Mystique

Le Graal – Histoires d’un symbole universel

par César R. Espinel

La légende du Graal est liée aux traditions hétérodoxes autour de la figure de Jésus-Christ et des personnes de son entourage. Et l’on sait que ces traditions placent certains de ces personnages dans le sud de la France durant les années qui ont suivi la crucifixion, précisément dans des territoires liés aux intérêts culturels de notre association Delta de Maya.

Dans cet article, César Espinel s’interroge sur les origines de ce symbole et l’expansion de son influence dans toute la Méditerranée, jusqu’à ce qu’il touche pleinement certaines familles et lieux anciens de la géographie ibérique elle-même.

Lorsqu’on lit le terme « graal », il est facile pour l’imagination de prendre son envol et mille et une références nous viennent à l’esprit. La plupart du temps, on a considéré que le graal était la coupe dans laquelle le Christ et ses disciples buvaient lors de la Dernière Cène, une tradition à laquelle s’ajoute le cycle dit arthurien, les chevaliers de Camelot cherchant la précieuse relique.


Cependant, depuis 2003, il est lié à une descente apparente de Jésus et de Marie-Madeleine d’une prétendue ancienne forme française de Sang Real au lieu de Saint Greal, qui ferait référence à un héritage de sang royal reflété dans la lignée de David à laquelle appartenait Jésus et à l’hypothétique lignée également royale de Benjamin à laquelle Marie-Madeleine appartiendrait, de sorte que deux maisons royales se seraient unies en son héritier ou, plus bien , héritière, et ils pouvaient ainsi revendiquer le trône de Jérusalem.

Depuis lors, il y a eu une « confrontation » entre les deux camps sur l’identité du Graal : est-ce la coupe dans laquelle le Christ a bu ou est-ce sa progéniture avec Marie-Madeleine?

L’essence la plus intime du Graal remonte en fait bien avant Jésus-Christ, il y a plusieurs siècles.

Bon, on ne lui a pas donné ce nom, on verra d’où ça vient plus tard, mais la symbolique était déjà là. Et on le retrouve dans la première œuvre littéraire conservée de l’histoire de l’humanité : L’Épopée de Gilgamesh.. La découverte des tablettes de poèmes de Gilgamesh est l’une des découvertes archéologiques les plus importantes du XIXe siècle, réalisée par Sir Henry Layard et traduite plus tard par l’assyriologue Georges Smith.


Les tablettes d’argile cuites et sculptées originales sont écrites en cunéiforme et appartiennent à la culture paléo-babylonienne sumérienne de la terre de Mésopotamie. Ils sont conservés au British Museum de Londres. La version dite standard du poème est traditionnellement attribuée au scribe assyrien Sin-leki-unninni comme ayant enregistré l’intégralité du poème presque inchangé vers 1400 avant JC.

Les tablettes ont été sauvées de la nuit des temps dans la bibliothèque d’Assurbanipal à Ninive, aujourd’hui Irak. L’épopée de Gilgameshraconte l’histoire d’un échec qui relate les désirs les plus profonds de l’homme, la vie et la mort, l’amitié et l’amour, la lutte et la recherche d’un but, la nature de notre spiritualité, notre origine et notre destin. Symboles et images archétypales vont de pair dans ce premier échantillon de l’histoire qui a maintenu ensemble toutes les générations de toutes les cultures du monde.

Le poème nous présente Gilgamesh, roi d’Uruk qui, après avoir vu son meilleur ami mourir, se lance dans un long voyage à la recherche de l’immortalité. C’est un secret et un don des dieux que seul son ancêtre Utnapishtim, qui a survécu au Déluge envoyé par le dieu Enlil, possède. Gilgamesh veut le rencontrer, mais avant d’arriver là où il se trouve, à l’endroit le plus à l’est de la terre, il doit traverser la rivière Hubur. Sur ses rives, il rencontre une femme nommée Siduri. C’est une aubergiste, une femme sage associée à la divinité féminine de la fermentation, puisqu’elle apparaît liée à la bière et au vin. C’est aussi elle qui teste Gilgamesh, lui disant que sa quête est vouée à l’échec et qu’il vaut mieux profiter des plaisirs de la vie. Mais Gilgamesh ne baisse pas les bras et insiste,

