Nouveau paradigme

Nikola Tesla. Le problème de l’intensification de l’énergie humaine

L’importance de l’énergie solaire est soulignée

Le moteur de l’humanité – L’énergie du mouvement – Les trois manières d’intensifier l’énergie humaine

Parmi la variété infinie de phénomènes que la Nature offre à nos sens, le seul à nous frapper réellement d’étonnement et d’admiration est cette activité incroyablement complexe que, dans son ensemble, nous appelons la vie humaine.

Son origine mystérieuse porte le voile d’un passé éternellement brumeux, sa nature nous est incompréhensible à cause de sa complexité infinie, et son but est caché dans les profondeurs insondables du futur. D’où vient-elle ? Qui est-elle ? Vers quoi tend-elle ? Ce sont les grandes questions auxquelles les sages de tous les temps ont cherché à répondre.

La science moderne dit : le Soleil est notre passé, la Terre est notre présent et la Lune notre futur.


Issus d’une masse incandescente, nous nous transformerons en une masse gelée. Les lois de la Nature sont impitoyables ; très vite nous sommes entraînés immanquablement vers notre perte.

D’après Lord Kelvin, notre espérance de vie serait relativement courte, soit de quelque six millions d’années, après quoi la lumière éclatante du soleil se sera éteinte, sa chaleur fécondante aura disparu et notre propre Terre ne sera plus qu’un bloc de glace, fonçant dans la nuit éternelle. Toutefois, ne désespérons pas. Il subsistera toujours une faible étincelle de vie et il se pourrait que, sur une étoile lointaine, s’allume un nouveau feu.

En effet, il semblerait que cette possibilité séduisante soit tout à fait réaliste, si l’on en juge les superbes expérimentations du professeur Dewar avec l’air liquide, qui ont prouvé que les germes de la vie organique ne sont pas détruits par le froid, quelle que soit son intensité ; par conséquent, ils peuvent voyager dans l’espace interstellaire. En attendant, notre route s’illumine des lumières éclatantes des sciences et des arts, dont l’intensité ne cesse d’augmenter ; ils font naître des merveilles et nous offrent des plaisirs qui nous aident grandement à oublier notre funeste destin.

Bien que nous n’arrivions pas à comprendre la vie humaine, nous savons avec certitude qu’elle est mouvement, de quelque nature qu’il soit.


On ne peut parler de mouvement qu’en présence d’un corps qui est mû et d’une force qui le fait bouger. Partant, qui dit vie, dit masse animée par une force. Toute masse a son inertie et toute force cherche à perdurer. En raison de ces propriétés et conditions universelles, un corps quelconque, qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement, aura tendance à rester en l’état, tandis qu’une force se manifestant où que ce soit et pour quelque raison que ce soit, engendre une force opposée équivalente, ce qui veut dire qu’immanquablement tout mouvement dans la nature doit être rythmique.

Il y longtemps déjà que cette vérité toute simple a été énoncée par Herbert Spencer, quoique son raisonnement fût quelque peu différent. Elle est corroborée par toutes nos perceptions – par le mouvement d’une planète, le flux et le reflux des marées, par les répercussions de l’air, le balancement d’un pendule, les oscillations d’un courant électrique, et par tous les phénomènes infiniment variés de la vie organique. La vie humaine, dans son ensemble n’en atteste-t-elle pas ?

La naissance, la croissance, la vieillesse et la mort d’un individu, d’une famille, d’une race ou d’une nation, sont-elles autre chose qu’un cycle?

Toutes les manifestations de la vie, même dans ses apparences les plus complexes – et l’homme en est un bel exemple -, même si elles sont compliquées et impénétrables, ne sont donc que des mouvements qui doivent être gouvernés par les mêmes lois mécaniques que celles qui régissent l’ensemble de l’univers physique.

Lorsque nous parlons de l’homme, notre conception doit être celle de l’humanité constituant un tout, et avant de mettre en pratique des méthodes scientifiques pour analyser son mouvement, nous devons d’abord l’accepter en tant que réalité physique. Mais qui donc douterait encore aujourd’hui que ces millions d’individus, avec leurs innombrables différences de types et de caractères, ne forment qu’une seule entité, une unité ?

Figure 1 : Pour brûler l’azote dans l’atmosphère

Ce résultat fut obtenu par la décharge d’un oscillateur électrique de 12 millions de volts. La tension électrique alternant 100 000 fois par seconde, excite l’azote normalement inerte et provoque sa combinaison avec l’oxygène. La décharge, ressemblant à une flamme sur la photo, mesure près de 20 m.

Bien que libres de penser et d’agir, nous sommes reliés entre nous comme les étoiles dans le firmament, par des liens résistant à toute épreuve.

Ces liens, nous ne pouvons pas les voir, mais les ressentir.

Si je me coupe le doigt, j’aurai mal ; ce doigt est une partie de mon corps. Si je vois un ami souffrir, je souffre aussi ; mon ami et moi ne faisons qu’un. Et si je vois un ennemi se faire abattre, j’en ai de la peine, bien qu’il ne soit qu’un amas de matière dont je ne me soucie pas plus que de tous les autres amas de matière dans l’univers. N’est-ce pas la preuve que chacun de nous n’est qu’une partie d’un tout ?

Ce concept est défendu par les doctrines religieuses les plus sages depuis des siècles, probablement parce que, non seulement il peut garantir la paix et l’harmonie entre les hommes, mais il incarne parallèlement une vérité bien fondée.

Les bouddhistes l’expriment d’une manière, les chrétiens d’une autre, bien qu’ils disent tous deux la même chose : nous ne faisons qu’un. Toutefois, les preuves métaphysiques ne sont pas les seules que nous puissions avancer pour défendre cette idée.

La science, elle aussi, reconnaît que les individus sont en connexion les uns avec les autres, bien que ce ne soit pas tout à fait dans le même sens où elle reconnaît que les soleils, planètes et lunes d’une constellation ne forment qu’un seul corps ; il ne fait aucun doute que dans un futur plus ou moins proche, nous en aurons des confirmations expérimentales, lorsque nos moyens et méthodes d’analyse psychiques et d’autres états et phénomènes seront hautement perfectionnés. En outre, cette grande entité humaine est éternelle.

Les individus sont éphémères, les races et les nations apparaissent puis disparaissent, mais l’humanité survit. C’est en cela même que réside la différence majeure entre un individu et le tout. C’est également en cela que l’on peut trouver une explication partielle à beaucoup de ces merveilleux phénomènes héréditaires qui sont le fruit d’innombrables siècles d’influences minimes mais continues.

Partons du principe que l’humanité est une masse poussée par une force.

Bien que ce mouvement n’ait pas un caractère de translation qui impliquerait un déplacement dans l’espace, il est soumis aux lois générales de la mécanique, et l’énergie associée à cette masse est mesurable, selon des principes bien connus, en multipliant la moitié du produit de la masse par le carré d’une vitesse donnée.

Un boulet de canon, par exemple, possède au repos une certaine quantité d’énergie sous forme de chaleur que nous pouvons mesurer de la même manière. Nous disons que le boulet est constitué d’un nombre incalculable d’infimes particules appelées atomes ou molécules, qui vibrent ou tournoient les uns autour des autres. Nous déterminons leurs masses et leurs vitesses et calculons, à partir de là, l’énergie de chacun de ces minuscules systèmes ; en additionnant le tout, nous obtenons une idée de toute l’énergie thermique contenue dans le boulet qui, apparemment, est au repos.

C’est de cette manière purement théorique que nous pouvons alors calculer cette énergie, en multipliant la moitié de la masse totale – c’est à dire la moitié de la somme de toutes les petites masses – par le carré d’une vitesse déterminée par la vitesse de chaque particule.

C’est de cette même manière que nous pouvons envisager de mesurer l’énergie humaine, soit en multipliant la moitié de la masse humaine par le carré d’une vitesse que nous ne sommes pas encore en mesure de calculer.

Toutefois, cette lacune n’affectera pas l’exactitude des conclusions que je vais en tirer et qui découlent d’un principe rationnel selon lequel toute la nature est gouvernée par les mêmes lois de masse et de force.

Cependant, l’humanité n’est pas une masse quelconque, constituée d’atomes et de molécules tournoyants, ne contenant que de l’énergie thermique. Elle est une masse avec certaines qualités supérieures, en raison du principe de vie créatif qui la caractérise.

Sa masse, comme l’eau d’une vague dans l’océan, est continuellement renouvelée, la nouvelle remplaçant l’ancienne. En outre, elle grandit, se perpétue et meurt ; il y a donc altération indépendante du volume et de la densité de la masse. Et ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est qu’elle peut augmenter ou réduire la vitesse de son mouvement, grâce à son pouvoir mystérieux de s’approprier plus ou moins d’énergie d’une autre substance et de la transformer en énergie motrice.

Toutefois, nous pouvons ignorer ces changements très lents et prétendre que l’énergie humaine se mesure par la moitié du produit de sa masse par le carré d’une certaine vitesse hypothétique. Cependant, quelle que soit notre manière de calculer cette vitesse, et quelle que soit l’unité de sa mesure, nous devons, en accord avec ce concept, arriver à la conclusion que le grand problème de la science est, et sera toujours, d’intensifier cette énergie ainsi définie.

Il y a quelques années, je fus aiguillonné par la lecture de cet excellent ouvrage de Draper, « L’Histoire du développement intellectuel en Europe », qui décrit l’évolution de l’homme de manière très vivante, et je réalisai que le premier devoir de tout homme de science était de trouver une réponse à cet éternel problème. Je vais tenter de décrire brièvement certains des résultats de mes propres investigations.

Prenons le Diagramme A : M représente la masse de l’humanité. Cette masse est poussée en avant par une force f et repoussée par une autre force R, partiellement force de friction et partiellement force négative, qui agit dans la direction opposée et qui freine le mouvement de la masse. Une telle force antagoniste est présente dans tout mouvement et il faut en tenir compte. La différence entre ces deux forces est la force effective qui donne une vitesse V à la masse M dans le sens de la flèche sur la ligne représentant la force f.

Diagramme A : Les trois manières d’intensifier l’énergie de l’humanité

Conformément à ce qui a été dit plus haut, l’énergie humaine sera déterminée par le produit ½M V2 = ½ MV x V, M représentant la totalité de la masse de l’humanité, selon l’acception ordinaire du terme « masse », et V étant une vitesse hypothétique que, en l’état actuel de la science, nous sommes incapables de définir ou de déterminer avec précision.

C’est pourquoi, intensifier l’énergie humaine, revient à augmenter ce produit et, comme nous allons le voir sous peu, il n’existe que trois manières d’atteindre ce résultat : elles sont représentées dans le Diagramme A.

La première manière figure en haut du diagramme et il s’agit d’augmenter la masse (représentée par le cercle en pointillés), tandis que les deux forces en opposition ne changent pas. La deuxième manière figure au milieu du diagramme et il s’agit ici de réduire la valeur de la force de freinage R à une valeur r, tandis que la masse et la force d’impulsion ne changent pas. La troisième manière, représentée par la figure en bas du diagramme, consiste à augmenter la valeur de la force d’impulsion f à une valeur F, alors que la masse et la force de freinage R ne changent pas.

Manifestement, il existe des limites absolues en ce qui concerne l’accroissement de la masse ou la réduction de la force de freinage ; toutefois, la force d’impulsion, elle, peut être intensifiée à l’infini. Chacune de ces trois possibilités présente une facette différente du problème majeur de l’intensification de l’énergie humaine ; nous allons maintenant analyser ses trois parties distinctes, dans l’ordre.

Première question : Comment augmenter la masse humaine? – La combustion de l’azote dans l’atmosphère.

Il existe manifestement deux façons d’augmenter la masse de l’humanité : premièrement, en stimulant et soutenant les forces et conditions qui permettent son développement et deuxièmement en faisant obstacle à et en réduisant celles qui ont tendance à la diminuer.

La masse pourra augmenter à condition qu’elle surveille attentivement sa santé, en se nourrissant convenablement, en respectant la modération, en régulant ses habitudes, en promouvant le mariage, en surveillant constamment les enfants et, d’une manière plus générale, en respectant les nombreuses règles et lois des religions et de l’hygiène.

Toutefois, une nouvelle masse peut se joindre à l’ancienne selon trois possibilités. Soit la nouvelle masse a la même vitesse que l’ancienne, soit elle a une vitesse inférieure ou supérieure.

Pour obtenir une idée de l’importance relative de ces trois possibilités, imaginez un train, comptant une centaine de locomotives, qui roule sur des rails, et supposez que, pour augmenter son énergie motrice, quatre locomotives supplémentaires viennent le compléter. Si ces quatre locomotives avancent à la même vitesse que celle du train, l’énergie globale sera augmentée de 4% ; si leur vitesse est égale à la moitié de celle du train, l’augmentation ne sera que de 1%; mais si leur vitesse est le double de celle du train, l’augmentation de l’énergie sera de l’ordre de 16%.

Cet exemple très simple montre bien qu’il est très important que la nouvelle masse ait une vitesse plus élevée.

Ou, pour citer un autre exemple, si les enfants ont le même degré de développement que leurs parents – c’est-à-dire s’ils représentent une masse « de vitesse égale » – l’énergie augmentera simplement proportionnellement au nombre d’enfants. S’ils ont une intelligence ou un développement inférieurs, ils seront une masse « de vitesse inférieure » et l’augmentation de l’énergie ne sera que très faible.

Par contre, s’ils sont plus avancés, soit une masse « de vitesse supérieure », alors cette nouvelle génération renforcera l’énergie humaine globale de manière très substantielle.

Il est impératif d’empêcher toute arrivée d’une masse « de vitesse inférieure » à celle requise par cette loi que paraphrase ce proverbe, Mens sana in corpore sano (un esprit sain dans un corps sain).

Par exemple, le fait de ne chercher qu’à développer la musculature comme cela se pratique dans certains de nos lycées, me semble équivalent à un apport de masse de « vitesse inférieure » et je ne le conseille pas, quoique mon point de vue fût différent lorsque j’étais moi-même étudiant.

La première chose à faire est de pratiquer des exercices physiques avec modération, afin d’assurer un bon équilibre entre le corps et l’esprit, et le plus haut rendement intellectuel.

L’exemple ci-dessus montre que l’objectif le plus important est celui de l’éducation, ou de l’augmentation de la « vitesse » de la masse nouvellement arrivée.

À l’inverse, il n’est guère besoin de préciser que tout ce qui va à l’encontre des doctrines religieuses et des lois d’hygiène tend à réduire la masse. Le whisky, le vin, le thé, le café, le tabac et autres excitants sont responsables de la baisse de la durée de vie de nombreuses personnes et devraient être utilisés avec modération.

Toutefois, je ne pense pas qu’il soit judicieux de supprimer des habitudes ancrées depuis des générations en appliquant des mesures rigoureuses. Il est plus sage de prêcher la modération que l’abstinence. Nous sommes devenus dépendants de ces stimulants, et s’il est nécessaire de faire des réformes, elles devront être lentes et graduelles. Ceux qui consacrent toute leur énergie dans de tels buts feraient mieux de se tourner vers d’autres directions où ils seraient plus utiles, comme par exemple la distribution d’une bonne eau potable.

Pour chaque personne qui succombe aux effets d’un stimulant, il y en a au moins mille qui meurent des conséquences de l’absorption d’eau polluée.

Ce liquide précieux, qui diffuse tous les jours une nouvelle vie dans nos corps, est parallèlement le principal vecteur des maladies et de la mort. Les germes de la destruction qu’il véhicule sont des ennemis d’autant plus menaçants qu’ils œuvrent subrepticement. Ils décident de notre sort pendant que nous vivons et jouissons de cette vie.

La majorité des gens sont tellement ignorants ou peu attentifs dans leur consommation d’eau et les conséquences de ces négligences sont tellement désastreuses, qu’un philanthrope qui se consacrerait à informer ceux qui se nuisent de la sorte, ne pourrait pas se rendre plus utile.

Si l’eau potable était systématiquement purifiée et stérilisée, la masse humaine augmenterait de manière considérable.

Il faudrait faire respecter une consigne très stricte – qui pourrait être renforcée par le vote d’une loi -, à savoir de faire bouillir ou de stériliser l’eau dans tous les ménages et lieux publics. Le simple filtrage est insuffisant pour prévenir toute infection. Toute la glace à usage interne devrait être préparée artificiellement à partir d’une eau parfaitement stérile.

S’il est généralement reconnu qu’il est très important d’éliminer les germes pathogènes de l’eau potable dans les villes, on ne fait cependant pas grand chose pour améliorer la situation actuelle, dans la mesure où l’on n’a pas encore découvert de méthode satisfaisante pour stériliser de grandes quantités d’eau.

Grâce à des appareils électriques perfectionnés, il devient aujourd’hui possible de produire de l’ozone à bas coût et en grandes quantités, et ce désinfectant idéal semble être une solution heureuse à ce problème crucial.

La passion des jeux, le stress des affaires et l’excitation – principalement celle en milieu boursier – sont grandement responsables de la réduction de la masse, d’autant plus que les individus concernés sont des unités de valeur supérieure.

L’incapacité de dépister les premiers symptômes d’une maladie et le fait de négliger cette dernière avec désinvolture, représentent d’importants facteurs de mortalité. En relevant soigneusement les moindres signes d’un danger imminent et en ciblant consciencieusement tous nos efforts pour s’en prévenir, nous suivrions non seulement les sages lois de l’hygiène dans l’intérêt de notre bien-être et la réussite de nos entreprises, mais nous agirions parallèlement au nom d’un devoir moral plus élevé.

Chacun devrait considérer son corps comme le cadeau précieux de quelqu’un qui l’aime par-dessus tout, comme une merveilleuse œuvre d’art, dont la beauté et la maîtrise dépassent l’entendement humain, d’une délicatesse et d’une fragilité telles qu’un mot, un souffle, un regard, voire une pensée, est susceptible de la blesser.

La malpropreté qui engendre la maladie et la mort est non seulement autodestructrice, mais aussi une habitude hautement immorale. En préservant notre corps de toute infection, en veillant à sa bonne santé et à sa pureté, nous exprimons notre vénération pour les principes supérieurs qui l’habitent. Celui qui suit les règles d’hygiène dans cet esprit, témoigne d’une grande exigence morale.

Le relâchement des mœurs est un mal terrible qui empoisonne l’esprit comme le corps et qui est responsable de la grande réduction de la masse humaine dans certains pays.

De nombreux penchants et coutumes actuels entraînent des résultats pareillement nuisibles. Par exemple, la vie en société, l’éducation moderne et les ambitions des femmes qui ont tendance à les éloigner de leurs tâches ménagères et à se comporter comme des hommes, vont obligatoirement les détourner de l’idéal élevé qu’elles représentent, réduire leur pouvoir de création artistique et entraîner la stérilité et un affaiblissement général de la race.

Je pourrais citer un millier de maux supplémentaires mais, dans l’ensemble et relativement au sujet qui nous préoccupe, ils n’égaleraient jamais ce seul autre, à savoir le manque de nourriture engendré par la pauvreté, la misère et la famine. Des millions d’individus meurent chaque année faute de nourriture et, partant, la masse ne peut pas augmenter. Même dans nos communautés plus évoluées et malgré les nombreuses œuvres caritatives, cela reste, selon toute vraisemblance, le fléau majeur. Je n’entends pas par-là le manque absolu de nourriture, mais celui d’une alimentation équilibrée et saine.

Un des problèmes les plus importants d’aujourd’hui est donc d’arriver à obtenir de la bonne nourriture en grande quantité.

