire de Saint-Raphaël et patron de la fédération UMP du Var Georges Ginesta [50] n’hésitait pas à défendre ses intérêts, y compris auprès d’autres élus qui par exemple venaient de contracter avec un concurrent moins cher. D’ailleurs, il était aussi l’un des assureurs de Pizzorno. Quant à Pizzorno, il subventionnait allègrement l’UMP et faisait partie du cercle des premiers donateurs.
Le groupe est surtout pointé du doigt pour sa gestion de plusieurs décharges légales ou non, en France et au Maghreb, ses surfacturations et les conditions dans lesquelles elle a obtenu plusieurs marchés comme celui du plus gros incinérateur de la région près de Toulon, dont le marché public, justement, a entraîné en 2016 la mise en examen pour « favoritisme » et « prise illégale d’intérêt » d’une douzaine de personnes en vue d’un procès en 2023. Il faut dire que l’affaire est juteuse : 470 millions d’euros sur 18 ans.
En 2015, Médiapart notait [51]:
« La chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) s’est saisie du nauséabond dossier de la gestion des déchets dans le département du Var. Le résultat de son enquête devrait provoquer de sérieux remous. Dans leur rapport, les magistrats de la chambre régionale ciblent les nombreuses irrégularités du groupe Pizzorno Environnement, quatrième opérateur français. Mais pas seulement. Plusieurs élus du département, et tout particulièrement Georges Ginesta, député (UMP) et maire de Saint-Raphaël, sont épinglés pour leur connivence avec le groupe. Enfin, les magistrats s’interrogent sur le rôle du préfet et soulignent l’inaction du ministère de l’écologie ».
Au total, la chambre des comptes estimait le préjudice pour les contribuables à 20 millions d’euros sans que la préfecture censée veiller au grain ne relève le moindre problème.
On pourrait égrener une liste sans fin des noms des politiques corrompus et corrupteurs dans le pays par exemple pour les cas récents :
- Kader Arif, député PS et ancien ministre délégué aux anciens combattants, avait démissionné en 2014 et renvoyé de la cour de « justice » de la république, qui donne de sursis et acquitte les ministres, pour « prise illégale d’intérêts, atteinte à la liberté d’accès à l’égalité des marchés publics et détournement de fonds publics« . Quand il était ministre, il a passé des contrats de « média training » sans mise en concurrence avec une société gérée par son frère et un de ses neveux à 60.000 € pour 6 séances dont une seule a été effectuée.
- Michel Mercier, ex ministre sarkozyste renvoyé au tribunal en même temps que sa femme et ses enfants pour « prise illégale d’intérêts et détournements de fonds publics« . C’était en 2017 et ils vont seulement être jugés. Extrait de l’article du Monde du 8 novembre 2022 consacré à l’ouverture du procès: « L’épouse de l’ancien ministre de la justice, Michel Mercier, organisait d’aimables déplacements à caractère culturel pour les femmes de notables lyonnais, deux ou trois fois par an pendant seize ans, afin de visiter une exposition, un musée, goûter les crus du Beaujolais ou bien encore passer une agréable journée au bord d’un lac : 45 « événements », dont ont bénéficié au moins 783 invitées, aux frais du conseil général du Rhône dont Michel Mercier était président de 1990 à 2013. Ces dames ont aussi appris la délicate cuisson du homard et, pour les plus motivées, reçu des cours d’escrime« .
- Sylvie Andrieux élue 4 fois de suite députée socialiste à Marseille, condamnée (1 an…) en 2016 pour détournement de fonds publics
- Claire O Petit députée LREM interdite de gérer une entreprise pendant 5 ans.
- Jacques Bompard le maire d’Orange (extrême-droite) a été condamné à 5 ans d’inéligibilité en mars 2021 pour prise illégale d’intérêts pour des histoires de vente par la ville de bâtiments à ses enfants et d’achat de terrain devenu constructible.
- Alexis Kohler chef de cabinet de macron depuis qu’il était ministre de Flamby, a été directeur financier de MSC, fondé par des membre sde sa famille et qui est directement concerné par des décisions de l’Etat notamment sur les chantiers de St-Nazaire, d’août 2016 à mai 2017, avant de revenir bosser pour macron. Macron qui a juré promis que Kohler n’avait jamais participé à aucune décision concernant MSC, ce qui est contre toutes les évidences. Anticor a porté plainte en 2018 pour « prise illégale d’intérêt », « corruption passive » et « trafic d’influence« , classée sans suite évidemment, donc l’association s’est portée partie civile. Kohler a enfin été mis en examen le 3 octobre 2022 pour prise illégale d’intérêts (alors que le parquet national financier trouvait qu’il fallait arrêter de l’embêter), mais l’enquête avance très lentement.
Et puis il faut évoquer DSK: candidat éternel à la candidature, politicien libéral mais logé au parti socialiste, DSK a davantage privatisé que la droite. Il nous a seriné qu’il « n’y a pas d’alternative » à la mondialisation, a soutenu la « constitution » européenne qui nous étouffe aujourd’hui en le sachant parfaitement, bref: il a joué la partition de la classe dirigeante.
On ne parlera pas dans ce chapitre de l’affaire du Carlton de Lille qui révélait en fait un système de proxénétisme établi entre des patrons d’entreprise locaux et DSK, en passant par le Carlton. Bien-sûr, comme l’a montré la décision de justice au final, DSK ignorait que ces patrons lui payaient des prostituées, dans l’attente de contrats et/ ou de reconnaissance, prostituées fournies à l’occasion par des flics de Lille.
Dans cette affaire, le réquisitoire du parquet est devenu de plus en plus maigre, et au final il n’y avait plus de quoi fouetter un chat.
Cela a toutefois montré la réalité derrière la signature de nombreux contrats et l’intervention de politiques pour les faciliter. Les gros contrats, en tout cas dans le Nord où les bordels belges sont tout proches, se signent lors de soirées avec des prostituées.
Un tenancier de bordel belge m’avait raconté qu’un patron d’entreprise du nord qui n’ avait pas pensé à organiser la petite sauterie a été contraint d’amener en urgence des chinois en bus dans une des « maisons » de ce proxéte pour pouvoir signer le contrat. Au moment de signer, un chinois avait demandé « elles sont où les filles ? ». Des pratiques qui expliquent probablement en partie pourquoi si peu de femmes sont présentes dans les conseils d’administration des grandes entreprises.
L’affaire Epstein, finalement, révèle aussi ce système qui utilise des pseudo agences de mannequins pour fournir des filles lors de soirées avec du gratin, où on parle business autour de rails de coke.
On ne parlera pas de l’agression de Tristane Banon ou de celle de Naffissatou Diallo, mais on doit mentionner son aventure avec le « fonds » LSK & Partners, en réalité une pyramide de Ponzi classique avec un volet d’investissements en Afrique.
Son associé a eu la bonne idée de sauter par la fenêtre en 2014 (trois jours après que DSK lui ait rendu le siège de président du conseil d’administration), si bien qu’il a pu endosser toute la responsabilité et DSK a pu faire du DSK, c’est-à-dire jouer les vierges effarouchées devant les accusations des juges: notre ex ministre de l’économie et candidat à la gestion du budget national a osé déclarer qu’il avait fait preuve d’incompétence, et qu’il ne savait pas que la boîte dans laquelle il était associé était juste un gouffre financier.
Ce n’est pas drôle: 100 millions d’euros se sont évaporés dans l’affaire, ce qui n’aurait jamais pu être cas s’il n’avait pas prêté son image et son carnet d’adresses à son associé. En tout cas il est assez avisé pour installer ses sociétés dans les paradis fiscaux.
Le SAC, un système mafieux au service de la droite
Revenons un peu en arrière, sur les liens entre la politique et le banditisme. Un des exemples les plus révélateurs de cette dérive est Charles Pasqua, entré chez Ricard en 1952 pour monter dans la hiérarchie en devenant directeur des exportations, directeur de la branche marocaine, puis numéro 2 du groupe en 1967. Il est ainsi devenu ami avec le roi Hassan II du Maroc.
De cette amitié serait né un réseau de production de drogue grâce à des laboratoires de transformation de cocaïne installés en 1962 au Maroc, la coke étant ensuite transportée « dans des avions militaires atterrissant dans les deux importantes bases militaires d’Evreux et de Tours« , selon les accusation de l’opposant à Hassan 2 Ali Bourequat.
Selon l’ex trafiquant Gérard Fauré[52] qui a oeuvré en tant que trafiquant et assassin de membres de l’ETA (selon ses dires) pour le SAC:
« Pasqua avait un accord avec le roi Hassan II qui l’appréciait beaucoup. Il fournissait à ses sbires du SAC des centaines de kilos provenant des fermes ‘royales’ à un prix réduit. Je tiens cette information de la sœur même du monarque, Lalla Fatima Zohra, […] qui gérait ces fameuses fermes et était chargée de fournir les voyous français en cannabis, tout comme elle fournissait les princes saoudiens ».
Ces propos sont confirmés par d’autres sources, comme l’ouvrage intitulé A qui appartient le Maroc ? mentionné par le journal Maintenant du 20 décembre 1995, qui évoquait l’existence de sites de production de cannabis appartenant au roi, contrôlés par l’administration royale et où rien ne serait planté sans l’autorisation de ses représentants.
Chirac a aussi alimenté cette relation franco marocaine étroite: à peine élu en 1995 il a rendu visite à Hassan II et a reçu une ferme dans le Ouled Dzaim. A partir de là, la France a été très rapidement envahie de cannabis venu du Maroc (les fameuses « savonnettes »), à bas prix et de qualité souvent douteuse[53]. Cette collaboration a continué sous Mohamed VI.
Le journaliste franco-marocain Ali Bourequat, qui a porté publiquement ces accusations, a passé avec ses deux frères dix ans dans un bagne marocain. Il y a recueilli de nombreux témoignages de divers malfrats et militaires. Ce qu’il raconte est en grande partie confirmé par une membre de la famille Hémard (il était marié à Jacqueline Hémard, qui a été mariée aupravant à un membre de la famille Hémard), propriétaire de la distillerie Pernod, qui contacte Bourequat suite à son livre.
Celle-ci, avec laquelle il a demandé et obtenu l’asile politique aux Etats-Unis en 1995, lui avait raconté que chaque année en août, la famille Pernod se retrouve dans un hôtel de Genève où Françoise Hémard (l’administratrice de la holding Pernod-Ricard, les 2 entreprises ayant fusionné en 1975) distribuait à tous les membres de la famille une somme importante provenant des bénéfices réalisés dans le trafic de cocaïne par Charles Pasqua et le clan Hémard.
Chacun des héritiers Hémard recevait 100.000$, et l’argent était stocké chez UBS. L’argent était donné par des italiens à Patrick Hemard (beau-frère du témoin), en tant que « royalties pour nos labos au Maroc« , a-t-il déclaré. Hémard avait l’assurance d’une impunité totale par le ministre de l’Intérieur. Ce témoin a fui la France pour les Etats-Unis suite à des menaces de la DST et des autorités, après avoir fait ce témoignage, et Bourrequat l’y a rejoint, ayant obtenu l’asile politique ce qui était sans précédent pour un français.
Alain Jaubert dans son livre paru en 1976, « Dossier D… comme Drogue », retranscrit les propos de Jacqueline Hémard :
« Je fus mariée et vivais avec mon mari, M. Eric Hémard. Mon nom de jeune fille est Jacqueline Pilé. Mon mari était étroitement lié avec des membres influents du gouvernement français. Il était lui-même très puissant en France, politiquement et financièrement.
Les dernières années, j’ai pris conscience que la famille de mon mari était impliquée dans le trafic de drogue. La famille Hémard a contribué à mettre en place des installations de transformation de la cocaïne au Maroc. Le ministre de l’Intérieur, M. Pasqua, et le roi du Maroc, aussi bien que la famille de mon mari, étaient impliqués dans la mise en place de laboratoires ». Un business qui aurait commencé dès 1962, jusque dans les années 80.
Au Canada, la drogue était réceptionnée par le dirigeant local de Pernod Ricard, Jean venturi, considéré par les US comme l’un des plus gros importateurs de l’époque et très proche de Pasqua.
Ce dernier, qui fut rappelons-le ministre de l’Intérieur de Chirac, a été fortement soupçonné par les US dans le cadre de la French Connection, et de ses activités chez Ricard au Canada. Ils s’interrogeaient notamment sur un grain de 200.000 $ en 10 ans, une somme considérable à l’époque mais bien inférieure à ce que gagnait réellement un trafiquant international. Mais on ne va pas rester trop longtemps sur cette histoire, on y reviendra dans la partie prochaine sur le trafic de drogue.
Durant la guerre d’Indochine dans les années 50, une bande qui était pilotée par l’armée et le SDECE, le GCMA (groupement des commandos mixtes aéroportés), a pris en main le trafic d’opium en Indochine pour financer ses opérations pourries avant d’être dissous en 1954. L’opium arrivait ensuite dans les labos clandestins de la côte d’Azur et de l’arrière-pays marseillais.
Le SAC est intimement lié au « gaullisme », qui a dès 1947 cherché des financements pour ses campagnes. Il est amusant de noter qu’alors qu’il a tenté de réduire l’influence des réseaux stay-behind en France au tournant des années 60 [54], il a intégré dans le SAC exactement les mêmes profils de petites frappes et truands d’extrême-droite. Décidément fort utiles.