L’apparition de Siduri, bien que brève, est d’une importance capitale. On nous présente déjà l’iconographie qui se répétera à travers l’histoire : la femme avec une coupe/bol/calice symbole d’abondance et de fertilité. Elle est en effet l’échanson des dieux, ce que l’on retrouve en Inde avec le dieu Soma ou en Grèce avec le jeune Hébé. Dans son désir aveugle de retrouver Utnapishtim, croyant que c’est la seule solution, il ne demande pas à Siduri la permission de boire dans la coupe qu’elle garde et qui lui aurait accordé l’immortalité tant attendue. Mais ce n’est pas le don des hommes, et Gilgamesh continue sa route vers l’échec de sa mission. La Dame apparaît à Gilgamesh voilée à sa fonction, ne l’informe pas de sa mission, et l’éprouve même à abandonner sa compagnie, chose qui apparaîtra constamment dans le cycle des chevaliers d’Arthur, qu’ils seront constamment tentés d’abandonner la recherche du Graal. Siduri sera la première, mais il y a plus de femmes qui ont tenu le vaisseau du contenu magique et puissant…

En Grèce et à Rome se trouvait la susmentionnée Hébé, appelée Juventas par les Romains, déesse de la jeunesse, qui remplissait la coupe des dieux de nectar. Cependant, il avait également la capacité de rajeunir les personnes âgées ou les enfants âgés. Par conséquent, dans le monde classique, la Dame est kronókrata: domine le temps, la vie et la mort.

A tel point qu’en Grèce on trouve une deuxième divinité féminine en possession d’un merveilleux calice : la déesse Hestia, baptisée à Rome Vesta. Hestia est la fille aînée des Olympiens, une déesse paisible, protectrice de la cuisine, de l’architecture et de la maison, mais surtout du feu qui donnait chaleur et vie aux maisons. Cela ressemble à un changement très radical, passer du vin au feu, mais on voit qu’il n’y a pas tant que ça de différence : les deux éléments sont des promesses de vie, d’abondance et d’éternité. Il ne faut pas oublier qu’une autre déesse grecque avec un récipient est Déméter, divinité de l’agriculture et des fruits de la Terre, qui porte la corne d’abondance dans ses mains. Hestia avait la place prééminente dans toutes les maisons et les premières victimes des sacrifices publics et des offrandes lors des banquets lui étaient consacrées avant Zeus.

Avec Rome, la déesse Vesta est devenue protectrice du feu sacré de la maison, du temple, du gouvernement et du monde. Son culte fut inauguré par le roi Numa et dura jusqu’à la fin du paganisme. Elle était le centre solaire de chaque personne, groupe ou communauté, et était représentée par un cercle (en fait, le temple de Vesta était circulaire, une caractéristique qui a duré jusqu’au Moyen Âge). Vesta était la protectrice de ce feu éternel qui assurait la survie de Rome pendant qu’elle brûlait. Son culte fut inauguré par le roi Numa et dura jusqu’à la fin du paganisme. Elle était le centre solaire de chaque personne, groupe ou communauté, et était représentée par un cercle (en fait, le temple de Vesta était circulaire, une caractéristique qui a duré jusqu’au Moyen Âge). Vesta était la protectrice de ce feu éternel qui assurait la survie de Rome pendant qu’elle brûlait. Son culte fut inauguré par le roi Numa et dura jusqu’à la fin du paganisme.

Elle était le centre solaire de chaque personne, groupe ou communauté, et était représentée par un cercle (en fait, le temple de Vesta était circulaire, une caractéristique qui a duré jusqu’au Moyen Âge). Vesta était la protectrice de ce feu éternel qui assurait la survie de Rome pendant qu’elle brûlait.

