Secrets révélés

Magouilles et corruption des élites 7 – Le cas Jean Monnet: sbire du capital anglais et US

Nous allons poursuivre notre saga « Magouilles et corruption des élites », avec l’aboutissement de ce fascisme ambiant depuis les années 30: l’Europe. Mais avant, un focus sur un individu qualifié de « père fondateur » de l’Europe, le dénommé Jean Monnet.

Pourquoi un article entier sur Monnet? Parce qu’il a été le lien entre le capitalisme anglais et US d’un côté, et les élites européennes de l’autre.

Son seul but était de créer une Europe fédérale, où les peuples des Etats n’auraient plus voix au chapitre, et où toute l’énergie serait consacrée au business.

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Jean Monnet, serviteur des intérêts financiers

A ce sujet, je recommande l’excellente bio de Bruno Riondel, « Cet étrange Monsieur Monnet« , qui a l’avantage de bien mettre en contexte l’évolution de cet individu dans les milieux internationalistes. Bruno Riondel explique que »le mondialisme utopique« , qui a servi de fondement à la propagande européaniste et à l’élaboration de l’idéologie européenne par la suite, « se confond bien souvent avec les intérêts américains, eux bien réels« . Cela s’apparente à « la forme nouvelle d’un impérialisme anglo-saxon qui se perpétue par la promotion d’un idéal d’apparence progressiste« .


Le parcours de Monnet (1888-1979), appelé le « père fondateur » de cette affreuse Europe, est assez surprenant : fils d’un marchand de cognac, il s’est très jeune hissé au plus haut niveau du mondialisme grâce à ses contacts chez les dirigeants anglais d’abord, puis US. Il bénéficie toujours aujourd’hui d’une aura de quasi sainteté dans le milieu politique, surtout à droite (socialistes compris).

En 1904 Monnet avait 16 ans et comme il n’était pas vraiment intéressé par l’école, son père, propriétaire d’une coopérative de producteurs de cognac sur laquelle il a mis la main, l’a envoyé à Londres pour y développer le business. Il a bossé deux ans chez une relation de son père, un marchand d’alcools et a découvert La City où régnait dans l’élite de l’époque un courant qui légitimait l’hégémonie anglaise sur le monde, avec le concept de « Greater Britain ».

Ce délire s’appuyait sur la notion de mondialisme, avec la création d’institutions supranationales. Cette idéologie était propagée par d’éminents personnages comme le patron de mines de diamants en Afrique du Sud notamment Cecil Rhodes [1] ou Joseph Chamberlain, parlementaire et alors ministre des Colonies, qui croyait à la supériorité de la « race anglo-saxonne ».

Jean Monnet a alors commencé à traîner avec des gens qui fréquentaient le « groupe Milner », du nom du successeur de Cecil Rhodes dans ce mouvement qui cherchait à influencer la vie politique, Lord Alfred Milner [2]. Ces gens considéraient qu’il était préférable d’éviter la démocratie et de diriger entre soi les destinées du pays et même du monde, avec l’aide d’une technocratie servile qui adhère totalement à leur projet. Pour Bruno Riondel, « Jean Monnet fut probablement l’un de ces étrangers chargés de répandre dans leur pays les idées du groupe Milner, en les répétant sans cesse à ses interlocuteurs hypnotisés par la force de conviction de ce propagandiste« .


A 18 ans, Monnet est arrivé au Canada à une époque où la société de son père était en mauvaise santé. Quelques années plus tard, en 1911, Monnet est devenu le fournisseur exclusif de cognac pour la Hudson Bay Company, qui avait le monopole de la distribution de cognac au Canada, une opportunité incroyable pour la boîte paternelle[3]. A partir de ce moment, les fréquentations de Monnet dans les milieux financiers anglais sont montées d’un cran et ce sont celles-là qui ont permis à Monnet de gravir les échelons du mondialisme.