A Nice, à Aix-en-Provence, Marseille, Grenoble ou Lyon, les patrons du SAC étaient aussi des patrons du milieu local. Et le SAC, avec ses hommes de main armés, bénéficiant de passe-droits, était entièrement au service du parti gaulliste. « La direction de la police judiciaire dénombrera un total de 65 affaires impliquant 106 membres du SAC entre 1960 et 1982, affaire touchant à la prostitution, au racket, à la fausse monnaie, au trafic d’armes ou de stupéfiants« , écrit Vincent Nouzille dans « Les Parrains Corses, leur histoire, leurs réseaux, leurs protections ». Tout l’argent n’allait pas dans la poche des politiques, évidemment.
Il servait aussi à financer le SAC et ses activités « politiques ». En 1968, un courrier à « diffusion restreinte » daté du 24 mai et émis par les dirigeants du SAC de Marseille fournissait des listes de militants de gauche à arrêter à Marseille, Lyon, Grenoble et d’autres villes, puis à « regrouper sans explication » dans des stades « en cas de clash et sur ordre de Paris ».
Apparemment, des listes similaires existaient dans beaucoup d’autres villes de France.
« La liste des noms provenait de la DST et l’ordre devait venir de la direction du SAC, c’est-à-dire de Jacques Foccart lui-même », précise Alain Jaubert.
En 1949, il y a aussi eu cette affaire du vol de 100.000 Francs de bons du Trésor à Arras, par l’ex collabo, parrain Corse du clan Carbone et Spirito devenu proche de Lucky Luciano, accessoirement membre du RPF de De Gaulle, Jo Renucci, avec son ami le député gaulliste Antoine Chalvet de Récy. Arrêté, Renucci avait déclaré que l’argent était destiné à un parti politique [55] et il a obtenu un non-lieu. Déjà.
Dès les années 60, on observe aussi que certains types gravitant dans l’orbite du SAC et du SDECE, les renseignements, se sont mis à monter des sociétés à droite à gauche, avec à la clé ce qui ressemble à des détournements d’argent et à des officines de financements d’opérations de barbouzes à l’étranger[56]. En 1969, Pasqua a été poussé à démissionner du SAC et Pierre Debizet en a pris la direction. Il y a eu un petit nettoyage suite à de nombreux débordements en 68-69, mais en gros rien n’a changé, et Pasqua et ses copains se sont mis à créer des antennes dissidentes du SAC.
A cette époque, le milieu a créé des entreprises qui servaient de couverture et de pompe à fric. Il a pris le visage de patrons d’entreprises et cherchait à se rapprocher du monde politique pour continuer le business, quitte à en partager les fruits.
Le même phénomène a eu lieu en Italie, en Colombie, au Mexique, à la même époque. Si bien qu’il n’est pas rare de voir un politicien local qui marche pour la mafia locale, et qui possède des entreprises facilitant les transactions illicites. Ou un patron d’entreprise impliqué dans le trafic, qui se présente en politique ou s’acoquine avec le politique. Quand leurs protections tombaient avec les changements politiques, les malfrats tombaient souvent peu après.
Il y a, à ce sujet, le cas d’un certain Joseph Joanovici, qui faisait dans la ferraille dans les années 40-50. Celui-ci avait l’originalité d’être à la fois Juif, et Collabo avec les Allemands pendant la guerre, et aussi soi-disant résistant. C’est grâce à cela qu’il s’est constitué un monopole dans la ferraille[57] et faire fortune pendant la guerre.
Il a ainsi pu, à la fin de la guerre, financer des mouvements de Résistance et s’acheter un passé dans la Résistance où il n’avait jamais mis les pieds -comme tant d’autres l’ont fait. Mais, il a balancé des mafieux de la Gestapo comme Pierre Bonny et Henri Lafont.
Le type avait mis en place tout un système d’entreprises bidons pour pomper de l’argent à différentes étapes du processus de traitement des métaux, et cet argent servait aussi à financer des caisses noires diverses et variées, dont certaines finissaient dans la poche des politiques. Sa proximité avec le monde politique a permis de lui construire une « légende » de financier de la Résistance, dès le début de la guerre. Alors qu’en fait, il balançait les résistants aux Allemands.
Joanovici recevait -et arrosait – beaucoup.
« La plupart des documents compromettants pour Joanovici ont disparu à la Libération. On comprend pourquoi il avait hier un « moral de fer ». Cependant, un rapport de police, que nous avons consulté, a échappé au mystérieux coup de balai. De 1933 à 1939, par l’entremise de sa Société de récupération, il a ravitaillé l’Allemagne nazie en laiton, plomb et cuivres nécessaires aux fabrications de guerre. Toujours d’après ce document, il reçoit jusqu’en 1939 des «touristes» venus d’outre-Rhin, munis d’appareils de photographie, chargés de missions spéciales. De janvier 1941 à avril 1943, M. Joseph a vendu aux Allemands plus de soixante mille tonnes de vieux métaux. Chiffre d’affaires: six à huit milliards. Bénéfices personnels: quatre milliards », expliquait un article de Libération du 29 novembre 1997.
Mais, il a quand-même été rattrapé par son passé en 1949 : il a pris 5 ans de prison avec indignité nationale et confiscation d’une partie de ses biens. Sa fille a repris le flambeau, comme l’a montré un procès en 1986, pour 177 fausses factures[58].
Mais revenons au SAC et aux liens avec l’organisation institutionnelle du trafic de drogue. Selon l’article « L’État, la drogue et le « complot » en France : de la French Connection à l’îlot Chalon, des années 1960 aux années 1980″ d’Alexandre Marchant,
« À la fin des années 1960, de nombreux « barbouzes » porteurs d’une carte tricolore furent mis en cause dans des affaires de convoyage d’héroïne : Ange Simonpierri, Joseph Maro, etc. L’ancien membre du SAC repenti, Dominique Calzi, a par exemple rapporté avoir été témoin d’une opération de récupération, de recel et de revente de morphine-base venant de Turquie, supervisée par plusieurs membres du SAC (Victor Léandri, Bernard Cochinaire, Gérard Kappé, etc.). Impliqués aussi dans le trafic d’armes venant de Yougoslavie, ils étaient par ailleurs responsables de la sécurité lors de campagnes électorales de candidats UDR locaux. Cette participation des barbouzes au trafic est aussi attestée par le témoignage rétrospectif de certains policiers de la brigade des stupéfiants de Marseille ».
L’affaire Delouette, ce passeur de drogue arrêté par les douanes US en avril 1971 avec 44 kilos d’héroïne dans le coffre, montre aussi les liens entre trafiquants de drogue, services secrets, et monde politique. En effet Jacques Delouette était un correspondant du SDECE (passé lui aussi par Haïti à la fin des années 60), et a affirmé que cette transaction avait été réalisée sur ordre du SDECE, notamment d’un certain colonel « Fournier » que la justice US voulait entendre, mais qui restait planqué en France en niant en bloc. Delouette a déclaré qu’il devait remettre la cargaison au Canada à un correspondant du SDECE au consulat de France à New York, un certain Harold McNab.
Et le colonel du SDECE Paul Fournier a également été inculpé par la justice US pour avoir participé à l’importation des 44 kilos d’héroïne. Selon l’acte d’accusation, « Fournier est accusé d’avoir approché Delouette le 15 décembre 1970 « pour lui confier la mission de contrebande d’héroïne vers les Etats-Unis » et de l’avoir mis en contact avec un type pour la logistique du transport[60].
Officiellement, du côté français, toutes ces accusations impliquant le SDECE dans le trafic sont fausses [61] et Delouette avait été viré du SDECE fin 1970. Mais alors, pourquoi, dans un courrier le ministre de la Défense Michel Debré a-t-il rappelé au directeur du SDECE que l’affaire Delouette était confidentielle et ne devait être traitée que par lui personnellement ? Un certain nombre de trafiquants, comme on l’a vu, étaient aussi membres du SDECE, comme Michel-Victor Mertz qui a pris, à l’instar de Delouette, 5 ans de prison en 1971 (selon certains Mertz travaillait aussi pour le Mossad), ou Ange Simonpieri.
A Marseille, où le « socialiste » Gaston Defferre a régné de 1953 jusqu’à sa mort en 1986 grâce à la bienveillance des américains, se concentraient une bonne partie des trafiquants de la French Connection. Ils se sentaient apparemment très bien là, et les nombreux dossiers de corruption qui agitaient la ville montraient des liens étroits entre la pègre et les cercles politiques locaux. C’était comme cela dans les années 30, cela avait continué pendant et après la guerre, et il n’y avait pas de raison que ce système gagnant-gagnant cesse un jour.
Defferre se rendait régulièrement aux Etats-Unis, et a même été reçu à la Maison-Blanche par le président Johnson en mars 1964. Pour eux, il était un candidat intéressant à soutenir dans le cadre de leur politique de neutralisation de de Gaulle.
L’affaire René Lucet, ce patron de la CPAM des Bouches-du-Rhône retrouvé suicidé de deux balles dans la tête en mars 1982, a concentré l’attention à l’époque car Lucet avait stoppé un certain nombre de malversations qui avaient lieu à la CPAM au profit de différents syndicats notamment. L’enquête a mené jusqu’à un certain Dominique Venturi, ami de Lucet et également très proche de Defferre dont il a longtemps surveillé les meetings.
Le SAC était piloté depuis les cabinets ministériels. Les leaders régionaux et nationaux du SAC étaient souvent aussi actifs dans le monde politique. Didier Schuller, quand il était au cabinet de Robert Boulin ministre des relations avec le Parlement en 1972, avait aussi en charge les « mouvements associés » dont le SAC :
« Concrètement, cela signifiait que j’allais chercher le fric pour le SAC à Matignon. Les services du Premier ministre, notamment pour les fonds spéciaux, prenaient les décisions, et c’était moi qui, par l’intermédiaire de Boulin, proposais des financements. J’avais des réunions avec les responsables du SAC, Pierre Debizet et Charles Pasqua […] J’écoutais les doléances des dirigeants du SAC, puis je répercutais leurs demandes à Boulin qui lui-même allait ensuite en discuter à Matignon », écrivent Davet et Lhomme [62].
On parle de millions de Francs d’argent public donnés à cette milice barbouzarde au service de la droite. Certains syndicats avaient aussi leur part comme Force Ouvrière dont le seul intérêt était de diviser la CGT.
Toujours dans le Var, il a aussi eu l’assassinat de la députée de droite (ex extrême droite) Yann Piat en février 1994. Si le tueur et le pilote de la moto ont été condamnés avec quatre autres lampistes, les commanditaires politiques sont restés hors des projecteurs[63]. Et là encore l’ombre du SAC planait bien qu’officiellement Mitterrand y a mis fin en 1982 à la suite du massacre d’Auriol dont les circonstances exactes sont toujours pas claires, du moins officiellement.
En tout cas, Yann Piat avait mis le nez dans des affaires qui impliquaient des barons locaux, notamment de gros projets immobiliers et d’aménagement d’ex terrain militaires sur lesquels lorgnaient des entrepreneurs locaux liés à des italiens. Elle était en contact avec les frères Saincené, deux truands qui ont été membres du SAC, des proches du milieu politique et notamment du président de la région PACA Jean-Claude Gaudin, qui ont été retrouvés suicidés dans leur villa en mai 1994.
Selon les auteurs de « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République« , le suicide est assez difficile à concevoir : »
Plusieurs éléments infirment la thèse du double suicide, notamment le fait que les victimes ont sanglé leur ceinture de sécurité pour ce dernier voyage. Autre anomalie, la porte du garage est bloquée de l’extérieur par une autre voiture. Idem pour le verrou de la porte d’entrée de la villa fermée de l’extérieur. Les clés sont retrouvées dans le jardin… Plus surprenant encore, des traces de sang sont relevées sur les corps par les pompiers qui se rendent sur place ».
Fernand Saincené devait comparaître le lendemain dans une affaire de racket de chefs d’entreprises par le chef des impôts du coin, Pierre Cervera, en amont des élections régionales de 1992 [64]. Et surtout il avait pris contact avec je juge Van Ruymbeke pour lui expliquer les circuits de financement politiques.
« Fernand Saincené n’était pas un employé comme les autres, arborant cocarde, carte tricolore, laissez-passer et carte magnétique pour s’introduire à l’hôtel de région. On le trouvait également dans un réseau de racket fiscal qui lui permettait de soutirer des dizaines de milliers de francs à des contribuables trop heureux d’échapper ainsi à un redressement fiscal imminent. De 1985 à 1991, des sommes colossales se seraient ainsi accumulées, jusqu’à ce qu’une « victime » se rende chez un juge d’instruction. Rapidement arrêté, Fernand Saincené n’était pas avare de confidences et, devant le juge Murciano du parquet de Grasse, il indiquait que le véritable destinataire des fonds n’était autre que le Parti républicain des Bouches-du-Rhône. Des enveloppes auraient même été remises à Claude Bertrand, directeur de cabinet de Jean-Claude Gaudin », expliquait l’Humanité le 10 février 1995.
