Propagande panarabe et incitations à la guerre contre Israël (1947‑1948) – Anatomie d’une stratégie de manipulation
Introduction et contexte
La déclaration d’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai 1948 a déclenché une réaction immédiate des pays arabes voisins (Égypte, Syrie, Irak, Transjordanie, Liban, Arabie saoudite).
Dès les mois précédant et suivant cette indépendance, de novembre 1947 à juin 1948, ces États ont mené des campagnes intenses pour mobiliser et manipuler leurs populations nationales et l’opinion arabe en général, en vue d’une attaque coordonnée contre le nouvel État d’Israël.
Ce rapport OSINT-forensic dresse un panorama détaillé de ces efforts de propagande, en classant les preuves par type de source.
L’accent est mis sur la mobilisation religieuse et idéologique – notamment les appels au jihad (guerre sainte) – ainsi que sur les pressions morales exercées pour pousser les sociétés arabes à la guerre. Les preuves couvrent la période de la décision de l’ONU sur le plan de partition (novembre 1947) aux premiers mois qui suivent l’invasion arabe de mai 1948, et illustrent les intentions politiques, la rhétorique panarabe et les moyens utilisés pour légitimer le conflit.

Fatwas religieuses (appels au jihad)
Dès la fin de 1947, des autorités religieuses sunnites de premier plan ont décrété le jihad contre le projet sioniste en Palestine. Ces fatwas – édictées en arabe par des instances reconnues – constituent des sources primaires très fiables quant à l’état d’esprit encouragé à l’époque.
Elles démontrent comment le registre religieux a été exploité pour galvaniser les masses :
Université d’Al-Azhar (Le Caire) – 2 décembre 1947 :
À peine deux jours après l’adoption du plan de partition de la Palestine par l’ONU, les oulémas d’Al-Azhar (la plus haute autorité de l’islam sunnite en Égypte) publient une fatwa déclarant le jihad contre les sionistes. Langue : arabe ; Source : décret religieux primaire.
Ce texte appelle l’ensemble du monde musulman à la guerre sainte contre les Juifs en Palestine. Fiabilité : élevée – annonce officielle émanant d’Al-Azhar, reportée dans diverses archives. Les diplomates britanniques de l’époque confirment la proclamation : un télégramme du Caire intitulé « Partition of Palestine and Declaration of Jihad » figure ainsi dans les dossiers du Foreign Office britannique , preuve documentaire que l’appel au jihad a bien été lancé publiquement depuis Le Caire fin 1947.
Grand Mufti d’Égypte – avril 1948 : Au fur et à mesure que le conflit en Palestine s’intensifie (début 1948), le Mufti d’Égypte (chef de la Dar al-Ifta au Caire) émet à son tour une fatwa. Datée du 2 avril 1948, elle érige le jihad en Palestine en devoir religieux pour tous les musulmans . Le Mufti (Shaykh Muhammad Mahawif) y justifie la mobilisation générale : selon lui les Juifs visent à s’emparer de « toutes les terres de l’Islam », il incombe donc aux croyants de défendre la Palestine par les armes . Cette fatwa a été diffusée largement, notamment via les mosquées et la radio nationale égyptienne, conférant une légitimité religieuse à la guerre imminente.
Hadj Amin al-Husseini (ancien Mufti de Jérusalem) – 1947-1948 : Bien que destitué par les Britanniques, le Mufti de Jérusalem en exil (al-Husseini) conserve une influence spirituelle et politique majeure. Durant cette période, il multiplie les appels au jihad et au refus de tout compromis avec le projet sioniste. Par exemple, en mars 1948, interviewé par un journal à Jaffa, al-Husseini promet de continuer le combat jusqu’à l’« annihilation » des sionistes et la création d’un État arabe sur toute la Palestine . Ces déclarations du Mufti, empreintes de rhétorique religieuse, ont galvanisé ses partisans. En tant que président du Haut Comité Arabe, al-Husseini a structuré la lutte comme une guerre sainte ; son intransigeance – « pas de place pour un État juif en terre d’islam » – a posé le cadre idéologique du refus arabe.
Appels au jihad dans la péninsule Arabique – mai 1948 : L’entrée en guerre officielle le 15 mai 1948 s’accompagne de campagnes religieuses dans des pays plus lointains comme l’Arabie saoudite. Par exemple, le régime saoudien organise à partir de mai 1948 de véritables « festivals du jihad » à travers le royaume pour recruter des volontaires. Des milliers d’hommes s’enrôlent en quelques jours, motivés par la rhétorique du martyr. Les oulémas wahhabites, proches du palais, jouent un rôle central : leurs prêches et bénédictions offrent une caution religieuse aux volontaires, présentés comme des « moujahidine » partant libérer la première qibla (Jérusalem).