Parmi ces relations, Bruno Riondel cite Robert Kindersley, politicien anglais, associé-gérant de la banque Lazard de Londres et très puissant à La City depuis le début du XXe siècle et pendant une bonne trentaine d’années, qui était aussi devenu membre du conseil d‘administration de la Hudson Bay Company.

Kindersley, en tant que dirigeant de Lazard Frères, a aussi été un des directeurs de la banque d’Angleterre, qui est aussi liée au milieu bancaire que la banque de France créée par Napoléon. Le bras droit de Kindersley chez Lazard, Robert Brand, issu d’All Souls, était un ami très proche de Jean Monnet.

En 1914, Monnet qui était réformé depuis plusieurs années pour raisons médicales et avait donc échappé à la mobilisation, était de retour en Europe. Grâce à un ami franc-maçon de son père, il est parvenu à rencontrer le président du Conseil René Viviani pour lui proposer de s’allier avec les anglais sur le plan de la logistique militaire [4]. Dans la foulée, le futur « père fondateur » a aussi vu le ministre de la guerre Alexandre Millerand et l’intendant général des armées avec lequel il s’est rendu à Londres pour organiser cette coopération.

Le ministre du commerce, de l’industrie, du transport maritime et de l’agriculture Etienne Clémentel l’a nommé chef de cabinet en 1916, puis lui a donné la charge de la coopération avec les alliés pour le partage des ressources. A ce poste, Monnet a favorisé les intérêts de ses amis de La City, notamment de la Hudson Bay Company ou de la banque Morgan, qui ont obtenu l’accès aux achats de ravitaillement français pendant la guerre et grâce à Monnet, Kindersley a obtenu le monopole des achats français de blé au Canada. En 1917 Monnet a poussé pour une coopération des marines marchandes alliées, qui selon certains observateurs était plus favorable aux Anglais qu’aux Français.

A la fin de la guerre, il s’est dépêché de rentrer en France pour prendre part aux discussions du traité de Versailles, qui devait établir les conditions de la paix en Europe. Et en 1919 il est entré à la Société des Nations[5], l’ancêtre de l’ONU, en tant que secrétaire général adjoint. Normal : ses amis du groupe Milner et du Royal Institute of International Affairs ont beaucoup contribué à la création de cette « Société des Nations » qui était en fait le tout premier organisme supra national, dont les décisions s’imposaient aux Etats[6].

Après la première guerre mondiale, Monnet s’est rapproché des élites financières américaines qui venaient de remporter une grande victoire hégémonique avec la création de la Réserve Fédérale, la banque centrale US, totalement contrôlée par les banquiers[7].

La Société des nations, créée pour les milieux financiers

La Première Guerre a renforcé le pouvoir des financiers, de plus en plus en indépendants par rapport aux Etats. Les banques passent à l’offensive en termes de lobbying, y compris en Europe, et placent « des intermédiaires à l’intersection des univers de la banque et de la politique. Jean Monnet sera l’un d’eux et son parcours ne peut pas être bien compris s’il n’est pas perçu en lien avec le contexte financier dans lequel il s’inscrit« , rappelle Bruno Riondel.

Après la guerre, Monnet a tenté de pousser pour la création de cette chimère européenne, mais les séquelles de la guerre bloquent tout processus d’unification. Les businessmans US eux, ont œuvré à la création d’une chambre de commerce internationale permanente.

Aux manettes de la Société des Nations, Monnet s’est très vite occupé avec ses amis du groupe Milner et dérivés Arthur Salter et Robert Brand, à mettre en place une grande conférence financière. Car favoriser les intérêts financiers était bien le tout premier objectif de la SDN, dont le siège était à Genève.

Yann Decorzant rappelle dans son article « La Société des Nations et l’apparition d’un nouveau réseau d’expertise économique et financière (1914-1923) » « A la fin de la première guerre mondiale, le monde financier européen se trouve dans un état de désorganisation complète qui paralyse l’accès au crédit et entrave le travail des institutions bancaires. En 1920, les professionnels du secteur décident alors de lancer un appel aux gouvernements afin qu’ils prennent des mesures pour réguler les changes, les crédits, les émissions monétaires et les échanges commerciaux (…) C’est pour toutes ces raisons que 39 États représentant les cinq continents décident de répondre à l’initiative du monde de la finance et acceptent de se réunir en septembre 1920 à Bruxelles, dans le cadre d’une conférence financière internationale », avant même que la première assemblée de la SDN n’ait eu lieu.