En filigrane de l’affaire du meurtre de Yann Piat, il y avait un caïd local, franc-maçon et membre du SAC, Jean-Louis Fargette, assassiné en 1993. Jusqu’alors, Fargette bénéficiait d’une impunité quasi-totale. Deux fois, en 1983 et 1986, il a été arrêté en Italie puis relâché, et touchait des pots-de-vin sur de nombreux marchés publics dont il reversait certainement une partie aux politiques locaux.
Certains ont accusé Yann Piat d’être commanditaire de l’élimination de Fargette. Selon cette version, elle aurait cherché à le rencontrer, notamment pour lui demander de l’argent[65]. La région était alors tenue par Maurice Arreckx, maire de Toulon, député, sénateur et président du conseil général. Fargette était l’un de ses soutiens dans le Comité d’action pour la majorité, un micro parti local destiné à assurer l’élection d’Arreckx dont Fargette gérait le service d’ordre et pour lequel il organisait des meetings.
Arreckx, affilié au parti de Giscard l’UDF, a revendiqué lui-même, après l’assassinat de Yann Piat, être le « parrain politique du Var ». C’était le cas jusqu’au milieu des années 80, quand Arreckx a encaissé lui-même des pots-de-vin réclamés aux entrepreneurs locaux au nom de Fargette. Cela a créé une brouille entre Fargette et son affidé, Arreckx, qui jusque-là lui obéissait au doigt et à l’œil[66].
En 1997, la justice a déterminé qu’il avait un compte en Suisse avec 7 millions de Francs issus de pots-de-vin liés aux marchés publics. Quant à l’affaire Yann Piat, la justice a toujours des doutes sur les commanditaires et les mobiles de son assassinat.
La corruption a donc perduré sans être vraiment perturbée, car si les lois se succèdent, les organismes de contrôle ont de moins en moins de moyens. Les politiques pris la main dans le sac expliquaient qu’il s’agissait de financer les partis politiques.
Et il est vrai que ce motif a été mentionné dans moult affaires, depuis les braquage du gang des lyonnais à l’affaire du meurtre du duc de Broglie [67], en passant par les emplois fictifs de la ville de Paris, l’affaire Pacary [68], les marchés truqués des Hauts-de-Seine, les détournements de la Mnef, la mutuelle nationale des étudiants de France, ou plus récemment les millions de Kadhafi…
A Lyon dans les années 60, les deux parrains, Jean Augé, dont on a déjà parlé, et son rival Jean Schnaebelé [69], étaient chacun protégé par des politiques. Jean Augé était le chef officieux du SAC pour la région Rhône-Alpes jusqu’à sa mort en 1973, pendant que le chef officiel était le commandant des CRS René Farge. Il dirigeait aussi le racket dans le sud-est de la France. Augé avait aussi travaillé pour le SDECE contre l’OAS en Algérie dans les années 60. Puis il s’était lancé dans « les affaires », notamment l’immobilier et le trafic de drogue via la Société Europe Anis. Il
Il en allait de même à Marseille et sur toute la Côte d’Azur. Edmond Vidal, du gang des lyonnais, a expliqué qu’il avait travaillé sur ordre, pour des missions telles que protéger des types en train de poser des écoutes à un congrès des socialistes, surveiller Gaston Defferre, ou encore « le noyautage de manifestation syndicales ou politiques qu’il s’agissait de faire tourner au bordel, par exemple à Belfort, au Puy, à Romans », a-t-il expliqué lors de son procès en 1977.
Il a aussi évoqué « des transports d’armes et de fonds à caractère politique, qui devaient échapper aux contrôles de police et de gendarmerie« , grâce aux informations sur les éventuels barrages policiers données transmises par « un haut fonctionnaire des Renseignements Généraux« . Ces affirmations étaient-elles un moyen de faire pression pour réduire la sanction ? On ne le saura pas car il n’y a pas eu d’enquête à ce propos.
Même l’enlèvement du fils Mérieux était moins clair que la justice n’a tenté de le faire croire. D’après Thierry Wolton dans « Les Ecuries de la Ve », ce sont les Mérieux qui tenaient le trésor de guerre du parti gaulliste pour les élections présidentielles de 1974. Mais le candidat du parti, Chaban-Delmas, n’a pas été au second tour. C’est Giscard qui a gagné, notamment grâce à d’importants financements de la part de Marcel Dassault [70], membre du Grand Orient[71] (mais suspendu).
Dans ces affaires, on retrouve souvent, à un degré ou un autre, l’action des services secrets, manifestement utilisés comme bon leur semble par ceux qui tiennent les rênes du pouvoir.
Même les élections en France se déroulent de façon totalement irrégulière. Déjà lors des primaires dans les partis : combien d’affaires de bourrage d’urnes ? En 1974 un adversaire politique de Chirac, parachuté en Corrèze avait dénoncé une magouille pour faire élire Chirac secrétaire général de l’UDR de Corrèze grâce à un afflux soudain de 624 adhérents, dans une fédération qui jusque-là en comptait 28 [72]. Certains des nouveaux adhérents étaient, s’est-il dit, pensionnaires de l’hôpital psychiatrique local. Une plainte a été déposée mais la justice n’a jamais éclairci l’affaire.
Pour les législatives de 1986, une association patronale créée en 1982, l’Association Française des Entreprises privées (AFEP), très à droite, aurait distribué 50 millions d’euros aux partis de droite. Patrick Ricard, patron de Pernod-Ricard, a déclaré au sujet du financement des politiques : « Cher mais indispensable. De 1980 à 1986 cela nous a coûté les yeux de la tête ».
Dans les années 70, 80, 90, les grandes entreprises nationales, grâce à des surfacturations, apportaient aussi leur obole au monde politique. Les entreprises qui bénéficiaient de ces surfacturations étaient dans les petits papiers de partis politiques ou de politiciens et leur en reversaient une partie. Le tout, sur le dos des contribuables et des usagers, français ou étrangers.
En 1994, l’affaire Alcatel Lucent (encore un fleuron des télécoms) avait mis à jour des surfacturations à la charge de France Telecom :
« Les manœuvres frauduleuses commises au détriment de France Télécom ont pris l’apparence de systèmes bien rodés qui ont permis de surfacturer abondamment les matériels de transmission et les centraux téléphoniques« , précisait Le Monde du 4 décembre 1994.
Les contrats d’armement et de grands équipements sont systématiquement liés à des commissions qui atterrissent dans la poche des intermédiaires étrangers, et qui sont légales (environ 10% officiellement de la somme totale du contrat), mais elles donnent aussi lieu à des rétro-commissions, illégales, qui finissent dans la poche des facilitateurs français du contrat, politiques compris.
Certains juges, comme on l’a vu, se sont demandé si les billets de 500 Francs que faisait déposer à la banque le candidat Balladur ne venaient pas de rétro-commissions sur des ventes d’armes et non de la vente de T-shirts comme il l’affirmait. Les vagues de nationalisations en 1981, puis de privatisations à partir de 1986, ont encore été l’occasion de remplir les caisses des partis au pouvoir[73].
Comme l’explique Thierry Wolton, :
« Les grands contrats d’équipement favorisent toujours des entreprises ‘amies’ qui n’oublieront pas de reverser une commission à la formation politique du ministre, de son directeur de cabinet ou du haut fonctionnaire compétent« . Les rallonges sur les chantiers, devenues systématiques afin de minimiser le prix initial et de remporter le marché, permettent aussi de verser des dessous de table aux partis et aux politiques. Certains bureaux d’études étaient aussi des officines de partis politiques, et touchaient des montants bien supérieurs aux prix du marché.
En 1999 le Grand Orient s’inquiétait des dérives d’une fraternelle, le Groupement amical de la Défense nationale, où militaires et patrons d’entreprise de la région niçoise se retrouvaient, dans un contexte où les ventes de terrains militaires ont posé question à la justice.
Dans les années 80, le BTP, la distribution d’eau privatisée, notamment, étaient aux premières loges pour financer les partis. « Chacun des marchés publics permettait au parti politique décisionnaire pour la signature du contrat d’empocher de 2 à 4 % de fausse facturation, par le biais de « bureaux d’études » agréés, tout en reversant quelques miettes (moins de 1 %) aux autres grandes formations politiques« , écrivent les auteurs de « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République ».
Rien qu’au niveau des maires, un article de France Info de janvier 2020 expliquait : « Dans la période 2014-2020, selon une estimation de l’Observatoire Smacl des risques de la vie territoriale, ils seraient 827 maires (ou anciens maires) à avoir été l’objet de poursuites. Parmi eux, 340 (soit 41%) ont fini par être condamnés. Les manquements au devoir de probité (prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics, favoritisme, corruption, trafic d’influence, escroquerie, etc.) constituent la première cause de poursuites, devant les atteintes à l’honneur (diffamation, dénonciation calomnieuse) et les atteintes à la dignité et à l’intégrité psychique (discriminations, appels à la haine, harcèlement moral, menaces, etc.). »
Ces pratiques sont encore complètement d’actualité : le 29 octobre 2022, un haut fonctionnaire responsable des marchés publics au conseil départemental des Bouches-du-Rhône a été jugé pour avoir été au coeur d’un systme de corruption. 10 autres prévenus dont 9 chefs d’entreprises étaient aussi accusés d’avoir trafiqué les amrchés publics du département de 2012 à 2016. Une affaire révélée par hasard après la découverte d’une clé USB lors d’une perquisition dans le cadre d’un strifc de drogue.
Le parquet a requis 7 ans de prison, 200.000 € d’amende et l’interdiction définitive d’exercer dans la fonction publique contre Renaud Chervet, l’ex haut fonctionnaire qui aurait ainsi gagné près de 500.000 € d’après l’instruction. Sur la clé USB il y avait des vidéos dont une où on voit Chervet dans une voiture prendre 10.000€ en cash donné par un entrepreneur local, et encore 10.000 devaient arriver par la suite. On attend le jugement le 2 décembre 2022.
L’affaire des avions renifleurs sous Giscard est aussi emblématique : 800 millions d’euros engloutis par Elf, dont 340 millions évaporés à travers des sociétés offshore, pour développer un procédé censé voir les nappes de pétrole à travers le sol depuis un avion. Ont été condamnés deux lampistes, le pseudo inventeur et celui qui a tenté de refourguer le procédé, du moins officiellement, qui ont fini ruinés.
Mais autour de ce dossier on retrouve Antoine Pinay, son grand ami Jean Violet, ex du SDECE, Carlo Pesenti l’industriel italien membre de la loge P2 et actionnaire de la banque Ambrosiano –tous trois membres de l’Opus Dei, la banque du Vatican impliquée dans moult scandales, une barbouze de la sécurité d’Elf, ami de Jean Violet, et Giscard qui permet à Elf de faire passer l’argent en Suisse sans respecter les « obligations de contrôle administratif et financier et le contrôle des changes ».
Ajoutons qu’en 1978, lors d’une réunion entre Elf et l’équipe de Violet à la banque suisse UBS, deux prêtres de l’Opus Dei et liés aux renseignements du Vatican, proches de Violet, étaient présents, Dubois et Marmier. A l’issue de cette réunion, il a été décidé de poursuivre le financement du projet alors que beaucoup s’interrogeaient déjà sur sa faisabilité.
Au milieu des années 80, l’affaire Luchaire, une vente d’obus à l’Iran avec rétro-commissions à des partis politiques, a finalement donné lieu à une loi d’amnistie. Selon Le Nouvel Observateur du 13 novembre 1987, « 40 000 obus de 155 fabriqués par Luchaire et théoriquement destinés à la Grèce et au Pérou prennent, dès 1982, la destination du port iranien de Bandar-Abbas« , puis les iraniens ont demandé 400.000 obus supplémentaires. Pour cela, il fallait à la société Luchaire l’accord du plus haut niveau de l’Etat (notamment au ministère de la Défense), mais les responsables politiques, le PS de Mitterrand à l’époque, disent que l’entreprise leur a menti.
Au passage, il y a eu des délits d’initié qui ont permis à certains acteurs ayant connaissance des négociation de se faire pas mal d’argent.
Selon certains protagonistes de l’affaire, le patron de Luchaire aurait donné quelques millions de Francs au Parti Socialiste pour pouvoir mener la transaction, et en plus un rapport accablant pour l’entourage de Charles Hernu, ministre de la Défense, a été classé « confidentiel défense » histoire de bloquer l’instruction lancée en 1986. En 1989, ce fut non-lieu général faute de preuves, mais le secret défense n’a pas pu être levé sur de nombreux documents.
Le FN a également bénéficié de donations d’entreprises, comme celle de Dassaut qui aurait donné 500.000 F en liquide pour avoir son député pour la campagne des européennes de 1984, en la personne de Olivier d’Ormesson, en 5e position sur la liste FN, qui avait contribué à la rédaction du programme du FN aux législatives de 1985 [74].
De 1982 à 1986, Michel Mouilot, membre du « parti républicain » concurrent du RPR, a dit avoir « été de tous les coups avec Léotard » pour le financement occulte du parti :
« J’ai vu circuler de grosses sommes venant de sociétés françaises bien connues du monde politique. Certains afficheurs nous offraient des prestations gratuites. Tout cela était une immense magouille. Tout le monde prenait sa dîme. Ca continue aujourd’hui car les partis ont toujours besoin d’argent« . Mouillot était membre de la GLNF à Paris, comme divers protagonistes de l’affaire. Il a pris de l’argent à la générale des Eaux (publique) pour le donner aux politiques cannois.