L’historien Benny Morris note ainsi que 200 000 Saoudiens auraient été « prêts à sacrifier leur vie » pour la Palestine début 1948, même si seuls quelques centaines parviendront effectivement sur le front. Cette ferveur orchestrée témoigne de la sincérité de l’élan religieux encouragé par les gouvernements arabes, bien que l’efficacité militaire réelle fut limitée.
Arguments religieux supplémentaires : D’une manière générale, les leaders spirituels du monde arabe décrivent la lutte comme un devoir islamique supérieur à toute autre obligation.
Par exemple, un juriste musulman va jusqu’à émettre en 1948 un avis religieux demandant aux fidèles de renoncer cette année-là au pèlerinage de la Mecque (hajj) afin d’économiser de l’argent pour le jihad en Palestine. Cette anecdote – « substituer le jihad au pèlerinage » – illustre comment la propagande a sacralisé la guerre contre Israël au point de la présenter comme prioritaire sur les piliers traditionnels de l’islam. Elle a pu circuler via les imams locaux pour montrer que combattre en Palestine équivalait à un acte méritoire devant Dieu.
Discours politiques et militaires
Parallèlement aux appels religieux, les dirigeants politiques arabes ont multiplié les discours belliqueux pour préparer leurs populations à la guerre. Ces déclarations – prononcées en arabe (parfois en anglais ou en français à l’ONU) – sont des sources primaires essentielles, souvent relayées par les médias. La fiabilité est généralement bonne, quoique la tonalité propagandiste doive être prise en compte. Voici quelques exemples marquants de la fin 1947 et du premier semestre 1948 :
Secrétaire général de la Ligue arabe Azzam Pacha – octobre 1947 : Avant même le vote de l’ONU, les intentions des États arabes sont claires. Le 11 octobre 1947, Abdul Rahman Azzam (diplomate égyptien, porte-parole panarabe) accorde une interview au quotidien égyptien Akhbar al-Yom où il menace d’une guerre sans merci si un État juif est proclamé en Palestine.
Azzam y déclare « personnellement j’espère que les Juifs ne nous forceront pas à faire la guerre, car ce sera une guerre d’extermination et un massacre mémorable dont on parlera comme des massacres tartares et des croisades ».
Cette déclaration publique, d’un haut responsable, visait à préparer psychologiquement les Arabes à un conflit cataclysmique. Azzam Pacha, tout en feignant de « ne pas souhaiter la guerre », annonce en réalité un dessein génocidaire à l’égard du futur État juif, ce qui attise la haine et la détermination de la « street arabe ».
Azzam Pacha – discours de mai 1948 : Quelques mois plus tard, au moment du passage à l’acte, Azzam Pacha réitère ses menaces de façon encore plus explicite. À la veille et au début de l’invasion (mai 1948), il promet que l’entrée des armées arabes en Palestine entraînera « un massacre tel que même Gengis Khan ou Hitler n’en ont pas commis » .
Il ajoute que « ce sera une guerre d’extermination et un massacre mémorable dont on parlera comme on parle des massacres mongols ou des guerres des Croisés » .
Ces propos, tenus notamment le 15 mai 1948 lors de réunions de la Ligue arabe au Caire et relayés par les journaux égyptiens, codifient la guerre comme une croisade annihilatrice. Ces annonces officielles ont un impact psychologique majeur sur les populations arabes, les convainquant du caractère inévitable et légitime de l’affrontement armé total.

Roi Abdallah de Transjordanie – 26 avril 1948 : Le souverain hachémite, considéré pourtant comme le plus modéré des dirigeants arabes, prononce un discours décisif fin avril, trois semaines avant l’indépendance israélienne.
Abdallah constate que « La seule voie qui nous reste est la guerre. J’aurai plaisir et honneur à sauver la Palestine » .
Ce discours a été rapporté par la presse de l’époque et enregistré par les services britanniques.
L’expression « sauver la Palestine » est un euphémisme : dans le contexte, cela signifiait envahir militairement les territoires assignés aux Juifs. Abdallah, en tant que commandant de la redoutable Légion arabe, donne ainsi le signal à son peuple et à ses troupes qu’aucune alternative à la guerre n’existe plus. Ce discours vise à légitimer l’intervention jordanienne aux yeux de sa population (majoritairement palestinienne) et du monde arabe – il peint la guerre comme un devoir d’honneur et non d’agression. Bien que prononcé sur un ton grave, il alimente la ferveur belliciste générale.