En règle générale, l’élevage de bétail comme moyen de subvenir aux besoins de nourriture est répréhensible, parce que, compte tenu de ce que j’ai dit plus haut, cela conduirait inévitablement à un complément de masse de plus « faible vitesse ». Il est certainement préférable de cultiver des légumes et c’est pourquoi je pense que le végétarisme est le meilleur moyen de se débarrasser des habitudes barbares actuelles.

Il est manifeste que nous sommes capables de survivre en ne mangeant que des végétaux et même d’améliorer notre potentiel de travail.

De nombreuses races, qui ne se nourrissent pratiquement que de végétaux, affichent une forme et une force physiques supérieures. Il ne fait aucun doute que certains végétaux, comme la farine d’avoine, sont plus économiques que la viande et sont mieux adaptés qu’elle pour atteindre de hautes performances mécaniques et mentales.

En outre, une telle nourriture éprouve incontestablement moins nos organes de digestion et a une valeur inestimable, dans la mesure où elle nous nourrit mieux et nous rend plus sociables. En raison de ces faits, il faudrait tout mettre en œuvre pour que cesse cet abattage gratuit et cruel des animaux, qui témoigne de mœurs subversives. Afin de nous libérer des instincts et appétits bestiaux qui nous avilissent, il faut s’attaquer à leurs racines mêmes : nous devrions réformer radicalement notre comportement face à la nourriture.

Il semblerait qu’il n’y ait aucun besoin philosophique de nourriture.

Il est tout à fait envisageable que des êtres organisés puissent vivre sans nourriture et puiser dans le milieu environnant toute l’énergie dont ils ont besoin pour le bon équilibre de leurs fonctions vitales.

Un cristal nous apporte la preuve très nette de l’existence d’un principe vital formateur, et bien que nous soyons incapables de comprendre la vie d’un cristal, il n’en est pas moins un être vivant.

À côté des cristaux, il se pourrait qu’il y ait d’autres formes de vie matérielles et individualisées, peut-être de constitution gazeuse ou composées de substances encore plus ténues. En raison de cette possibilité – voire probabilité – nous ne pouvons pas, d’emblée, renier l’existence de formes de vie organisées sur une autre sphère, tout simplement parce que nous pensons que ses facteurs planétaires ne permettent pas l’existence de la vie telle que nous la concevons.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas prétendre avec certitude que certaines de ces formes de vie n’existent pas ici, dans notre monde, au milieu de nous, car leur constitution et leur manifestation de vie sont susceptibles d’être d’une nature telle, que nous sommes incapables de les percevoir.

Évidemment, on pourrait envisager de produire une nourriture artificielle comme moyen d’augmenter la masse humaine ; toutefois, une démarche dans ce sens ne me paraît pas raisonnable, du moins pour le moment. Il n’est pas certain que ce type d’alimentation nous soit salutaire. Nos habitudes sont le produit d’adaptations séculaires continues et nous ne pouvons pas les changer de manière radicale, sans risquer de devoir subir des conséquences imprévues et, selon toute probabilité, désastreuses. Une expérience aussi équivoque ne devrait pas être tentée.

Il me semble que le meilleur moyen de parer aux ravages du mal, serait de trouver des moyens pour augmenter la rentabilité des sols. C’est pourquoi la préservation des forêts est d’une importance qu’il ne faudrait pas sous-estimer ; parallèlement, il faudrait grandement préconiser l’utilisation de l’énergie hydraulique pour la transmission de l’électricité, ce qui, de bien des façons, éviterait que le bois ne serve de combustible et, partant, la déforestation. Toutefois, tous ces moyens ne permettent que des progrès limités.

Pour que la terre devienne plus productive, elle a besoin d’être fertilisée plus efficacement par des moyens artificiels. Partant, le problème de la production alimentaire se réduit à celui de la recherche du meilleur fertilisant. Nous ne savons toujours pas ce qui a rendu le sol fertile. Expliquer son origine reviendrait probablement à expliquer l’origine de la vie elle-même. La roche qui s’est désintégrée sous l’effet de l’humidité, de la chaleur, du vent et des intempéries, n’a pas pu, à elle seule, entretenir la vie. Une condition quelconque et inexpliquée a dû surgir, portant en elle un nouveau principe, qui permit la formation de la première couche susceptible d’entretenir des organismes inférieurs, comme la mousse. Les mousses alors contribuèrent par leur vie et leur mort à enrichir la qualité porteuse de vie du sol, ce qui permit à d’autres organismes plus complexes de se développer, et ainsi de suite, jusqu’à ce que s’épanouissent finalement des végétaux plus développés et la vie animale.

Bien que les théories relatives à la fertilisation originelle du sol soient toujours controversées, force est de constater que le sol ne peut pas entretenir la vie indéfiniment et qu’il faut trouver le moyen de lui redonner les substances qui lui ont été retirées par les végétaux. Les composés d’azote sont les plus importantes et les plus précieuses de toutes ces substances et c’est pourquoi leur production à bas coût est la clé qui résoudra le problème majeur de la nourriture.

Notre atmosphère est une source inépuisable d’azote et si nous savions l’oxyder et produire ces composés, l’humanité en serait le premier bénéficiaire.

Cela fait très longtemps que cette idée trotte dans la tête des scientifiques, mais jusqu’ici ils n’ont pas trouvé de moyens vraiment efficaces pour atteindre ce but. Le problème est d’autant plus ardu que l’azote a une inertie exceptionnelle et qu’il ne se laisse même pas combiner avec l’oxygène. Cependant, voilà que l’électricité vient au secours des scientifiques : les capacités de réaction en sommeil dans cet élément, peuvent être stimulées par un courant électrique adéquat.

De la même manière qu’un morceau de charbon, bien qu’ayant été en contact avec l’oxygène pendant des siècles sans jamais brûler, va se combiner à lui lorsqu’il aura été allumé, l’azote excité par l’électricité va s’enflammer.

Toutefois, je n’ai pas réussi à produire des décharges électriques susceptibles d’exciter de manière efficace l’azote atmosphérique jusqu’à une date relativement récente, bien que, déjà en mai 1891, j’aie expliqué lors d’une conférence scientifique, une nouvelle forme de décharge, ou flamme électrique appelée « feu électrique de St Elme » qui, en plus de son potentiel de produire de l’ozone en abondance, possède aussi les qualités exactes pour exciter des réactions chimiques.

Cette décharge, ou flamme, mesurait alors seulement de 7,5 cm à 10 cm de long, son action chimique était tout aussi faible et, par conséquent, le processus de l’oxydation de l’azote fut un échec. Le problème était de savoir comment intensifier la réaction. Il fallait, manifestement, produire des courants électriques d’un certain type, afin de rendre le processus de l’ignition de l’azote plus efficace.

J’ai réalisé mes premiers progrès après avoir découvert que la réaction chimique de la décharge pouvait être considérablement amplifiée en utilisant des courants de fréquence ou de taux vibratoire extrêmement élevé.

Ce fut un nouveau pas important, mais dans la pratique, il ne m’a pas permis d’aller beaucoup plus loin. J’allai donc étudier, dans une étape suivante, les effets de la tension électrique des impulsions du courant, de leurs formes d’onde et autres traits caractéristiques. Puis j’analysai l’influence de la pression atmosphérique et de la température, celle de la présence d’eau et d’autres éléments, et c’est ainsi que, progressivement, j’allai assurer les meilleures conditions pour déclencher la plus forte réaction chimique de la décharge et obtenir le plus haut degré d’efficacité du processus.

Évidemment, les progrès furent lents ; toutefois j’avançai, petit à petit. La flamme devint de plus en plus grande et son effet d’oxydation de plus en plus intense. Alors qu’elle ne fut au début qu’une étincelle insignifiante de quelques centimètres de long, elle se transforma en un merveilleux phénomène électrique, un feu rugissant, dévorant l’azote dans l’atmosphère et mesurant entre 18 m et 21 m. Ce qui ne fut donc initialement qu’une hypothèse devint lentement, presque imperceptiblement, une réalité.

Je n’en ai pas encore fini de mes travaux, loin s’en faut, mais si vous vous reportez à la figure 1, dont le titre est révélateur, vous verrez à quel point mes efforts ont été récompensés.

La décharge qui est visible sous la forme d’une flamme a été produite par des oscillations électriques intenses qui passent par la bobine et qui excitent violemment les molécules électrifiées dans l’air. Cela permet de créer une puissante réaction entre deux constituants de l’atmosphère habituellement indifférents l’un à l’autre, qui se combinent très vite, sans que soit prise une mesure additionnelle quelconque pour intensifier la réaction chimique de la décharge.

Lors de la production de composés d’azote selon ce procédé, il faudra évidemment veiller à utiliser tous les moyens qui permettent d’amplifier l’intensité de la réaction et l’efficacité du processus. Par ailleurs, il faudra prendre les dispositions nécessaires pour fixer les composants qui se seront formés, parce qu’ils sont en général instables, l’azote redevenant inerte en très peu de temps.

La vapeur est un moyen simple et efficace pour fixer les composés de façon permanente. Les résultats obtenus montrent qu’il est possible d’oxyder l’azote dans l’air en quantités illimitées, en n’utilisant qu’une puissance mécanique bon marché et des appareils électriques très simples.

De nombreux composés d’azote peuvent être produits à travers le monde de cette manière, à bas coût, et en quantité voulue ; et grâce à ces composés, le sol pourra être fertilisé et sa productivité ne cessera d’augmenter.

C’est ainsi que l’on pourra obtenir une abondance de nourriture saine et bon marché, naturelle, et à laquelle nous sommes déjà habitués.

Cette nouvelle source inépuisable de nourriture sera d’un secours inestimable pour l’humanité, car elle va contribuer à l’augmentation de la masse humaine et à une intensification énorme de son énergie.

J’espère que bientôt le monde verra naître une industrie qui, d’ici quelque temps, atteindra une importance comparable à celle de l’industrie sidérurgique.

Deuxième question : Comment réduire la force freinant la masse de l’humanité? – La science des « téléautomates ».

Comme je l’ai déjà dit plus haut, la force qui ralentit l’humanité dans sa marche est en partie une force de friction et en partie une force négative.

Pour illustrer la différence entre ces deux forces, je dirai, par exemple, que l’ignorance, la bêtise et l’imbécillité sont des forces de pure friction, ou des résistances, dépourvues de toute tendance directionnelle.

Quant aux fantasmes, à la démence, aux tendances autodestructrices, au fanatisme religieux, et aux types de comportement analogues, ce sont tous des forces à caractère négatif, qui agissent dans des directions bien définies.

Afin de réduire, voire de vaincre ces forces de freinage dissemblables, il faut utiliser diverses méthodes radicalement différentes.

Par exemple, on sait ce dont un fanatique est capable, et on peut prendre des mesures préventives, on peut lui expliquer, le convaincre et même le remettre dans le droit chemin et changer son vice en vertu ; mais il est impossible de prévoir les actes d’une brute ou d’un imbécile et on est obligé d’agir avec lui comme on le ferait avec une masse inerte, sans jugeote, déchaînée par les éléments furieux.

Une force négative sous-entend la présence de quelque talent, qui est parfois remarquable, bien que mal orienté, mais qu’il est possible de maîtriser et de dompter à l’avantage de la personne. Par contre, une force de friction sauvage sous-entend immanquablement des dégâts.

Par conséquent, la première réponse d’ordre général à la question ci-dessus est : il faut remettre toutes les forces négatives dans le droit chemin et réduire toutes les forces de friction.

Il ne fait aucun doute que, parmi toutes les résistances de friction, celle qui retarde le plus la progression de l’humanité est l’ignorance.

Ce n’est pas sans raison que le sage Bouddha a dit : « l’ignorance est la plus grande plaie dans ce monde. »

La friction qui résulte de l’ignorance, et qui est largement amplifiée par les nombreuses langues et nationalités, ne peut être réduite que par la diffusion de la connaissance et la réunification de tous les éléments hétérogènes de l’humanité ; ce devrait être notre objectif principal.

Bien que l’ignorance ait retardé la marche en avant de l’homme dans le passé, il est manifeste qu’aujourd’hui, ce sont les forces négatives qui prédominent. Parmi elles sévit une force beaucoup plus importante que les autres, à savoir les organisations militaires.

Si nous considérons les millions d’individus – souvent les plus capables d’un point de vue mental et physique et qui sont le fleuron de l’humanité – contraints à une vie d’inactivité et de non-productivité, si nous considérons les immenses sommes d’argent nécessaires à l’entretien quotidien des armées et des machines de guerre qui demande un gros investissement humain, et tous ces efforts inutiles consacrés à la production d’armes et d’instruments de destruction, les pertes humaines et l’entretien d’un esprit barbare, il y a de quoi être consterné devant cet énorme gâchis résultant de ce contexte déplorable. Comment pouvons-nous combattre au mieux ce terrible fléau ?

Les lois et l’ordre public nécessitent le maintien de forces organisées. Aucune communauté ne peut exister et prospérer sans une discipline rigoureuse. Chaque pays doit pouvoir se défendre au besoin. La situation actuelle n’est pas le fruit du passé, et un changement radical ne peut pas s’opérer dès demain. Si les nations procédaient au désarmement en même temps, il est plus que probable que s’ensuivrait une situation pire que la guerre elle-même.

La paix universelle est un très bel objectif, toutefois il ne peut être atteint d’un seul coup.

Nous avons vu dernièrement que même les efforts les plus nobles des hommes investis de la plus grande puissance mondiale, n’ont pratiquement eu aucun effet. Et ce n’est pas étonnant, car l’instauration de la paix universelle est, pour le moment, matériellement impossible.

La guerre est une force négative qui ne peut pas être transmuée en énergie positive, sans passer d’abord par les phases intermédiaires. C’est comme si l’on cherchait à faire tourner en sens opposé une roue en mouvement, sans d’abord la freiner, l’arrêter et la faire repartir dans l’autre sens.

On a prétendu que le perfectionnement d’armes de destruction massive mettrait un terme aux guerres.

J’ai partagé ce sentiment moi-même pendant très longtemps, mais aujourd’hui je m’aperçois que c’est une grosse erreur. De tels développements en modifieront le déroulement, mais ils ne les empêcheront pas.

Au contraire, je pense que chaque invention d’une arme nouvelle et chaque nouvelle recherche dans cette direction, ne font qu’appâter de nouveaux talents et compétences et attiser une nouvelle ardeur, car elles représentent un aiguillon et sont donc génératrices d’une force d’impulsion pour de nouveaux développements.

Prenons comme exemple la découverte de la poudre à canon. Pouvons-nous imaginer un changement plus radical que celui qui a fait suite à cette découverte ? Imaginons que nous vivions à cette époque : n’aurions-nous pas pensé que le temps des guerres était révolu, maintenant que l’armure du chevalier devenait un accessoire ridicule et que la force physique et l’adresse, jusque-là vitales, perdaient toute leur valeur ? Pourtant, la poudre à canon n’a pas arrêté les guerres, bien au contraire, ce fut un stimulant puissant.

Je ne crois pas non plus que les guerres pourront un jour cesser par le truchement de quelque développement scientifique ou idéologique, aussi longtemps que règneront des conditions semblables ou analogues à celles d’aujourd’hui, car la guerre est elle-même devenue une science et elle en appelle à certains sentiments les plus sacrés dont l’homme soit capable.

En fait, on peut se demander si un homme qui refuserait de se battre au nom d’un principe élevé serait bon à quoi que ce soit. Ce n’est pas l’esprit qui fait l’homme, ni le corps du reste ; c’est l’esprit et le corps. Nos vertus et nos faiblesses sont inséparables, comme le sont l’énergie et la matière. L’homme n’existe pas en dehors de cette dualité.

Un autre argument de poids entendu fréquemment, dit que les guerres deviendront bientôt impossibles, sous prétexte que les moyens de défense surpassent les moyens d’attaque. Cette assertion est conforme à une loi fondamentale qui, en substance, dit qu’il est plus facile de détruire que de construire. Cette loi définit les compétences et la place de l’homme. Parce que s’il était plus facile de construire que de détruire, rien n’arrêterait plus l’homme de créer et d’accumuler sans limites.

Cette conjoncture est impossible sur notre terre. Si un être avait un tel pouvoir, il ne serait pas un homme, mais un dieu.

La défense aura toujours l’avantage sur l’offensive, mais il me semble qu’elle ne suffise pas pour arrêter les guerres. Il est possible de rendre les ports imprenables en mettant en place de nouveaux systèmes de défense, toutefois ceux-ci ne vont pas empêcher deux navires de guerre de s’affronter en haute mer. Et puis, si nous allons au bout de ce raisonnement, nous arriverons à la conclusion qu’il vaudrait mieux pour l’humanité que les rapports de force entre l’attaque et la défense soient inversés. Car si chaque pays, même le plus petit, pouvait s’entourer d’un mur complètement infranchissable et pouvait défier le reste du monde, on arriverait à une situation extrêmement défavorable au progrès de l’humanité.

C’est en abolissant toutes les barrières qui séparent les peuples et les pays que la civilisation peut avancer le mieux.

D’autres encore prétendent que l’avènement de l’industrie aéronautique va favoriser la paix universelle. Cependant, je crois que là aussi, on se fourvoie totalement. Cette industrie va certainement émerger bientôt, mais elle ne changera rien à la situation. En fait, je ne vois pas pourquoi une grande puissance comme la Grande-Bretagne ne règnerait pas sur les airs comme sur les mers.

Je ne voudrais pas que l’on me prenne pour un prophète, toutefois, je suis sûr que dans les prochaines années naîtra une « puissance de l’air » et que son centre ne sera pas loin de New York. Néanmoins, les hommes continueront joyeusement de se battre.

Dans l’idéal, le développement du principe de guerre devrait finalement conduire à la transformation de toute l’énergie de guerre en une énergie explosive purement potentielle, comme celle d’un condensateur électrique. De cette manière, l’énergie de guerre pourrait être conservée sans peine ; de quantité nettement moindre, elle pourrait cependant être beaucoup plus efficace.

Quant à la sécurité d’un pays face à une invasion étrangère, il est intéressant de relever qu’elle ne dépend que du nombre relatif – et non absolu – des individus et de l’importance de leurs forces et que, si chaque pays réduisait sa puissance de guerre dans les mêmes proportions, la sécurité s’en trouverait inchangée.

C’est pourquoi il faudrait un traité international, dont l’objectif serait de réduire ces forces de guerre à un minimum – qui reste absolument indispensable, en raison de l’éducation toujours imparfaite des masses. C’est le premier pas sensé, si on cherche à réduire la force qui freine l’humanité dans sa progression.

Heureusement, il est impossible que les conditions actuelles perdurent indéfiniment, car un nouveau facteur commence à s’imposer. Les choses vont changer pour le mieux, c’est imminent, et je vais maintenant tenter de vous montrer ce qui, selon moi, sera la première avancée vers l’instauration de relations pacifiques entre les pays et par quels moyens elle pourra finalement être réalisée.

Remontons aux tout débuts, lorsque la loi du plus fort était la seule loi. L’étincelle de la raison n’existait pas encore et le faible était totalement à la merci du plus fort. Le faible alors commença à apprendre à se défendre. Il se servit d’une massue, de pierres, d’une lance, d’une fronde, d’un arc et de flèches et, au fil du temps, l’intelligence vint remplacer la force physique comme facteur décisif dans ses affrontements. Son caractère sauvage fut petit à petit tempéré par l’apparition de sentiments plus nobles et ainsi, imperceptiblement, après des siècles de progrès continus, nous avons passé de la bataille sauvage de la bête aveugle à ce que nous appelons « la guerre civilisée » d’aujourd’hui, au cours de laquelle les antagonistes se serrent les mains, se parlent avec courtoisie et fument des cigares durant les trêves, prêts à reprendre le conflit meurtrier au premier signal. Laissez dire les pessimistes, car c’est la preuve manifeste que l’homme a fait de grands et heureux progrès.