L’affaire du Carrefour du développement, qui finira elle aussi en eau de boudin, commence avant la fin de l’affaire Luchaire. Un ministre de la Coopération socialiste et membre du Grand Orient, Christian Nucci, a eu chaud aux fesses [75] quand il a fallu justifier d’un trou de plus de 20 millions de F de la comptabilité, sur une subvention publique de 80 millions[76], dans la caisse de l’association qu’il a créée alors qu’il était ministre.
L’association aurait aussi financé des opérations de barbouzerie, comme l’envoi d’une trentaine de mercenaires du Tchad en 1983. Le scandale a éclaté en 1986 avec l’arrivée de la droite au pouvoir.
Quand la politique est le business – et vice-versa
Elf, entreprise publique, a été créée, a dit son ex PDG Loïk Le Floch-Prigent, pour assurer le financement du parti gaulliste. Il semble que cette mission soit restée la même jusqu’aux années 2000 au moins. Entre 1989 et 1993, sous la présidence de Le Floch-Prigent, 2 milliards de francs auraient été détournés. Il s‘agit principalement d’argent prix aux africains, puisque Elf ne payait quasiment aucune taxe à l’Etat sur le pétrole prélevé.
L’argent fuyait de partout : chaque contrat, chaque forage entraînait des surcoûts qui permettaient de remplir les mallettes et de gaver intermédiaires et responsables politiques corrompus en Afrique comme en France. Pour soutenir l’activité d’Elf, on n’hésitait pas à faire intervenir des prostituées ou assimilées [78].
Cette manne d’argent a servi à financer les partis politiques, mais aussi diverses opérations illégales et discrètes menées par les barbouzes français.
L’affaire des frégates de Taïwan a révélé encore une fois le rôle des intermédiaires et des rétrocommissions. Six frégates ont été vendues à Taïwan par Thomson CSF et la Direction des Chantiers Navals à partir de 1991, pour 2,5 milliards de Francs. Mais ce qui était vraiment exceptionnel dans ce contrat, c’était le montant des rétrocommissions, les sommes reversées aux décideurs et intermédiaires français qui ont facilité le contrat, et qui s’élevaient à 16% du montant total, soit 440 millions de F [79]. La France a conclu l’affaire par un non-lieu en 2008 en raison du secret-défense qui a toujours bloqué le dossier, mais la Chine a aussi lancé sa procédure.
Sarkoléon, qui a été ministre du Budget et directeur de campagne de Balladur en 1995, puis ministre de l’Intérieur, puis président, a refusé lui aussi[80] de lever le secret défense sur ce dossier comme le demandaient les juges français d’abord, puis les autorités suisses, si bien que ce sont les contribuables français qui ont dû payer une amende record de 630 millions d’euros à la Chine [81] (qui voulait récupérer les rétrocommissions illégales) pour couvrir ses politiques véreux. En effet, seule la levée dudit « secret défense » aurait permis d’identifier les bénéficiaires des rétrocommissions, à savoir des politiques de « gauche » comme de droite.
Parmi les intermédiaires, on retrouve le réseau d’Andrew Wang[82] et le réseau Sirven-Deviers-Joncour, qui devait amener Roland Dumas (ministre des Affaires étrangères) à valider la transaction, Thierry Gaubert ce proche de sarkoléon accusé par son ex- épouse « d’avoir, dans les années 1990, rapporté de l’étranger avec l’intermédiaire des valises d’argent remises à Nicolas Bazire. Il avait en effet plusieurs fois rejoint Ziad Takieddine à Genève et avait ouvert un compte en Suisse » selon le JDD du 7 octobre 2019. ou encore Takieddine, qui aurait fait transiter une commission de 210 millions de Francs pendant la campagne présidentielle.
Une quinzaine de politiques français auraient dû toucher des commissions, qui sont passées par des comptes offshore détenus par différents intermédiaires, notamment un compte Suisse d’Andrew Wang. Il y a eu quelques morts dans ce dossier, dont certaines suspectes :
- Un colonel de l’armée taïwanaise qui enquêtait sur l’affaire, Yin Ching-Feng, retrouvé assassiné en décembre 1993 dans le port de Taipeh.
- Un de ses proches à qui il avait confié des dossiers, mort électrocuté dans son bain à Montréal en 1996,
- Un témoin des versements de Wang, tombé par la fenêtre de son bureau en 1996,
- Un ex officier de la marine nationale représentant de Thomson-CSF à Taïwan, Jean-Claude Albessard, qui a eu un cancer foudroyant en mars 2000. Selon Le Monde du 7 juillet 2005, une perquisition menée en 2003 à son domicile a mené les juges à penser que « Thomson-CSF avait tenté de procurer à M. Wang un faux passeport dominicain afin de lui permettre d’échapper à la justice de son pays. Ces suspicions ont été confirmées, le 16 mai, par l’ancien directeur juridique de Thomson-CSF, Jean-Claude Desjeux ».
- L’ex agent de la DGSE Thierry Imbot, tombé en octobre 2000 par la fenêtre de l’appartement chic où il venait d’emménager à Paris. Il avait suivi de près le dossier des ventes d’armes à Taïwan, puis en 1993 avait été embauché par une boîte d’informatique US liée aux renseignements français.
- Le capitaine marine Jacques Morisson, salarié de Thomson-CSF, tombé de sa fenêtre ou dans sa cage d’escalier selon les versions, à Neuilly en juin 2001.
Bien-sûr, tout le monde est censé croire que derrière toutes ces magouilles et ces millions de Francs puis d’euros évaporés, jamais il n’y a eu d’enrichissement personnel, ces détournements massifs de milliards n’auraient servi qu’au business politique. Sarko a obtenu un non-lieu en 2016, annulé en 2018. Et nous sommes priés d’oublier les affaires dès qu’elles cessent d’être d’actualité.
On est censés croire que les marchés publics sont réglos, alors qu’on ne cesse de rendre les procédures plus opaques. Selon Brigitte Henri, ex chef des RG en France, explique que:
« Dans les pays européens, les commissions occultes atteignent 8 à 10 % du montant global des marchés. Le « ticket d’entrée », c’est-à-dire l’enveloppe versée par les entreprises pour pouvoir soumissionner à un marché, étant quant à lui de 3 à 5 %. Ce type de « droit à concourir » est le plus courant dans les pays développés » [83].
Aujourd’hui, quand on voit les milliards donnés sans aucune contrepartie aux entreprises, dont les plus grosses récoltent la plus grosse part, on est censés ne pas imaginer qu’une partie de ces milliards reviennent dans la poche de ceux qui les ont si généreusement octroyés.
Pendant ce temps-là, nos dirigeants utilisent l’argent public pour mener des trains de vie de nababs. Sous chirac par exemple, les frais de la présidence de la République ont augmenté de 798% (x 9 en 12 ans). Puis en arrivant, sarkoléon a explosé le budget en l’augmentant directement de 8,5 %, puis flamby a réduit les dépenses, et le micron les a fait repartir à la hausse.
Et pendant que l’on détourne l’attention et que l’on tape sur d’hypothétiques « assistés », c’est open bar pour les grands patrons, les gros actionnaires, les banques et les multinationales.
Terminons cette partie sur la corruption par de nouveaux développements, qui sont consternants. Depuis le sarkoland, nous sommes passés à la vitesse supérieure dans deux travers politiques, qui sont finalement l’objectif de toujours du capital :
- La « droite décomplexée », c’est-à-dire aller sans « complexe » sur le terrain de l’extrême-droite, avec des sujets destinés à amuser la galerie tels que l’immigration, l’ « assistanat » des pauvres mais jamais des multinationales et de leurs actionnaires, l’ « insécurité » etc. Autant de débats anecdotiques au vu de la gravité de la situation.
- Un appui sans limite au grand capital, au « business », à « la croissance » etc.
- Une prise en main des médias avec une pensée unqieu de plus en plus sclérosée, qui vaut d’être qualifié de « complotiste » dès qu’on l’interroge ou qu’on la contredit…
- Un creusement des inégalités à peine croyable et sous-estimé en raison de l’ampleur des paradis fiscaux.
- Un pouvoir de plus en plus autocratique, qui même minoritaire monopolise les pouvoirs judiciaire et législatif; sans même parler des médias. Le droit est donc de plus en plus favorable aux intérêts « commerciaux » et il est donc de plus en plus difficile de parler des affaires de corruption impliquant le pouvoir en place.
Nous sommes passés dans le monde des intermédiaires, des avocats d’affaires. D’autant plus que les députés et ex ministres pouvaient jusqu’en 2013 droit d’exercer comme avocats d’affaires pendant leur mandat. Suite aux nombreux conflits d’intérêts que ce système a entraîné, une petite liste de métiers parallèles leur a été interdite en 2013. Mais on rappelle que s’ils sont aussi bien payés, c’est justement pour ne pas aller manger à tous les râteliers.
C’est à ce moment qu’est aussi apparu, du moins pour nos législateurs toujours très en retard, le rôle des cabinets d’avocats d’affaires dans l’évasion fiscale et l’ « optimisation fiscale » comme dirait le micron. En tout cas, la perte de milliards d’impôts chaque année (100 milliards a minima) et de l’argent qui ne sert pas à l’économie.
L’affaire Cahuzac a quand-même un peu remué le microcosme, qui s’est cru obligé de réguler un peu ce business. Un certain nombre de pontes de l’UMP sont aussi « avocats » et ont donc le nez dans le business. Jean-François Copé, par exemple, obtenait 80% de ses revenus par ses activités d’avocat d’affaires en 2008, alors qu’il était député et président du groupe UMP à l’Assemblée (ce qui prend plus de 20% de temps par semaine).
Plus récemment, Rachida Dati a touché 600.000 euros par an environ de Renault-Nissan entre 2009 (quatre mois après son départ du gouvernement) et 2013 pour des conseils. A une époque où la boîte touchait de l‘argent public en licenciant. Coup de bol :
« Tenue au secret professionnel de l’avocat, cette dernière n’est pas obligée de rendre public le nom de ses clients. En tant qu’avocate, Dati n’a pas à justifier la matérialité de ses conseils prodigués à ses clients« , précisait L’Obs en février 2019.
Des perquisitions ont tout de même eu lieu à son cabinet et à son domicile en octobre 2019 dans le cadre d’une instruction pour « abus de biens sociaux » et « corruption » contre Carlos Ghosn. Alain Bauer, avocat également, est lui aussi impliqué pour avoir touché 1 million d’euros entre 2012 et 2016 pour des conseils.
Sarkoléon aussi est avocat spécialisé dans l’immobilier, et durant toute sa présidence il avait encore 34% des parts du cabinet Claude & Sarkozy (en renonçant certes aux dividendes). L’un de ses associés a été mis en examen dans l’affaire Balkany en 2015.
Selon L’Obs du 1er février 2015,
« Depuis 2009, le chiffre d’affaires de Claude & Sarkozy a doublé, à 5,1 millions d’euros. Sur la seule année 2013, il a progressé de 23% grâce à « la réintégration effective d’un associé », explique le cabinet. L’associé en question, c’est bien sûr Nicolas Sarkozy, redevenu avocat après sa défaite présidentielle, en 2012 (…) Jusqu’alors, le cabinet réalisait l’essentiel de son activité en France. Changement de cap en 2013, avec 1,5 million d’euros de revenus générés à l’étranger ».
La justice, placée sous tutelle, via les procureurs, du pouvoir politique, est instrumentalisée au gré des changements de majorité, des amitiés et inimitiés. L’immunité des présidents est un bon Jocker, qui permet d’éviter les problèmes pour les malversations commises pendant leurs « fonctions », ce qui a permis à Sarkoléon de passer à travers de nombreuses procédures.
Nous sommes dans un pays où les magistrats sont tellement indépendants que certains rencardent un président (sarkoléon) dans une affaire l’impliquant[84], qu’un magistrat à la retraite passé dans l’arbitrage privé aide un fidèle client (Bernard tapie) dans une affaire où plus de 400 millions d’euros d’argent public sont en jeu[85], ou encore qu’un président élu avec 8,5 millions de voix (micron, 1er tour) décide de nommer lui-même le procureur de Paris, qui se trouve en haut de la hiérarchie des procureurs.
C’est pour cela que la justice française, qui relève davantage d’une mafia que d’une institution démocratique rendant une forme de justice, est régulièrement brocardée dans les classements internationaux et par la cour européenne des droits de l’homme.
Et ces gens se votent des amnisties, des lois qui légalisent ce qui était illégal, augmentent leurs salaires (+172% pour sarkoléon en 2007, par exemple, en cumulant avec ses autres rémunérations qsoit 42.000€ par mois), leurs avantages, leurs retraites, tout en ruinant ce pays.
Sarkoléon a accéléré la mise de l’Etat au service du business. Il recevait tout au long de la semaine des « chefs d’entreprise », des intermédiaires et éminences grises. Ses conseillers étaient issus du monde du business (50 rendez-vous avec Tapie notamment). Il admirait les milliardaires. A force de ne fréquenter que ces sphères déconnectées de la réalité vécue par 99% des gens, ce genre d’individu, perdu au milieu de sa cour, finit par croire que le seul modèle valable est celui que ces patrons du CAC 40 lui soufflent à l’oreille. Un trait qui s’est violemment renforcé sous macron avec l’arrivée des lobbyistes au gouvernement.
