Mystique

La date de célébration de la Pâques chrétienne

par Elon Gilad

Aux premiers siècles du christianisme, les croyants n’étaient pas d’accord sur la date de célébration de Pâques. Une histoire fascinante de calendriers, de pouvoir et d’identité religieuse…

En Asie Mineure et à Jérusalem, les chrétiens célébraient Pâques le 14 Nisan – la date de la Pâque juive – quel que soit le jour de la semaine. Ils suivaient la tradition des apôtres Jean et Philippe.

Ces chrétiens étaient connus sous le nom de Quartodécimains – littéralement « Quatorzièmes » – et ils célébraient Pâques à une date qui tombe toujours sur une pleine lune.


Pendant ce temps, à Rome et en Occident, Pâques était célébrée uniquement le dimanche – le jour de la résurrection – suivant une tradition qui viendrait de Pierre et Paul.

Au début, cette différence fut tolérée.

Lors de la visite de Polycarpe de Smyrne à Rome (vers 155 apr. J.-C.), le pape et lui furent en désaccord, mais se séparèrent en bons amis. Plus tard, le pape Victor adopta une position plus dure, tentant d’excommunier les Églises d’Asie Mineure.

Le moment décisif eut lieu lors du concile de Nicée en 325 de notre ère, qui établit que Pâques serait célébrée le dimanche suivant la première pleine lune suivant l’équinoxe de printemps.


L’empereur Constantin écrivit qu’il était mal de se fier aux « calculs des Juifs », dont il qualifiait les coutumes d’erronées. Il souligna leur rôle dans la crucifixion.

Il ne s’agissait pas seulement de calendriers. Il s’agissait d’une séparation.

L’Église chrétienne traçait une ligne rituelle, théologique et temporelle entre elle et le judaïsme.

Certains chrétiens d’Orient résistèrent. Quelques Quartodécimains survécurent jusqu’au IVe siècle, mais furent alors traités comme des hérétiques.

Dès lors, Pâques pouvait tomber avant ou après Pessah, mais jamais le jour même.

Un léger changement de date. Un changement d’identité majeur.

Pâque juive et Pâques chrétienne

La Passion et la résurrection du Christ eurent lieu au temps où les Juifs célébraient leur Pâque. Ouvrons une petite parenthèse pour nous remémorer ce qu’est la Pâque juive.

La Pâque (en hébreu Pesah) … débute le 15ejour du mois de nisan et se poursuit sept jours durant (huit en Diaspora). Elle célèbre la délivrance d’Israël de l’asservissement à l’Égypte. Dans le texte biblique, elle porte deux noms : le premier (en Exode, XXXIV, 25) est Pâque (hag ha Posah), parce que Dieu « passe au-dessus » de la maison des enfants d’Israël lorsqu’il frappe les premiers-nés de l’Égypte (Ex., XII, 23) ; le second (Ex., XXIII, 15) est celui de fête des pains non levés (hag ha massot) justifié par la consommation de cet aliment lors du départ précipité des Hébreux (Ex., XII, 39). À la période du Temple de Jérusalem, le rite essentiel était le sacrifice de l’agneau pascal (korban Pesah) la veille du 14 nisan.

La critique discerne deux composantes parmi les rites de célébration de la fête : d’une part, le sacrifice de l’agneau, rite de bergers historicisé par son rattachement à la sortie d’Égypte ; d’autre part, la fête des pains sans levain, célébration de printemps en relation avec le calendrier agricole (Ex., XIII, 4), qui fut, en raison de la date traditionnelle de l’Exode, aisément rattachée à l’histoire du salut. Le livre de Josué (V, 10-12) indique que les Israélites sous la conduite de Josué célébrèrent la fête des pains non levés à Guilgal. Le livre des Rois (II Rois, XXIII, 21-23) souligne avec quel éclat la Pâque fut célébrée sous le règne de Josias (T VIIe s.). La fusion des deux éléments s’opère sans doute au début de l’exil de Babylonie.

Source : Encyclopedia Universalis.

Pour avoir toutes les données du problème en main, lisons deux textes de la Bible :

Exode 12

12.1 L’Éternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d’Égypte:
12.2 Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois; il sera pour vous le premier des mois de l’année.
12.3 Parlez à toute l’assemblée d’Israël, et dites: Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison.
12.4 Si la maison est trop peu nombreuse pour un agneau, on le prendra avec son plus proche voisin, selon le nombre des personnes; vous compterez pour cet agneau d’après ce que chacun peut manger.
12.5 Ce sera un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un an; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau.
12.6 Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois; et toute l’assemblée d’Israël l’immolera entre les deux soirs.
12.7 On prendra de son sang, et on en mettra sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte des maisons où on le mangera.
12.8 Cette même nuit, on en mangera la chair, rôtie au feu; on la mangera avec des pains sans levain et des herbes amères.
12.9 Vous ne le mangerez point à demi cuit et bouilli dans l’eau; mais il sera rôti au feu, avec la tête, les jambes et l’intérieur.
12.10 Vous n’en laisserez rien jusqu’au matin; et, s’il en reste quelque chose le matin, vous le brûlerez au feu.
12.11 Quand vous le mangerez, vous aurez vos reins ceints, vos souliers aux pieds, et votre bâton à la main; et vous le mangerez à la hâte. C’est la Pâque de l’Éternel.