Et maintenant, quelle est la prochaine étape dans cette évolution?

Il n’est pas encore question de paix, loin de là. Le prochain changement qui devrait naturellement suivre les développements modernes, est la réduction continue du nombre d’individus engagés dans les guerres. Les dispositifs de guerre auront une puissance extrêmement grande, mais ne demanderont que peu d’hommes pour les manœuvrer. Cette évolution permettra la mise en place progressive d’une machine ou d’un mécanisme nécessitant de moins en moins d’opérateurs militaires, et il va de soi que les grandes unités lourdes, lentes et difficilement gérables seront abandonnées.

L’objectif principal sera d’obtenir un dispositif de guerre ayant une vitesse et une puissance énergétique maximum. Les pertes humaines deviendront toujours plus faibles et, finalement, le nombre des personnes engagées dans les conflits diminuera ; le combat s’exercera alors seulement entre les machines, il n’y aura plus de sang versé, et les nations en seront les spectateurs concernés et présomptueux. Lorsque cette situation heureuse sera effective, la paix sera assurée.

Toutefois, quel que soit le degré de perfection que l’on va apporter aux canons à tir rapide, aux canons de haute puissance, aux projectiles explosifs, aux torpilleurs ou à d’autres dispositifs de guerre, quel que soit leur degré de pouvoir destructif, cette condition ne pourra jamais être atteinte avec ce type de développement. Tous ces instruments ont besoin d’opérateurs : les machines ne peuvent pas se passer des hommes. Leur objectif est de tuer et de détruire. Leur puissance réside dans leur capacité à faire le mal.

Aussi longtemps que les hommes se rencontreront sur des champs de bataille, le sang sera versé. Et le sang versé entretiendra toujours des passions barbares.

Afin de briser cet esprit implacable, il faut renverser la vapeur, faire adopter un tout nouveau principe, quelque chose qui n’a jamais existé en temps de guerre : un principe qui, forcément, inévitablement, va transformer la bataille en simple spectacle, en pièce de théâtre, un conflit sans sang versé. Pour atteindre ce résultat, il faudra pouvoir se passer des hommes : les machines devront se battre entre elles. Mais comment atteindre ce qui paraît impossible ?

La réponse est pourtant assez simple : construire une machine capable de se comporter comme si elle faisait partie d’un être humain – pas un simple appareil mécanique fait de leviers, de vis, de roues, de pièces intermédiaires et rien de plus, mais une machine possédant un principe supérieur, qui lui permettra de fonctionner comme si elle était pourvue d’intelligence, d’expérience, de raisonnement, de jugement, bref, d’un cerveau ! Je suis arrivé à cette conclusion après une vie de réflexions et d’observations, et je vais maintenant vous décrire brièvement comment j’ai réussi à accomplir ce qui, au début, ne semblait être qu’un rêve irréalisable.

Il y a très longtemps, lorsque j’étais un petit garçon, je souffrais de troubles singuliers qui, semble-t-il, étaient dus à une extraordinaire excitabilité de la rétine. Je voyais apparaître des images qui étaient tellement persistantes qu’elles troublaient ma vue des objets réels et entraient en interférence avec mes pensées. Lorsqu’on prononçait un mot devant moi, l’image de son concept se présentait alors de manière vivante devant mes yeux et, très souvent, il m’était impossible de dire si l’objet que je voyais était réel ou non. Ce phénomène me gênait beaucoup et m’angoissait, et j’ai tout essayé pour me débarrasser de ce sort. Mes tentatives furent vaines pendant longtemps et, je m’en souviens très bien, ce n’est que vers l’âge de 12 ans que j’ai réussi, pour la première fois, à effacer par la force de ma volonté une image qui s’était présentée. Je n’ai jamais été aussi heureux mais, malheureusement (du moins c’est ce que je pensais à l’époque), mes troubles réapparurent et mon anxiété avec eux. C’est alors que mes observations dont je parlais plus haut ont commencé.

Je remarquai, notamment, que chaque fois que l’image d’un objet apparaissait devant mes yeux, j’avais vu auparavant quelque chose qui me faisait penser à lui. Au début, je crus que c’était accidentel, cependant je me suis vite aperçu qu’il n’en était rien. Une impression visuelle, reçue consciemment ou non, précédait invariablement l’apparition de l’image.

Peu à peu, mon désir de trouver, à chaque fois, ce qui était à l’origine de cette apparition d’images, se transforma bientôt en besoin. J’observai ensuite que, si ces images suivaient ma perception de quelque chose, mes pensées, elles aussi, étaient conditionnées de la même manière. Et là encore, j’eus le même désir de savoir quelle image avait déclenché mes pensées ; la recherche de cette impression visuelle originelle devint bientôt ma seconde nature. Cela devint un automatisme mental pour ainsi dire et, au fil des ans, cette pratique continue et presque inconsciente développa mon aptitude à localiser à chaque fois et, en règle générale, instantanément l’impression visuelle qui déclenchait mes pensées.

Toutefois, ce n’est pas tout. Peu de temps après, je m’aperçus que mes mouvements s’exécutaient de la même manière, et à force de recherches, d’observations, de vérifications continues, année après année, je fus très heureux de pouvoir prouver, quotidiennement, par chacune de mes pensées et chacun de mes mouvements, que je suis un automate capable de se mouvoir, que ces mouvements ne font que répondre à des stimuli externes qui impressionnent mes organes sensoriels, et que je pense, agis et me déplace en conséquence. Je ne me souviens que d’un cas ou deux dans toute ma vie, où je fus incapable de localiser la première impression qui suggéra un mouvement, une pensée, ou même un rêve.

Fort de ces expériences, il m’est tout naturellement venu l’idée, il y a très longtemps, de construire un automate qui me représenterait d’un point de vue mécanique et qui réagirait comme je le fais aux influences extérieures, mais bien sûr d’une manière beaucoup plus primitive.

Par ailleurs, il me fallait équiper cet automate d’une force motrice, d’organes de mouvement, d’organes de commande et d’un ou plusieurs organes sensoriels, adaptés de telle façon qu’ils puissent être excités par des stimuli externes. Je pensais que cette machine allait exécuter ses mouvements comme un être humain, dans la mesure où elle possédait toutes ses principales caractéristiques, ou composants, mécaniques. Pour compléter ce modèle, seules manquaient alors la capacité de croissance, de propagation et, surtout, l’intelligence.

Figure 2 : Le premier Téléautomate utilisable en pratique

Une machine dont tous les mouvements physiques et de translation, toutes les opérations du mécanisme intérieur sont contrôlés à distance, sans fil.

Le sous-marin représenté sur la photo n’a pas d’équipage, il contient sa propre force motrice, son moteur à propulsion et de direction et de nombreux autres accessoires, qui sont tous contrôlés à distance et sans fil, par la transmission de vibrations électriques vers un circuit intégré dans le bateau et réglé de manière qu’il ne réponde qu’à ces seules vibrations.

Dans ce cas précis, néanmoins, la capacité de croissance n’était pas nécessaire, puisque l’on peut construire une machine dont le développement est terminé, pour ainsi dire. Quant à sa capacité de propagation, on peut pareillement s’en passer, puisque dans un modèle mécanique, elle concerne seulement le processus de fabrication. Peu importe que l’automate soit constitué de chair et de sang ou de bois et de métal, pourvu qu’il soit capable de remplir toutes les tâches d’un être intelligent.

Pour cela, il lui fallait un élément correspondant au mental qui contrôlerait tous les mouvements et opérations, et le ferait agir en toutes circonstances inattendues, en toute connaissance de cause, avec bon sens, jugeote et expérience. Il m’était facile d’incorporer cet élément dans la machine, en lui transmettant ma propre intelligence et ma propre compréhension.

Je développai donc cette invention, et une nouvelle science venait de naître, à laquelle on donna le nom de « Téléautomatique », ce qui veut dire art de contrôler à distance les mouvements et opérations des automates.

Figure 3 : Expérience illustrant une alimentation en électricité avec un seul fil, sans retour

Une ampoule à incandescence toute simple, dont un ou les deux terminaux sont reliés au fil à l’extrémité supérieure de la bobine montrée sur cette photo, est allumée par les vibrations électriques transmises à travers la bobine par un oscillateur électrique qui ne fonctionne qu’avec 5% de sa puissance maximale.

Ce principe pouvait évidemment être appliqué à tout type de machine se déplaçant sur terre, sur mer ou dans les airs.

Lorsque je le mis en pratique la toute première fois, je choisis un sous-marin (voir figure 2). À l’intérieur, se trouvait une batterie à accumulation qui fournissait la puissance motrice. L’hélice, actionnée par un moteur, représentait l’organe de locomotion. Le gouvernail, actionné par un autre moteur alimenté également par la batterie, représentait les organes de commande. Quant à l’organe sensoriel, j’ai d’abord pensé utiliser un dispositif sensible aux rayons lumineux, comme une pile de sélénium, pour représenter l’œil humain.

Toutefois, après réflexion suite à des difficultés expérimentales et autres, j’en conclus que le contrôle de l’automate ne pouvait pas s’effectuer de manière entièrement satisfaisante par la lumière, la chaleur radiante, les radiations hertziennes, ou par des rayons en général, c’est-à-dire par des perturbations qui passent en lignes droites à travers l’espace.

Une des raisons était que tout obstacle entrant dans le champ entre l’opérateur et l’automate empêcherait le contrôle de ce dernier. Une autre raison était que l’appareil sensitif, représentant l’œil, devait être placé dans une position bien définie par rapport à l’appareil de contrôle à distance, et cette obligation limitait grandement le contrôle.

Une troisième raison très importante était qu’avec l’utilisation de rayons il deviendrait difficile, voire impossible, de transmettre à l’automate des caractéristiques personnelles ou qui le distinguerait d’autres machines de ce type.

Il fallait que l’automate réponde à un seul signal, tout comme une personne répond à un nom. Tous ces facteurs m’ont amené à penser que l’appareil sensoriel de la machine devait correspondre à l’oreille plutôt qu’à l’œil d’un être humain, car dans ce cas, ses actions pourraient être contrôlées indépendamment d’éventuels obstacles, sans avoir à tenir compte de sa position par rapport à l’appareil de contrôle à distance et, enfin et surtout, il resterait sourd et insensible, comme un serviteur fidèle, à tous les signaux, sauf à celui de son maître.

Donc, pour le contrôle de l’automate, il devenait impératif d’utiliser à la place des rayons, des ondes ou des perturbations qui se propagent dans toutes les directions à travers l’espace, comme les sons, ou qui suivent des lignes de moindre résistance, quoique courbes.

Je suis arrivé à mes fins en utilisant un circuit électrique placé à l’intérieur du bateau, et en l’ajustant ou en l’ « accordant » exactement sur les vibrations électriques de même nature que celles qui lui étaient transmises par un « oscillateur électrique » à distance.

Figure 4 : Expérience illustrant la transmission d’énergie électrique sans fil à travers la Terre

La bobine représentée ici, dont l’extrémité – ou terminal – inférieure est reliée à la terre, est parfaitement réglée sur les vibrations d’un oscillateur électrique à distance. L’ampoule est reliée à un fil indépendant en forme de boucle et alimentée par induction par la bobine excitée par les vibrations électriques qui lui sont transmises à travers le sol par un oscillateur qui ne fonctionne qu’avec 5% de sa puissance maximale.

Figure 5 : Photo de bobines réagissant à des oscillations électriques

Cette image montre un certain nombre de bobines au réglage distinct, répondant aux vibrations qui leur sont transmises à travers la terre depuis un oscillateur électrique. La grande bobine à droite montrant une puissante décharge, est accordée à la vibration de base qui est de 50 000/s ; les deux grandes bobines verticales à deux fois plus ; la bobine blanche plus petite à quatre fois plus et les autres bobines plus petites à des fréquences encore plus élevées. Les vibrations produites par l’oscillateur furent tellement intenses qu’elles influencèrent même une petite bobine accordée à une fréquence 26 fois supérieure à celle de la fréquence de base.

Ce circuit en réagissant, quoique faiblement, aux vibrations transmises, influait sur des aimants et d’autres dispositifs qui commandaient les mouvements de l’hélice et du gouvernail, ainsi que les opérations de nombreux autres appareils.

C’est avec ces moyens très simples que je viens de décrire que l’intelligence, l’expérience et la capacité de jugement de l’opérateur à distance – son mental, pour ainsi dire – furent incorporés dans cette machine qui, partant, devenait capable de se mouvoir et d’effectuer toutes ses opérations avec bon sens et intelligence.

Elle se comportait tout comme l’aurait fait une personne qui, les yeux bandés, obéit aux directives qu’elle reçoit par son ouïe.

Les automates qui ont été construits jusqu’à ce jour avaient « un mental emprunté », si l’on peut dire, car chacun n’était qu’une partie de l’opérateur à distance qui leur transmettait ses ordres intelligents ; toutefois cette science est encore balbutiante.

Bien que cela ne soit pas concevable à l’heure actuelle, mon but est de démontrer que l’on peut inventer un automate qui aurait son « propre mental », et par-là j’entends qu’il sera indépendant de tout opérateur, livré entièrement à lui-même et capable de réagir à des facteurs externes affectant ses organes sensoriels et d’effectuer une grande diversité d’actes et d’opérations, comme s’il était pourvu d’intelligence.

Il sera capable de suivre un trajet préétabli, ou d’obéir à des ordres donnés longtemps à l’avance. Il sera capable de discerner entre ce qu’il doit ou ne doit pas faire, de faire des expériences ou, en d’autres termes, d’enregistrer des impressions qui auront un rôle décisif dans ses actions subséquentes. En fait, j’ai déjà conçu un tel plan.

Bien que j’aie construit cette invention il y a de nombreuses années, et que je l’aie très souvent expliquée aux visiteurs lors de démonstrations dans mon laboratoire, ce n’est que bien plus tard, et après que je l’eus perfectionnée, qu’elle devint connue et que – et c’est tout naturel – elle donna lieu à des polémiques et fut l’objet de rapports sensationnels.

Cependant, la plupart des gens n’ont ni saisi la véritable signification de cette nouvelle science, ni reconnu l’immense potentiel du principe sous-jacent. Pour autant que j’aie pu en juger des nombreux commentaires qui fusèrent alors, les résultats que j’ai obtenus étaient considérés comme étant parfaitement impossibles.

Figure 6 : Photo des parties essentielles de l’oscillateur électrique utilisé dans les expériences décrites

Même les rares personnes qui étaient prêtes à admettre la faisabilité de mon invention, ne lui accordaient pas plus de valeur qu’à une torpille autopropulsée, destinée à faire sauter des navires de guerre, mais dont le succès n’était pas garanti. Comme il existe des torpilles guidées par des fils électriques et des moyens de communication sans fil, on en a déduit, d’une manière générale, que j’avais simplement réussi à diriger un tel bateau avec des rayons hertziens ou autres.

Si mes résultats devaient se limiter à cela, mes progrès auraient, en effet, été bien minces. Toutefois, la science que j’ai développée ne se contente pas de faire changer de direction un navire en déplacement ; elle offre les moyens de contrôler parfaitement, à tous égards, les innombrables mouvements de translation, comme toutes les opérations de tous les organes internes d’un automate individualisé, quel que soit leur nombre.

Les critiques du contrôle de l’automate à distance émanaient de personnes qui n’ont aucune idée des merveilleux résultats que l’on peut obtenir en utilisant des vibrations électriques.

La science avance lentement, et il est difficile de faire face à, et d’accepter, de nouvelles vérités.

Évidemment, ce principe permet de développer des armes tant pour la défense que pour l’attaque, et leur puissance de destruction est d’autant plus grande que la méthode peut être utilisée aussi bien dans les sous-marins que dans l’aéronavale. Il n’y a pratiquement pas de limites quant à la quantité d’explosifs qu’une telle machine peut transporter, ou à la distance à laquelle elle peut frapper, et il est quasiment impossible d’échouer.

En outre, la puissance de cette nouvelle méthode ne réside pas uniquement dans son pouvoir de destruction. Elle introduit dans les guerres un élément qui jusqu’ici n’a jamais existé : une machine de combat sans équipage, qui peut servir les assaillants comme les défenseurs.

Les développements continus dans cette direction doivent finalement faire de la guerre un combat entre machines, sans hommes et sans victimes – une situation qu’il est impossible d’atteindre sans cette nouvelle invention mais qui, à mon avis, est nécessaire en tant que préliminaire à une paix durable. L’avenir dira si j’ai eu raison ou tort. J’ai exposé mes idées sur ce sujet avec une profonde conviction, quoique en toute humilité.

L’instauration de relations pacifiques durables entre les pays serait le meilleur moyen de réduire la force qui empêche l’humanité d’avancer et, partant, serait la meilleure solution à cet important problème de l’humanité.

Le rêve d’une paix universelle se réalisera-t-il jamais?

Espérons-le. Lorsque toute l’obscurité sera dissipée à la lumière de la science, lorsque toutes les nations n’en feront qu’une et que le patriotisme sera l’égal de la religion, lorsque tous parleront la même langue, qu’il n’y aura plus qu’un seul pays, un seul but, alors le rêve sera devenu réalité.

Troisième question : Comment augmenter la force d’accélération de la masse humaine? – L’exploitation de l’énergie solaire.

Des trois solutions possibles au problème majeur de l’intensification de l’énergie humaine, celle-ci est de loin la plus importante, non seulement à cause de sa signification intrinsèque, mais aussi parce qu’elle est en rapport intime avec tous les nombreux facteurs et conditions qui déterminent la marche de l’humanité.

Afin de procéder avec méthode, il va falloir que je m’étende sur tous les facteurs qui, depuis le début de mes recherches, m’ont permis de trouver une solution, et qui m’ont conduit, petit à petit, aux résultats que je vais décrire maintenant.

En ce qui concerne les forces majeures qui déterminent la marche en avant, il serait intéressant de revenir, dans un premier temps, sur l’étude analytique que j’ai faite, ne serait-ce que pour donner une idée de cette « vitesse » hypothétique qui, comme cela a été dit au début, sert à mesurer l’énergie humaine ; toutefois, si j’allais au fond de la chose maintenant, comme je désirerais le faire, cela me conduirait hors du cadre du sujet présent.

Il me suffit de préciser que la résultante de toutes ces forces va toujours dans la direction de la raison et que c’est donc elle qui détermine, à tout moment, la direction de la marche de l’humanité. Cela signifie que tous les efforts entrepris dans le domaine scientifique, qu’ils soient d’ordre rationnel, utile ou pratique, doivent aller dans le sens dans lequel se déplace l’humanité.

L’homme pratique et rationnel, le scientifique, l’homme d’affaires, le philosophe, le mathématicien ou le prévisionniste doit soigneusement planifier son travail, pour que ses effets aillent dans la direction de ce mouvement, car c’est alors qu’il sera le plus efficace ; c’est dans cette connaissance et cette compétence que réside le secret de son succès.