Cette conférence a demandé la création d’un organisme supranational pour organiser la coopération des Etats dans les domaines économique et financier, et en 1923 fut créée l’Organisation économique et financière (OEF), avec un tas d’experts transnationaux issus des milieux bancaires et universitaires. Monnet était évidemment au cœur des discussions, auxquelles ont pris part l’économiste John Maynard Keynes, le banquier Paul Warburg, le banquier suédois Markus Wallenberg, le président de l’université de Yale Arthur Hadley…

La SDN a finalement échoué à répondre aux ambitions d’ouverture des frontières mondiales au commerce, de création d’un grand gouvernement mondial qui favorise le business, et Monnet a fini par en démissionner en 1923. En effet, chaque Etat avait la pouvoir de bloquer une décision, et il fallait l’unanimité des Etats pour acter une décision. Bref le système n‘était pas assez contraignant.

Il est alors revenu aux affaires familiales qui périclitaient, et donc est rentré quelque temps à Cognac. « Les relations nouées par Jean Monnet en Amérique lui sont une fois encore précieuses », écrit Bruno Riondel, « il reçoit des aides de la banque Lazard, de la Hudson’s Bay Company et de la banque Morgan. Lazard et Morgan prennent des participations dans la firme de Jean Monnet, son ami Robert Brand lui accordant un prêt de 2 millions de Francs »[8].

Le premier véritable organisme financier supranational ne naîtra qu’en 1930 avec la création de la BRI, la banque des règlements internationaux, dont on a déjà parlé. Monnet s’est arrangé grâce à ses contacts pour faire nommer un de ses poulains, Pierre Quesnay, disciple de l’économiste ami de la fondation Rockefeller Charles Rist, à la direction de la BRI. Pierre Quesnay y est resté 7 ans avant de se noyer en 1937, alors qu’il rendait une visite de travail à l’ancien gouverneur de la banque de France, dans sa propriété[9].

Installation dans le monde de la banque

En 1926, Monnet est entré comme banquier d’investissement chez Blair & Co, une banque d’affaires associée à la Chase Manhattan Bank des Rockefeller, qui voulait s’étendre en Europe et ouvrait sa filiale en France. Il en est vite devenu vice-président. A cette époque, Monnet fréquentait déjà depuis un moment Paul Warburg, qui a été la cheville ouvrière de la création de la Réserve Fédérale US en 1913, qualifiée de « plus grand crime législatif de tous les temps » par le député Lindbergh. Il fréquentait d’ailleurs certains des banquiers présents à la réunion de création de la FED, et qui ont le plus bénéficié de sa création.

« Durant tout l’entre-deux guerres, Jean Monnet ne cesse de voyager, notamment en Pologne et en Roumanie où, pour le compte de Blair & Co, il procède au lancement de grands emprunts internationaux et à la stabilisation des monnaies locales. Au début des années 1930, la SDN fait appel à ses compétences de grand banquier pour créer en Chine, dirigée alors par Tchang Kaï-Chek, un consortium bancaire international chargé de financer les projets économiques du « généralissime » « , résume au sujet de ce passage chez Blair & Co un article intitulé « Jean Monnet, « l’Inspirateur» « .

En fait, comme l’explique Bruno Riondel, « La Blair & Co est une firme d’investissement spécialisée dans l’offre de prêts consacrés au développement d’infrastructures diverses. Elle participe aussi aux politiques d’assainissement des finances des Etats endettés en octroyant à ceux-ci des garanties bancaires, en échange desquelles ils accepteront des mesures drastiques de réorganisation interne ». Lorsqu’il s’installe à la direction de la filiale parisienne de la banque, Monnet fait appel à René Pleven, autre eurofan devant l’éternel, en tant qu’ « expert financier ».