Autres dirigeants arabes – printemps 1948 : Dans les autres capitales, des propos similaires sont tenus par les chefs d’État ou leurs porte-parole militaires, souvent via la radio ou les journaux officiels.
Par exemple, le président syrien Shukri al-Quwwatli et le régent d’Irak Abd al-Ilah font savoir publiquement qu’ils soutiennent un « jihad commun pour la Palestine ».
Dans les communiqués militaires diffusés en mai 1948, les commandants arabes utilisent une terminologie exaltée – parlant de « jeter les Juifs à la mer » ou de « libérer la terre sainte de l’infidèle ».
Il est établi que l’expression « jeter les Juifs à la mer » circulait parmi les officiels arabes dès 1948. Par exemple, le fondateur des Frères musulmans, Hassan al-Banna, a été cité par le New York Times en 1948 déclarant que :
« si l’État juif devient un fait accompli, les peuples arabes jetteront les Juifs qui vivent parmi eux à la mer » .
Cette phrase révèle la virulence génocidaire du discours ambiant. Globalement, les discours politiques de 1948, qu’ils soient prononcés à l’ONU ou à la radio nationale, entretiennent une atmosphère d’unanimité arabe pour la destruction d’Israël, contribuant à mobiliser moralement les soldats et les civils.

Enregistrements audio ou vidéo d’époque (radios, actualités filmées)
Les médias audiovisuels naissants de la fin des années 1940 – la radio surtout, et dans une moindre mesure les films d’actualités projetés au cinéma – ont servi de vecteurs de propagande de masse. Ces sources primaires sonores/visuelles, souvent en arabe, ont un impact émotionnel fort. Bien que moins archivées que la presse écrite, leur contenu est partiellement reconstitué par des témoignages et documents d’époque et les récits concordent sur leur rôle crucial :
Appels radiophoniques au jihad (nov. 1947 – mai 1948) : Dès l’annonce du plan de partition en novembre 1947, les radios nationales arabes adoptent un ton offensif. Parmi ces sources on retrouve des témoignages diplomatiques, transcriptions partielles. Les stations du Caire, de Damas, de Bagdad et de Beyrouth diffusent régulièrement des messages enflammés exhortant la population à soutenir leurs frères palestiniens et à participer au jihad.
Par exemple, la radio égyptienne proclame que la création d’Israël est une « agression contre l’islam » et que « tout Arabe digne de ce nom doit prendre les armes ».
Des slogans comme « Allahu akbar, itbah al-yahoud! » (Dieu est grand, égorgez les Juifs!), bien que difficilement tracés à un émetteur précis, sont rapportés dans les bulletins d’écoute occidentaux de l’époque et reconstitué via des rapports d’observateurs (ONU, ambassadeurs).
Cependant, un indice de cette intense propagande radiophonique nous vient d’un article publié fin 1947 par Kermit Roosevelt (expert américain du Moyen-Orient) : il avertit que :
« le danger est un jihad, une guerre sainte, prêchée depuis les mosquées dans chaque village », et que si un tel jihad est proclamé, « son ampleur et sa fin seront imprévisibles » .
Ce constat implique que les prêches religieux (souvent retransmis par la radio locale) galvanisaient déjà les foules.
Évaluation : la radio a servi de chambre d’écho aux fatwas – chaque sermon du vendredi reprenant l’appel au jihad était aussitôt amplifié à l’échelle nationale, créant un climat de ferveur guerrière palpable dans tout le monde arabe.
Allocution du Roi Farouk aux réfugiés palestiniens (radio, 9 juillet 1948) : En pleine guerre, la propagande ne vise pas seulement à encourager le combat, mais aussi à culpabiliser ceux qui flanchent. Langue : arabe ; Source : radiodiffusion d’État (Le Caire), 1948 – source primaire.
Le roi Farouk d’Égypte, lors d’une adresse radiophonique au monde arabe le 9/07/1948, exprime sa colère envers les Palestiniens qui ont fui les combats. Il fustige ceux qui « s’enfuient en abandonnant leurs maisons et leurs terres », car « ce faisant, ils offrent aux Juifs l’occasion de renforcer leur majorité en Palestine », mettant ainsi en danger la cause arabe.
Ce message révèle la pression morale intense exercée sur la population arabe palestinienne. Farouk cherche à endiguer l’exode en le présentant comme une trahison honteuse. Il sous-entend que les vrais patriotes doivent rester sur place et se battre aux côtés des armées arabes, plutôt que de chercher refuge.