Avec macron, un cap a été passé : le business a envahi le gouvernement, et ce président est ouvertement sponsorisé par des multinationales. Ce qui a valu une perte de souveraineté et un recul de l’emploi notables : affaire McKinsey, affaire MSC, affaire Uber avec la destruction du droit du travail si chère à jupicrétin, et d’autres désastres économiques tels que:
- ArjoWiggins Security de Jouy-sur-Morin, plus grand papetier du pays qui appartenait à la banque Worms devenue le groupe Sequana et fut qualifié par Les Echos de « cas d’école du déclin industriel français » et a englouti 200 millions d’euros d’argent public en 7 ans [87] …
- Goodyear, une fermeture d’usine qui a mis plus de 830 salariés sur le carreau en 2014, jugée « injustifiée sur le plan économique » en 2020 car elle aussi marchait bien avant que les milieux spéculatifs s’en emparent.
- Vallourec, usine fermée en 2020 après avoir été vidée progressivement de ses ressources. Le groupe a licencié 3000 personnes dans le monde et une centaine en France sur le site de Saint-Saulve. Un nouveau plan annoncé en mai 2022 concerne 300 autres salariés en France et le site de Saint-Saulve sera fermé : c’est le 7e « plan social » en quelques années[88].
- Sanofi qui a annoncé en 2021 la suppression d’un millier d’emplois en France.
- Vivarte et 2000 licenciements prévus suite à la revente. Le groupe est dirigé par un fonds spéculatif US qui l’a racheté en s’endettant par « effet de levier », et doit donc rembourser le capital + les intérêts + rémunérer ses actionnaires et a donc encore une fois démantelé le groupe[89].
- Technicolor, spécialiste de l’image, est lentement démantelé. 110 emplois sur 286 à Rennes doivent disparaître car les activités R&D qui restaient encore (et les brevets bien évidemment) sont progressivement délocalisées en Inde. L’entreprise a été endettée volontairement puis mise en procédure de sauvegarde pour pouvoir licencier en masse, et Bpi France, actionnaire à plus de 7%, a mis 20 millions d’argent public pour recapitaliser.
- Nokia qui après d’excellents résultats en 2020 a annoncé le licenciement 1200 personnes de sa filiale Alctatel Lucent (jadis un fleuron national) en France, soit un tiers de ses effectifs. Même la CFDT a trouvé ce plan de « sauvegarde de l’emploi » hallucinant, apparemment mis en suspens.
- Renault a annoncé en 2020 la suppression de 4600 emplois en France et 15.000 dans le monde.
- Alstom revendu dans d’obscures conditions à General Electric, a subi deux plans sociaux et a été dépouillé de son savoir-faire. Certains parlent même d’un « démantèlement » d’Alstom qui était avant le micron une entreprise stratégique.
On s’étonne de ne plus rien produire en France ?
Du côté du Vatican
Les magouilles pécuniaires et l’Eglise catholique, c’est une longue histoire. Comme le rappelle Monseigneur Rafael Rodriguez Guillén dans « The Vatican Mafia », c’est bien à Rome qu’est née la mafia, et ses liens avec le Vatican dont elle dépendait sont originels.
Et dès le XIXe siècle les papes ont fait appel aux Rothschild pour combler les trous dans la comptabilité : en 1831 Grégoire XVI a réalisé un premier emprunt de 400.000 £ (ce qui représente autour de 40 à 50 millions d’aujourd’hui, au moins) aux Rothschild[90] qui étaient déjà des créanciers réputés de divers Etats, mais Juifs ce qui posait tout de même un problème à de nombreux catholiques. James de Rothschild est devenu le banquier officiel du pape, et a mis un petit peu d’ordre dans les finances de l’Eglise, qui étaient gérées n’importe comment par des curés non compétents[91].
Sous Pie IX, c’est le secrétaire d’Etat au Trésor Giacomo Antonelli qui a fait main basse sur les finances du Vatican, enrichissant au passage ses trois frères et lui-même, envoyant des dizaines de famille de la noblesse noire vers la Banca Romana qu’il avait confiée à son frère. Cette banque devint rapidement un gouffre et était au bord de la faillite en 1887.
Mais on va se concentrer sur le XXe siècle, riche de scandales en la matière, depuis le sauvetage des finances du Vatican par Mussolini après le krach dans les années 30 (un renvoi d’ascenseur[92]) jusqu’aux scandales de la banque Ambrosiano ou de la loge P2.
C’est avec Mussolini que le Vatican fraîchement créé a pu se doter d’une institution financière pour gérer la donation de Mussolini. Appelée Amministrazione Speciale della Santa Sede (ASSS), elle devait faire fructifier l’argent afin qu’il ne soit pas dilapidé dans des œuvres de charité.
En juin 1929, comme l’explique Paul Williams dans son livre « Les dossiers noirs du Vatican.
L’argent, le crime et la mafia dans l’Eglise catholique » : « le Pape engage Bernardino Nogara, le génie de la finance qui a réorganisé la Banque du Reich, pour devenir le gestionnaire et le directeur du nouvel organisme, en lui confiant le contrôle plein et entier sur les investissements. Sur la consigne de Nogara, la nouvelle institution n’emploie pas d’ecclésiastiques pour qu’aucun intérêt paroissial ne puisse interférer avec la logique du profit financier. Le seul but de l’Administration spéciale du Saint-Siège est de générer des revenus pour rendre à l’Église richesse et pouvoir ».
Très vite, il a fait venir quelques amis banquiers suisses pour faire tourner les affaires de la banque, qui a beaucoup investi dans l’économie de l’Italie fasciste. Grâce à Nogara et ses placements internationaux réalisés via la Banca di Roma et des établissements amis et au rachat de nombreuses entreprises en faillite en pleine crise des années 30, le Pape est rapidement devenu le plus grand propriétaire terrien du pays après le gouvernement.
Des parts majoritaires ont été prises dans divers établissements tels que la Banca Commerciale Italiana et dans de nombreuses entreprises, avec des mouvements financiers dans tous les sens. Une grande partie des revenus a été détournée dans des structures défiscalisées appartenant à l’Eglise, puis dans des banques suisses. Depuis cette époque, peu de gens connaissent réellement le montant du patrimoine de l’Eglise.
Le staff était composé de financiers et était supervisé par trois cardinaux. C’est pour préserver les biens de l’Eglise en Allemagne que le Vatican a négocié avec Hitler et lui a permis d’accéder à la chancellerie en 1933, alors que les catholiques allemands s’opposaient aux nazis[93].
Puis la très opaque banque du Vatican, l’Istituto per le Opere di Religione (IOR – Institut pour les œuvres de la religion…) a été créée en 1942 par Nogara et Pie XII, très proche à la fois de Mussolini et très favorable à Hitler[94], et placée sous son autorité directe. Les comptes de cet institut destiné à « prendre en charge et de gérer les capitaux destinés à des organismes religieux » n’étaient vérifiés par aucune structure, personne ne connaissait ses actifs ou son passif excepté le pape et ses hommes de confiance.
Aucun enquêteur ne pouvait y accéder, même sur demande d’un juge, et tous les employés étaient directement nommés par le pape pour des missions définies par lui.
Comme dans tout bon paradis fiscal, les dépôts et les comptes pouvaient être anonymes, toute la comptabilité était régulièrement détruite et jamais publiée. Chose originale, l’IOR avait trois comités de direction : un avec des cardinaux, un avec des banquiers internationaux, et un avec des fonctionnaires des finances du Vatican.
Aujourd’hui encore, l’IOR fonctionne comme une des principales blanchisseuses d’argent sale au niveau international comme l’a notamment montré l’affaire des « Vatileaks », des documents détournés par un employé de Benoît 16 en 2011 qui n’ont débouché sur rien mis à part des poursuites judiciaires contre le lanceur d’alerte. De nouveaux documents sont donc sortis en 2012 au sujet de détournements d’argent du Vatican par des dignitaires. Là encore, le pape a seulement poursuivi les lanceurs d’alerte.
Nogara a aussi enrichi son entourage, à commencer par Volpi, son ami depuis 1902 et magnat de l’industrie, que les US considéraient comme un escroc bien trop puissant à leur goût.
Le Vatican a aussi gagné beaucoup d’argent en organisant les rats lines en collaboration avec la CIA, c’est-à-dire l’exfiltration des nazis y compris les pires tortionnaires, vers l’Amérique latine qui semble avoir été la destination principale, l’Amérique du Nord, le Moyen-Orient, et même en France et ailleurs en Europe.
Les nazis qui risquaient des poursuites devaient rémunérer le Vatican pour les faux papiers, le gîte et le couvert dans ses monastères, et les voyages. Et il a conservé l’or volé par les nazis croates, les oustachis, à leurs centaines de milliers de victimes (il est question de 600.000 à plus de 800.000 morts).
Dès 1947, Pie XII a utilisé l’argent de l’IOR, en premier lieu celui de la CIA (par exemple en 1948 la CIA y a mis 65 millions de dollars provenant de la vente d’héroïne) pour financer le parti chrétien démocrate qui a régné sur le pays pendant des dizaines d’années. Des milliers de cellules locales ont été ouvertes avec l’appui sans faille du Vatican et de toute l’Eglise, pour contrebalancer la forte présence locale du parti communiste[95].
L’argent a aussi servi à organiser les rats lines ou à financer les mafieux qui s’en prenaient aux communistes et allaient jusqu’à massacrer des civils en parfaite impunité en particulier dans les périodes électorales, comme on l’a vu dans la partie sur le stay-behind en Italie. Car la Démocratie chrétienne s’est alliée avec la mafia, le tout sous les auspices de Pie XII, et a pu remporter haut la main les législatives de 1948, évitant ainsi la nationalisation des entreprises collabos.
« Le nouveau président De Gasperi, en reconnaissance du soutien que lui a apporté le Vatican, offre à l’Église les termes du Concordat signé avec Mussolini. Toutes les entreprises appartenant au Vatican en Italie resteront exonérées d’impôts et, en tant que sociétés légales d’un État souverain, libres de toute investigation publique. Rien des biens considérables de l’Église ne sera rendu à César.
Et avec l’aide financière américaine qui coule à flots en Italie, le Vatican reçoit des millions pour la revitalisation de ces entreprises comme Italgas et Immobiliare. De plus, l’administration Truman, par l’intermédiaire du cardinal Spellman, commence à faire parvenir au Vatican d’importantes sommes d’argent « au noir », pour « continuer à combattre les soviets en Europe ». Dans l’un de ses rapports destinés à Rome, Spellman insiste sur l’absolue nécessité de garder le secret sur les millions de dollars que les États-Unis déversent dans les coffres de l’Église catholique romaine » écrit Paul Williams dans « Les dossiers noirs du Vatican ».
On notera au passage que Spellman est cité par plusieurs victimes de crimes rituels comme membre du réseau pédo-sataniste d’élite US et qu’il est connu pour apprécier les adolescents.
En 1950, l’IOR avait une participation souvent majoritaire dans 79 banques, depuis le géant Médiobanca jusqu’à des coopératives locales. Et Nogara conditionnait les gros investissements à l’obtention d’au moins un siège au conseil d’administration des entreprises, sièges où retrouvait souvent des neveux du pape, de la famille Pacelli[96].
C’est ainsi qu’à la fin des années 50, l’argent ayant coulé à flots vers le Vatican surtout, le Saint-Siège détenait un empire : il avait la main sur 90 des 180 banques, organismes de crédit et assurances du pays, qui finançaient les entreprises et avaient donc un poids considérable dans l’économie.
Elle possédait aussi de nombreuses entreprises comme la plus grande entreprise du bâtiment du pays, la Società Generale Immobiliare et des actions dans des centaines d’entreprises italiennes ou étrangères, notamment US comme Shell, General Electric, IBM, TWA…
D’un autre côté, la banque du Vatican pouvait accueillir l’argent du trafic de drogue, qui s’est internationalisé et était carrément organisé par la CIA. Les discussions à ce sujet avaient lieu lors des réunions de l’ordre de Malte, dont étaient membres des dirigeants de la banque ainsi que de la CIA. Elle est devenue à cette époque l’établissement financier le plus puissant du monde, tout en passant son temps à pleurer sur sa pauvreté, rappelait Monseigneur Rafael Rodriguez Guillén.
D’autres banques « catholiques » comme la banque Ambrosiano bénéficiaient de la même opacité (aucun contrôle de la banque nationale d’Italie) et abritaient de grosses sommes des clans de mafieux. Mais en 1981 de nouvelles règles comptables ont été mises en place par la Banque d’Italie, ce qui limitait les possibilités de fraude concernant les avoirs étrangers, en particulier pour les institutions qui n’avaient pas le statut de banques à part entière, très prisés pour le blanchiment d’argent sale.
Les dettes de la « banque » Ambrosiano sont alors apparues au grand jour (estimées à 1,75 milliard de dollars en 1981). Le banquier membre de la P2 Michele Sindona, qui en avait pris la tête quelques années plus tôt et avait la responsabilité de nombreuses malversations, a racheté des banques en Italie, en Suisse, aux Etats-Unis où il a racheté en 1972 la Franklin National Bank qui a fait faillite deux ans plus tard après que la Réserve Fédérale ait injecté 1 milliard de dollars dans ce puits sans fonds.