Pendant la crise du Franc, causée entre 1922 et 1925 par des attaques spéculatives de grandes banques de Wall Street et d’ailleurs, Monnet a joué le rôle d’intermédiaire entre la FED et Wall Street d’une part, et la banque de France d’autre part, alors qu’il était clairement dans le camp des premiers. L’affaire s’est conclue par des prêts de ces mêmes banques en échange d’un « plan d’assainissement » c’est-à-dire de l’austérité budgétaire, une baisse des investissements, l’augmentation des taxes, la compression des salaires etc. On connaît le refrain.

Quand survint le krach financier en 1929, Monnet a été ruiné suite à une aventure dans une banque née de la fusion de Blair & Co et de la Bank of America, appelée Transamerica, dont le siège était à San Francisco et dont Monnet était vice-président. Mais l’entreprise a été en difficulté, l’action passant de 25 à 2 $ en deux ans, l’accord entre les deux banques a pris fin en 1932 et Monnet a perdu son job[10].

On le retrouve à Moscou le temps de se marier en 1934 avec une femme de vingt ans sa cadette qui a obtenu la nationalité russe pour pouvoir divorcer de son précédent mari. Cette année-là, Monnet a commencé à s’atteler à la création d’une banque en Chine[11], suite à la sollicitation du ministre chinois des Finances, qui avait fait ses études aux Etats-Unis et travaillé à Citybank, rappelle Bruno Riondel. Par ailleurs, les financiers US et anglais étaient aux aguets pour faire du business dans le cadre de la modernisation de la Chine, décidée par Tchang Kai-chek.

L’année suivante, le père de l’Europe a créé une autre banque, mais à New York cette fois, avec un associé US, George Murnane [12], pour faciliter le business de la banque chinoise aux Etats-Unis et en Europe tout en prélevant un pourcentage sur le business[13]. Mais ledit pourcentage a été jugé excessif et par les chinois, et par Murnane.

En 1937, Monnet a fondé à Hong-Kong et sans Murnane la Monnet and Murnane Limited qui lui a permis de siphonner une partie des ressources, celles qui étaient apportées par le groupe chimique belge Solvay. Le groupe Solvay était alors conseillé aux Etats-Unis par l’avocat d’affaires John Foster Dulles, qui a mis en lien d’affaires Monnet et le groupe Solvay. C’est ainsi que de 1936 à 1945, Monnet a été rémunéré par Solvay.

Les affaires de Monnet dans la banque ont entraîné quelques soupçons du FBI à cette époque-là, et une enquête pour fraude fiscale avait été menée à son retour de Chine. Bruno Riondel rapporte les propos d’un autre auteur, Christopher Booker, qui précisait qu’en 1938, l’entreprise de Monnet avait été « soupçonnée par le FBI d’avoir blanchi de l’argent pour les nazis bien que l’enquête fut abandonnée sans la moindre accusation ». Bruno Riondel ajoute que « Des relations bien placées étaient intervenues en sa faveur« .

La guerre, installé aux Etats-Unis

A la veille de la seconde guerre mondiale, nouveau carnage qui, comme on l’a vu, a rapporté énormément d’argent aux financiers US et anglais notamment grâce à l’effort de guerre de l’ensemble des belligérants, Monnet était en charge de l’armement.

Selon l’historienne Annie Lacroix-Riz notamment, l’effort de guerre a été complètement saboté du côté français, et cela par nos propres élites [14].

En 1938, Monnet a donc été chargé après moult discussions de gérer l’approvisionnement en avions de guerre fabriqués aux Etats-Unis dont les capacités industrielles étaient limitées[15], alors que des avions français de qualité étaient quasiment prêts à sortir (certains qui étaient prêts ont même été carrément empêchés de sortir de leurs hangars).