Figure 7 : Expérimentation qui illustre l’effet d’induction d’un oscillateur électrique de forte puissance

La photo montre trois ampoules à incandescences ordinaires allumées à pleine puissance par du courant induit dans une boucle locale, constituée d’un seul fil formant un carré de 15 m de côté et qui inclut les ampoules, placée à 30 m du circuit primaire alimenté en énergie par l’oscillateur. La boucle inclut également un condensateur électrique et est exactement accordée aux vibrations de l’oscillateur, qui fonctionne à moins de 5% de sa puissance maximale.

Figure 8 : Expérimentation cherchant à démontrer que l’oscillateur peut provoquer des explosions électriques de grande puissance

La bobine, qui est partiellement représentée sur cette photo, crée, entre la Terre et un immense réservoir, un courant électrique alternatif d’une fréquence de 100 000 cycles par seconde.

Les réglages sont tels que le réservoir se remplit complètement et éclate à chaque alternance au moment précis où la tension électrique atteint son maximum. La décharge fait un bruit assourdissant, vient frapper une bobine non reliée à près de 7 m de là, et entraîne une telle agitation électrique dans le sol qu’il se forme des étincelles de 2,5 cm de long autour d’une conduite d’eau à 90 m du laboratoire.

Figure 9 : Expérimentation servant à montrer la capacité de l’oscillateur à créer un grand courant électrique

La boule sur la photo, recouverte de métal poli d’une surface de près de 2 m2, représente un gros réservoir d’électricité, et la casserole en cuivre retournée en dessous au bord tranchant est une grande ouverture par laquelle l’électricité peut s’échapper avant d’aller remplir le réservoir. La quantité d’électricité créée est si importante que, bien que la majeure partie s’écoule par les bords de la casserole ou par l’ouverture, la boule ou réservoir est néanmoins vidée et remplie jusqu’à déborder en alternance (comme le montre la décharge au sommet de la boule) 150 000 fois par seconde.

Toute nouvelle découverte, toute nouvelle expérience ou tout nouveau facteur qui vient enrichir notre connaissance et qui est du domaine de la raison, aura des répercussions sur ce dernier et partant changera la direction du mouvement ; toutefois, celui-ci devra toujours aller dans le sens de la résultante de tous ces efforts qu’à ce moment-là nous estimons sensés, c’est-à-dire protecteurs de l’homme, utiles, profitables ou pratiques.

Ces efforts concernent notre vie quotidienne, nos besoins et notre bien-être, notre travail et nos affaires, et ce sont eux qui font avancer l’humanité.

Toutefois, lorsque nous regardons ce monde affairé tout autour de nous, cette masse complexe qui journellement palpite d’activités, que voyons-nous, si ce n’est un immense rouage d’horloge actionné par un ressort?

Dès que nous nous levons le matin, nous sommes bien obligés de constater que tout ce qui nous entoure a été fabriqué par des machines : l’eau que nous utilisons a été pompée hors du sol par l’énergie vapeur ; notre petit-déjeuner vient de très loin par train ; les ascenseurs dans nos maisons et bureaux, les voitures qui nous y emmènent, fonctionnent tous à l’énergie ; lorsque nous faisons nos courses et dans toutes nos occupations journalières, nous dépendons encore d’elle ; tous les objets qui nous entourent nous en parlent ; et le soir, lorsque nous rentrons dans nos habitations fabriquées par les machines, tout le confort matériel de notre maison, notre poêle bien chaud et nos lampes nous rappellent, de peur que nous ne l’oubliions, combien nous sommes dépendants de l’énergie.

Et si par malheur les machines s’arrêtent, lorsque la ville est paralysée par la neige ou que les activités qui entretiennent la vie sont arrêtées par quelque phénomène temporaire, nous réalisons avec effroi qu’il nous serait impossible de vivre sans énergie motrice.

Énergie motrice veut dire travail. C’est pourquoi intensifier la force d’accélération de la marche de l’humanité signifie exécuter plus de travail.

Figure 10 : Expérimentation illustrant l’effet d’un oscillateur électrique produisant une énergie de 75 000 CV

La décharge qui crée un grand courant d’air, à cause du réchauffement de l’air, est entraînée vers le haut à travers l’ouverture dans le toit du bâtiment. Sa largeur atteint jusqu’à plus de 21 m. La tension est de plus de 12 millions de volts et le courant alterne à raison de 130 000 fois par seconde.

Nous pouvons donc dire que les trois solutions possibles au gros problème de l’accroissement de l’énergie humaine, peuvent se résumer en trois mots : nourriture, paix et travail.

Pendant des années, j’ai réfléchi et médité, je me suis égaré dans des spéculations et des théories en considérant l’humanité comme une masse mue par une force, comparant son mouvement inexplicable avec un mouvement mécanique ; cependant, en appliquant les lois rudimentaires de la mécanique à l’analyse de ce dernier, j’ai finalement trouvé ces solutions, et j’ai réalisé qu’elles m’avaient déjà été enseignées dans ma petite enfance.

Ces trois mots sont les piliers du christianisme.

Leur signification scientifique et leur sens sont devenus clairs pour moi : la nourriture doit augmenter la masse, la paix doit ralentir la force de freinage, et le travail doit intensifier la force d’accélération de la marche de l’humanité.

Ce sont les trois seules solutions possibles à cet important problème, et chacune d’elles a la même fonction et vise le même but, à savoir l’intensification de l’énergie humaine.

À la lumière de ceci, nous serons obligés de reconnaître que la religion chrétienne est remplie de sagesse, d’une profondeur scientifique et d’un grand sens pratique, et qu’elle est en contraste très net avec les autres religions. Elle est immanquablement le résultat d’expérimentations pratiques et d’observations scientifiques conduites pendant des siècles, alors que d’autres religions semblent issues de seuls raisonnements abstraits.

Ses commandements principaux et récursifs sont le travail, d’inlassables efforts utiles et enrichissants, entrecoupés de périodes de repos et de récupération dans le but d’atteindre une plus grande efficacité. C’est donc à la fois le christianisme et la Science qui nous inspirent pour que nous donnions le meilleur de nous-mêmes, afin d’augmenter les performances de l’humanité. C’est ce problème, qui est le plus important de tous les problèmes de l’humanité, que j’aimerais approfondir maintenant.

La source de l’énergie humaine – Les trois méthodes d’exploitation de l’énergie solaire.

Posons-nous tout d’abord la question suivante : d’où vient toute cette force motrice? Quel est le ressort qui fait tout avancer?

Nous voyons l’océan monter et descendre, les rivières s’écouler, le vent, la pluie, la grêle et la neige battre contre nos fenêtres, les trains et les bateaux à vapeur partir et revenir ; nous entendons le cliquetis des véhicules, les rumeurs dans les rues ; nous touchons, sentons et goûtons, et nous philosophons sur tout cela.

Tous ces mouvements, depuis le flux de l’immense océan jusqu’à celui, très subtil, engendré par notre pensée, ont tous la même origine.

Toute cette énergie émane d’un seul centre, d’une seule source : le soleil.

Le soleil est le ressort qui fait tout avancer. Le soleil entretient toutes les vies humaines et fournit aux hommes leur énergie.

Voici donc une nouvelle réponse à la grande question qui nous préoccupe : pour augmenter la force d’accélération de la marche de l’humanité, il faut mettre plus d’énergie solaire à son service.

Nous honorons et vénérons ces grands hommes du passé dont les noms rappellent leurs succès immortels et qui furent des bienfaiteurs de l’humanité : le réformateur religieux et ses maximes de vie remplies de sagesse, le philosophe et ses profondes vérités, le mathématicien et ses formules, le physicien et ses lois, l’explorateur avec ses principes et secrets arrachés à la nature, l’artiste et ses œuvres d’art ; mais qui l’honore, lui, le plus grand de tous – qui connaît seulement son nom ? – celui qui, pour la première fois, a utilisé l’énergie solaire pour faciliter le travail d’un prochain plus faible que lui ? Ce fut le premier acte philanthropique dans l’histoire de l’humanité et ses conséquences furent inestimables.

L’homme disposait, depuis les tout débuts déjà, de trois possibilités pour exploiter l’énergie solaire.

L’homme des cavernes, quand il réchauffait ses membres engourdis par le froid autour d’un feu qu’il avait réussi à allumer, se servait de l’énergie solaire emmagasinée dans son combustible. Lorsqu’il portait un fagot dans sa caverne pour y faire un feu, il transportait l’énergie solaire emmagasinée d’un endroit à un autre pour ensuite l’utiliser. Lorsqu’il hissait la voile sur son embarcation, il utilisait l’énergie solaire transmise à l’atmosphère ou au milieu environnant. Il ne fait aucun doute que la première utilisation citée est la plus ancienne.

La découverte fortuite du feu apprit à l’homme sauvage à apprécier sa chaleur bienfaisante. Ensuite est probablement née en lui l’idée de transporter les braises rougeoyantes dans son abri. Et finalement, il apprit à se servir de la force des courants rapides de l’eau et de l’air. Il est caractéristique que dans les développements modernes les progrès se soient effectués dans le même ordre.

L’utilisation de l’énergie emmagasinée dans le bois ou le charbon ou, d’une manière plus générale, dans les combustibles, conduisit à l’invention de la machine à vapeur. Ensuite, de grands progrès furent réalisés dans le cadre du transport de l’énergie, avec l’utilisation de l’électricité, qui permettait de transmettre l’énergie d’un point à un autre sans avoir à transporter le combustible. Mais pour ce qui est de l’utilisation de l’énergie dans le milieu ambiant, il semblerait qu’aucun progrès n’ait encore été réalisé.

Les derniers résultats des développements dans ces trois domaines sont : premièrement, la combustion froide de charbon dans une pile ; deuxièmement, l’utilisation efficace de l’énergie du milieu environnant ; et troisièmement, la transmission de l’énergie électrique sans fil vers n’importe quel lieu.

Quel que soit le moyen pour arriver à ces résultats, leur application pratique nécessite un emploi massif de fer, et ce métal inestimable jouera sans aucun doute un rôle essentiel dans les développements à venir dans ces trois domaines.

Si nous réussissons à brûler du charbon par un processus froid et si nous obtenons donc de l’énergie électrique d’une manière efficace et peu coûteuse, nous aurons souvent besoin de moteurs électriques dans le cadre de nos utilisations pratiques de cette énergie, c’est-à-dire de fer.

Pour tirer l’énergie du milieu et pour utiliser cette énergie, nous aurons besoin de machines, donc encore de fer. Si nous voulons transmettre l’énergie électrique sans fil à une échelle industrielle, nous serons appelés à utiliser de nombreux générateurs d’électricité, donc encore une fois, du fer. Quoi que nous décidions de faire, le fer sera vraisemblablement, encore plus que par le passé, la ressource principale pour atteindre nos objectifs dans un futur proche. Il est difficile de dire pendant combien de temps son règne durera, car aujourd’hui déjà l’aluminium apparaît comme un rival menaçant.

Pour le moment et parallèlement à la recherche de nouvelles sources d’énergie, il est essentiel de progresser dans la fabrication et l’utilisation du fer. De gros progrès sont possibles dans ces derniers domaines et ils sont susceptibles d’augmenter considérablement la productivité de l’humanité.

Les grandes possibilités offertes par le fer pour augmenter la productivité de l’humanité – Le terrible gaspillage dans la fabrication du fer.

De nos jours, le fer est de loin le facteur de progrès le plus important. Il contribue, plus que tout autre produit industriel, à accélérer la marche de l’humanité. L’utilisation de ce métal est devenue tellement courante et sa relation avec tout ce qui concerne notre vie est si intime, qu’il nous est devenu aussi indispensable que l’air que nous respirons. Son nom est synonyme d’utilité.

Bien que l’influence du fer soit importante dans le développement actuel de l’humanité, sa contribution effective à la force poussant l’humanité en avant, est largement inférieure à ce qu’elle pourrait être. Tout d’abord, telle quelle est menée actuellement, sa fabrication engendre un énorme gaspillage de combustible, c’est-à-dire d’énergie.

Par ailleurs, une partie seulement du fer obtenu est utilisée à des fins utiles. Une bonne partie va créer des résistances de friction, tandis qu’une autre grande partie va servir à développer des forces négatives qui retardent grandement l’avancée de l’humanité.

C’est ainsi que la force négative de la guerre est presque entièrement constituée de fer. Il est impossible d’estimer avec précision l’ordre de grandeur de cette force de freinage la plus importante de toutes, mais elle est certainement très considérable. Si, par exemple, 10 représente la force d’impulsion positive actuelle résultant de toutes les utilisations utiles du fer, je ne pense pas exagérer en estimant la force négative de la guerre autour de 6, en considérant toutes ses influences et résultats négatifs.

Sur la base de ces estimations, la force d’impulsion effective du fer agissant dans la bonne direction, sera la différence entre les deux nombres, soit 4. Mais si la fabrication des machines de guerre cessait, par le biais de l’instauration de la paix universelle, et si toutes les luttes pour la suprématie entre les pays se transformaient en compétition commerciale productive, durable et saine, la force d’impulsion positive apportée par le fer se mesurerait par la somme des deux nombres, soit 16, ce qui veut dire que cette force serait du quadruple de sa valeur actuelle.

Bien sûr, cet exemple est juste donné pour que l’on ait une idée de l’énorme augmentation de la productivité de l’humanité, qui pourrait résulter d’une réforme radicale des industries sidérurgiques fournissant l’artillerie.

Une autre économie d’énergie tout aussi inestimable pourrait être obtenue en parant à l’énorme gaspillage de charbon qui est inévitablement lié aux techniques de production de fer actuelles. Dans certains pays, comme la Grande Bretagne, on commence à ressentir les douloureux effets de ce gaspillage de combustible. Le prix du charbon ne cesse d’augmenter et les pauvres en souffrent de plus en plus. Bien que nous soyons loin de « l’épuisement des mines de charbon » tant redouté, la charité nous ordonne d’inventer de nouvelles méthodes de production de fer, qui n’impliqueront pas de gaspillage barbare de ce matériau précieux, dont nous tirons aujourd’hui la plus grande partie de notre énergie.

Il est de notre devoir de réserver ces stocks d’énergie aux générations futures, ou du moins, de ne pas y toucher aussi longtemps que nous n’avons pas trouvé le moyen de brûler le charbon de manière plus économique. Nos descendants auront besoin de plus de combustible que nous.

Nous devrions être capables de fabriquer le fer dont nous avons besoin en utilisant l’énergie solaire, en ne gaspillant pas de combustible du tout. L’idée de faire fondre le minerai de fer avec des courants électriques obtenus à partir de chutes d’eau a, évidemment, déjà surgi dans l’esprit de ceux qui travaillent dans ce sens. J’ai moi-même passé beaucoup de temps à tenter de développer un procédé qui soit fonctionnel et qui permettrait de produire du fer à peu de frais.

Après avoir étudié ce sujet plus à fond, j’ai découvert qu’il n’était pas rentable de fondre le minerai directement avec le courant électrique et, partant, j’ai développé une méthode qui est beaucoup plus économique.

Un nouveau procédé permettant une production économique du fer.

Avec ce projet industriel, tel que je l’avais développé il y a six ans, il s’agissait d’utiliser le courant électrique obtenu à partir de chutes d’eau, non pour faire fondre directement le minerai, mais pour décomposer l’eau dans un premier temps. Afin de réduire les coûts de l’installation, je voulais produire le courant dans des dynamos simples et très bon marché, que j’avais conçues spécialement dans ce but.

Il s’agissait de brûler ou de re-combiner l’hydrogène libéré lors de la décomposition par électrolyse, avec l’oxygène de l’air, et non avec l’oxygène dont il venait d’être séparé. De cette manière, la presque totalité de l’électricité qui avait servi à la fission de l’eau était regagnée sous forme de chaleur grâce à sa liaison avec l’hydrogène. C’est cette chaleur qui devait servir à faire fondre le minerai.

J’avais l’intention d’utiliser l’oxygène obtenu comme sous-produit lors de la fission de l’eau, à d’autres fins industrielles, ce qui aurait été certainement très rentable d’un point de vue financier, car c’est le moyen le plus économique pour obtenir ce gaz en grandes quantités.

En tout cas, il aurait pu servir à brûler toutes sortes de déchets, les hydrocarbures bon marché ou le charbon de mauvaise qualité que l’on ne peut ni brûler à l’air libre, ni utiliser à d’autres fins utiles, ce qui permettait, par ailleurs, d’obtenir beaucoup de chaleur pour faire fondre le minerai.

Pour que le procédé soit encore plus économique, j’envisageai, en outre, de prendre des dispositions pour que le métal chaud et les produits de la combustion, en sortant du feu, viennent chauffer le minerai avant qu’il ne soit placé dans le feu, ce qui permettait de réduire considérablement la perte de chaleur lors de la fonte. J’ai calculé que l’on pouvait fabriquer approximativement 20 000 kilos de fer par cheval-vapeur, par an, avec ce procédé. J’en ai largement déduit les pertes inévitables et la quantité citée ne représente que la moitié de celle que l’on pourrait obtenir en théorie.

Me basant sur des estimations et sur des données pratiques se référant à un type de sable à minerai que l’on trouve en grandes quantités dans la région des Grands Lacs et même en comptant les frais de transport et de main d’œuvre, j’en conclus qu’en certains endroits, le fer pouvait être fabriqué à bien moindre coût qu’avec toutes les autres méthodes utilisées.

Ce résultat pouvait s’obtenir d’autant plus facilement que l’oxygène, obtenu à partir de l’eau, pouvait servir à d’autres fins plus profitables que celle de faire fondre le minerai. L’installation augmenterait encore ses revenus si la demande de ce gaz devenait plus forte et, partant, le fer deviendrait encore meilleur marché. J’ai développé ce projet en visant essentiellement les intérêts industriels et j’espère qu’un jour un merveilleux papillon industriel sortira de la chrysalide poussiéreuse et endormie.

La production de fer à partir de sable à minerai par un principe de séparation magnétique est en soi très avantageuse, puisqu’il n’y a aucune perte en charbon ; mais l’utilité de cette méthode est limitée car il faut ensuite faire fondre le fer. Quant au concassage du minerai de fer, je pense que la seule manière intelligente d’y procéder, serait d’utiliser la force hydraulique ou une autre énergie obtenue autrement, sans brûler de combustible.

Ce serait une grande avancée dans la fabrication du fer, si on utilisait un procédé électrolytique froid, car il permettrait d’extraire le fer à moindre coût et aussi de le fondre en formes voulues, sans recourir à un combustible. Le fer, tout comme certains autres métaux, n’a jusqu’ici pas pu être traité par électrolyse, mais il ne fait aucun doute que ce type de procédé froid va finir par remplacer la méthode actuelle grossière de coulée dans la métallurgie et ainsi mettre un terme à l’énorme gaspillage de combustible nécessaire aux réchauffements répétés du métal dans les fonderies.

Il y a quelques décennies encore, l’utilité du fer était basée presque uniquement sur ses remarquables propriétés mécaniques; toutefois, depuis l’avènement de la commercialisation à grande échelle de la dynamo et des moteurs électriques, sa valeur pour l’humanité a augmenté considérablement à cause de ses qualités magnétiques uniques.

Ces dernières ont encore été améliorées dernièrement ; tout a commencé il y a treize ans, lorsque je découvris que la performance d’un moteur alternatif pouvait être doublée en utilisant de l’acier doux Bessemer, au lieu du fer laminé comme à l’accoutumée. J’ai fait remarquer ceci à M. Albert Schmid, alors directeur d’une corporation industrielle travaillant dans ce domaine, dont les efforts inlassables et les compétences ont largement contribué à la suprématie de l’industrie électrique américaine. Il a suivi mes suggestions et a construit des transformateurs en acier, qui se sont avérés bien meilleurs. Les recherches ont alors continué sous la direction de M. Schmid et les impuretés de « l’acier » furent éliminées petit à petit (de l’acier il n’en portait que le nom, car, en réalité, c’était du fer doux) ; il en résulta bientôt un produit qu’il était difficile de vouloir encore améliorer.