L’enquête a montré que Sindona avait siphonné 45 millions de dollars de la banque juste avant la banqueroute officielle.
Sindona venait d’une famille sicilienne plutôt pauvre, mais avait pu faire des études et est devenu traducteur pour l’American Command, le commandement US en Italie, dans les années d’après-guerre. Une période à laquelle il a aussi rencontré Nogara peu avant sa mort et s’est mis dans les affaires à Milan et a ainsi mis un pied dans celles du Vatican.
Comme Calvi et avant lui, Sindona a fait gagner des millions au Vatican, à ses copains de la mafia et de la loge P2, mais a en même temps creusé des trous dans les comptes de plusieurs de ses banques, avec lesquelles il jouait au bonneteau ce qui les a toutes fait chuter in fine.
Il a donc commencé à avoir de sérieux problèmes avec les premières faillites et a été mis sous protection rapprochée par les familles Genovese et Gambino à New York où on l’appelait Don Michele, avant d’être lâché par tout le monde Vatican compris quand les US ont lancé la procédure d’extradition vers l’Italie. A ce moment-là, plus personne ne le connaissait : ni Marcinkus, ni Gelli, ni Paul 6 ni personne. Et le Vatican lui avait déjà trouvé un remplaçant en la personne de Roberto Calvi.
Paul E. Williams explique dans « Les dossiers noirs du Vatican » comment Calvi a pris le contrôle complet de la banque Ambrosiano pour diverses malversations même quand elle a commencé à être dans la ligne de mire des enquêteurs et qu’il était plus difficile de sortir l’argent, à la fin des années 70 :
« Calvi règle les deux problèmes grâce à son ami l’évêque Marcinkus et à la Banque du Vatican. Il commence par « prêter » de grosses sommes d’argent appartenant à la banque Ambrosiano à huit sociétés fictives. Les prêts passent par la Banque du Vatican, ce qui crée autour de ces sociétés une aura de légitimité (les directeurs de la banque Ambrosiano sont persuadés qu’il s’agit là des affaires de Sa Sainte Mère l’Église).
Six de ces entreprises se trouvent au Panama: Astolfine SA, United Trading Corporation, Erin SA, Bellatrix SA, Belrose SA et Starfield SA. La septième — Manie SA — est établie au Luxembourg; la huitième — Nordeurop Establishment — est au Liechtenstein. Elles se servent des millions empruntés à des fins précises :
- accroître la fortune personnelle de Calvi et de ses acolytes de la mafia ;
- financer les opérations douteuses de Licio Gelli ;
- acquérir des parts dans la banque Ambrosiano.
Quand on leur demande des garanties supplémentaires, les sociétés panaméennes inscrivent tout simplement les actions d’Ambrosiano qu’elles ont achetées, ainsi que des relevés d’actifs gonflés et des prévisions de fabuleux profits d’exportation ».
Créée par Calvi, Marcinkus, Gelli et deux autres membres de la P2, la société Bellatrix, par exemple, a acheté des missiles Exocet pour l’Argentine avec l’argent d’un « prêt » de la banque Ambrosiano pendant la guerre des Malouines contre l’Angleterre. Et toutes étaient sous le contrôle du Saint-Siège, selon une attestation de Marcinkus qui espérait ainsi mettre fin aux enquêtes en cours. Selon Paul E. Williams, Sindona a déclaré que Calvi a versé 20 millions de dollars à Marcinkus pour qu’il écrive ce courrier.
En 1980 Sindona a été condamné pour 68 chefs d’accusation pendant que Gelli rencontrait le gratin, comme Georges bush 1er alors chef de la CIA ou William Casey, et que les manœuvres de Calvi à la banque Ambrosiano commençaient à occuper le fisc et la justice italiens.
En 1982, Sindona a commencé à raconter qu’une partie de l’argent mystérieusement disparu de la banque Ambrosiano avait servi à financer des partis politiques et groupuscules armés de droite et d’extrême droite, en Italie mais aussi beaucoup en Amérique latine où plusieurs dictatures étaient encore en place. Il a déclaré que le but principal de toute cette architecture financière opaque était de renforcer la droite en Amérique latine et en Italie.
Il a aussi parlé à un journaliste US de la protection du trafic de drogue par les US et comment ils ont permis à quelques privilégiés de s’enrichir grâce à cela. Sindona a raconté comment certaines des plus grosses fortunes au monde avaient accumulé l’argent du trafic, et étaient devenu membres de l’establishment mondial, comment la P2 avait tout fait pour détruire le parti communiste italien, comment l’IOR blanchissait l’argent des trafics, mais a tout de même gardé de nombreuses billes.
A cette époque, Sindona disait qu’il ferait de son procès un « vrai cirque » et qu’il déballerait tout. Et en juin 1982 on a retrouvé Roberto Calvi pendu sous un pont à Londres, les poches pleines de cailloux et de devises étrangères et Sindona a été empoisonné en prison en mars 1986 peu après son extradition.
La famille de Calvi a tout de suite dénoncé le suicide qui a été la version officielle pendant des années[97], d’autant qu’il avait écrit une lettre à Jean-Paul 2, demandant à le voir et disant qu’il a été un homme de paille stratégique pour le Vatican dans la lutte contre le marxisme, de l’Europe de l’Est à l’Amérique du Sud[98]. La banque Ambrosiano a coulé quelques semaines après la mort de Calvi avec une dette de 1,8 milliard de dollars en grande partie garantis par l’IOR qui en était le principal actionnaire.
En 1984, le Vatican a versé en guise d’indemnisation une somme de 250 millions de dollars aux créditeurs de la banque Ambrosiano, à l’issue d’une négociation menée via l’European Trade Association à Genève. D’où venait cet argent ? D’un dépôt de 406 millions de dollars fait à l’IOR par le chef de la diplomate du Vatican Casaroli, avec l’argent de l’Opus Dei.
En février 1987 des mandats d’arrêt ont été lancés contre 3 responsables de l’IOR dont le président de la banque du Vatican de 71 à 89 Paul Marcinkus, mais n’ont jamais été exécutés et Marcinkus est rentré vivre aux Etats-Unis, à Sun City en Arizona. Gelli a été arrêté et a fait deux ou trois mois de prison puis a été libéré pour raison de santé.
Il a été jugé en 1992 à 18 ans de prison mais quand soudain, en 1998, les flics sont enfin venus le chercher chez lui, eh bien il n’était plus là. C’est là qu’ils ont trouvé 363 lingots d’or[99] dissimulés un peu partout ainsi qu’un tas de documents.
Selon Monseigneur Rafael Rodriguez Guillén,
« Le maître et penseur responsable du stratagème des milliards de dollars de monnaie contrefaite, et qui finance aussi les voyages du Pape Wojtyla [Jean-Paul 2], est Marcinkus l’auteur des achats d’argent blanchi et de titres et obligations dans des banques européennes et américaines ». Il était même administrateur du Banco de Nassau, située aux Bahamas dans laquelle il organisait des transactions avec Roberto Calvi de la banque Ambrosiano.
Un jour, l’avion du pape y a fait escale et deux conseiller du pape habillés en noir sont venus avec des mallettes. C’est certainement en raison de ses bons offices que Marcinkus a été nommé cardinal.
Dans cette affaire, le Vatican s’en est très bien tiré puisqu’aucun responsable n’a été jugé ni même vraiment inquiété. Mais Licio Gelli a su négocier son retour en Italie après avoir fui en Argentine, demandant à n’être poursuivi que pour les affaires financières, pas pour celles avec la mafia ni évidemment avec le Gladio local. Après un vague procès en 1992, il a pu vivre assigné à résidence dans sa villa de Toscane, d’où il s’est enfui avant d’être retrouvé sur la Côte d’Azur.
L’argent sale mais blanchi de la mafia et du Vatican se retrouvait ainsi dans les banques des Etats-Unis, d’Europe, de Suisse…
Et au final plus de 1,3 milliard de dollars s’est évaporé avec les mics-macs du Vatican, de la mafia et de leurs banquiers, et l’assentiment total de Washington.
Les magouilles financières n’ont évidemment pas cessé au Vatican puisque l’impunité est la règle. Dans les années 90 il y a eu l’affaire Frankel, un type qui rachetait des compagnies d’assurances avec une caution du Vatican, et qui siphonnait leurs actifs pour les placer sur ses propres comptes dans des paradis fiscaux.
En échange de son image qui devait donner confiance aux vendeurs des compagnies d’assurance, le Vatican devait toucher 10% des gains. Encore une fois, le Vatican a échappé à la justice même si cette fois il a été renvoyé au tribunal.
Malgré quelques efforts assez récents, la transparence n’est toujours pas d’actualité dans les finances du vatican et de ses banques. Pas plus tard que le 10 novembre 2022, donc cette semaine, le Vatican a essuyé une plainte ses propres autorités pour avoir enterré une vingtaine d’affaires de corruption et de détournements de fonds. Mais au même moment la condamnation de l’ancien président de l’IoR (de 1999 à 2009) Angelo Caloia à 8 ans de prison a été suspendue par un cour d’appel du Vatican. Il s’agissait d’une histoire de ventes d’immeubles fraudulses.
En 2022, une autre affaire immobilière avec beaucoup d’intermédiaires avait entraîné le renvoi d’une dizaine de personnes au tribunal, pour détournement de fonds, abus de pouvoir, extorsion, corruption, subornation de témoin, blanchiment et fraude.
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Cet article était un peu long, mais il fallait bien cela pour donner un aperçu, loin hélas d’être exhaustif, de la corruption dans les milieux politiques et économiques. Bien qu’elle est minimisée et même cachée, elle représente une réelle menace démocratique, en court-circuitant tous les processus de contrôle ou de décision mis en place pour éviter ces dérives.
Et il ne s’agit là que de l’une première couche d’analyseà, à laquelle il faut ajouter d’autres réseaux plus obscurs. En tout cas, la france est vue comme un tiroir-caisse par ceux qui prétendent gérer le pays et y parviennent grâce précisément au soutien des milieux d’affaires.