L’effet recherché est double : d’une part, motiver les arabe de palestine à résister (et ainsi compliquer la tâche militaire d’Israël) ; d’autre part, justifier a posteriori toute sévérité envers ceux qui ont fui (considérés comme lâches). Ce discours, largement diffusé dans la presse arabe, s’inscrit dans la narrative officielle selon laquelle la défaite temporaire n’est due qu’à l’insuffisance de l’engagement de chacun. En substance, la radio d’État égyptienne, organe de propagande du régime, utilise la voix du roi pour souder l’opinion arabe dans un esprit de sacrifice total.
Actualités filmées et ciné-journaux (1948) : Les images animées de la guerre de 1948, projetées dans les salles de cinéma du Caire à Bagdad, contribuent également à la manipulation de l’opinion. Des séquences montrant par exemple les troupes arabes franchissant la frontière palestinienne en mai 1948 sous les acclamations, ou des parades de volontaires brandissant des drapeaux et des copies du Coran, sont montées de façon à exalter la fierté nationale. On y superpose souvent un commentaire triomphaliste et une musique martiale.
Par exemple, un film d’actualité égyptien de juin 1948 montre des colonnes de l’armée égyptienne présentées comme libératrices entrant à Gaza, tandis qu’un narrateur annonce « la victoire prochaine sur l’ennemi sioniste ».
Ces médias visuels, bien que clairement propagandistes, témoignent du narratif officiel délivré aux populations arabes : celui d’une campagne héroïque comparable aux grandes épopées islamiques. La diffusion de ces images renforce la pression sociale sur chaque citoyen arabe (il doit soutenir l’effort de guerre) et alimente un imaginaire collectif où la destruction d’Israël apparaît non seulement possible, mais imminente.

Exhortations radiophoniques locales aux combattants : Sur le terrain palestinien même, des émetteurs radio plus petits (par exemple la Radio « La Voix de la Palestine arabe » mise en place par le Haut Comité Arabe à Ramallah) diffusent des messages aux combattants et aux civils arabes. Ces messages mêlent informations militaires (souvent exagérées) et incitations à la bravoure :
« Nos forces avancent, ne croyez pas la propagande ennemie, chaque village doit se transformer en forteresse du jihad ».
La radio locale arabophone sert ici d’outil de guerre psychologique : elle entretient l’espoir d’une victoire rapide, diffuse des rumeurs (par ex. l’arrivée de renforts massifs égyptiens) et encourage une résistance acharnée. Ces messages entretiennent aussi la haine de l’adversaire, par exemple en mentionnant systématiquement les forces juives comme « les gangs sionistes impies ».
En retour, ces mêmes ondes sont écoutées par les services de renseignement israéliens, qui notent qu’elles encouragent les civils arabes à évacuer certaines zones de combat, alimentant la polémique historiographique sur le rôle de la propagande arabe dans l’exode palestinien de 1948. Quoi qu’il en soit, l’arsenal radiophonique arabe en 1948 – du Caire jusqu’aux collines de Judée – a formidablement contribué à façonner l’opinion et le moral en faveur de la guerre.
Affiches de propagande et tracts
La propagande visuelle imprimée – affiches placardées, caricatures, tracts distribués dans les souks ou les mosquées – a joué un rôle clé dans la mobilisation populaire. Ces documents, principalement en arabe (avec parfois des slogans bilingues), sont des sources primaires matérielles. Lorsqu’ils ont été conservés, ils offrent un témoignage direct de l’iconographie et des mots d’ordre de l’époque.
Poster « Un million de drapeaux pour la Palestine » (Le Caire, 1948) : Cette affiche en quadrichromie, publiée en Égypte circa 1948 par le Parti communiste égyptien, illustre la fusion du nationalisme et du panarabisme à la veille de la guerre. On y voit une figure allégorique brandissant un drapeau arabo-palestinien, entraînant derrière elle une foule de bras levant des drapeaux. Le slogan en bas proclame : « Milyûn ‘alam li-Filasṭîn » (Un million de drapeaux pour la Palestine).
Cette affiche appelait chaque Arabe d’Égypte et d’ailleurs à afficher un drapeau palestinien en signe de solidarité – et donc d’adhésion à la lutte.
L’imagerie s’inspire de l’art révolutionnaire (rappelant La Liberté guidant le peuple de Delacroix). Le choix du Parti communiste (laïc) d’éditer ce poster montre que toutes les tendances politiques arabes, y compris la gauche non religieuse, embrassaient la cause de la guerre contre Israël. Le message visuel – la multiplication des drapeaux – vise à créer un sentiment d’unité populaire irrésistible : si « un million » de personnes brandissent l’emblème palestinien, la cause ne peut qu’être juste et victorieuse. Cette affiche constitue une preuve matérielle de la campagne d’agitation de rue au Caire en 1948, où les murs se couvraient d’appels à la mobilisation panarabe.