L’ère imminente de l’aluminium – Le déclin de l’industrie du cuivre – Le grand potentiel économique de ce nouveau métal.

Les progrès réalisés ces dernières années sur la qualité du fer ne nous permettent pratiquement plus d’aller plus loin. Nous ne pouvons pas espérer augmenter sa limite de rupture, son élasticité, sa dureté ou sa malléabilité ; quant à ses qualités magnétiques, elles sont aujourd’hui imperfectibles. Une amélioration notoire lui a été apportée récemment, en mélangeant un faible pourcentage de nickel au fer, mais il n’y a plus beaucoup de marge de manœuvre pour d’autres avancées dans cette direction.

De nouvelles découvertes éventuelles, si elles ne peuvent pas augmenter de beaucoup les propriétés qui font la valeur de ce métal, pourraient toutefois en réduire les coûts de fabrication. Le futur immédiat du fer est assuré par son bas prix et ses qualités mécaniques et magnétiques hors pair. Elles sont d’un ordre tel qu’aucun autre produit ne peut le concurrencer aujourd’hui. Toutefois, il ne fait aucun doute que d’ici quelque temps, le fer, dans beaucoup de ses domaines aujourd’hui incontestés, devra passer le sceptre à un autre métal : l’ère future sera l’ère de l’aluminium.

Il y a 70 ans seulement que ce merveilleux métal fut découvert par Woehler, et l’industrie de l’aluminium, qui n’a guère plus de 40 ans, attire déjà l’attention du monde entier. Une croissance aussi rapide n’a jamais été enregistrée dans l’histoire de la civilisation. Il y a peu de temps encore, l’aluminium se vendait au prix exorbitant de 30 à 40 dollars la livre ; aujourd’hui, on peut l’avoir, à volonté, pour quelques cents. Néanmoins, ce prix sera bientôt considéré tout aussi exorbitant, car il est possible de faire de grands progrès dans ses méthodes de fabrication.

La plupart du métal est aujourd’hui fabriquée dans de hauts-fourneaux électriques par un procédé combinant la fusion et l’électrolyse, ce qui permet d’obtenir un certain nombre de caractéristiques avantageuses, mais qui, bien sûr, implique une grande perte d’électricité. Mes calculs montrent que le prix de l’aluminium pourrait être réduit considérablement si, dans sa fabrication, on utilisait une méthode similaire à celle que j’ai proposée pour la fabrication du fer. La fusion d’une livre d’aluminium ne demande que 70% de la chaleur nécessaire à faire fondre une livre de fer et comme son poids est seulement du tiers de ce dernier, on pourrait obtenir quatre fois plus d’aluminium que de fer à partir d’une énergie thermique donnée. Cependant, la solution idéale serait un processus de fabrication électrolytique à froid, et j’ai misé tous mes espoirs là-dessus.

Les progrès réalisés dans l’industrie de l’aluminium vont inévitablement avoir pour conséquence l’anéantissement de l’industrie du cuivre. Elles ne peuvent exister et prospérer ensemble, et la dernière est condamnée sans aucun espoir de retour.

Aujourd’hui déjà, il est moins cher de transporter le courant électrique dans des fils d’aluminium que de cuivre ; le coulage de l’aluminium est moins onéreux et le cuivre n’a aucune chance de rivaliser dans des utilisations domestiques ou autres. Une nouvelle baisse du prix de l’aluminium ne pourra être que fatale pour le cuivre. Toutefois, les progrès du premier ne se feront pas sans résistance, car, comme toujours dans des cas semblables, les grands complexes industriels absorberont les plus petits : les énormes puissances économiques du cuivre prendront le contrôle de l’industrie de l’aluminium encore insignifiante et l’industrie du cuivre qui tournera au ralenti va freiner l’envolée de l’industrie de l’aluminium. Cependant, cela ne fera que retarder, et non empêcher, la révolution imminente.

Toutefois, l’aluminium ne s’attaquera pas seulement au cuivre. Dans un futur relativement proche, il s’engagera dans une bataille sans merci avec le fer et ce dernier se montrera un adversaire difficile à terrasser. L’issue de ce combat dépendra du degré de nécessité du fer dans la fabrication des machines électriques. L’avenir seul le dira.

Le magnétisme intrinsèque du fer, est un phénomène isolé dans la nature.

Bien que différentes théories aient déjà été avancées, on ne sait toujours pas pourquoi ce métal se comporte de manière aussi radicalement différente des autres métaux dans ce domaine.

Pour ce qui est du magnétisme, les molécules des différentes substances se comportent comme des faisceaux creux partiellement remplis d’un liquide lourd, qui restent en équilibre au milieu, à la manière d’un jeu de bascule en équilibre sur son pivot. Il existe évidemment des facteurs perturbateurs dans la nature qui vont faire que chaque molécule, ou que ce faisceau, va basculer soit dans un sens, soit dans l’autre. Si les molécules partent dans un sens, la substance sera magnétique ; si elles partent dans l’autre, elle ne le sera pas. Mais dans les deux cas il y a stabilité, tout comme c’est le cas dans le faisceau creux, et cela est dû au fait que le liquide se précipite vers la partie la plus basse.

Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que les molécules de toutes les substances connues partent dans une direction, tandis que celles du fer partent dans l’autre. Il semble que ce métal ait une origine tout à fait différente de celle des autres sur cette terre. Il est peu vraisemblable que l’on découvrira quelque autre matériau meilleur marché, susceptible de rivaliser ou de surpasser le fer quant à ses qualités magnétiques.

À moins que nous ne nous mettions à utiliser un courant électrique aux caractéristiques radicalement différentes, le fer nous restera indispensable. Pourtant, les avantages qui y sont liés ne sont qu’apparents. Aussi longtemps que nous utilisons des forces magnétiques faibles, il sera de loin supérieur à tout autre matériau ; mais si nous trouvons des moyens de produire des forces magnétiques plus importantes, on obtiendra de meilleurs résultats sans lui.

En fait, j’ai déjà construit des transformateurs électriques dans lesquels je n’utilise pas de fer et qui sont capables de faire dix fois plus de travail par livre que ceux qui contiennent du fer. J’ai obtenu ces résultats en utilisant des courants électriques de vibration très élevée, produits par une nouvelle méthode, à la place des courants ordinaires utilisés actuellement dans l’industrie. J’ai également réussi à faire marcher des moteurs électriques sans fer avec ces courants à haute vibration, mais jusqu’ici, les résultats ont été inférieurs à ceux obtenus avec les moteurs habituels contenant du fer, bien qu’en théorie, les premiers dussent être capables de faire beaucoup plus de travail par unité de poids que les derniers.

Toutefois, les difficultés apparemment insurmontables, qui font obstacle aujourd’hui, pourraient finalement être surmontées, ce qui marquera la fin de l’utilisation du fer ; toutes les machines électriques seront alors construites en aluminium et, selon toute probabilité, à un prix ridiculement bas. Ce serait un coup sévère, voire fatal, pour le fer. Dans d’autres branches de l’industrie, telle la construction navale et dans tous les domaines où les structures doivent être le plus léger possible, le progrès de ce métal sera plus rapide. Comme il convient parfaitement pour ce type de construction, il est certain qu’il va supplanter le fer tôt ou tard. Il est fort probable qu’au fil du temps, nous serons capables de lui donner beaucoup de ces qualités qui font du fer un matériau de valeur.

Bien qu’il soit impossible de dire quand cette révolution industrielle aura lieu, il ne fait aucun doute que le futur appartient à l’aluminium et qu’il deviendra le facteur essentiel dans l’augmentation de la productivité de l’humanité. Dans ce domaine, il a des capacités bien supérieures à celles de tout autre métal. J’estime son potentiel économique à plus de cent fois celui du fer. Bien qu’elle soit surprenante, cette estimation n’est pas exagérée. Tout d’abord, il faut se rappeler que le stock d’aluminium disponible est trente fois supérieur à celui du fer, ce qui, en soi, offre de grandes possibilités. Par ailleurs, je le répète, ce métal est beaucoup plus maniable que le fer, ce qui augmente sa valeur.

Bon nombre de ses caractéristiques le rapprochent d’un métal précieux, ce qui lui donne encore plus de prix. Sa conductivité électrique à elle seule, qui est, pour un poids donné, supérieure à celle de tout autre métal, suffirait pour qu’il soit considéré comme un des plus importants facteurs de progrès de l’humanité. Comme il est extrêmement léger, le transport des objets manufacturés demande beaucoup moins d’efforts. En vertu de cette propriété, il va faire la révolution dans la construction navale et comme il va faciliter les transports et les déplacements, il va contribuer à augmenter sérieusement la productivité de l’humanité. Toutefois, je crois que son plus grand potentiel économique se situera dans le domaine de l’aéronautique, car il contribuera grandement à son avènement.

Les instruments télégraphiques vont, petit à petit, aider au développement des hommes les moins civilisés. Les moteurs électriques et les ampoules le feront encore plus vite, cependant, les plus grands progrès seront réalisés dans l’aviation. Les voyages vont devenir de plus en plus faciles et ils vont être le meilleur moyen de réunir les éléments hétérogènes de l’humanité. Nous devons, comme première étape vers ce but, construire un accumulateur plus léger ou obtenir plus d’énergie à partir du charbon.

Travaux visant à obtenir plus d’énergie à partir du charbon – La transmission de l’électricité – Le moteur à gaz – La pile à charbon froid (soit une pile à combustible à oxydation lente).

Je me souviens d’un temps où je considérais la production d’électricité à partir de la combustion de charbon dans une pile, comme la meilleure contribution pour faire avancer l’humanité, et je suis surpris de constater combien mon point de vue a été modifié à mesure que j’avançais dans mes travaux dans ce domaine. Il me semble aujourd’hui que le fait de faire brûler du charbon dans une pile – avec plus ou moins d’efficacité – n’est qu’un simple expédient, une étape dans l’évolution vers quelque chose de plus parfait.

Après tout, en générant de l’électricité par ce moyen, nous détruisons de la matière, ce qui est un procédé barbare. Nous devrions être capables d’obtenir de l’énergie sans brûler de matière première. Toutefois, je suis loin de sous-estimer la valeur d’une telle méthode de combustion.

Aujourd’hui, la plupart de l’énergie motrice vient du charbon et, soit directement, soit par ses sous-produits, il intensifie énormément l’énergie de l’humanité. Malheureusement, dans tous les procédés utilisés de nos jours, la majeure partie de l’énergie du combustible est dissipée inutilement. Les meilleures machines à vapeur n’utilisent qu’une petite fraction de l’énergie totale. Même dans les moteurs à gaz avec lesquels on peut obtenir de meilleurs résultats – surtout avec les derniers modèles -, il y a toujours un gaspillage barbare.

Dans nos systèmes d’éclairage électrique, nous n’utilisons que 0,33 % de toute l’énergie du combustible, et encore moins dans l’éclairage au gaz. Dans nos diverses utilisations du charbon sur la planète, nous n’utilisons, tout bien considéré, certainement pas plus de 2% de toute l’énergie disponible en théorie. Celui qui arrivera à mettre un terme à ce gaspillage fou serait un grand bienfaiteur de l’humanité, bien que la solution qu’il apportera ne puisse pas être permanente, car elle conduirait finalement à l’épuisement des stocks de la matière première. Des efforts sont entrepris, principalement dans deux directions, afin d’obtenir plus d’énergie à partir du charbon, à savoir dans la production d’électricité et celle de gaz comme énergies motrices. Des succès notoires ont déjà été enregistrés dans ces deux domaines.

L’arrivée des systèmes à courant alternatif pour la transmission de l’électricité, marque le début d’une époque où l’énergie du charbon disponible pour l’humanité devient plus économique. Évidemment, toute l’énergie obtenue à partir de chutes d’eau permet d’économiser autant de combustible et profite à l’humanité, et est d’autant plus rentable qu’elle ne demande que peu d’efforts de la part de l’homme ; dans la mesure où ce procédé est le plus parfait de tous ceux que l’on connaisse pour exploiter l’énergie solaire, il contribue de bien des façons, à l’avancement de la civilisation.

En outre, l’électricité nous permet d’extraire beaucoup plus d’énergie du charbon que par le passé. Au lieu de transporter le charbon vers de lointaines destinations de consommation, nous le brûlons près des mines, produisons de l’électricité dans les dynamos et envoyons le courant vers les villes lointaines : donc nous faisons de sérieuses économies. Au lieu de faire fonctionner les machines à l’usine, selon la vieille manière peu économique avec courroies et arbres, nous produisons de l’électricité avec la vapeur et faisons marcher des moteurs électriques. C’est ainsi qu’il n’est pas rare d’obtenir deux à trois fois plus d’énergie motrice effective à partir du combustible, en plus de nombreux autres avantages importants. C’est dans ce domaine, ainsi que dans celui de la transmission d’énergie sur de grandes distances, que le système alternatif, avec sa mécanique idéalement simple, va entraîner une révolution dans l’industrie. Toutefois, ces progrès n’ont pas encore été ressentis dans beaucoup de domaines.

Par exemple, dans les bateaux à vapeur et les trains, les arbres et essieux sont toujours actionnés par la puissance de la vapeur. Un plus grand pourcentage de l’énergie thermique du charbon pourrait être transformé en énergie motrice en utilisant, à la place des machines navales et des locomotives actuelles, des dynamos actionnées par des machines à gaz ou à vapeur de haute pression spécialement conçues, et en utilisant l’électricité obtenue pour la propulsion. De cette manière, on pourrait obtenir entre 50% et 100% de plus d’énergie effective à partir du charbon.

On a du mal à comprendre pourquoi les ingénieurs n’accordent pas plus d’attention à un fait aussi simple et évident. Ce type d’amélioration serait particulièrement bénéfique aux bateaux à vapeur au long cours, car elle supprimerait le bruit et augmenterait leur vitesse et leur tonnage.

Le rendement énergétique du charbon a été encore amélioré grâce aux derniers moteurs à gaz plus perfectionnés qui, en moyenne, produisent deux fois plus d’énergie que les meilleurs moteurs à vapeur. L’introduction des moteurs à gaz est facilitée par l’importance de l’industrie du gaz.

Comme l’utilisation de la lumière électrique augmente, on utilise de plus en plus le gaz pour obtenir de l’énergie thermique et motrice. Le gaz est très souvent fabriqué près des mines de charbon et envoyé vers les lieux de consommation lointains, ce qui permet de réaliser des économies à la fois sur les frais de transport et sur l’utilisation de l’énergie du combustible.

Les conditions actuelles en mécanique et en électrotechnique font que la manière la plus sensée de produire de l’énergie à partir du charbon est, bien sûr, de fabriquer le gaz près du gisement de charbon et de l’utiliser, soit sur place, soit à distance, afin de produire de l’électricité pour l’industrie avec des dynamos actionnées par des moteurs à gaz. Le succès commercial d’une telle installation est largement fonction de la construction de moteurs à gaz à grande puissance nominale de CV qui, à en juger par les gros efforts fournis dans ce domaine, ne tarderont pas à envahir le marché. Au lieu d’utiliser directement le charbon, comme à l’accoutumée, le gaz sera fabriqué à partir de lui et brûlé pour économiser de l’énergie.

Néanmoins, toutes ces améliorations ne seront que des étapes intermédiaires dans l’évolution vers quelque chose de plus parfait car, finalement, nous devrons réussir à obtenir de l’électricité à partir du charbon d’une manière plus directe, sans perdre beaucoup de son énergie thermique.

On ne sait toujours pas si le charbon peut être oxydé par un processus froid. Sa combinaison avec l’oxygène produit invariablement de la chaleur et la question de savoir si l’énergie de cette combinaison du carbone avec un autre élément peut être transformée directement en énergie électrique, reste ouverte.

Sous certaines conditions, l’acide nitrique brûle le carbone en générant de l’électricité, mais la solution ne reste pas froide. D’autres moyens pour oxyder le charbon ont été proposés, toutefois, ils ne garantissent pas d’aboutir à un procédé efficace. Moi-même ai complètement échoué dans ce domaine, mais peut-être moins que certains qui ont « perfectionné » la pile à charbon froid. C’est au chimiste de résoudre ce problème, et non au physicien, car celui-ci détermine à l’avance tous ses résultats, de manière que lorsqu’il en vient aux expérimentations, il ne peut que réussir.

En chimie, bien que ce soit une science exacte, les méthodes sûres, comme celles qui sont disponibles en physique et qui permettent de résoudre de nombreux problèmes, n’existent pas. Dans ce domaine, les résultats s’obtiennent plus après des expérimentations menées avec patience, que par déduction ou calcul. Toutefois, le temps est proche où le chimiste pourra suivre clairement une voie soigneusement tracée à l’avance et où la méthode, qui lui permettra d’arriver aux résultats désirés, sera purement déductive.

La pile à charbon froid (soit à combustible à oxydation lente), est susceptible de donner une grosse impulsion au développement d’appareils électriques ; elle pourrait conduire en peu de temps à la construction d’avions d’utilisation plus pratique et favoriser énormément l’avènement de l’automobile. Néanmoins, tous ces problèmes et bien d’autres seraient mieux réglés – et de manière plus scientifique – avec un accumulateur léger.

L’énergie du milieu – Le moulin-à-vent et le moteur solaire – L’énergie motrice extraite de la chaleur terrestre – L’électricité issue de sources naturelles.

En plus des combustibles, il existe beaucoup d’autres matières dont nous pourrions tirer de l’énergie.

Par exemple, une immense quantité d’énergie est emprisonnée dans le calcaire et on pourrait faire marcher des moteurs, si on libérait l’acide carbonique avec de l’acide sulfurique ou d’une autre manière. J’ai déjà construit un tel moteur et il a fonctionné de manière très satisfaisante.

Toutefois, quelles que soient les sources d’énergie primaires dont nous allons nous servir à l’avenir, si nous voulons être rationnels, il faudra chercher à la produire sans brûler de matière première.

Il y a longtemps que je suis arrivé à cette conclusion, et pour obtenir ce résultat, seules deux possibilités s’offrent à nous, comme je l’ai déjà dit plus haut : soit exploiter l’énergie solaire existant dans le milieu environnant, soit transmettre cette énergie solaire à distance et à travers ce milieu, depuis un endroit où elle aura pu être obtenue sans brûler de matière première. À cette époque, j’ai tout de suite rejeté la deuxième solution puisqu’elle est totalement inconcevable dans la pratique, et je me suis mis à étudier les possibilités de la première.

Bien que ce soit difficile à croire, il est néanmoins un fait que l’homme, depuis des temps immémoriaux, disposait d’un assez bon appareil qui lui permettait d’utiliser l’énergie du milieu environnant : c’est le moulin-à-vent. Contrairement aux idées reçues, le vent peut fournir une énergie très considérable. Toute une série d’inventeurs, en proie à des illusions, ont passé des années de leur vie à chercher à « exploiter les marées », et certains ont même proposé de comprimer l’air avec l’énergie du flux et du reflux pour en obtenir de l’énergie, sans jamais comprendre les signes que leur faisait le vieux moulin-à-vent sur la colline, alors qu’il agitait tristement ses bras en les priant de s’arrêter.