Le tout, pour 2 milliards de Francs, qu’il fallait débourser très rapidement alors que les finances étaient à sec[16]. Au final, 4.739 avions ont été commandés aux US sur 3 ans[17] ainsi que 8.800 moteurs, mais à peine 800 avaient été livrés au moment de la défaite de juin 1940.

Dès le début de la guerre, Monnet a travaillé avec les plus hauts officiels US -qu’il connaissait bien- à la mise en place de l‘économie de guerre nationale. Il a reproposé aux alliés son plan de la Première Guerre pour mettre en commun les ressources logistiques militaires, et été nommé puis a démissionné en juillet 40 de la direction du Comité interdépartemental franco-britannique pour les approvisionnements et les achats de matériel de guerre. Après la défaite de juillet 1940, Monnet est retourné aux Etats-Unis où il a été nommé à la tête du British Supply Council, en charge des approvisionnements des anglais aux Etats-Unis, secondé par son vieil ami John Foster Dulles.

Après le débarquement des US en Afrique du Nord, Monnet est parti à Alger, dans le but officiel d’organiser la logistique et l’approvisionnement militaires, tout en faisant la guerre à de Gaulle qu’il ne voulait pas voir prendre le leadership. Mais Monnet était surtout à Alger en tant qu’envoyé des US pour mettre en place leur politique sur le territoire français, politique dont l’objectif principal était d’assurer la continuité du business. Passons sur les différents conflits de 1943 et 1944, dans lesquels Monnet a continué à jouer son rôle de fidèle sbire des Américains.

Naturellement, avant même la fin de la guerre, il a remis sur le tapis son histoire de fédéralisme européen. L’ONU a été créée en 1945, de même que la Banque Mondiale (1944) dirigée au départ par le fidèle John McCloy (ex des renseignements et de la banque), le GATT (accords commerciaux internationaux devenus l’OMC) et le Fonds Monétaire International[18], qui ont imposé le dollar comme monnaie mondiale de référence, soi-disant alignée sur l’or.

Mais ce n’est pas dans ces organismes que Monnet a été nommé, c’est à un autre poste stratégique : la direction du Commissariat Général du Plan de modernisation et d’équipement, créé par de Gaulle « sur proposition » de Monnet en janvier 1946[19] pour organiser la planification de l’économie. Un poste où il pouvait avoir un œil -et un mot à dire- sur la répartition des précieux dollars issus de l’aide US pour la reconstruction de la France.

Pour l’entourer dans ces fonctions au Commissariat au plan, Monnet a recruté des cadres issus de l’école phare des cadres de Vichy, l’école d’Uriage, qui a été créée en 1940 par un ancien de l’Action Française et aurait fermé en 42 pour rouvrir après la guerre. Hubert Beuve-Méry, le futur repreneur du Monde à la Libération, a conçu les programmes de cette école destinée à assurer la « Révolution nationale » si chère aux fascistes.

Parmi ces collaborateurs ex collabos, Monnet par exemple placé Paul Reuter qui a ensuite été l’un des principaux rédacteurs du « Plan Schumann » qui était en fait l’idée de Monnet pour initier l’Europe du « Marché », puis aux discussions sur la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) la première grosse institution européenne supranationale, et qui a œuvré à l’élaboration du droit international (calqué sur le modèle anglo saxon). Bruno Riondel explique que l’école d’Uriage, dont Reuter était l’un des conférenciers les plus prolifiques, était déjà très préoccupée par la question européenne.

Les relations de Monnet aux Etats-Unis ont permis d’obtenir des prêts sans trop de difficultés, puis en 1947 l’aide financière a eu lieu dans le cadre du plan Marshall. « Les réalisations du Commissariat général au Plan furent mises en œuvre sous le contrôle discret mais strict des Américains qui apportèrent les financements. Placé aux côtés de Jean Monnet qu’il assiste, son ami américain Robert Nathan, l’œil de Washington, rue de Martignac, le convainc de prendre des mesures fortes pour s’assurer d’une gestion rigoureuse des fonds octroyés. », écrit Bruno Riondel, avant d’expliquer : « Il lui conseille ainsi de porter le temps de travail hebdomadaire à 48 heures, de diminuer le pouvoir d’achat, mais aussi les dépenses de l’Etat en baissant le salaire des fonctionnaires, tout en pratiquant une fiscalité accrue, dans le cadre d’une lutte contre l’inflation ». En lien direct et étroit avec l’ambassade US, Monnet a donc travaillé à la mise en œuvre de la politique économique exigée par Washington.