Similaire est la déesse celtique Brigid, fille de Dagda (« le bon dieu »), le dieu principal des Celtes irlandais et possesseur d’un chaudron de résurrection. Brigid avait deux sœurs également appelées Brigid, elle est donc un cas classique d’une triple déesse, dans ce cas du feu. Brigid est la déesse celtique de l’inspiration et de la guérison, ainsi que de la divination. Il était également associé aux puits sacrés et aux flammes éternelles. Selon certains chroniqueurs, sa flamme sacrée à Kildare était entourée d’une haie qu’aucun homme ne pouvait franchir. On dit que ceux qui ont tenté de le briser et d’accéder à la flamme ont été maudits de mort, de folie ou d’impuissance.

Étant l’une des déesses les plus adorées par les Celtes, y compris les druides, son histoire et sa symbologie survivent aujourd’hui dans le caractère médiéval de Sainte Brigitte, patronne de l’Irlande (451-525). La légende veut qu’elle construise sa cellule sous un grand chêne (arbre sacré des Celtes) ou fonde un couvent près de Kildare, où la flamme sacrée de Brigit brûlait autrefois.

Le syncrétisme est tel que Santa Brígida, outre sa célèbre croix de paille, apparaît dans son iconographie avec un bol ou un calice d’où jaillissent des flammes.

Passé le VIe siècle, il semble que le silence pèse sur l’iconographie et la symbolique du Graal, et il faudra attendre 1080-1090 pour le voir à nouveau représenté entre les mains d’une Dame.

C’est l’abside de l’église du monastère de San Pedro del Burgal, situé dans la ville d’Escaló, dans la région de Pallars Sobirá à Lleida. Il est actuellement conservé au Musée National d’Art de Catalogne, à Barcelone. Mais ce n’est pas la seule, il y aura sept autres églises qui représentent pour la première fois le Graal dans leurs absides, et toujours selon le même schéma : une dame auréolée couverte d’un voile, à l’expression sévère, de la main droite en avant montrant sa paume au spectateur tandis qu’avec la gauche, qui est recouverte du manteau, elle tient le récipient d’où émanent, dans la plupart des cas, des flammes ou des faisceaux de lumière.

Huit églises construites dans la région des Pyrénées catalanes, à moins de 250 km. autour, et dans une période de 40-50 ans. Javier Sierra, dans son roman primé aux Planet Awards 2017El Fuego Invisible traite de ces « graals », et affirme « qu’il faut nécessairement en conclure que ce sont les artistes de la péninsule ibérique, sur les terres des Pyrénées catalanes, qui ont inventé le graal ».

Sur la base de ce que nous avons vu jusqu’à présent, il n’est pas clair que l’iconographie soit originale pour les terres qui à cette époque (XIe siècle) appartenaient au royaume d’Aragon. Mais ce qui semble clair, c’est que le terme est originaire d’ici. On a tendance à penser que c’est quelque chose qui est né en France, mais la vérité est qu’en français « graal » est un mot rare. Et d’autre part, dans certains testaments datant de plus de mille ans trouvés dans la région de la Seu d’Urgell, dans les Pyrénées de Lleida, le mot «grazal» est utilisé pour désigner un bol ou un récipient. Quoi qu’il en soit, dans la plupart de ces huit églises apparaît le Graal tenu par une Dame voilée (apparemment la Vierge Marie) et d’où émanent des rayons de lumière ou des flammes,

Il y a autre chose d’intéressant dans ce tableau, le premier où le Graal est représenté : on sait qui l’a commandé. Sous le tambour où se trouvent les personnages accompagnant Maria, son portrait a été conservé.

La femme qui fait le même geste que la Vierge est Lucía de Pallars, comtesse d’Urgell. En 1058, elle épousa Artal I de Pallars Sobirà, qui avait usurpé des territoires ecclésiastiques dans son comté et fut excommunié pour cela. Mourant sans avoir reçu le pardon, Lucía a ordonné la construction de cette église afin que son mari puisse reposer sur une terre sacrée. Il est intéressant de noter que le nom de jeune fille de cette femme était Lucía de La Marca, dont la sœur Almodis de La Marca a épousé le comte Ramón Berenguer I de Barcelone après avoir été enlevé par lui en 1052. Les deux sœurs étaient les filles du comte occitan Bernard I de La Marca, qui révèle des liens avec le Languedoc et des familles liées au catharisme, une croyance qui, elle, a toujours été liée aux légendes et traditions sur la garde du Graal.