Le fait est qu’un moteur actionné par de l’énergie marémotrice aurait, en règle générale, une bien petite chance de rivaliser commercialement avec le moulin-à-vent qui est, de loin, le meilleur appareil, puisqu’il permet d’obtenir beaucoup plus d’énergie d’une manière bien plus simple. Autrefois, l’énergie éolienne avait une valeur inestimable pour les hommes, ne serait-ce que parce qu’elle leur permettait de traverser les mers et les océans ; aujourd’hui, elle joue toujours un rôle très important dans les voyages et les transports. Cependant, cette méthode idéalement simple d’exploitation de l’énergie solaire connaît de sérieuses limites. Les appareils sont gros par rapport à un rendement donné, et l’énergie est produite par intermittence, ce qui nécessite son stockage et augmente les frais de l’installation.

Toutefois, une autre manière plus intéressante pour obtenir de l’énergie, est l’exploitation de l’énergie des rayons solaires qui, sans cesse, viennent frapper la Terre, et dont la puissance énergétique dépasse les quatre millions de CV par 2,5 km2. Bien que l’énergie moyenne, reçue où que ce soit chaque année par km2, ne soit qu’une petite fraction de cette somme globale, nous disposerions d’une source d’énergie inépuisable, si nous pouvions découvrir une méthode efficace pour utiliser l’énergie des rayons.

Le seul moyen rationnel que je connaissais, alors que j’entamai mes investigations dans ce domaine, était d’utiliser un type de moteur thermique ou thermodynamique, actionné par un fluide volatil s’évaporant dans une chaudière sous la chaleur des rayons solaires. Cependant, mes recherches plus approfondies et mes calculs ont montré que, malgré la très grosse quantité d’énergie apparemment reçue des rayons solaires, cette méthode ne permettait d’utiliser en pratique qu’une infime partie de cette énergie. Par ailleurs, l’énergie fournie par le rayonnement solaire est irrégulière et j’ai rencontré le même type de limitations qu’avec l’utilisation du moulin-à-vent.

Après avoir longuement étudié ce mode de production d’énergie motrice à partir du soleil et compte tenu de la nécessité d’une chaudière de gros volume, du faible rendement de la machine thermique, des coûts supplémentaires pour stocker l’énergie et d’autres inconvénients, je suis arrivé à la conclusion que le « moteur solaire », dans la majeure partie des cas, ne pouvait pas être exploité à l’échelle industrielle avec succès.

Une autre manière d’obtenir de l’énergie motrice à partir du milieu sans avoir à brûler de matière première, serait d’utiliser la chaleur emmagasinée dans la terre, l’eau ou l’air pour faire marcher un moteur.

Tout le monde sait que les profondeurs du globe sont très chaudes ; les observations ont montré que la température augmente d’1° C tous les 30 m. Il n’est pas inconcevable de pouvoir surmonter les difficultés à creuser des puits et de mettre en place des chaudières à une profondeur de quelque 3650 mètres – ce qui correspond à une augmentation de la température d’environ 120° C – et nous pourrions certainement exploiter la chaleur interne du globe terrestre.

En fait, il ne serait même pas nécessaire de creuser en profondeur pour utiliser la chaleur emmagasinée. Les couches supérieures de la terre et les couches d’air qui se trouvent juste au-dessus, ont une température suffisamment élevée pour pouvoir libérer certaines substances extrêmement volatiles, qui pourraient remplacer l’eau dans nos chaudières. Il ne fait aucun doute qu’un bateau puisse avancer sur l’océan grâce à un moteur actionné par ce type de fluide volatil, sans aucune autre énergie si ce n’est la chaleur extraite de l’eau. Toutefois, la puissance obtenue par ce procédé serait très faible, à moins de prendre des mesures complémentaires.

L’électricité produite par des phénomènes naturels est une autre source d’énergie exploitable. Les éclairs contiennent d’énormes quantités d’électricité, susceptible d’être transformée et stockée pour une utilisation future. Il y a quelques années, j’ai publié une méthode de transformation de l’électricité qui faciliterait la première étape de ce travail ; cependant, il sera plus difficile de stocker l’énergie des décharges des éclairs. En outre, il est connu que des courants électriques circulent constamment à travers la terre et qu’il existe, entre la terre et l’air, une différence de tension électrique qui varie en fonction de l’altitude.

À ce propos, j’ai découvert, lors d’expérimentations récentes, deux nouveaux faits très importants.

Premièrement, le mouvement axial de la Terre et probablement aussi son mouvement de translation, génèrent de l’électricité dans un fil qui part du sol et qui monte très haut dans les airs.

Toutefois, la quantité d’électricité qui passe continuellement dans ce fil reste minime, tant que l’électricité ne peut pas s’écouler dans l’air. Cet écoulement sera grandement facilité si on place, au sommet du fil, un terminal conducteur de grande surface et comportant beaucoup d’arêtes acérées ou des pointes. Nous pouvons donc obtenir de l’électricité de manière continue avec un simple fil qui s’élance dans les airs, mais malheureusement, en faible quantité.

Deuxièmement, les couches supérieures de l’atmosphère sont continuellement chargées d’électricité dont la polarité est à l’inverse de celle de la Terre.

C’est du moins ainsi que j’ai interprété mes observations, et il semblerait que la Terre, avec son enveloppe isolante et conductrice, constitue un condensateur électrique de grande charge contenant, probablement, une grande quantité d’énergie électrique qui pourrait être mise au service de l’humanité si on pouvait l’atteindre avec un fil qui monte très haut dans les airs.

Il est possible, voire probable, que d’autres sources d’énergie seront découvertes au fil du temps, dont nous n’avons aujourd’hui aucune idée.

Nous pourrions même trouver des méthodes de mise en application de forces comme le magnétisme ou la gravité, pour actionner des machines sans utiliser d’autres moyens. De tels exploits, bien que très improbables, ne sont pas impossibles. Je vais citer un exemple pour donner une parfaite idée de ce que nous pourrions espérer, mais que nous n’atteindrons jamais.

Imaginons un disque constitué d’un quelconque matériau homogène qui tourne, en équilibre parfait et sans frottement, sur un axe horizontal au-dessus du sol. Dans de telles conditions, ce disque peut s’arrêter dans n’importe quelle position. Il se pourrait que l’on découvre comment faire tourner un tel disque de manière continue et lui faire faire un travail grâce à la force de gravité, sans aucune autre intervention de notre part. Toutefois, il est impossible que ce disque tourne tout seul et travaille sans l’intervention d’une force extérieure. Car si c’était possible, nous aurions affaire à ce que l’on appelle scientifiquement un « perpetuum mobile », une machine créant sa propre force motrice.

Pour faire tourner ce disque par la force de gravité, il suffit d’inventer un écran contre cette force. Un tel écran empêcherait cette force d’agir sur une moitié du disque, qui alors se mettrait à tourner. Nous ne pouvons pas renier cette possibilité, du moins pas avant de connaître la nature exacte de la force de gravité. Supposons que cette force soit due à un mouvement comparable à celui d’un courant d’air venant du haut et se dirigeant vers le centre de la Terre. L’impact d’un tel courant sur les deux moitiés du disque serait identique et c’est pourquoi, normalement, le disque ne se mettrait pas à tourner ; mais si une moitié était protégée par une plaque qui arrête le mouvement, alors il tournerait.

L’abandon des méthodes connues – Les possibilités d’un moteur ou d’une machine « automatique », inanimé, et néanmoins capable, telle une créature vivante, de puiser de l’énergie dans le milieu – La méthode de production idéale d’une force motrice.

Au début de mes recherches à ce sujet et lorsque les concepts que je viens de citer ou d’autres analogues se présentèrent à mon esprit pour la première fois, et bien que j’ignorasse un certain nombres de faits que j’ai cités ci-dessus, l’étude des différents moyens d’utiliser l’énergie ambiante m’a néanmoins convaincu qu’il fallait abandonner radicalement les méthodes alors connues, si on voulait arriver à une solution pratique parfaitement satisfaisante.

Le moulin-à-vent, le moteur solaire, la machine actionnée par la chaleur terrestre ne permettaient d’obtenir qu’une énergie en quantité très limitée. Il fallait découvrir un autre moyen qui permettrait d’obtenir plus d’énergie. Il y a suffisamment d’énergie thermique dans le milieu, toutefois, les méthodes alors connues ne permettaient que d’en extraire une petite quantité pour alimenter un moteur. Par ailleurs, le débit de l’énergie était très faible. En d’autres termes, le problème était de découvrir quelque nouvelle technique qui permettrait à la fois d’utiliser plus d’énergie thermique du milieu et de l’en extraire plus vite.

J’essayais vainement d’imaginer comment atteindre ces objectifs, lorsque je tombai sur certaines déclarations de Carnot et de Lord Kelvin (qui, à l’époque, s’appelait toujours Sir William Thomson) qui disaient qu’il fût pratiquement impossible à un mécanisme inanimé ou à une machine automatique de faire descendre la température d’une partie de l’air en dessous de celle du milieu environnant, et de fonctionner avec la chaleur récupérée. Ces affirmations m’intéressèrent au plus haut point.

Une créature vivante pouvait, de toute évidence, réaliser ces choses-là, et comme mes expériences passées m’ont convaincu qu’une créature vivante n’est pas autre chose qu’un automate ou, en d’autres termes, une « machine automatique », j’en conclus qu’il était possible de construire une machine qui agirait pareillement.

Je conçus donc le mécanisme suivant, comme première étape pour atteindre cet objectif. Imaginons une thermopile constituée d’un certain nombre de tiges de métal qui, posée sur le sol atteindrait l’espace, au-delà de l’atmosphère. La chaleur d’en bas véhiculée vers le haut par ces tiges de métal, refroidirait la terre, les mers ou les airs, selon l’emplacement de la partie inférieure des tiges, avec comme résultat bien connu, la génération d’un courant électrique circulant dans ces tiges. Les deux terminaux de la thermopile pourraient alors être reliés par un moteur électrique qui, en théorie, devrait pouvoir fonctionner sans cesse, jusqu’à ce que le milieu en bas refroidisse au point d’atteindre la température de celle de l’espace.

Nous aurions donc un moteur inanimé qui, de toute évidence, serait capable de refroidir une partie du milieu jusqu’en dessous de la température ambiante et de fonctionner avec la chaleur récupérée.

Toutefois, serait-il possible d’obtenir des conditions similaires sans devoir monter aussi haut ?

Diagramme B : Production d’énergie à partir du milieu environnant

A, milieu avec peu d’énergie; B, B, milieu environnant avec beaucoup d’énergie; O, canal emprunté par l’énergie.

Imaginons, pour les besoins de la cause, une enceinte T, illustrée dans le diagramme B, dans laquelle l’énergie pourrait uniquement circuler à travers un canal O, et que, d’une manière ou d’une autre, il y ait à l’intérieur de cette enceinte un milieu possédant très peu d’énergie, tandis qu’elle baigne dans le milieu ambiant ordinaire ayant beaucoup d’énergie. Dans de telles conditions, l’énergie passera par le canal O, tel que l’indique la flèche, et elle sera convertie en une autre sorte d’énergie.

La question était de savoir si de telles conditions pouvaient être obtenues ? Pourrions-nous produire artificiellement une telle « dépression » dans laquelle l’énergie du milieu environnant pourrait s’écouler ?

Supposons que l’on puisse maintenir une température extrêmement basse, par un procédé quelconque, dans un espace donné ; le milieu environnant serait alors appelé à libérer de la chaleur qui pourrait être convertie en énergie mécanique ou autre, puis utilisée. Si nous pouvions mettre ce concept en application, nous pourrions obtenir de l’énergie de façon continue, en tout point du globe, nuit et jour. En outre, dans l’abstrait, il semblerait possible de créer une compensation rapide de la perturbation du milieu et donc de puiser très rapidement de l’énergie.

Voici donc un concept qui, s’il était réalisable, offrirait une solution heureuse au problème de l’extraction de l’énergie du milieu. Mais l’est-il vraiment ? J’étais convaincu qu’il le fût, d’une manière ou d’une autre, et voici l’une d’entre elles.

Imaginons que nous nous trouvions à une altitude – ou niveau – élevée, ce qui peut être représenté par la surface d’un lac de montagne, très haut au-dessus du niveau de la mer ; ce niveau représente le zéro absolu de la température dans l’espace interstellaire. La chaleur s’écoule avec l’eau du niveau supérieur à un niveau inférieur et, partant, si nous pouvons laisser s’écouler l’eau du lac jusque vers la mer, nous pouvons aussi laisser monter la chaleur de la surface de la Terre jusque dans les régions froides supérieures.

La chaleur, tout comme l’eau, peut faire un travail en s’écoulant vers le bas, et si nous doutions tout à l’heure de pouvoir obtenir de l’énergie du milieu avec une thermopile, l’analogie que voilà va dissiper tout doute. Toutefois, pouvons-nous refroidir un espace donné et faire couler en permanence de la chaleur à l’intérieur? Pour créer une telle « dépression » ou « trou froid », pour ainsi dire, dans le milieu, cela reviendrait à créer dans le lac un espace soit vide, soit rempli d’une substance beaucoup plus légère que l’eau. C’est ce que l’on obtiendrait en plaçant une cuve dans le lac et en pompant toute l’eau de cette dernière.

Nous savons que, si ensuite on fait retourner l’eau dans la cuve, elle serait capable de faire exactement la même quantité de travail que celle qui fut nécessaire pour le pompage, mais rien de plus. Par conséquent, cette double opération qui consiste d’abord à faire sortir l’eau, puis à la laisser retomber, n’offre aucun avantage. Cela voudrait donc dire qu’il est impossible de créer une telle dépression dans le milieu. Mais réfléchissons un instant.

La chaleur, bien que respectant certaines lois générales de la mécanique, comme tout fluide, ne se comporte pas comme un fluide ; c’est de l’énergie qui peut être transformée en d’autres formes d’énergie, à mesure qu’elle passe d’un niveau supérieur à un niveau inférieur. Pour que notre analogie mécanique soit correcte et complète, nous devons donc partir du principe que l’eau, lors de son passage dans la cuve, est convertie en quelque chose d’autre que nous pourrions extraire sans utiliser d’énergie, ou alors très peu.

Par exemple, si la chaleur est représentée dans cette analogie par l’eau du lac, l’oxygène et l’hydrogène qui composent l’eau peuvent illustrer les autres formes d’énergie par lesquelles passe la chaleur quand elle passe du chaud vers le froid. Si ce processus de transformation de la chaleur était absolument parfait, aucune chaleur n’arriverait au niveau inférieur, puisqu’elle serait entièrement transformée en d’autres formes d’énergie.

Donc selon ce cas idéal, toute l’eau qui rentrerait dans la cuve serait décomposée en oxygène et hydrogène avant d’atteindre le fond de la cuve, avec comme résultat, que l’eau ne cesserait de couler dans la cuve qui, elle, resterait toujours vide, puisque les gaz formés s’en seraient échappés.

Nous pourrions donc produire – moyennant initialement un certain travail pour créer la dépression afin que la chaleur ou, en l’occurrence, l’eau puisse y entrer – des conditions qui nous permettent d’obtenir n’importe quelle quantité d’énergie sans aucun autre travail. Ce serait une méthode idéale pour obtenir de l’énergie motrice.

Nous ne connaissons aucun processus de conversion de chaleur aussi parfait dans l’absolu, et par conséquent, un peu de chaleur va toujours finir par atteindre le niveau inférieur, ce qui revient à dire que, dans notre analogie mécanique, un peu d’eau va arriver au fond de la cuve, qui va se remplir petit à petit, et qu’il va falloir pomper continuellement. Mais bien évidemment, la quantité d’eau à pomper sera plus faible que celle qui y entre ou, en d’autres termes, l’énergie nécessaire à maintenir les conditions initiales sera moindre que celle qui est produite par la chute de l’eau, ce qui signifie qu’une certaine énergie pourra être récoltée du milieu.

Ce qui n’est pas converti en coulant vers le bas peut être remonté avec sa propre énergie, et ce qui est converti est pur bénéfice. Donc l’efficacité du principe que j’ai découvert est uniquement fonction de la conversion de l’énergie dans son écoulement vers le bas.

Premiers efforts pour construire un moteur automatique – L’oscillateur mécanique – Les travaux de Dewar et Linde – L’air liquide.

Fort de cette découverte, je commençai à imaginer des moyens pour réaliser mes plans et, après de longues réflexions, j’ai finalement conçu un ensemble d’appareils qui devaient permettre d’obtenir de l’énergie du milieu par un processus de refroidissement permanent de l’atmosphère.

Ce dispositif, en transformant en permanence la chaleur en travail mécanique, devenait de plus en plus froid et, s’il était possible d’atteindre une température très basse de cette manière, alors il devenait possible de produire une dépression pour cette chaleur et d’extraire de l’énergie du milieu.

Ceci semblait en contradiction avec les affirmations de Carnot et de Lord Kelvin, que j’ai cités plus haut ; toutefois, la théorie de ce procédé me fit penser que ce résultat pouvait être atteint. Je crois que je suis arrivé à cette conclusion à la fin de 1883, alors que j’étais à Paris ; c’était à une époque où mon esprit était obnubilé par une invention que j’avais développée l’année précédente et qui, depuis, a été connue sous le nom de « champ magnétique en rotation ».

Durant les années suivantes, j’ai continué à perfectionner le projet que j’avais imaginé et à étudier ses conditions de fonctionnement, sans faire de grands progrès toutefois. L’introduction commerciale de l’invention que je viens de citer dans ce pays, m’a réclamé un très gros investissement personnel jusqu’en 1889, l’année où je repris l’idée du moteur automatique.

Contrairement à ce que je croyais initialement, l’étude des principes impliqués et mes calculs me montrèrent que je ne pouvais pas arriver au résultat escompté dans la pratique avec les appareils classiques. Cela me conduisit, dans un deuxième temps, à l’étude d’un type de moteur appelé généralement « turbine » qui, de prime abord, semblait offrir les meilleures chances pour réaliser mon idée. Toutefois, j’eus vite fait de découvrir que la turbine non plus ne convenait pas.

Mes conclusions me montrèrent cependant que si un moteur pouvait être amené à un haut degré de perfection, le plan, tel que je l’avais conçu, devenait réalisable, et je décidai de développer ce type de moteur, dont l’objectif principal était de transformer la chaleur en énergie mécanique avec le moins de perte possible. Une propriété caractéristique de ce moteur était que le piston, qui devait faire le travail, n’était relié à rien d’autre et qu’il était parfaitement libre de vibrer à une vitesse énorme.

Les difficultés mécaniques que je rencontrai dans la construction de ce moteur étaient plus grandes que je ne l’avais imaginé, et les progrès furent lents. Je continuai mes travaux jusqu’au début de 1892, date à laquelle je me rendis à Londres pour assister aux expériences admirables du professeur Dewar avec des gaz liquéfiés. D’autres avaient déjà liquéfié des gaz, et notamment Ozlewski et Pictet avaient mené des expériences remarquables dans ce domaine ; cependant, il y avait une vigueur dans le travail de Dewar qui tenait du prodige.

Ses expériences montrèrent, quoique d’une manière différente de celle que j’avais envisagée, qu’il était possible d’atteindre de très basses températures en transformant la chaleur en énergie mécanique et je m’en retournai, très impressionné par ce que j’avais vu, et convaincu plus que jamais que mon plan était réalisable.

Je repris à zéro les travaux que j’avais temporairement abandonnés et je finis bientôt par développer un moteur d’un haut degré de perfection, que j’appelai « l’oscillateur mécanique ». Dans cet appareil, je réussis à me passer des garnitures, des soupapes et de tout graissage, et à produire une vibration du piston tellement rapide que les arbres en acier très résistant, qui y étaient rattachés et qui vibraient longitudinalement, se déchirèrent en deux.

