Depuis des décennies, le conflit israélo-arabe, rebaptisé plus récemment « israélo-palestinien » est présenté comme une simple lutte territoriale entre deux peuples revendiquant une même terre.
Cette lecture, omniprésente dans les médias et les milieux diplomatiques, masque une réalité beaucoup plus profonde et idéologiquement structurée : le rejet d’Israël n’est pas fondé sur des frontières, mais sur une vision du monde fondamentalement, panarabe, panislamiste, et suprémaciste.
Cet article vise à éclairer les racines idéologiques profondes du conflit, pour mieux comprendre pourquoi l’antisémitisme réapparaît aujourd’hui au sein de la gauche occidentale.
L’origine du drapeau palestinien : un étendard panarabe, pas national
L’origine du drapeau palestinien est souvent présenté comme le symbole d’un peuple en quête d’émancipation nationale. Or, son origine dément la lecture populaire de cette réthorique romanesque.
Ce drapeau reprend les quatre couleurs panarabes qui représentent les grandes dynasties de l’islam :
🟥 Rouge : les Hachémites
⬛️ Noir : les Abbassides
⬜️ Blanc : les Omeyyades
🟩 Vert : les Fatimides
Ces couleurs furent combinées pour la première fois dans le drapeau de la Grande Révolte arabe de 1916 connu sous le nom du Hedjaz, utilisé par Hussein bin Ali et les nationalistes arabes lors de la révolte contre l’Empire ottoman, et comme premier drapeau du royaume Hachémite du Hedjaz situé sur la côte de la mer Rouge de la péninsule arabique. Sa capitale était La Mecque.
Il se démocratise ensuite dans le monde arabe pour être réutilisé sous diverses déclinaisons par une majorité des pays arabes, dont la Jordanie et plus tard, pour créer le mythe palestinien.
Ce drapeau est ensuite devenu l’emblème du panarabisme, idéologie suprémaciste fondée sur la conviction que la nation arabe est une entité unique, homogène et supérieure, dont les frontières naturelles vont de l’Atlantique au Golfe.
Le parti Baas, au pouvoir en Syrie et en Irak, s’en est réclamé pour justifier ses projets impérialistes.
À aucun moment, le drapeau palestinien ne fut pensé pour incarner une entité nationale distincte. Il fut adopté en 1964 par l’OLP comme bannière d’un rejet total d’Israël non comme projet d’émancipation, mais comme bras politique du nationalisme arabe contre la présence juive en Terre sainte.
Gamal Abdel Nasser, architecte du panarabisme et figure tutélaire du rejet d’Israël
Président égyptien de 1956 à 1970, Gamal Abdel Nasser incarne la montée du panarabisme laïc, socialiste et nationaliste qui a dominé le monde arabe durant la Guerre froide. Fondateur de la République arabe unie (1958-1961), union éphémère entre l’Égypte et la Syrie, il rêve d’une grande nation arabe unifiée, affranchie de la colonisation occidentale.
Dans cette vision, Israël n’est pas un État à contester, mais une anomalie à faire disparaître.
Nasser fait de la cause palestinienne un levier d’unité idéologique et une arme diplomatique contre les puissances occidentales. Sous sa houlette, la propagande arabe s’uniformise : Israël devient « entité sioniste », le Juif est réassigné à une figure d’oppresseur occidental, et la guerre devient une mission émancipatrice.
Nasser ne fut pas seulement un chef d’État, mais le fondateur d’un récit civilisationnel arabe où la modernité passait par l’éradication d’Israël. C’est cette matrice idéologique qui sera ensuite récupérée par l’islamisme, lorsque le panarabisme s’effondrera après la défaite de 1967.
Un conflit racial et religieux, pas politique
Contrairement à ce que prétend le narratif dominant, Israël ne fait pas face à un simple nationalisme palestinien.
Il fait face à un rejet ethnique et religieux porté par deux piliers : l’idéologie panarabe et l’islam politique. Ces deux courants se rejoignent dans une même volonté : effacer Israël, non pour fonder un État démocratique alternatif, mais pour rétablir une hégémonie arabo-musulmane sur la région.
Le nationalisme arabe, bien qu’issu de courants laïcs, partage avec l’islamisme une vision essentialiste : l’Arabe est supérieur, le juif est étranger, et la Palestine est un Waqf, une terre sacrée de l’islam, donc inaliénable. Toute coexistence avec un État juif souverain est donc une trahison idéologique.
Pourquoi la gauche occidentale a repris ce combat
Le ralliement aveugle de la gauche occidentale à la cause palestinienne ne s’explique pas uniquement par la compassion pour un peuple opprimé. Il s’enracine dans une longue tradition antisémite de l’extrême gauche, bien antérieure à la naissance d’Israël.
Marx, lui-même d’origine juive, voyait dans le judaïsme une religion capitaliste, à éradiquer. Le bolchevisme a longtemps entretenu des discours ambigus, voire hostiles à l’égard des juifs. Les régimes communistes d’Europe de l’Est ont mené de vastes campagnes antisionistes à visée clairement antisémite dans les années 50-70.