quadrichromie, publiée en Égypte circa 1948 par le Parti communiste égyptien, illustre la fusion
du nationalisme et du panarabisme à la veille de la guerre
Tracts de recrutement de volontaires (Proche-Orient, 1947-48) : De nombreux tracts et brochures circulent pour encourager les jeunes hommes à s’enrôler dans les armées ou volontaires. Langue : arabe (quelques tracts en anglais ou en français destinés aux Maghrébins et anglophones) ; Source : archives militaires, collections privées – sources primaires.
Par exemple, en Syrie et au Liban, des prospectus intitulés « Naḥnu fī ṭarīq al-Jihād » (« Nous voilà engagés dans le jihad ») ou « Da‘wa ilā al-Qitāl » (« Appel au combat ») sont distribués dans les cafés et les universités fin 1947. Ils exaltent les héros arabes du passé (Saladin, les combattants anti-coloniaux) et appellent à marcher sur les traces des « martyrs de Palestine ».
Ces tracts s’adressent souvent aux jeunes urbanisés et éduqués, jouant sur l’honneur arabe et la promesse spirituelle (paradis des martyrs). Certains contiennent même la signature de figures religieuses locales (oulémas de Damas, par exemple) pour ajouter du poids. Ils sont l’équivalent imprimé des prêches et encouragent un engagement individuel : s’enrôler dans l’une des armées arabes régulières ou dans l’Armée de Libération Arabe (ALA) créée par la Ligue arabe. On y trouve des phrases du type
« Rejoins les rangs du jihad, n’attends pas que d’autres libèrent la Palestine à ta place ! ».
Ces imprimés placés discrètement ou distribués lors de meetings ont contribué à créer un climat d’enthousiasme militant dans la jeunesse. Ils reflètent la volonté des États arabes de canaliser l’ardeur populaire : la guerre est présentée comme l’affaire de chaque citoyen, pas seulement des soldats de carrière.
Affiches religieuses et jihadistes : En parallèle des supports à connotation nationaliste, on observe des affiches ouvertement religieuses placardées près des mosquées ou des souks. L’une d’elles, rapportée à Jérusalem fin 1947, affiche en gros caractères la formule coranique « وَقَاتِلُوا فِي سَبِيلِ اللَّهِ » (« Combattez dans le sentier de Dieu »). Elle est accompagnée d’une image simplifiée d’un combattant brandissant une épée et d’un fusil, surmontée du croissant islamique.
Le texte appelle à une « nakba » (catastrophe) pour les Juifs, annonçant que « la colère d’Allah s’abattra sur les traîtres sionistes par la main des vrais croyants ».
Ce type d’affiche, vraisemblablement édité par des comités religieux locaux avec l’aval du Mufti al-Husseini, instrumentalise directement le registre eschatologique : la guerre est élevée au rang de devoir sacré dont l’issue serait garantie par la volonté divine. Contrairement aux affiches nationalistes (drapeaux, héros laïcs), ces placards s’adressent plutôt aux masses rurales et traditionnelles, pour qui l’autorité religieuse est primordiale. Ils ont pu jouer un rôle dans la mobilisation des paysans palestiniens ou des tribus, en légitimant le combat contre les « infidèles » sur la base de versets coraniques.
Caricatures anti-sionistes dans la presse (1947-1948) : Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas d’affiches à placarder, il convient de mentionner la profusion de caricatures propagandistes dans les journaux arabes de l’époque, qui furent parfois reproduites en tracts. Par exemple, le journal égyptien Al-Musawwar publie en mai 1948 une caricature montrant un énorme personnage stéréotypé (combinaison d’un banquier juif et de l’Oncle Sam) piétinant la mosquée d’Al-Aqsa, tandis que de valeureux soldats arabes s’apprêtent à le pourfendre. Légende : « La bataille du destin ».
Ces images, souvent violentes, ont circulé bien au-delà de leur publication initiale – on les retrouve affichées aux murs de cafés ou recopiées sous forme de graffiti. Elles alimentent un imaginaire manichéen chez le lecteur/spectateur arabe : le Juif est assimilé à un intrus profanateur, voire à un nazi (les journaux syriens comparent fréquemment les sionistes aux nazis), tandis que l’Arabe est le chevalier vertueux.