Notes
[1] Pour aller très vite, l’affaire a commencé par la faillite d’une banque d’affaires, l’Union générale, en 1888. Derrière, un crédit et des mouvements spéculatifs permettent de financer le chantier du canal, mené par Ferdinand de Lesseps, qui s’avère particulièrement laborieux. Les politiques ont autorisé les crédits sous forme d’emprunts puis d’obligations de la Compagnie de Panama, accompagnés d’une vaste campagne de pub visant à arnaquer les petits porteurs crédules. Il s’est ensuite avéré qu’une centaine de ministres et parlementaires, dont Clémenceau, avaient touché des pots-de-vin. Au final, personne n’a été condamné. [2] Stavisky a été retrouvé suicidé en janvier 1934 alors qu’il était traqué par la police dans le cadre de l’affaire du Crédit municipal de Bayonne. Il s’agissait d’une escroquerie organisée par Stavisky, avec émission de faux bons pour de faux dépôts. Pendant des années, il avait pu mener ses magouilles sans problèmes, car il graissait la patte de personnages bien placés dans les affaires, la politique, la police et la justice, et les faux bons avaient permis de les payer. Son suicide arrangeait donc bien du monde. Le gouvernement de Camille Chautemps est tombé suite au scandale (cela n’arriverait certes plus aujourd’hui). [3] Le patron de l’UIMM n’a finalement été condamné qu’à un an de prison et 375.000€ d’amende. L’Express du 10 février 2014 rappelle que « La justice reprochait notamment aux prévenus d’avoir détourné ou bénéficié de quelque 16 millions d’euros retirés en liquide entre 2000 et 2007 des caisses de l’Epim, une structure d’entraide créée en 1972 par l’UIMM. (…) Selon certains témoins, l’argent aurait servi à « fluidifier les relations sociales », pour d’autres, contribué « au rayonnement » de la fédération patronale, en pointe dans les négociations sociales ».[4] Ces caisses créées dans les années 30 ont été placées totalement entre les mains du patronat sous Vichy. Elles géraient autour de 6 milliards d’euros par an en 2008 et fonctionnaient sur base d’un fonds de roulement et de paiement versés chaque trimestre. [5] Comme on l’a vu, Jean Venturi, bras droit de Pasqua chez Ricard, était le frère de Dominique Venturi, un des grands parrains de l’époque. Jean venturi était chargé de l’importation d’héroïne vers les USA et le Canada. Il y a aussi Christian David, membre du SAC et de l’extrême droite très actif en Algérie, arrêté en 1972 au Paraguay avec un ancien collaborateur de la Gestapo membre de la bande d’Henri Lafont, un dénommé Auguste Ricord, qui sera extradé aux USA. Après avoir tué des policiers lors d’une interpellation en 1966, David s’est enfui, avec l’aide du clan Guerrini, jusqu’au Mexique puis finalement au Brésil. Là, il collabore avec le caïd local de la French Connection, ledit Ricord. [6] Philippe Thyrault de Vosjoli a démissionné en 1963, officiellement parce que de Gaulle avait refusé de suivre ses alertes concernant des taupes du KGB dans son cabinet. En fait c’est surtout parce que de Gaulle se méfiait autant des US que des Russes. De Vosjoli était aussi proche de James Angleton, chef du contre-espionnage de la CIA. [7] Cf. « La fabrique des « barbouzes » – Histoire des réseaux Foccart en Afrique » de Jean-Pierre Bat. [8] Cf. « La CIA en France. 60 ans d’ingérence dans les affaires françaises » de Frédéric Charpier. [9] Cf. « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République », livre collectif dirigé par Yvonnick Denoël et Jean Garrigues. [10] Idem. [11] Idem. Les auteurs expliquent au sujet de Pélissier, devenu très riche, que « Son secret tient à son extraordinaire carnet d’adresses, du ministre au gangster, et à sa capacité exceptionnelle à assumer sans vergogne les démarches les plus difficiles, voire les plus douteuses. C’est pour cette raison qu’il est devenu le conseiller du grand promoteur Robert de Balkany (qui n’a qu’un lointain lien de parenté avec les époux Balkany des Hauts-deSeine), le bâtisseur de Parly II et Grigny II, l’un des rois de l’époque. Si l’on en croit les journalistes, les interventions de Michard-Pélissier se comptent par dizaines de milliers, ce qui explique son train de vie exceptionnel ». [12] Depuis la deuxième guerre, Beaujolin officiait comme trésorier officieux du gaullisme et des partis politiques de droite. Proche de Foccart, il dirigeait de nombreuses sociétés dans l’import-export, notamment en Afrique, qui permettaient de participer à des trafics d’armes et au blanchiment de l’argent, en plus des détournements classiques. [13] Cf. « D comme Drogue » d’Alain Jaubert. [14] Lors d’une séance de débats au Sénat le 30 juin 1972, le sénateur Pierre Marcilahacy a repris la chronologie de l’inflation du coût du projet à chaque étape de la démarche : « En 1957, un avant-projet est adopté par le conseil municipal pour abattoirs et marché, soit 120 millions de francs. En 1958, le projet est adopté par le conseil municipal, y compris le transfert des halles et du marché d’intérêt national il est actualisé à 173 millions. En 1961, le projet est approuvé par le Gouvernement pour 245 millions. En 1963, le projet, réévalué et agréé par lettre du Premier ministre du 7 novembre 1963, se monte à 358 millions. En 1966, la fixation du plafond de l’opération par lettre du Premier ministre du 6 juin 1966 se monte à 600 millions de francs. En juillet 1969, il y a réévaluation par la S. E. M. V. I. à 799 millions, soit en francs courant, un milliard. Je vous ai dit tout à l’heure qu’on était certainement loin du compte ». Il souligne que le grand projet de reconstruction a été lancé par le gouvernement, qui n’a pas donné les moyens à ces abattoirs de « tourner », de fonctionner, rendant le projet voué à l’échec. [15] Certains se sont demandé pourquoi la mairie de Paris avait octroyé chaque année 3 millions de France à la fondation Hulot à partir de 1991 (alors qu’en 10 ans le ministère de l’environnement n’avait donné que 100.000 F). Certes Hulot était alors fan de Chirac, mais tout de même. Des associations catholiques ont aussi beaucoup touché sous la chiraquie. [16] Juste avant de devenir complètement gaga, en 2011, il a pris deux ans de sursis pour « détournement de fonds publics » et « abus de confiance » (eh oui ce sont eux qui font les lois) dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris. 21 employés bidons payés par les parisiens mais travaillant pour le RPR ont été impliqués, et 42 personnes ont été condamnées dans les différents volets de l’affaire, qui a été minutieusement saucissonnée. [17] Schuller évoque la proximité des grands industriels avec les politiques, citant le cas de Robert Boulin dont un patron d’une chaîne de supermarché finançait le train de vie familial, « en échange de cela il était membre de fait du cabinet. Il venait aux réunions du cabinet ministériel avec sa Rolls ». Si les sponsors de macron sont aussi dans les cabinets –et ils le sont déjà via McKinsey, on comprend mieux l’état de la France. [18] Cf. « French Corruption » de Fabrice Lhomme et Gérard Davet. C’est Didier Schuller qui raconte cela. [19] D’autres procédures sont encore en cours contre Gaubert, comme l’expliquait Le Monde en février 2022 : « Il s’est alors vu infliger quatre ans de prison, dont deux ferme, et 120 000 euros d’amende, pour recel d’abus de biens sociaux. Il a fait appel, mais les dates de ce nouveau procès n’ont pas encore été fixées.
M. Gaubert reste, en outre, mis en examen pour « association de malfaiteurs » dans l’enquête sur des soupçons de financement libyen pour la campagne 2007 de M. Sarkozy. Il est notamment soupçonné d’avoir touché des fonds provenant du régime libyen de Mouammar Kadhafi qui auraient pu abonder le budget de cette campagne ».
[20] Il en devient président du Conseil Général entre 1973 et 1976. [21] Léandri s’est réfugié en Italie après la guerre et a quand-même été condamné à 20 ans de travaux forcés qu’il n’a jamais faits puisqu’il a été blanchi en 1957 grâce à sa collaboration avec Luciano et avec les US. [22] Dans les années 90, Jean-Christophe Mitterrand était le chef de la « cellule Afrique » du cabinet de son papa. Les dossiers sensibles passaient donc par lui (son père était moribond), et il prélevait sa com quand il le pouvait. [23] Certains –dont Pasqua- pensent que la procédure de l’Angolagate, qui visait Pasqua et son entourage ainsi que le fils Mitterrand, était surtout destinée à empêcher Pasqua de se présenter à la présidentielle de 2002 comme il l’avait annoncé. [24] Cf. « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République ». [25] Selon Ouest France du 27 septembre 2013 « Quatre contrats ont fait l’objet, entre 1993 et 1995, de commissions et rétrocommissions injustifiées. Contrats avec le Koweït, l’Argentine, la Colombie et le Brésil. À la manoeuvre, à chaque fois, Léandri, surnommé « Le pépé ». Ce « facilitateur » d’affaires – doux euphémisme – travaille pour de grands groupes. En tête, Thomson. Il semble avoir lui-même choisi les patrons de la Sofremi, Bernard Dubois et Bernard Poussier, collaborateur de… Thomson ». [26] Alsthom était à la base une entreprise publique, la Compagnie Générale d’Electricité. Le jeu des fusions acquisitions en a fait Alcatel Alsthom, puis Alstom en 1998, qui grossit trop, s’affaiblit, est victime de spéculateurs et a été progressivement dématelé. [27] Pellerin a toujours nié toute corruption. Mais il y a quand-même eu quelques remous : deux morts (dont un mis en cause suicidé –pendu et avec une balle dans la tête- la veille de son audition à la police en mars 1990), et deux incarcérations. Pellerin a aussi pu construire en 1989, en site protégé et sans permis, une villa de 1.650 mètres carrés à Antibes. Dans la même veine, il a eu plusieurs ennuis pour des dépassements de permis de construire. Par ailleurs, au début des années 90, un juge d’instruction, Jean-Pierre Murciano, a enquêté sur la « villa Pellerin » qui, en plus des mètres carrés supplémentaires, avait permis l’évaporation de 160 millions de Francs. Il a expliqué à une commission d’enquête parlementaire menée en 2000 sur les « obstacles au contrôle et à la répression » de la délinquance financière que : « Cette villa a été construite grâce à des fonds qui ont été prêtés par la BNP à Christian Pellerin et grâce à un jeu de fausses factures consistant tout simplement à surévaluer le coût des travaux. Il a présenté des devis qui ont justifié la sortie d’environ 180 millions de francs, alors que l’expert que j’ai désigné pour chiffrer le coût réel arrivait à un coût qui n’excédait pas 20 millions de francs. 160 millions de francs s’étaient ainsi évaporés. En même temps, il était apparu que le maire de la ville d’Antibes qui avait délivré ce permis pouvait être impliqué et qu’il aurait, semble-t-il, été corrompu, notamment par le cadeau d’un véhicule Mercédès ». Murciano a ensuite été dessaisi de ce dossier. [28] Selon le journal en ligne StreetPress du 1er février 2021, « Ce dernier lui confie le centre d’écoutes de l’office à Boullay-les-Troux, dans l’Essonne. Une mission très sensible pour laquelle il est habilité « Secret-défense ». Il y officiera jusqu’en 2016, chapotant bon nombre d’écoutes judiciaires et administratives, avant d’en être débarqué… » [29] Comme beaucoup de flics violents, Paul-Antoine Tomi a été récompensé pour ses œuvres : « À l’été 2019, il est des fonctionnaires de la Préfecture de police décorés de la médaille de la sécurité intérieure, à la suite à des manifestations Gilets Jaunes » précise l’article de StreetPress. [30] Perez est propriétaire du Grupo Pefaco dont le siège est à Barcelone, qu’il a créé en 1995 et a introduit en bourse à Malte avant d’en être exclu. Il s’est associé avec le groupe sud-africain Genesis Capital, dont le dirigeant a été arrêté fin 2019, soupçonné de fraude et de corruption. Le groupe est présent dans plusieurs pays d’Afrique, en Amérique Latine et s’apprête à développer sa présence dans l’hôtellerie en Europe. [31] Cf. Vanity Fair le 9 mars 2020. [32] Il a alors créé son entreprise de machines à sous en Espagne (le Grupo Pefaco) puis est arrivé au Togo où il a obtenu l’autorisation d’exploiter des machines à sous grâce au fils du rpésident en place, Fauré Gnassignbé, ami de son associé. [33] Selon le magazine Capital du 25 avril 2018, « C’est notamment en enquêtant sur le groupe Pefaco, société spécialisée dans l’hôtellerie et les jeux, très implantée en Afrique, que la justice avait resserré ses investigations sur les activités de Vincent Bolloré sur le continent. M. Perez est connu pour entretenir des relations étroites avec Jean-Philippe Dorent ». [34] Là encore, le système utilisait des entreprises publiques et un système de surfacturations, ou encore de dessous de table pour des marchés, ce qui a permis de pomper énormément d’argent (plus de 4 millions d’euros). Dalongeville était jugé en même temps qu’une vingtaine de personnes et a pris 3 ans fermes en 2013. Le FN qui est à la mairie a aussi exhumé des dossiers concernant Eugène Binaisse, maire de 2010 à 2014, qui sera jugé prochainement. [35] Cf. « Le tour de France de la corruption » de Jacques Duplessy et Guillaume de Morant, Grasset, 2016. [36] Urba était un bureau d’études créé par le PS et dirigé par un flic syndicaliste, Gérard Monate, qui a alimenté un système de fausses factures au profit du parti. Le principe était le même que celui des bureaux d’études du RPR ou des communistes, qui surfacturaient des prestations parfois inexistantes à des entreprises en recherche de marchés publics avec des mairies tenues par les socialistes. Des dizaines de millions de francs ont ainsi été détournés. En 1991 quand le juge Thierry Jean-Pierre a décidé de perquisitionner au siège d’Urba, il a été dessaisi sur ordre du ministre de la justice Henri Nallet. [37] La Société auxiliaire générale d’études et de services (Sages) a été créée en 1973 par un chef du Grand Orient, Michel Reyt, avec l’aides de ses congénères. Reyt a aussi fondé la loge Victor Schoelcher fréquentée par Jean-Pierre Soisson maire centriste d’Auxerre. Reyt a surtout aidé les socialistes les plus à droite, autour du camp giscardien. Dans « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République », les auteurs expliquent que « Michel Reyt intervient auprès des élus pour obtenir aux entreprises généreuses de juteux marchés publics, en échange de leur contribution aux caisses des candidats ou des partis. Le fichier de ses bénéficiaires compte pas moins de 580 noms, maires, parlementaires et collaborateurs ministériels. Il finance notamment les campagnes électorales des socialistes qui ne sont pas du courant mitterrandiste, Michel Rocard, Claude Évin et Jean-Marc Ayrault, figures de la « deuxième gauche », qui s’estiment lésés par le système Urba ». [38] Cf. Prébissy-Schnall, C. (2020). Les marchés publics resteront-ils le domaine privilégié de la corruption politico-administrative ?. Revue française d’administration publique, 175, 693-705. https://doi.org/10.3917/rfap.175.0693 [39] Rapport « prévention de la corruption dans les marchés publics » de l’OCDE, 2016. [40] Cahuzac a dû s’expliquer sur les comptes qu’il possédait à Singapour, à l’île de Man, au Panama et en Suisse, et qui n’étaient pas déclarés au fisc. Les sommes dont il est question ont évolué à la baisse au fil de la procédure, pour finir à 600.000€ au lieu des 15 millions dont il était question à un moment. Or, tous les observateurs ont convenu que 600.000 € n’était pas réaliste pour de l’évasion fiscale de ce type : selon le journaliste Antoine Peillon « Il est impossible qu’une banque s’occupe d’évasion fiscale pour quelqu’un qui n’a que 600 000 euros. Pour ce genre de politique d’évasion fiscale, il faut un minimum de 10 millions d’euros ». Concernant l’argent de Rocard, Cahuzac a dit qu’il ne savait plus quoi en faire après l’échec de la campagne de 1994 et l’a gardé. [41] Il en était devenu le directeur du marketing et relations publiques, c’est-à-dire du lobbying. [42] Quatre contrats ont été ciblés par les balladuriens :La vente de trois sous-marins au Pakistan – contrat Agosta, signé le 21 septembre 1994.