Faire l’Europe contre les peuples

Après cette période au Plan, Monnet est parti vers de nouveaux horizons : l’Europe, sa vieille marotte. Et celle de ses amis Américains. Au nom d’une « paix » mythique brandie hypocritement par les tenants du fédéralisme européen, les efforts se sont concentrés sur la création de ce monstre sans tête, cet alien à moitié lobby à moitié technocratie, déconnecté des peuples, gavé d’idéologie et d’orthodoxie ultralibérale qu’on appelle l’Europe.

Monnet a participé à la création d’un groupuscule pro Europe, le Mouvement Européen, qui a touché l’équivalent de 2 millions de dollars de la CIA. Mais pour le reste, il a pris soin de rendre les transferts d’argent depuis les Etats-Unis plus discrets. Et surtout, il a planché discrètement sur la création de la première institution supranationale européenne, la Communauté du Charbon et de l’Acier (CECA).

Pour lancer la machine, il a fait dire à Robert Schuman qu’il était temps de faire la paix et donc l’Europe en commençant par un marché commun du charbon et de l’acier autour de l’Allemagne et de la France, avec la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg (le ver était dans la pomme) et l’Italie. Le discours de Schuman écrit par Monnet et ses amis commence ainsi : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques« .

La CECA

Europe : montage d’archives retraçant l’historique de la construction de la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier (CECA), avec le discours de Robert SCHUMAN du 09/05/1950.

https://www.ina.fr

Cette déclaration qui préfigurait la CECA était une sorte de putsch intellectuel, puisqu’il a été préparé de manière à ce que personne ne puisse s’y opposer. Et à l’époque, 5 ans après la fin de la guerre, nombreux étaient ceux qui rechignaient à s’allier avec l’Allemagne.

Pierre Gerbet, un européaniste convaincu, a écrit dans un article intitulé « La genèse du plan Schuman. Des origines à la déclaration du 9 mai 1950. »paru dans La revue française de science politique n°3, en 1956 : « l’étude du plan Schuman n’est sans doute pas la meilleure façon de se rendre compte de la manière dont sont prises en France les décisions de politique étrangère. Le plan Schuman constitue en effet le cas particulier d’une décision préparée en marge des milieux diplomatiques par quelques hommes qui l’ont fait adopter par le gouvernement, ont mené ensuite les négociations avec les partenaires européens et les conversations avec les représentants des intérêts privés et ont finalement fait triompher leur point de vue ». Bref, l’Europe « démocratique » était partie sur de bien mauvaises bases.

D’ailleurs, toujours selon Pierre Gerbet, la méthode utilisée alors (et encore aujourd’hui d’ailleurs) était claire : « Puisqu’il était impossible de réaliser l’Europe d’un seul coup, en commençant par la création d’un gouvernement européen, on pourrait essayer de dépasser progressivement les souverainetés nationales en amorçant une coopération sur des points limités pour atteindre des objectifs précis. »

En 1950 toujours il a écrit un discours de René Pleven, un « eurofan » convaincu et de la première heure, pour réclamer la création d’une armée européenne.

Monnet a été nommé pour représenter la France lors des discussions en amont du traité de la CECA, discussions dont il décidait de l’ordre du jour et du cadre théorique. Bruno Riondel explique qu’après avoir rendu une petite visite à son ami John McCloy alors haut-commissaire US en Allemagne, Monnet s’est rendu aux réunions, et que « La première initiative de Jean Monnet consiste à défendre le principe fondamental – à ses yeux, non négociable – autour duquel s’articule l’ensemble du projet fédéraliste, celui de la fusion future des souverainetés nationales« .