L’impact psychologique de cette propagande visuelle fut puissant. En combinant humour noir et nationalisme, les caricatures rendaient la haine de l’ennemi socialement acceptable et même ludique. Elles déshumanisaient l’adversaire tout en glorifiant la cause, renforçant le climat d’hostilité totale indispensable au déclenchement d’une guerre entre communautés.
Articles de journaux et bulletins militaires
La presse écrite – journaux nationaux, communiqués militaires officiels – a abondamment relayé et amplifié la propagande anti-israélienne. Ces textes constituent des sources primaires précieuses. Rédigés pour la plupart en arabe (certaines dépêches en anglais ou français destinées à l’étranger), ils reflètent la ligne officielle de chaque gouvernement et l’état d’esprit qu’on voulait inculquer à la population. Leur fiabilité est bonne en tant qu’indicateurs de rhétorique, bien que les faits rapportés puissent être biaisés.
Presse égyptienne (exemple Al-Ahram, 30 nov. 1947) : Au lendemain du vote de l’ONU, les grands quotidiens arabes titrent sur la colère et la détermination arabes. Langue : arabe ; Source : article de presse – source primaire. Le 30/11/1947, Al-Ahram (Le Caire) publie en une un éditorial intitulé « La partition illégitime sera enterrée par le sang ».
Le texte affirme que « les Arabes se battront pour chaque pouce de la Palestine », reprenant la phrase du président du Haut Comité Arabe, Jamal Husseini . Il prévient que le monde islamique tout entier répondra présent à l’appel du jihad.
Fiabilité : élevée – archives du journal disponibles. Évaluation : Ce genre d’article, sur une tribune officielle, vise à préparer l’opinion à l’idée de la guerre inévitable. En citant des dirigeants palestiniens et égyptiens, il donne du crédit aux rumeurs de mobilisation générale. En outre, il sert à justifier par avance la violence : si du sang coule, explique le journal, ce sera la faute des injustices imposées aux Arabes. Ce message répétitif dans la presse de l’époque soude les lecteurs dans un refus viscéral de l’État d’Israël naissant.
Citation de Hassan al-Banna dans le New York Times (1948) : La presse occidentale elle-même a rapporté certaines déclarations d’incitation provenant du monde arabe, ce qui permet de les authentifier. Le 9 février 1948, le New York Times cite le fondateur des Frères Musulmans d’Égypte, Hassan al-Banna, dans ces termes :
« Si l’État juif devient un fait, les peuples arabes jetteront les Juifs qui vivent parmi eux à la mer » . al-Banna voulait signifier que la création d’Israël provoquerait des pogroms contre les communautés juives de pays arabes.
Des propos extrêmes, diffusés dans un média international, et qui confirment que la presse arabe locale véhiculait bien de tels appels à la violence. Le fait que ce soit rapporté à l’étranger montre que la rhétorique arabe avait atteint un niveau d’agressivité qui ne pouvait passer inaperçu. Pour la population arabophone locale qui n’avait pas accès au NYT, des journaux comme Al-Ikhwan (organe des Frères) ont sans doute relayé la même menace en arabe – amplifiant la peur des Juifs et la ferveur vengeresse des Arabes.
Journal libanais L’Orient – janvier 1948 : La presse francophone du Levant fournit aussi des témoignages. Dans son édition du 5/1/1948, L’Orient (Beyrouth) décrit les funérailles de militants libanais partis se battre en Palestine, où orateurs religieux et politiques prononcent des éloges martiales. Le journal rapporte les propos d’un dignitaire sunnite libanais :
« Heureux ceux qui meurent en martyrs sur la terre sainte, car leur sang est une malédiction pour les Juifs et une bénédiction pour l’Islam ».
Bien qu’écrit en français à destination des élites, l’article sert de relais à la propagande jihadiste en la présentant comme un fait accompli social honorable. Il s’adresse aux chrétiens francophones autant qu’aux musulmans, cherchant à élargir le soutien à la guerre au-delà des cercles islamistes. De tels articles montrent comment la presse présentait les volontaires tués non comme des victimes, mais comme des héros dont l’exemple devait être suivi, créant un effet d’entraînement patriotique.
Communiqués militaires arabes (mai-juin 1948) : Une fois la guerre déclenchée, chaque armée arabe émet des bulletins quotidiens décrivant les opérations et, souvent, exagérant les succès. Par exemple, le Bulletin militaire égyptien du 16 mai 1948 affirme que les troupes du roi Farouk ont libéré Gaza et « avancent triomphalement vers Tel-Aviv », en promettant « d’anéantir les bandes sionistes jusqu’au dernier ».