En combinant ce moteur avec une dynamo d’un design spécial, j’obtins un générateur électrique très efficace qui, grâce à la vitesse d’oscillation invariable qu’il permettait d’atteindre, était d’une valeur inestimable pour mesurer et déterminer les propriétés physiques. J’ai exposé différents types de ce moteur appelé « oscillateur électrique et mécanique » au Congrès Électrotechnique à l’exposition universelle de Chicago durant l’été 1893, lors d’une conférence dont je n’ai jamais publié le contenu, ayant été débordé par d’autres obligations professionnelles. À cette occasion, j’ai exposé les principes de l’oscillateur mécanique, toutefois, les fonctions originelles de cet appareil sont publiées ici, pour la première fois.

Tel que je l’avais conçu initialement, il y avait, dans ce processus d’utilisation de l’énergie du milieu, une combinaison de cinq éléments essentiels et chacun d’eux dut être étudié et développé, car il n’existait aucun appareil de ce type.

L’oscillateur mécanique était le premier élément de cet ensemble et lorsque je l’eus perfectionné, je commençai à travailler au deuxième, qui était un compresseur à air, dont le design ressemblait à certains égards à celui de l’oscillateur mécanique. Je rencontrai des difficultés similaires lors de leur construction ; je m’acharnai néanmoins dans mon travail et, vers 1894, ces deux éléments de l’ensemble étaient fin prêts. J’avais ainsi obtenu un appareil pour comprimer l’air, pratiquement à n’importe quelle pression, un dispositif incomparable avec les appareils ordinaires, car beaucoup plus simple, plus petit et plus efficace.

Je venais d’entamer les travaux du troisième élément qui, en association avec les deux premiers, devait donner une machine de réfrigération d’une simplicité et d’une efficacité exceptionnelles, lorsque par malheur mon laboratoire fut détruit par un incendie, ce qui paralysa mes travaux et me fit prendre du retard. Peu de temps après, le Dr Carl Linde annonça la liquéfaction de l’air par un procédé d’auto-refroidissement, démontrant qu’il était possible de procéder au refroidissement de l’air jusqu’à ce qu’il devienne liquide. C’était exactement la seule preuve expérimentale dont j’avais encore besoin pour montrer que l’on pouvait obtenir de l’énergie à partir du milieu, de la manière dont je l’avais envisagé.

La liquéfaction de l’air obtenue par auto-refroidissement ne fut pas, comme cela fut dit, une découverte accidentelle, mais un résultat scientifique que l’on ne pouvait plus cacher plus longtemps et qui, selon toute vraisemblance, n’a pas pu échapper à Dewar. Je pense que cette avancée fascinante est largement due aux travaux extraordinaires de ce grand Écossais. Malgré tout, l’œuvre de Linde est restée légendaire.

La production de l’air liquide a été menée pendant quatre ans en Allemagne, à une échelle beaucoup plus importante que dans tout autre pays et cet étrange produit a été utilisé dans des buts variés. On en attendait beaucoup à l’origine, mais jusqu’à ce jour, son utilisation est restée très modérée dans le milieu industriel.

En utilisant le type d’appareil que je suis en train de mettre au point, les coûts deviendront probablement largement plus abordables, toutefois, son succès commercial restera discutable. S’il est utilisé comme réfrigérant, il n’est pas économique, sa température étant trop basse. Il est tout aussi coûteux de maintenir un corps à basse température qu’il l’est de le maintenir à une température très élevée ; il faut du charbon pour que l’air puisse rester froid. L’air liquide ne peut pas encore rivaliser avec l’électrolyse dans la fabrication de l’oxygène. Il ne convient pas comme explosif, parce que sa basse température le rend, encore une fois, peu efficace, et il est toujours beaucoup trop cher pour servir d’énergie motrice.

Il est cependant intéressant de relever qu’en faisant tourner un moteur à l’air liquide, on peut gagner une certaine quantité d’énergie à partir de ce moteur ou, en d’autres termes, à partir du milieu environnant qui maintient la chaleur du moteur, puisque 200 livres de fonte de fer de ce dernier fournissent une énergie d’1 CV effectif par heure. Mais ce gain du consommateur est annulé par une perte égale du producteur.

Ces travaux, pour lesquels je m’investis depuis si longtemps, sont loin d’être terminés. Il reste à perfectionner un certain nombre de détails mécaniques et à maîtriser certaines difficultés d’une autre nature, et je ne peux pas espérer construire un moteur automatique capable de tirer de l’énergie du milieu environnant avant longtemps, même si toutes mes attentes devaient se concrétiser. J’ai été victime, dernièrement, de circonstances qui ont retardé mes travaux ; toutefois, ce délai fut bénéfique pour diverses raisons.

Une de ces raisons est que j’ai eu largement le temps de réfléchir à ce que pourraient être les applications finales de ce développement. J’ai travaillé pendant longtemps, parfaitement convaincu que la mise en pratique de cette technique pour obtenir de l’énergie à partir du soleil, serait d’une valeur inestimable pour l’industrie ; cependant, mes recherches incessantes dans ce domaine ont révélé que, bien que mes attentes soient légitimes, elle sera moins rentable commercialement que je ne le pensais.

La découverte de propriétés inattendues de l’atmosphère – Des expériences étranges – Transmission d’électricité à travers un fil, sans retour – Transmission sans fil à travers la Terre.

Une autre raison est que je fus amené à reconnaître que la transmission de l’électricité, à n’importe quelle distance dans le milieu, était de loin la meilleure solution au problème de l’exploitation de l’énergie solaire pour le bien-être de l’humanité.

J’ai cru fermement, pendant de nombreuses années, que ce type de transmission était irréalisable à l’échelle industrielle, toutefois, je fis une découverte qui m’a fait changer d’avis.

J’ai remarqué que sous certaines conditions, l’atmosphère qui, normalement, est un très bon isolant, revêt des propriétés conductrices et devient donc capable de transporter n’importe quelle quantité d’énergie électrique.

Néanmoins, il me semblait que la mise en pratique de cette découverte, soit de transporter de l’électricité sans fil, comportait des difficultés insurmontables. Il s’agissait de produire et de gérer des tensions électriques de plusieurs millions de volts ; il fallait inventer et mettre au point des générateurs d’un nouveau type, capables de résister à l’énorme stress électrique, et il fallait obtenir une sécurité totale contre tous les dangers des courants de haute tension dans le système, avant même de pouvoir concevoir sa mise en pratique.

Tout cela demandait beaucoup de temps et ne pouvait se faire en quelques semaines, mois ou même années. Les travaux demandaient de la patience et des efforts soutenus et les progrès furent lents. J’ai toutefois pu obtenir d’autres résultats de valeur au cours de ces longs travaux, desquels je vais m’efforcer de rendre compte, en énumérant dans l’ordre les avancées principales qui ont été réalisées.

Bien qu’inattendue, la découverte de la conductivité de l’air ne fut que le résultat d’expériences que j’avais menées dans un domaine spécifique quelques années auparavant.

Je crois que ce fut en 1889 que des oscillations électriques excessivement rapides m’ont offert certaines possibilités, qui m’ont déterminé à concevoir un certain nombre d’appareils spéciaux adaptés à leur étude. La construction de ces machines fut très difficile en raison des exigences particulières et demanda énormément de temps et d’efforts ; toutefois mon travail fut largement récompensé, car il m’a permis d’obtenir plusieurs résultats tout à fait nouveaux et d’une grande importance.

Une des premières observations que je fis avec ces nouvelles machines, c’est que les oscillations électriques d’un taux extrêmement élevé, agissent d’une manière extraordinaire sur l’organisme humain.

C’est ainsi que j’ai pu démontrer, par exemple, que de puissantes décharges électriques de plusieurs centaines de milliers de volts, qui alors étaient considérées comme mortelles, pouvaient traverser le corps sans désagrément et sans conséquences préjudiciables.

Ces oscillations produisirent d’autres effets physiologiques spécifiques et, après que je les eus rendus publics, de très bons médecins s’en emparèrent avec empressement pour les étudier plus à fond.

Ce nouveau domaine s’est montré profitable au-delà de toute espérance et durant les quelques années qui ont suivi, les développements ont été tels, qu’il est devenu un département important et légitime en médecine. Ces oscillations permettent aujourd’hui d’obtenir facilement des résultats qui auparavant étaient impossibles et elles permettent de faire facilement beaucoup d’expériences qui, jusqu’ici, étaient du seul domaine du rêve.

Je me rappelle toujours avec délectation comment, il y a neuf ans, j’ai fait passer une décharge d’une puissante bobine d’induction sur mon corps, pour démontrer à une assemblée de scientifiques que ces courants électriques aux vibrations très rapides étaient relativement inoffensifs et je me souviens de l’étonnement de mon public.

Je serais prêt aujourd’hui, avec beaucoup moins d’appréhension qu’à cette époque, à faire passer sur mon corps toute l’énergie électrique de toutes les dynamos aujourd’hui en fonctionnement au Niagara, soit entre 40 000 et 50 000 CV. J’ai produit des oscillations électriques d’une intensité telle, que lorsqu’elles passaient à travers mes bras et mon buste, des fils qui étaient reliés par mes mains se mirent à fondre et pourtant, je n’en ressentais aucune gêne. J’ai énergisé avec ces oscillations un circuit, constitué d’épais fils de cuivre, de manière tellement puissante que des masses de métal et même des objets, dont la résistance électrique était bien plus grande que celle du tissu humain, approchés ou placés dans le circuit, s’échauffèrent à une très haute température et fondirent, souvent avec la violence d’une explosion, et pourtant, j’ai souvent avancé ma tête dans ce même espace où régnait ce tumulte terriblement destructeur, sans ressentir quoi que ce soit et sans effets secondaires préjudiciables.

Par ailleurs, j’ai constaté qu’avec ce type d’oscillations on pouvait produire de la lumière d’une manière nouvelle et plus économique, ce qui permettait d’obtenir un système idéal d’éclairage électrique avec des tubes à vide, qui rendait superflu le remplacement des ampoules ou des filaments incandescents, et peut-être même l’utilisation de fils à l’intérieur d’un bâtiment.

La luminosité augmente proportionnellement à la vitesse des oscillations et, partant, son succès commercial dépendra de la production économique de vibrations électriques de vitesse extrêmement élevée. Dernièrement, j’ai eu beaucoup de succès dans ce domaine et la mise sur le marché de ce nouveau système d’éclairage ne saurait tarder.

Mes recherches m’ont conduit à de nombreux autres observations et résultats notoires, dont l’un des plus importants fut la démonstration de la faisabilité d’alimenter en énergie électrique un fil, sans retour. Au début, je pouvais seulement faire passer des petites quantités d’électricité de cette nouvelle façon, mais dans ce domaine aussi mes efforts furent couronnés de succès.

La figure 3 est une photo qui montre, comme son titre l’indique, une véritable transmission de ce type, effectuée avec des appareils qui ont été utilisés pour d’autres expériences, que je décris ici. On jugera du degré de perfectionnement de mes dispositifs, car lors de ma première démonstration au début de 1891, mon appareil ne fut capable que d’allumer une seule ampoule (ce qui alors, dit-on, tenait du merveilleux), alors qu’aujourd’hui, je peux affirmer être capable d’allumer, avec cette méthode, 400 à 500 ampoules, voire beaucoup plus, sans problème.

En fait, cette méthode permet de produire une quantité d’énergie illimitée et faire fonctionner tout type d’appareil électrique.

Après avoir démontré la faisabilité de ce type de transmission, il m’est bien sûr tout naturellement venu à l’esprit d’utiliser la Terre comme conducteur, ce qui rendait tous les câbles électriques superflus. Quelle que soit la nature de l’électricité, elle se comporte comme un fluide incompressible, et la Terre peut être considérée comme un immense réservoir d’électricité, que je pensais pouvoir modifier efficacement avec un appareil électrique soigneusement conçu.

C’est pourquoi mon nouvel objectif fut de mettre au point un dispositif spécial, susceptible d’être très efficace pour créer une perturbation de l’électricité dans la Terre. Les progrès dans cette nouvelle direction furent évidemment lents et les travaux décourageants, jusqu’à ce que, finalement, je réussisse à perfectionner un nouveau type de transformateur, ou bobine d’induction, spécialement adapté à ce but spécifique.

La figure 4 vous montrera qu’il devient ainsi possible non seulement de transmettre d’infimes quantités d’électricité pour faire fonctionner des appareils sensibles – ce qui fut mon premier objectif -, mais aussi des quantités appréciables d’électricité ; cette photo illustre une expérience de ce type, menée avec le même appareil. Les résultats furent d’autant plus remarquables que la partie supérieure de la bobine n’était pas reliée à un fil ou à une plaque pour amplifier les effets.

La télégraphie « sans fil » – Le secret du réglage – Des erreurs dans les études hertziennes – Un récepteur d’une merveilleuse sensibilité.

Mes expériences dans ce dernier domaine furent fructueuses et elles m’ont permis, dans un premier temps, de mettre au point un système de télégraphie sans fil que j’ai décrit lors de deux conférences scientifiques, en février et mars 1893.

Diagramme C : Equivalent en mécanique de la télégraphie sans fil

Le diagramme C illustre la mécanique du système ; la partie supérieure montre le dispositif électrique tel que je l’avais alors décrit, tandis que la partie inférieure montre son équivalent en mécanique. Le système est extrêmement simple dans son principe. Imaginons deux diapasons F et F1, l’un dans la station émettrice et l’autre dans la station réceptrice ; leur branche inférieure est reliée à un minuscule piston p qui est intégré dans un cylindre.

Les deux cylindres communiquent avec un réservoir R aux parois élastiques, qui doit être fermé et rempli d’un fluide léger et incompressible. En butant une des branches du diapason F de manière répétée, le petit piston p entre en vibration, et ses vibrations se transmettent à travers le fluide jusqu’au diapason F1 qui est « accordé » sur le diapason F, ou, en d’autres termes, qui a la même fréquence que ce dernier. Le diapason F1 entre alors en vibration, et cette vibration sera intensifiée par l’action continue du diapason F jusqu’à ce que sa branche supérieure se mette à osciller fortement et établisse une connexion électrique avec un contact fixe c » qui excite un dispositif électrique ou autre, servant à enregistrer les signaux.

C’est de cette manière très simple que des messages peuvent être échangés entre les deux stations, car un autre contact similaire c’est prévu dans ce but, près de la branche supérieure du diapason F, de manière que le dispositif puisse être utilisé dans chaque station, soit comme récepteur, soit comme émetteur.

Le système électrique représenté dans la partie supérieure du diagramme C est le même dans son principe, les deux fils ou circuits ESP et E1S1P1 qui montent à la verticale représentent les deux diapasons et les pistons qui leur sont rattachés. Ces circuits sont en connexion avec le sol par deux plaques E et E1 et avec deux feuilles métalliques aux sommets P et P1 qui emmagasinent l’électricité et donc amplifient considérablement les effets. Le réservoir fermé R, aux parois élastiques, est remplacé dans ce cas par la Terre, et le fluide par l’électricité. Ces deux circuits sont « accordés » et opèrent exactement de la même manière que les deux diapasons. Au lieu d’exciter le diapason F dans la station émettrice, on génère des oscillations électriques dans le fil vertical transmetteur ESP grâce à une source S contenue dans ce fil, qui se propagent dans le sol et qui viennent toucher le fil vertical récepteur E1S1P1 en y excitant les oscillations électriques correspondantes.

Ce dernier fil, ou circuit, inclut un appareil sensible ou récepteur S1 qui est alors activé et qui active à son tour un relais ou tout autre appareil. Chaque station est évidemment pourvue d’une source d’oscillations électriques S et d’un récepteur sensible S1, et un dispositif simple permet d’utiliser alternativement les deux circuits pour envoyer ou recevoir des messages.

L’accord exact entre les deux circuits garantit de gros avantages et, en fait, il est essentiel pour l’utilisation pratique du système. À cet égard, il existe des erreurs fort répandues dans les rapports techniques concernant ce sujet qui, en règle générale, décrivent ces circuits et dispositifs comme ayant ces atouts, alors que visiblement leur construction même prouve que c’est impossible.

Pour atteindre des résultats maximums, il est essentiel que la longueur de chaque fil ou circuit, depuis sa connexion avec la terre et le sommet, soit du quart de la longueur d’onde de la fréquence électrique dans le fil ou, en d’autres termes, égale à cette longueur multipliée par un nombre impair*. Si cette règle n’est pas respectée, il est pratiquement impossible de prévenir les interférences et d’assurer l’intimité des conversations. C’est en cela que réside le secret du réglage.

(* il est tout de même curieux que Tesla insiste sur ce point, car les scientifiques d’aujourd’hui sont formels : le nombre doit être PAIR)

Pour obtenir les résultats les plus satisfaisants, il est toutefois nécessaire de recourir à des vibrations électriques de basse fréquence. Le dispositif à étincelles de Hertz, que les expérimentateurs utilisent généralement et qui produit des oscillations de très haute fréquence, ne permet pas un réglage effectif, et de légères perturbations suffisent à rendre un échange de messages impossible. Toutefois, il existe des dispositifs efficaces, conçus par des scientifiques, qui permettent d’obtenir un réglage presque parfait. La figure 5 montre une expérience réalisée avec le dispositif amélioré, auquel je fais souvent référence, qui donne une idée de cette caractéristique ; elle est très figurative et bien expliquée dans sa légende.

Depuis que j’ai décrit les principes simples de la télégraphie sans fil, j’ai eu de maintes occasions de remarquer que des éléments aux caractéristiques identiques avaient été utilisés, parce qu’on pensait sincèrement que les signaux sont transmis à des distances considérables par des rayons « hertziens ». Ceci n’est qu’un des nombreux malentendus qu’ont fait naître les études de physiciens regrettés.

Il y a environ 33 ans, Maxwell, reprenant une expérience prometteuse que Faraday avait menée en 1845, développa une théorie idéalement simple, qui reliait intimement la lumière, la chaleur radiante et des phénomènes électriques, en prétendant qu’ils étaient tous dus aux vibrations d’un fluide hypothétique d’une finesse inconcevable, appelé éther.

Il n’a été fait aucune vérification expérimentale avant que Hertz, sur les bons conseils de Helmholtz, entreprît une série d’expérimentations à ce sujet. Hertz procéda avec une ingéniosité et une perspicacité extraordinaires, mais ne consacra que peu d’énergie à la perfection de son dispositif démodé. Par conséquent, il manqua d’observer le rôle important de l’air dans ses expériences, un point que je découvris plus tard. En répétant ses expériences, j’obtins des résultats disparates, donc je me risquai à signaler cet oubli.

La force des preuves avancées par Hertz pour appuyer la théorie de Maxwell, résidait dans la juste estimation des fréquences de vibration des circuits qu’il utilisait. Je maintins néanmoins qu’il ne pouvait pas avoir obtenu les fréquences qu’il croyait. Les vibrations obtenues avec le type d’appareils qu’il utilisait sont, en règle générale, beaucoup plus faibles à cause de la présence de l’air, qui provoque un effet amortissant sur les circuits électriques de vibration très rapide et de haute tension, de la même manière qu’un fluide agit sur un diapason en vibration.