La vente de deux frégates à l’Arabie saoudite – contrat Sawari 2, signé le 19 novembre 1994.
L’armement des frégates saoudiennes – contrat Shola/Slbs, signé le 30 janvier 1994.
La réhabilitation de frégates vendues à l’Arabie saoudite– contrat Mouette, signé le 30 janvier 1994.
[43] « Présidentielle 1995 : comment le Conseil constitutionnel a validé les comptes de campagne irréguliers de Chirac et Balladur », France Info le 20 octobre 2020.
celle d’un compte bancaire sur lequel il avait seul le pouvoir d’ordonner les dépenses »
[65] Selon Jean-Michel Vernes dans « Riviera Nostra », elle aurait demandé 600.000 F pour rembourser des dettes et 400.000 F pour sa campagne électorale des législatives, mais Fargette aurait refusé. [66] Cf. « Le Pen, une histoire française » de Philippe Cohen et Pierre Péan. [67] Pour comprendre cette affaire assez hallucinante, mais finalement banale sous la Ve République, je renvoie vers ce documentaire de Francis Gillery : https://www.youtube.com/watch?v=zIqx8gbDD6c [68] Une affaire de détournement d’argent au profit du RPR qui n’a jamais abouti. Les deux principaux accusés, Michel Pacary et son ex compagne, sont morts assez jeunes de cancers, avant le procès. Pacary officiait comme intermédiaire entre des banques et des collectivités locales cherchant des prêts, et touchait des commissions qui étaient largement redistribuées en espèces aux politiques –essentiellement du RPR, comme l’indiquaient les témoignages des Pacary. Ce système a fonctionné à partir de 1984 selon Pacary. [69] Ponte du milieu lyonnais, du SAC et ancien de l’Algérie, Jean Schnaebelé, prêtait son avion à ses amis, parmi lesquels son vieil ami André Jarrot (ministre de la Qualité de la vie sous Giscard), Louis Joxe (député du Rhône et futur membre du conseil constitutionnel) ou Pompidou. Après le meurtre d’Augé en 1973, c’est lui, le ponte des machines à sous jusqu’en 1995, qui a pris la main sur le milieu lyonnais. D’après certains observateurs, c’est lui qui aurait mis en place l’équipe qui a tué le juge Renaud en 1975, parce qu’il dérangeait ses activités. Cette affaire non plus n’a pas été élucidée. Quant au fils du juge Renauld, il pense que le SAC était directement impliqué dans l’assassinat de son père, avec Schnaebelé dans le rôle du commanditaire et trois types qui ne faisaient pas partie du gang des lyonnais comme auteurs. En 1986, on entend à nouveau parler de Schanebelé dans le cadre de vols répétés dans l’entreprise de Black et Decker France. A noter qu’au même moment, le patron de Black et Decker France a été assassiné, mais c’est le groupe Action Directe qui a été accusé. [70] Au sujet des « subventions » à Giscard, Dassault aurait dit « je l’ai gavé ». Un propos rapporté dans « Les Ecuries de la Ve ». Quant aux gaullistes, Dassault aurait déclaré « je les ai tous payés ». [71] Cf. « Le dessous des affaires », L’Express du 27/01/2000. [72] Cf. Frédéric Charpier, « Officines, 30 ans de barbouzeries chiraquiennes », p. 25. [73] Pour illustrer le détournement lié aux nationalisations – privatisations, dans « Les Ecuries de la Ve », Thierry Wolton écrit en 1989 que « la publicité en général – et Havas en particulier- est un gros pourvoyeur de fonds occultes. Dans ce secteur, les tarifs se font à la tête du client, il est facile de détourner de l’argent à l’aide de rabais, de fausses publicités, de repasses gratuites, etc. Havas, qui gère plus de 50% des budgets publicitaires de l’Etat (même depuis la privatisation), est au centre de ces fraudes quasi légalisées. Environ 200 millions de Francs disparaissent ainsi, chaque année, par ce biais, dans la caisse du parti au pouvoir. On comprend qu’en privatisant Havas, le RPR ait voulu mettre le grappin dessous. Les socialistes, revenus au pouvoir en 1988, ont réclamé leur part ». [74] CF. « Histoire secrète de la corruption sous la Ve République ». C’est l‘ex de Le Pen, Pierrette, qui a raconté cela dans une interview en avril 1988. [75] Il a bénéficié de l’amnistie générale de 1990 pour les financements politiques. [76] Officiellement, l’argent était destiné à l’organisation d’un grand sommet « franco-africain » en 1984 au Burundi, à la demande de Mitterrand. Une partie de l’argent a servi au train de vie de Nucci et de son bras droit, qui s’est enfui grâce à un passeport octroyé par Pasqua, Yves Charlier. [77] Botey, qui a longtemps régné sur Pigalle et au-delà, a été renvoyé devant la justice en 1978 (il a pris un an et un redressement fiscal), en1982 et en 2011, puis il est mort deux ans après. En 74, Botey avait activement soutenu la campagne de Giscard. Arrivé au pouvoir, Mitterrand lance une enquête sur les activités de Botey, qui est arrêté avec sa femme en 1982. Mais, après que cette dernière ait expliqué à la police que si on l’embêtait trop, elle risquait de se mettre à table, il n’a pris que 10 mois de prison. [78] Christine Deviers-Joncour a été recrutée comme lobbyiste pour cibler Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères à l’époque, et dont elle était la maîtresse. Mais de véritables prostituées ont aussi travaillé pour Elf, comme l’ont montré l’enquête du juge N’Guyen sur un réseau de « call-girls » ou l’affaire Anne-Rose Thiam « amie » de Le Floch-Prigent qui transportait aussi quelques valises depuis les bureaux d’Elf vers des « personnalités ». [79] Un montant qui a gonflé au fil du temps. En janvier 1990 il n’était question que de 1,8 milliard d’euros pour les six frégates. En août 1991 le montant passe à 2,2 milliards, puis en 1993 à 2,5 milliards, quand interviennent les équipes Balladur, alors en recherche de fonds pour la présidentielle. [80] Comme le rappelait L’Humanité du 6 août 2008, « Les ministres de l’Économie Laurent Fabius, en 2001, Francis Mer, en 2002, et Thierry Breton, en 2006, ont successivement invoqué le secret- défense pour s’opposer au versement de ces documents au dossier des enquêteurs ». [81] Thales et l’Etat français ont été condamnés à payer 630 millions d’euros à Taïwan, 482 millions étant à la charge des contribuables français. [82] Andrew Wang a eu la bonne idée de décéder en 2015 à 87 ans, en plein dans la procédure menée par la Chine pour récupérer 800 millions bloqués depuis 13 ans sur un compte en Suisse lui appartenant. [83] « Au cœur de la corruption par une commissaire des RG », par Brigitte Henri. [84] Gilbert Azibert espérait un poste à Monaco (en vue de se remplir les poches avant la retraite ?). Alors procureur général à la cour de cassation, il a rencardé sarkoléon sur la procédure liée à l’affaire Bettencourt (de laquelle sarko s’est tiré, mais il n’a pas pistonné Azibert à Monaco). Ledit Azibert est aussi (était ?) un gradé de la GLNF et animateur de la fraternelle de la chancellerie en 2010. Ce que la GLNF française a démenti. Dans « histoire secrète de la corruption sous la Ve République », les auteurs expliquent (p. 431) quelle fut la défense de sarkoléon à ce sujet : « Placé en garde à vue, l’ancien président se défendra par cet argument inquiétant : « Si j’avais besoin d’informations ou d’influence, ferais-je appel à M. Azibert ? Croyez-vous que je ne pouvais pas téléphoner au premier président de la Cour de cassation, que je connais depuis vingt ans quand j’étais maire de Neuilly ? Croyez-vous que je n’aurais pas pu téléphoner au procureur général de la Cour de cassation que j’avais nommé ? » [85] C’est l’affaire Bernard tapie, qui a été manifestement aidé par un magistrat à la retraite passé au conseil privé tout en étant membre d’un tribunal privé, Pierre Estoup. Qui a donc été jugé en mars 2019 avec cinq autres protagonistes de cette magouille qui a permis à Bernard Tapie de récupérer 403 millions d’euros en dédommagement de la vente de son groupe par le Crédit Lyonnais. Selon Le Monde du 18 mars 2019, « C’est au moment où il devient magistrat honoraire qu’il entame, dans les années 1990, une carrière dans l’arbitrage privé, qui baigne essentiellement dans le monde international des affaires. Une activité plus discrète mais aussi bien plus lucrative. Pour l’arbitrage Adidas-Crédit lyonnais, les trois juges arbitres se sont partagés, à titre d’honoraires, la somme d’un million d’euros ». Oui, sauf qu’Estoup a beaucoup travaillé pour Bernard Tapie –et donc beaucoup gagné (environ 1 million €)- dans les années précédant cet « arbitrage ». Selon RTL le 4 novembre 2013, « Entre 1997 et 2006, l’ancien magistrat Pierre Estoup a travaillé comme consultant et plus de 42% de ses honoraires sont venus de dossiers où apparaissent aussi deux avocats ayant défendu Bernard Tapie, à savoir Maurice Lantourne et Francis Chouraqui ». [87] Une entreprise qui fabriquait le papier des billets de banque, cédée dans des conditions obscures à deux fonds spéculatifs Suisses qui l’ont vidée de ses ressources jusqu’à la liquidation, ramenés par le Comité interministériel de restructuration industrielle alors dirigé par Bruno Lemaire. Et cela, après que l’entreprise ait été recapitalisée et après touché des subventions publiques. 238 salariés ont été mis sur le carreau et l’Etat dont les rênes de l’économies étaient déjà tenus par le micron, a fortement appuyé ce pillage. Par ailleurs, la mise en vente par le groupe Sequana a eu lieu après qu’il ait déjà vidé l’entreprise de ses ressources car elle se portait très bien quelques années plus tôt : « Ils ont tout fait pour la mettre en difficulté financière, y compris en la dépouillant d’une partie de son savoir-faire par la vente de brevets », a expliqué un permanent syndical à Jean-Loup Izambert et Claude Janvier dans le livre « Le virus et le président ». [88] Le groupe Vallourec délocalise en Chine et au Brésil après avoir récupéré les brevets, savoir-faire, machines et subventions en Europe. En France 1 milliard d’argent public a ainsi été gaspillé depuis 2005 (de quoi payer 2000 salariés à 2000 euros par mois pendant 10 ans charges comprises). [89] Selon un article de Force Ouvrière en 2017, « Une étude financière commandée par les syndicats montre que le groupe Vivarte a consacré 1,9 milliard d’euros au service de la dette ces dix dernières années. Seulement 1,2 milliard d’euros ont été consacrés à l’investissement sur la même période ». Là encore les contribuables ont été généreux notamment avec un don de 45 millions d’euros via le CICE, le crédit impôt compétitivité emploi (sic.) [90] Cf. Gérald POSNER « God’s, bankers : a history of money and power at the Vatican », 2015, Simon & Schuster. [91] Pie IX a ensuite cherché à se défaire de l’emprise des Rothschild en lançant des souscriptions directement auprès des fidèles. [92] Le pape avait contribué à la victoire de Mussolini en ne s’y opposant pas et en demandant la neutralité aux catholiques avant sa marche sur Rome, puis en lui apportant son soutien ouvertement avec les accords du Latran en 1929 qui ont notamment créé le Vatican et donné un poids diplomatique à l’Eglise. De son côté Mussolini a exempté l’Eglise d’impôts et aidé à renflouer les caisses. [93] Quelques alliés des nazis proches du Vatican ont permis de faire basculer le Parti du centre (catholique) du côté des Nazis et de voter les pleins pouvoirs à Hitler. Et soudain l’église allemande est devenue légaliste, appelant les catholiques à rester dans le rang et à cesser de critiquer les nazis et signant même un « concordat » proposé par Hitler, qui garantit des ressources conséquentes à l’Eglise via un impôt sur les catholiques, en échange d’un sabordement du parti et du syndicat catholiques (puisque tous les partis et syndicats ont été interdits). D’ailleurs, Eugenio Pacelli, élu pape en mars 1939 sous le nom de Pie XII, a été un des maîtres d’œuvre des accords du Latran puis du concordat avec Hitler. [94] Nommé pape en 1939, Pie 12 (Eugenio Pacelli) était issu de la noblesse noire pontificale et son arrière grand-père était le ministre des finances de Grégoire XVI qui a anobli toute sa famille au passage. Il était aussi un grand admirateur de l’Allemagne même sous hitler et fermement anticommuniste, bref : il avait tout pour plaire. [95] Cf. « Operation Gladio. The unholy alliance between the Vatican, the CIA and the mafia » de Paul E. Williams. [96] Cf. Gérald POSNER « God’s, bankers : a history of money and power at the Vatican », 2015, Simon & Schuster. [97] C’est seulement en 1998 que la famille est parvenue à faire rouvrir le dossier en Italie et à obtenir une nouvelle autopsie qui a notamment permis de trouver un ADN étranger sur ses sous-vêtements. [98] Cf. Gerard POSNER, « God ‘s bankers : A history of money and power at the Vatican », Simon & Schuster 2015. [99] Apparemment ces lingots venaient de l’argent volé par le gouvernement yougoslave nazi aux Juifs pendant la guerre.Article original : Dondevamos