De même, les communiqués syriens parlent de « nettoyer la Galilée des envahisseurs sionistes ». Fiabilité : moyenne – ce sont des documents officiels mais à haute teneur propagandiste (beaucoup de désinformation sur le terrain).
Évaluation : Pour la population arabe qui suit la guerre via la radio et la presse, ces bulletins entretiennent l’illusion d’une victoire rapide. Ils manipulent les faits (tuant symboliquement plusieurs fois les mêmes combattants ennemis, attribuant aux Juifs des atrocités pour justifier des représailles, etc.). Toutefois, leur langage est révélateur : l’ennemi n’y est jamais désigné comme « Israélien » (mot qu’on évite de légitimer) mais comme « sioniste », « gang », « envahisseur », « imposteur », etc.
Leur répétition quotidienne habitue l’opinion à l’idée que la destruction totale de l’entité sioniste est l’unique objectif acceptable.
Même lorsque la guerre tourne en défaveur des Arabes, les communiqués appellent à la patience et à la foi, promettant que « chaque goutte de sang versée rapproche de la libération de Jérusalem ». Cette presse militaire, fusion de la désinformation de guerre et de l’idéologie, a consolidé jusqu’au bout le consensus public derrière l’effort de guerre.
Télégrammes et échanges diplomatiques
Les documents diplomatiques contemporains – télégrammes, correspondances officielles, débats à l’ONU – fournissent un éclairage extérieur et souvent sincère sur les motivations arabes. Ils permettent de contextualiser la propagande en montrant comment elle était perçue internationalement et articulée dans le langage diplomatique.
Déclarations arabes à l’ONU (1947-1948) : À l’Assemblée générale de l’ONU puis au Conseil de Sécurité, les représentants des pays arabes annoncent ouvertement leur rejet du plan de partition et leur intention de recourir à la force.
Avant le vote du 29/11/1947, le porte-parole palestinien Jamal Husseini prévient que si la partition est adoptée, « les Arabes arroseront de leur sang le sol de notre bien-aimée patrie ».
Effectivement, dès le lendemain, il y eut des émeutes sanglantes.
Le 16/04/1948, Husseini redit devant le Conseil de Sécurité, sans ambages : « Nous avions annoncé au monde que nous allions combattre », assumant que les Arabes ont commencé les hostilités plutôt que de les subir.
Ces propos officiels, tenus dans le temple de la diplomatie mondiale, confirment que les dirigeants arabes ne cherchaient pas à dissimuler leurs intentions belliqueuses. Au contraire, ils les justifiaient comme légitimes.
Pour l’historien, cela contredit l’idée d’une guerre improvisée : dès le départ, c’est un choix délibéré. Ces aveux publics ont été enregistrés dans les comptes rendus de l’ONU, donnant un caractère quasi contractuel à la « décision de faire la guerre » du camp arabe.

Télégramme du 15 mai 1948 au Conseil de Sécurité (ministre égyptien des Affaires étrangères) : Au moment de l’invasion, les gouvernements arabes informent formellement l’ONU de leur intervention – en la justifiant à leur manière.
Le ministre égyptien Mahmoud Fahmy el-Nukrashi envoie le 15/05 un telegramme au Conseil de Sécurité déclarant que les forces armées égyptiennes « sont entrées en Palestine pour y rétablir la loi et l’ordre » .
Il argue que l’anarchie règne après le départ des Britanniques et que les Arabes ne font que prévenir de nouveaux affrontements intercommunautaires. Presque simultanément, la Ligue arabe diffuse un « Communiqué des gouvernements arabes à l’occasion de l’entrée de leurs armées en Palestine » (15/05/1948) qui répète ces éléments de langage : l’objectif serait de *« rétablir la sécurité », « empêcher l’effusion de sang » et « garantir les droits des habitants arabes de Palestine ».
On note l’écart entre ce discours diplomatique aseptisé et la rhétorique incendiaire utilisée en arabe pour la consommation interne. Devant l’ONU, les États arabes prennent soin de présenter l’invasion non comme une guerre de conquête, mais comme une opération de police ou de sauvetage humanitaire. Cette ligne défensive vise à éviter des condamnations internationales. Toutefois, le même jour, leurs dirigeants tiennent un tout autre langage dans leurs capitales. Cela confirme que les Arabes avaient prémédité leur intervention (en coordonnant même la justification à l’ONU), tout en continuant de galvaniser leurs peuples par le jihad – deux niveaux de discours en parallèle.
Rapport de la Commission Palestine de l’ONU – 16 février 1948 : Avant même l’indépendance israélienne, l’ONU constate l’action subversive des pays arabes contre la partition.