J’ai toutefois, depuis cette époque, découvert d’autres erreurs, et je considère depuis très longtemps que ses résultats ne sont rien d’autre que des vérifications expérimentales des conceptions poétiques de Maxwell. Les travaux de ce grand physicien allemand furent un immense stimulus pour la recherche actuelle en électricité, mais en même temps, ils ont dans une certaine mesure paralysé les esprits scientifiques parce qu’ils fascinaient, et ont donc gêné les recherches indépendantes. Chaque nouvelle découverte était présentée de manière à correspondre avec sa théorie, et de ce fait, la vérité a souvent été, inconsciemment, déformée.

En développant ce système de télégraphie, je n’avais qu’une idée en tête : effectuer des communications à n’importe quelle distance sur Terre ou dans le milieu environnant ; j’estimai cette application pratique d’une importance transcendante, principalement à cause de l’effet psychologique qu’il ne manquerait pas d’avoir sur toute la planète.

Pour atteindre cet objectif je pensai, dans un premier temps, utiliser des stations relais aux circuits accordés, dans l’espoir de pouvoir envoyer des signaux sur de très grandes distances, même avec les appareils de puissance très modérée dont je disposais alors.

J’étais persuadé, toutefois, que des appareils conçus avec soin pouvaient envoyer des signaux en tout point du globe, quelle que fût la distance, sans avoir à passer par des stations intermédiaires. J’ai eu cette conviction lorsque je fis la découverte d’un singulier phénomène électrique, que j’ai décrit en 1892 lors de conférences données pour des scientifiques à l’étranger, et que j’ai appelé le « balai en rotation ».

Il s’agit d’un faisceau de lumière qui se forme, sous certaines conditions, dans une ampoule à vide et dont la sensibilité aux influences magnétiques et électriques alentour frise, pour ainsi dire, le surnaturel.

Ce faisceau lumineux est mis en rotation par le magnétisme de la Terre à raison de 20 000 fois par seconde ; le sens de la rotation est ici à l’inverse de ce qu’il serait dans l’hémisphère sud, tandis que dans la région de l’équateur magnétique, le faisceau ne tournerait pas du tout.

Dans son état le plus sensible, quoique difficile à atteindre, il répond aux influences magnétiques et électriques à un degré incroyable. La simple contraction des muscles du bras, soit le plus léger changement électrique dans le corps d’un observateur debout à une certaine distance, l’affectera de manière très perceptible.

C’est dans cet état de très haute sensibilité qu’il sera également capable d’indiquer les moindres changements magnétiques ou électriques dans la Terre. L’observation de ce merveilleux phénomène m’impressionna outre mesure, tant et si bien que je fus convaincu qu’il permettait d’établir facilement des communications à n’importe quelle distance, à condition toutefois que l’appareil soit perfectionné au point de pouvoir produire un changement d’état magnétique ou électrique, même faible, dans le globe terrestre ou dans le milieu environnant.

Développement d’un nouveau principe – L’oscillateur électrique – Production de mouvements électriques immenses – La Terre répond à l’homme – La communication interplanétaire entre dans le domaine de la probabilité.

Je décidai de concentrer tous mes efforts sur cette tâche délicate, bien qu’elle me demandât des sacrifices énormes, car les difficultés qu’il fallait surmonter étaient telles que je savais qu’il me faudrait des années de travail. Cela voulait dire que je devais toutefois reporter d’autres travaux dans lesquels j’aurais préféré m’investir, mais j’avais la conviction que mes énergies ne pouvaient pas servir un but plus noble que celui-ci ; car je pris conscience qu’un appareil efficace de production d’oscillations électriques puissantes était non seulement nécessaire pour atteindre mon but, mais qu’il était aussi la clé d’autres problèmes électriques, voire humains, de la plus haute importance.

Il devait non seulement permettre de communiquer à n’importe quelle distance sans fil, mais aussi de transmettre de grandes quantités d’énergie, de brûler l’azote dans l’air, de produire un éclairage efficace et d’obtenir beaucoup d’autres résultats de valeur scientifique et industrielle inestimable.

En fin de compte, j’eus la satisfaction de réaliser ce travail en utilisant un nouveau principe, qui a le mérite d’être basé sur les merveilleuses propriétés du condensateur électrique, l’une d’elles étant qu’il peut se décharger ou faire exploser l’énergie emmagasinée en un laps de temps incroyablement court. C’est pourquoi il n’a pas de rival pour sa violence explosive. Comparée à sa décharge, une explosion de dynamite est un souffle de phtisique. Il permet de produire les courants et les tensions électriques les plus élevés, et la plus grande agitation dans le milieu. Une autre de ses propriétés de valeur égale, est que sa décharge peut vibrer à la fréquence voulue, jusqu’à atteindre plusieurs millions d’oscillations par seconde.

J’étais arrivé à la limite des fréquences productibles par d’autres moyens, lorsque j’eus la bonne idée de recourir au condensateur. Je l’adaptai de manière qu’il puisse se charger et se décharger alternativement très vite par une bobine comprenant quelques tours de fil résistant, qui représentait l’enroulement primaire d’un transformateur ou d’une bobine d’induction. Chaque fois que le condensateur se déchargeait, le courant passait en tremblotant dans le fil primaire et entraînait des oscillations correspondantes dans le secondaire.

Je venais donc de développer un transformateur ou bobine d’induction, basé sur un nouveau principe, que j’appelai « l’oscillateur électrique », qui partageait les qualités uniques caractérisant le condensateur, et permettait d’atteindre des résultats inespérés par d’autres moyens.

Ce type d’appareil perfectionné permet aujourd’hui d’obtenir facilement des effets électriques de tout type et des intensités inimaginables jusque-là. Cet appareil a déjà souvent été mentionné et ses parties essentielles sont montrées sur la figure 6. Pour certains objectifs, un puissant effet d’induction est nécessaire, pour d’autres, une montée rapide du courant, ou une fréquence très élevée, tandis que d’autres encore nécessiteront des « mouvements » (amplitudes) électriques immenses. Les photos des figures 7, 8, 9 et 10 sont celles d’expériences menées avec un oscillateur de ce type ; elles peuvent servir à illustrer certaines de ces caractéristiques et donner une idée de l’ampleur des effets réellement produits. La légende de ces photos me dispense de tout autre commentaire.

Même si les résultats montrés peuvent paraître extraordinaires, ils sont négligeables comparés à ceux que l’on peut obtenir avec des appareils conçus selon ces mêmes principes.

J’ai produit des décharges électriques dont l’ampleur, d’un bout à l’autre, était probablement de plus de 30 m ; il ne serait toutefois pas difficile d’obtenir des longueurs cent fois plus grandes. J’ai produit des « mouvements » électriques d’une puissance d’environ 100 000 CV, mais il serait facile d’obtenir des puissances de 1, de 5 ou de 10 millions CV. Lors de ces expérimentations, j’ai obtenu des effets plus importants que tout ce qui a jamais été produit par l’homme, et pourtant, ces résultats ne sont que l’embryon de ce qui reste à venir.

Il est inutile de démontrer que la communication sans fil peut se faire vers tout point du globe avec un tel dispositif et j’en ai eu la certitude absolue par une de mes découvertes.

En voici une analogie : lorsque nous parlons très fort et que nous entendons un écho de notre voix, nous savons que les sons de la voix ont atteint un mur à distance, ou une frontière, d’où ils ont été réfléchis.

Une onde électrique est réfléchie de la même manière qu’un son et le même signe que transmet l’écho est transmis par un phénomène électrique appelé onde « stationnaire », c’est-à-dire une onde dont les ventres et nœuds sont fixes.

Au lieu d’envoyer des ondes sonores vers un mur à distance, j’ai envoyé des vibrations électriques vers un lointain obstacle sur la Terre et, au lieu que ce soit le mur, c’est la Terre qui a répondu. À la place de l’écho, j’ai obtenu une onde électrique stationnaire, une onde réfléchie par un point éloigné.

Les ondes stationnaires dans la terre autorisent non seulement la télégraphie sans fil à toutes distances, mais elles nous permettront également d’obtenir des résultats spécifiques très importants, qu’il serait impossible d’atteindre d’une autre manière.

Grâce à elles par exemple, nous pourrons produire à volonté, à partir d’une station émettrice, un effet électrique dans toute région particulière du globe ; nous pourrons déterminer la position relative ou le parcours d’un objet en déplacement, comme ceux d’un bateau sur l’océan, la distance qu’il a parcourue ou sa vitesse ; ou nous pourrons encore envoyer une onde électrique par-dessus la Terre à la vitesse voulue, de celle d’une tortue à celle de la lumière.

Grâce à ces développements, nous avons toutes les raisons de penser que, dans un futur relativement proche, la plupart des messages télégraphiques transocéaniques seront transmis sans câbles.

Pour des distances plus courtes, un téléphone « sans fil » permettra de communiquer sans l’intervention de spécialistes.

Plus la distance à franchir sera grande, plus la communication sans fil deviendra rationnelle.

Le câble est non seulement un outil fragile et coûteux, mais il nous limite également dans la vitesse des transmissions, à cause d’un certain facteur électrique inhérent à sa physique.

Une centrale destinée aux communications sans fil soigneusement conçue, doit pouvoir effectuer plusieurs fois la quantité de travail d’un câble, et parallèlement, elle sera bien moins coûteuse. Je pense que d’ici quelque temps, la communication par câbles deviendra obsolète, car cette nouvelle méthode permettra non seulement d’envoyer des messages plus vite et à un moindre coût, mais elle sera aussi beaucoup plus sûre. Si l’on utilise certains moyens que j’ai inventés pour encoder les messages, les transmissions pourront s’effectuer dans une intimité presque parfaite.

Jusqu’à ce jour, j’ai observé les effets ci-dessus sur une distance limitée à quelque 1000 km, mais dans la mesure où la puissance des vibrations productibles avec un oscillateur de ce type est quasi illimitée, je suis plutôt confiant quant à la réussite d’une telle centrale à effectuer des communications transocéaniques. Et ce n’est pas tout.

Mes mesures et calculs ont montré, qu’en utilisant ces principes, il est parfaitement possible de produire, sur ce globe, un  » mouvement  » électrique d’une telle ampleur, qu’il ne fait aucun doute qu’il puisse être perceptible sur quelques-unes des planètes les plus proches de nous, comme Mars ou Vénus.

Cela signifie que les communications interplanétaires sont passées du stade de la possibilité à celui de la probabilité. En fait, il ne fait aucun doute que nous puissions produire un effet précis sur une de ces planètes avec cette nouvelle méthode, c’est-à-dire en perturbant les conditions électriques de la Terre. Ce moyen pour effectuer de telles communications est toutefois fondamentalement différent de tous les autres qui ont déjà été avancés par les scientifiques.

Dans tous les cas antérieurs, l’observateur ne pouvait utiliser dans son instrument qu’une infime partie de toute l’énergie qui arrive sur la planète, c’est-à-dire la quantité qu’il est possible de concentrer dans un réflecteur. Toutefois, grâce à la méthode que j’ai développée, il pourra concentrer dans son instrument la majeure partie de toute l’énergie transmise à la planète et les chances de pouvoir établir une communication seront alors multipliée des millions de fois.

En plus des machines pour produire les vibrations de la puissance voulue, nous avons besoin de moyens sensibles, capables de révéler les effets des faibles influences exercées au-dessus de la Terre. C’est dans ce but que j’ai inventé de nouvelles méthodes. Elles vont, entre autres, nous permettre de détecter la présence d’un iceberg ou d’un autre objet sur la mer à une distance considérable.

Elles m’ont également permis de découvrir un phénomène terrestre jusque là inexpliqué. Il est certain que nous pouvons envoyer un message vers une planète et il est probable que nous obtenions une réponse, car l’homme n’est pas la seule créature dans l’Infini, possédant un cerveau.

La transmission sans fil de l’électricité à toutes distances entre dans le domaine de la faisabilité – Les meilleurs moyens pour accroître la force d’accélération de la masse humaine.

L’observation la plus importante que j’ai faite au cours de mes recherches, était celle du comportement extraordinaire de l’atmosphère relatif aux impulsions électriques de force électromotrice excessive.

Les expériences montrèrent que l’air à la pression ordinaire devenait nettement conducteur, ce qui permettait d’envisager le projet séduisant de pouvoir envoyer, sans fil et à de grandes distances, de grosses quantités d’électricité à des fins industrielles ; un rêve scientifique allait donc se réaliser.

D’autres études révélèrent le fait important que la conductivité de l’air, obtenue par ces impulsions électriques de plusieurs millions de volts, augmentait très vite à mesure que l’air se raréfiait, ce qui veut dire que les couches d’air aux altitudes modérées, donc facilement accessibles, sont une région parfaitement conductrice – surpassant le cuivre – pour toutes sortes d’expérimentations avec des courants de ce type.

La découverte de ces nouvelles propriétés de l’atmosphère permettait non seulement d’envisager la transmission de grandes quantités d’énergie sans fil, mais aussi, et c’est encore plus important, elle donnait la certitude que l’énergie pouvait être transmise de cette manière plus économiquement. Avec ce nouveau système, il importe peu – voire pas du tout – que la transmission se fasse sur quelques kilomètres ou sur plusieurs milliers de kilomètres.

Jusqu’ici, je n’ai pas encore effectué de transmission d’une quantité considérable d’énergie, – soit significative d’un point de vue industriel – à une distance éloignée avec cette nouvelle méthode, cependant, j’ai fait fonctionner plusieurs maquettes de centrales dans, précisément, les mêmes conditions que celles qui existent dans une grande centrale de ce type, et la faisabilité du système est parfaitement prouvée.

En fin de compte, les expériences ont montré qu’avec deux terminaux placés à pas plus de 9000 à 10 600 mètres d’altitude, ayant une tension électrique entre 15 et 20 millions de volts, il est possible d’envoyer des milliers de CV d’énergie à des centaines et, au besoin, à des milliers de kilomètres. Toutefois, j’espère pouvoir réduire considérablement la hauteur des terminaux qui est aujourd’hui indispensable et, pour ce faire, j’ai un plan qui est très prometteur.

Il existe évidemment un préjudice pour la population si l’on utilise une tension électrique de millions de volts, car des étincelles pourraient voler jusqu’à des centaines de mètres, mais, paradoxalement, le système, tel que je l’ai décrit dans une de mes publications techniques, est beaucoup moins dangereux pour la population que la plupart des circuits de distribution courants utilisés dans nos villes.

Cela est en partie confirmé par le fait que je n’ai jamais été blessé et aucun de mes assistants non plus, bien que je mène ce type d’expériences depuis plusieurs années.

Avant de procéder à une introduction pratique du système, il est nécessaire de répondre à un certain nombre d’exigences essentielles. Il ne suffit pas de construire des dispositifs capables d’effectuer ces transmissions. Les machines doivent être telles que la transformation et la transmission de l’énergie puissent se faire dans des conditions très économiques et pratiques. En outre, il faut encourager les personnes qui s’engagent dans l’exploitation industrielle des sources d’énergie naturelles, comme l’énergie hydraulique, en leur garantissant un bénéfice sur le capital qu’ils investissent, plus grand que celui qu’ils toucheraient en le plaçant dans l’immobilier local.

À partir du moment où l’on s’est aperçu que, contrairement aux idées reçues, les couches facilement accessibles de l’atmosphère pouvaient être conductrices d’électricité, la transmission d’électricité sans fil a commencé à être étudiée rationnellement par les ingénieurs ; les travaux dans ce domaine ont, pour eux, une importance capitale.

Sa mise en pratique signifierait que l’énergie sera disponible pour l’homme en tout point du globe, non en petites quantités comme celles que l’on pourrait extraire du milieu environnant avec les dispositifs adéquats, mais en quantités quasi illimitées, à partir des chutes d’eau.

L’exportation de l’énergie pourrait alors devenir la principale source de revenus de nombreux pays bien situés comme les États-Unis, le Canada, l’Amérique centrale et du Sud, la Suisse et la Suède. Les gens pourraient aller habiter n’importe où, fertiliser et irriguer la terre sans difficultés, convertir des déserts stériles en jardins, et tout le globe pourrait ainsi être transformé et devenir un lieu plus adapté à l’humanité.

S’il existe des créatures intelligentes sur Mars, il est fort probable qu’elles ont mis cette idée en pratique depuis longtemps, ce qui pourrait expliquer les changements à la surface de la planète que les astronomes ont relevés. Comme l’atmosphère de cette planète est de densité nettement inférieure à la nôtre, les travaux sont bien plus faciles.

Il est probable que nous aurons bientôt un moteur thermique automatique susceptible de tirer des quantités d’énergie modérées du milieu environnant. Et la possibilité existe – quoique faible – que nous puissions obtenir de l’énergie électrique directement du soleil.

Ce serait le cas si la théorie de Maxwell était exacte et selon laquelle des vibrations électriques de toutes les fréquences seraient émises par le soleil. Je n’ai pas terminé mes investigations à ce sujet. Sir William Crookes a démontré avec sa belle invention, connue sous le nom de « radiomètre », que l’impact des rayons produirait un effet mécanique, et cela pourrait conduire à quelques révélations importantes quant à l’utilisation des rayons solaires par de nouveaux moyens.

On est susceptible de découvrir de nouvelles sources d’énergie et de nouvelles techniques pour puiser l’énergie solaire, mais aucune d’elles, ni aucun développement similaire, n’auraient autant d’importance que la transmission d’énergie à toutes distances à travers le milieu.

Je n’arrive pas à imaginer une autre avancée technique capable de réunir les éléments variés de l’humanité de manière plus efficace que celle-ci, ou quelque chose qui apporterait plus à l’énergie humaine ou qui pourrait faire qu’elle soit mieux employée.

Ce serait le meilleur moyen d’augmenter la force d’accélération de l’humanité.

La seule influence morale d’un changement aussi radical serait inestimable. Néanmoins, si en tout point du globe il devient possible de puiser de l’énergie en quantités limitées dans le milieu environnant avec un moteur thermique automatique ou autre, les conditions ne changeront pas. Les performances humaines seront amplifiées, mais les hommes resteront des étrangers les uns pour les autres, comme aujourd’hui.

Je m’attends à ce que beaucoup de gens qui n’auront pas été préparés à concevoir ces possibilités, pensent qu’elles sont loin de pouvoir être mises en pratique, bien que, pour moi, ce soit simple et évident, parce que cela fait longtemps qu’elles me sont familières. La réserve, voire le rejet, de certains est aussi utile et nécessaire pour le progrès humain que la sensibilisation trop rapide ou l’enthousiasme d’autres.

Une masse qui se montre d’abord résistante à une force, une fois mise en mouvement, contribue à accroître son énergie.

Le scientifique ne cherche pas à obtenir un résultat immédiat. Il ne s’attend pas à ce que ses idées avancées soient acceptées facilement. Son travail est comparable à celui du jardinier : il œuvre pour l’avenir.

Sa mission est de poser les fondations pour ceux qui lui succèderont et de montrer la voie. Il vit, il travaille et il espère, comme ce poète qui a dit :

Schaff’, das Tagwerk meiner Hände,
Hohes Glück, dass ich’s vollende !
Lass, o lass mich nicht ermatten !
Nein, es sind nicht leere Träume :
Jetzt nur Stangen, diese Bäume
Geben einst noch Frucht und Schatten !

Mes mains, sans relâche, font leur travail quotidien,
Pouvoir l’accomplir, quel grand bonheur que le mien !
Oh, pourvu que jamais mon énergie ne sombre !
Non, ce ne sont pas seulement des rêves creux :
Si aujourd’hui ces arbres ne sont que des pieux,
Ils donneront un jour des fruits et de l’ombre !

« Espoir » de Goethe


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ELISHEAN 777 Communauté pour un Nouveau Monde

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