Neuf décennies après que Lucía de Pallars ait ordonné la construction de cette église et que le Graal représenté dans ces peintures apparaisse, en 1180 la première référence littéraire au Graal apparaît en France, Perceval ou le Conte du Graal du troubadour Chrétien de Troyes. On sait très peu de choses sur la vie de ce poète, même s’il semble qu’il ait eu une bonne formation en langues classiques. Après une période d’écriture de commande à la cour de Marie de France (fille aînée de Louis VII de France et de sa première épouse, Aliénor d’Aquitaine), Chrétien se retrouve à la cour de Philippe d’Alsace, comte de Flandre, à qui il est dédié le Percival.

A propos de l’auteur du roman dit Philippe Walter, médiéviste français spécialiste des « mythologies chrétiennes »; que son nom (Chrétien) le trahit comme Juif converti, et que ses romans ont des inspirations cabalistiques. On a dit aussi que son inspiration viendrait du catharisme, thèse qui se renforce si l’on tient compte de ce que nous avons évoqué précédemment sur les Pallars et leurs liens avec le Languedoc. En plus de tout cela, son œuvre s’appuie sur la tradition celtique et les légendes bretonnes, ainsi que sur les mythes et le folklore si caractéristiques des cantares de geste en lengua d’oil de la seconde moitié du XIIe siècle.

Le roman raconte l’histoire de Perceval, un jeune homme qui vit insouciant avec sa mère dans la forêt. Un jour, des chevaliers traversent sa forêt, et Perceval est tellement admiré par leurs armures, épées et galons qu’il décide de les rejoindre, ce qui plonge sa mère dans une profonde tristesse. Il s’avère que les chevaliers sont membres de la cour du roi Arthur, et Perceval leur demande de le faire chevalier. Ils lui disent que pour y parvenir, il doit vaincre le méchant chevalier rouge, ce que Perceval réussit avec une lance. Le jeune homme est alors envoyé au château de Gornemant de Gorhaut, où il est formé et finalement anobli. Le point culminant de l’histoire est lorsque Perceval arrive au Château du Graal, où il assiste à une étrange vision. Le seigneur du château est le Roi Pêcheur, qui est très malade, blessé et ne peut pas bouger de son lit.

Trois personnages se rendent au lit du roi avec trois objets. Un page porte une lance, un autre porte une assiette et une dame porte un graal. Perceval ne s’interroge pas sur le sens de ce dernier objet, qu’on lui reprochera plus tard.

Et cela nous amène à une conclusion : cachée aux méchants, une rose fleurit dans le graal au milieu d’un jardin délimité, comme la flamme sacrée de la Celtic Brigid à Kildare, l’image d’Eden réinstaurée dans l’âme humaine. De cette manière simple et élégante, l’auteur de cette gravure de 1655 (AD) a exprimé l’idée de totalité, de centre, de destinataire et de source. La corne d’abondance gréco-romaine ou le chaudron celtique d’abondance, ainsi christianisé.

C’est l’union de ce qui est en haut avec ce qui est en bas et de ce qui est à l’intérieur avec ce qui est à l’extérieur, mais c’est aussi un symbole d’humilité et d’abandon : il faut se vider, comme la coupe, se vider de toutes les peurs et de tous les préjugés, pour que le Principe Suprême nous remplisse et agisse à travers nous.

Nous avons été créés à son image et à sa ressemblance et cela, comme nous l’indique Ibn’Arabi, signifie que nous devons agir dans le monde, dans la création, comme il le ferait. Le Graal est aussi un symbole de responsabilité envers soi-même et envers les autres qui s’incarne dans l’Amour, seul capable de concilier tous les contraires.

César R. Espinel


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