Et devinez qui est devenu le premier président de la « Haute Autorité » de la CECA, dont les décisions s’imposaient aux Etats ? Monnet bien-sûr. Il s’est entouré de « conseillers » dont George Ball, qui est resté en place à la Haute Autorité même après le départ de Monnet.

En 1955, après l’échec de l’armée européenne à laquelle il tenait tant, Monnet créé à Paris le « Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe » aux commandes duquel il est resté jusqu’en 1975.

Il a aussi été présent lors des débats sur les traités de Rome de 1957.

Notes

[1] Rhodes a créé la firme diamantaire De Beers avec le soutien financier de la banque de Nathanael Mayer Rothschild. A sa mort en 1902, c’est son fidèle Alfred Milner qui a pu utiliser sa fortune –gérée par les Rothschild – pour diffuser et mettre en œuvre leur programme en s’appuyant notamment sur les milieux universitaires capables de fournir les élites nécessaires. Le groupe Milner, qui avait la main sur les nominations à la direction d’Oxford, y a créé un cursus appelé All Souls, qui permettait de sélectionner les étudiants les plus « conformes idéologiquement […] pour entreprendre, au terme de leurs études, de très grandes carrières professionnelles au sein de l’establishment britannique« , explique Bruno Riondel. Monnet en a évidemment fréquenté un certain nombre.

[2] Les anglais appelaient ce groupe la Round Table. Ce groupe d’influence a été créé en 1909 autour d’Alfred Milner, alors gouverneur en Afrique du Sud, pour concevoir l’avenir du Royaume-Uni et s’en donner les moyens. Evidemment, les membres n’étaient pas des ouvriers, mais des banquiers, hommes d’affaires, économistes, des aristos.


[3] Selon Christopher Booker dans « La grande dissimulation », Hudson Bay a acheté de grosses quantités de cognac à Monnet pour le revendre illégalement aux tribus d’indiens.

[4] Bruno Riondel explique dans « L’étrange Monsieur Monnet » que ce rendez-vous a été permis grâce à l’aide d’un ami franc-maçon, Fernand Bernon, « avocat franc-maçon et frère de loge de Viviani« . Cette rencontre est tout de même étonnante, car Monnet n’était qu’un jeune commercial à peine revenu en France, mais doté de réseaux puissants outre-Manche et outre-Atlantique.

[5] La SDN a été créé par le traité de Versailles, négocié sous la houlette des US, qui fixait les conditions de la paix entre les alliés et avec l’Allemagne. Les négociateurs US et anglais étaient quasiment tous issus des milieux financiers, et Monnet en connaissait personnellement une bonne partie. Il rapportait aux US de toutes les discussions et portait leur parole, alors qu’il y était présent aux discussions en tant que représentant de la France.

[6] La SDN était composée d’un secrétariat général (la direction opérationnelle), d’une assemblée avec les Etats membres, et d’un conseil permanent avec 4 puis 5 membres qui aveient un pouvoir supplémentaire puisqu’ils ont un droit de veto : le Royaume-Uni, la France, le Japon, l’Italie, puis la Chine. Les US n’ayant pas ratifié le traité de Versailles, ils n’étaient pas dans la SDN au début, et s’en sont retirés en 1924. Elle a été dissoute lors de la Deuxième Guerre mondiale, et remplacée par l’ONU en 1945.

[7] C’est d’ailleurs Paul Warburg, banquier allemand né à Hambourg en 1868, bientôt un proche de Monnet, qui a été le moteur de cette création, menée discrètement et dans le dos du Congrès en coordination avec le sénateur Aldrich. Le prétexte pour cette prise en main de la monnaie par les banques privées était la crise financière précédente en 1907.

[8] Bruno Riondel précise que l’aide de Lazard à Monnet est notamment passée par la banque Charpentier, dont Lazard est devenue actionnaire majoritaire en 1919 et dont l’entreprise de Monnet était le créancier numéro 1.