Lévitique 23

23.9 L’Éternel parla à Moïse, et dit:
23.10 Parle aux enfants d’Israël et tu leur diras: Quand vous serez entrés dans le pays que je vous donne, et que vous y ferez la moisson, vous apporterez au sacrificateur une gerbe, prémices de votre moisson.
23.11 Il agitera de côté et d’autre la gerbe devant l’Éternel, afin qu’elle soit agréée: le sacrificateur l’agitera de côté et d’autre, le lendemain du sabbat.
23.12 Le jour où vous agiterez la gerbe, vous offrirez en holocauste à l’Éternel un agneau d’un an sans défaut;
23.13 vous y joindrez une offrande de deux dixièmes de fleur de farine pétrie à l’huile, comme offrande consumée par le feu, d’une agréable odeur à l’Éternel; et vous ferez une libation d’un quart de hin de vin.
23.14 Vous ne mangerez ni pain, ni épis rôtis ou broyés, jusqu’au jour même où vous apporterez l’offrande à votre Dieu. C’est une loi perpétuelle pour vos descendants, dans tous les lieux où vous habiterez.

Notons qu’on ne trouve dans ces textes aucune indication précisant que la Pâque doit être célébrée à une date postérieure à l’équinoxe de printemps. On ne peut que le supposer du fait de l’offrande des prémices de la moisson.

Refermons notre parenthèse sur la Pâque juive et posons nous une question : Selon ce que l’on veut célébrer (Passion ou résurrection), ne suffit-il pas de prendre la date de début de la Pâque juive comme référence pour décompter la date de la Pâques chrétienne ?

Mésententes à l’intérieur de la communauté chrétienne

Même si cette méthode est applicable, encore faut-il savoir quoi célébrer. La mort du Christ ou sa résurrection ?

Dès le début du second siècle, l’Église de Rome opte pour la résurrection. C’est ce que rappelle Irénée (évêque de Lyon) au pape Victor comme le cite Eusèbe (Hist. eccl V 24)

« Parmi ces hommes, les presbytres antérieurs à Soter qui ont dirigé l’Église que tu gouvernes aujourd’hui, c’est-à-dire Anicet, Pie, Hygin, Télesphore, Xyste, n’ont pas non plus gardé eux-mêmes (le quatorzième jour) … »

Et non seulement Rome célèbre la résurrection mais elle s’attache à maintenir naturellement cette fête le dimanche.

Les Églises d’Asie, au contraire, jugent que c’est la Passion qui doit être célébrée. Elles le firent donc au jour premier jour de la Pâque juive, le 14 nissan, jour de la mort du Christ.

On retrouve dans le choix de cette date l’influence de saint Jean qui, dans son évangile, place effectivement la mort du Christ au 14 nissan alors que les Synoptiques (les trois autres évangiles) disent que Jésus a mangé l’agneau pascal le 14 et a été crucifié le 15. Encore un sujet de mésentente sur lequel nous ne nous étendrons pas.

Les communautés asiatiques célébraient donc Pâques le 14 nissan quelque soit le jour de la semaine où il pouvait tomber. De cette pratique leur vint le nom de quartodécimans (partisans du 14èmejour).

Il ne faut pas perdre de vue que les premiers Chrétiens d’Asie étaient presque, à l’origine, tous Juifs. Ils étaient donc encore attachés aux anciens usages mosaïques de l’époque du Christ.

D’autant plus qu’on attribuait aux Apôtres les paroles suivantes :

« Quant à vous, ne faites pas de calculs. Mais quand vos frères de la Circoncision célèbrent leur Pâque, célébrez vous aussi la vôtre.. et même s’ils se trompent dans le calcul, ne vous en faites pas. »

Eusèbe décrit la situation ainsi :

« Dans ces temps-là, une question assurément non sans importance fut soulevée, parce que les chrétientés de toute l’Asie, suivant une tradition très antique, pensaient qu’il fallait garder le quatorzième jour de la lune pour la fête de la Pâque du Sauveur. C’était le jour auquel il était ordonné aux Juifs d’immoler l’agneau et, d’après eux, il était absolument nécessaire, en quelque jour de la semaine que se rencontrât cette date, de mettre alors fin aux jeûnes. Mais les Églises de tout le reste de la terre n’avaient pas l’habitude d’observer cette manière de faire, et d’après la tradition apostolique elles gardaient l’usage qui est en vigueur jusqu’à présent, pensant qu’il n’était pas convenable de mettre fin au jeûne en un autre jour (de la semaine) que celui de la résurrection de notre Sauveur [dimanche]. »(Hist. Eccl V 23)

Les Chrétiens ne voulaient continuer à accepter de dépendre des Juifs pour déterminer la date de Pâques. 

Une communauté naissante comme l’était l’Église chrétienne ne pouvait laisser à une autre, dont elle voulait s’écarter, le soin de fixer la date de sa principale fête.


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