Le retour du panislamisme ?
Plutôt que de raviver un panarabisme déjà vacillant dans les années 1980, le conflit israélo-palestinien a été progressivement capté par l’essor de l’islam politique. C’est l’analyse développée par la politologue Anne-Clémentine Larroque dans Le Trou identitaire (PUF, 2021), où elle affirme que « le lit de l’islamisme politique s’est trouvé considérablement renforcé par le conflit israélo-palestinien. »
À partir de la révolution islamique iranienne de 1979, qui place la question palestinienne au cœur de sa stratégie d’influence, le panarabisme laïc et socialisant recule, laissant place à un panislamisme mobilisateur, transcendant les frontières ethniques et linguistiques du monde arabe.
La cause palestinienne, initialement portée par les nationalismes arabes, devient dès lors une cause islamique universelle, enrôlée dans les récits de légitimité religieuse.
Cette mutation est perceptible à travers la création du Hamas en 1987 — synthèse d’un projet islamiste et d’un objectif national — mais aussi par son appropriation par les mouvements djihadistes transnationaux comme Al-Qaïda. Pour ces derniers, la libération de la Palestine ne vise pas à créer une nation arabe, mais à restaurer un califat islamique mondial. Comme l’écrit encore Larroque:
« Les Intifadas (soulèvements) menées en 1987 et 2000 contre l’État d’Israël renouvellent à chaque fois la protection de la cause palestinienne par les qaïdistes, qui en islamisent les ressorts au départ nationalistes » Anne-Clémentine Larroque, op. cit.
Le mythe du « Palestinien opprimé » est donc devenu une aubaine idéologique pour réactiver un antisémitisme ancien sous le masque de l’antisionisme. À cela s’ajoute le fait que le nationalisme arabe s’est longtemps réclamé du socialisme (Nasser, Arafat, Assad), offrant une grille de lecture familière à l’extrême gauche occidentale.
Depuis le 7 octobre 2023, cette convergence s’est accélérée : la barbarie du Hamas est minimisée, justifiée ou niée, tandis que la riposte israélienne est diabolisée.
L’antisémitisme d’État par procuration
Ce qui se joue aujourd’hui dépasse le cadre du Proche-Orient. Ce conflit est devenu l’expression visible d’un antisémitisme transidéologique :
- Religieux chez les islamistes.
- Ethno-nationaliste chez les panarabes. Idéologique chez les gauches radicales.
- Culturel chez certains milieux universitaires post-coloniaux
Israël n’est pas attaqué pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est : un État juif souverain, moderne, démocratique, occidental. Un affront pour ceux qui considèrent la Judée comme terre d’islam, la modernité comme trahison et la souveraineté juive comme impardonnable.
Un conflit de civilisation
Le conflit n’est pas territorial. Il est civilisationnel. Il oppose un monde fondé sur le particularisme ethnique et religieux à un projet d’État-nation fondé sur le droit, la mémoire et la modernité.
Le drame de Gaza, la haine contre Israël, les attaques contre les Juifs du monde entier ne sont pas des dérives. Ce sont les symptômes d’un fond idéologique structuré et ancien, que l’Occident refuse encore de nommer : un suprémacisme arabo-musulman qui masque son antisémitisme sous les habits du progressisme ou de la révolution populaire.
Un antisémitisme, qui ne s’est pas toujours distingué de celui de l’extrême droite historique… comme en témoigne l’alliance du mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini, avec Hitler durant la Seconde Guerre mondiale : une convergence de haine entre islamisme et nazisme, fondée sur le rejet racial et théologique des Juifs.
Aujourd’hui, ce qui anime la rue arabo-musulmane n’est plus tant un néonationalisme arabe structuré qu’un panislamisme agressif, transnational et identitaire. Ce ne sont ni les principes laïques ni les idéaux socialistes du panarabisme originel qui mobilisent, mais une adhésion émotionnelle et religieuse à une cause sacralisée : celle d’un islam offensé par l’existence d’un État juif souverain.
Ce n’est plus la revendication territoriale qui fédère, mais la représentation mythifiée d’un combat existentiel. Cela explique pourquoi tant de jeunes dans le monde arabe se mobilisent pour Gaza, mais restent silencieux face à la répression en Iran ou au sort des minorités musulmanes persécutées par d’autres régimes : le critère n’est plus la justice, mais la centralité du combat contre Israël dans une vision suprémaciste du monde.
Ce glissement idéologique signe la fin du panarabisme classique et l’émergence d’un antisémitisme panislamique mondialisé, porté par un imaginaire religieux et relayé, paradoxalement, par les nouveaux cercles progressistes occidentaux.
Un retournement tragique, qui explique la recomposition actuelle du front idéologique contre Israël, où se croisent désormais les vieux restes du socialisme arabe, l’islamisme radical et la gauche antisioniste européenne.
SIMON WEINBERG
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