[9] Bruno Riondel rapporte que le décès de Quesnay serait survenu alors qu’il se baignait dans un étang de la propriété d’Emile Moreau, ex gouverneur de la Banque de France, « auquel il était venu faire part des doutes qui le taraudaient quant à la viabilité des objectifs mis en œuvre par la BRI pour le compte du cartel bancaire » et il « espérait quelques conseils de son aîné« . Alors qu’il était une recrue prometteuse, il semblait d’après les courriers qu’il envoyait à sa femme, avoir perdu la foi depuis quelques années. En 1922, alors qu’il venait d’arriver à la SDN, il a écrit : « Genève est vraiment une belle ville et sous tous ses drapeaux on se prend à espérer une union générale des peuples où tous s’entraideraient. Ce ne sont malheureusement que des palabres et banquets de diplomates qui nouent d’excellents rapports mondains, ce qui n’a jamais évité des conflits. J’ai l’impression que les braves gens de tous les pays s’entendraient mieux directement mais ce n’est hélas qu’une utopie. A table ce soir, je n’étais entouré que de vieux messieurs plus ou moins basanés aux boutonnières uniformément fleuries de rosettes plus ou moins grandes et plus ou moins rouges« .

[10] Selon Bruno Riondel, Monnet a été viré par son partenaire probablement parce qu’il a tenté de l’évincer pour que la banque Lazard puisse prendre le contrôle de sa société.

[11] Avec une petite délégation de types du groupe de Milner, Monnet a ainsi créé la China Finance Development Corporation, conçue comme une banque axée sur la spéculation (on dit « banque d’affaires » ou « banque d’investissement » en langage libéral-ultra). Elle a été créée par l’association de plusieurs banques chinoises avec –grâce à l’intervention de Monnet – des capitaux de la banque Lazard, et placée sous le contrôle du gouvernement.
[12] Munrane avait été le représentant de la Croix-Rouge US en France pendant la Première Guerre mondiale, puis est passé au business, dans une banque qui avait placé beaucoup de billes dans une firme suédoise qui a fait faillit e lors du krach, Kreuger and Toll, liquidée par Monnet.

[13] Il s’agit de la Monnet, Murnane & Co. « Une lettre de Jean Monnet datée du 13 mars 1935 montre que cette nouvelle société entend tirer profits de la création de la China Finance : « nous devrions être capables non seulement de faire connaître la Corporation de manière positive mais aussi de tirer de substantiels profits »« , rapportait Philippe Mioche dans l’article « Jean Monnet, homme d’affaires à la lumière de nouvelles archives ».

[14] Cf. « Le choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 1930« , éditions Armand Colin.
[15] Cf. « Les aides américaines économiques et militaires à la France, 1938-1960″ de Gérard Bossuat.

[16] Bruno Riondel précise au sujet de cette commande que « les Américains s’inquiètent des faibles moyens dont dispose la France et conseillent à Daladier de faire pression sur les riches Français qui ont placé leur or à l’étranger, dans le contexte des évasions fiscales massives qui ont été organisées lors de l’arrivée au pouvoir du Front Populaire. Quatre milliards de Francs seraient susceptibles d’être récupérés ». Déjà…

[17] Tous les avions devaient être livrés pour la fin de l’été 1941.

[18] Le FMI a été créé par les accords de Bretton Woods, pour maintenir le fonctionnement du système monétaire, c’est-à-dire contrôler l’inflation et l’endettement des Etats. Depuis les années 70, il s’occupe aussi d’imposer des politiques d’austérité aux pays endettés à qui il prête de l’argent, et cherche à imposer la coopération monétaire entre Etats.

[19] C’est la chiraquie qui a mis fin en 2006 à cette institution. Depuis, force est de constater la désorganisation totale dans les ministères, et que les gouvernements successifs ont une vision prospective qui ne dépasse pas 2 ans. Cela explique en partie la baisse de la compétitivité du pays, dont la recherche publique qui a toujours été le fer de lance, est totalement en berne.

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