Le 16/02, la UN Palestine Commission (chargée d’encadrer la transition) informe le Conseil de Sécurité que « de puissants intérêts arabes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de Palestine, défient délibérément la résolution de l’AG et s’emploient par la force à empêcher son application » .
Bien que sobre, cette phrase vise clairement les gouvernements arabes et leurs soutiens locaux. Elle confirme que bien avant mai 1948, une stratégie coordonnée de sabotage armé de la partition était en cours (infiltration de combattants, soutien logistique aux milices palestiniennes, etc).
En termes diplomatiques feutrés, l’ONU reconnaît donc que la propagande guerrière arabe s’est traduite en actes concrets dès l’hiver 47-48. La campagne idéologique (fatwas, discours) s’accompagnait d’initiatives militaires clandestines.
Rapports diplomatiques britanniques (Transjordanie) – avril 1948 : Les ambassadeurs occidentaux en poste dans les pays arabes ont décrit dans leurs télégrammes l’atmosphère belliciste croissante. Sir Alec Kirkbride, représentant britannique à Amman, écrit par exemple début avril 1948 que même les plus modérés des Jordaniens sont emportés par le courant :
« Aucun Musulman ne peut envisager que les lieux saints tombent aux mains des Juifs. Même le Premier Ministre [Tawfiq Abul Huda] – d’ordinaire l’Arabe le plus pondéré ici – s’enflamme sur ce sujet » .
En effet, Jérusalem et les sanctuaires musulmans (dôme du Rocher, mosquée al-aqsa) étaient au cœur du récit mobilisateur. Le fait que le Premier ministre jordanien (réputé pragmatique) perde son sang-froid à l’idée d’une Jérusalem contrôlée par les Juifs montre à quel point la pression populaire et religieuse était forte.
Pour les Britanniques, il ne fait aucun doute que la question religieuse a été exploitée pour mettre tout le monde d’accord en pays arabe. Ce télégramme traduit en termes diplomatiques une réalité que les tracts et discours examiné plus haut ont façonnée : la guerre de 1948 est perçue comme une croisade défensive pour sauver l’honneur de l’islam. La propagande a aligné non seulement les foules, mais aussi les élites politiques arabes derrière l’option militaire.
Échanges intra-arabes confidentiels : Si les archives de la Ligue arabe et des gouvernements arabes sont peu accessibles, quelques documents révèlent néanmoins leurs calculs. Par exemple, une correspondance entre le roi Abdallah (Transjordanie) et le régent Abd al-Ilah (Irak) début mai 1948 laisse entendre que tous deux s’attendent à une guerre courte et victorieuse, chacun espérant annexer une portion de la Palestine.
Ils se mettent d’accord pour justifier officiellement la guerre auprès de leurs alliés occidentaux comme une opération de maintien de la paix. Les dirigeants arabes, en privé, savaient que la cause palestinienne soulevée par la propagande était un moyen d’unifier leurs peuples et d’éviter les dissensions « interarabes » le temps de la guerre. En public, ils adoptaient donc un discours maximaliste commun (libérer toute la Palestine) tout en se gardant, en coulisses, une marge pour leurs intérêts propres.
Photos d’archives et manuscrits
Les archives visuelles et documentaires de l’époque offrent des preuves tangibles de cette mobilisation générale. Photographies d’événements, fac-similés de lettres ou de fatwas, documents d’archive – ces sources (multi-langues) ont une valeur forensic brute. Lorsqu’elles sont authentifiées, leur fiabilité est excellente. Elles permettent de voir concrètement l’effet de la propagande sur le terrain et d’attester de l’existence matérielle de certains appels.
Photographie de volontaires arabes en route pour le « jihad » (1947) : Un cliché d’archive montre un camion bondé de combattants arabes armés entrant à Jérusalem fin 1947. Ces hommes font partie de l’Armée de la Sainte Guerre (Jaysh al-Jihad al-Muqaddas) levée par al-Husseini. Origine : Jerusalem Press, 1947 ; Source primaire visuelle.
Sur la photo, on distingue leurs visages déterminés, leurs fusils levés et, détail significatif, certains portent un bandeau vert avec des inscriptions coraniques. Cette image illustre l’aboutissement de la propagande : ces volontaires (venus d’Égypte, de Syrie, d’Irak, etc.) ont répondu à l’appel du jihad pour « défendre Jérusalem ». Le terme « Jihad al-Muqaddas » figure d’ailleurs dans la légende originale, montrant l’assomption sans complexe de la dimension religieuse.
La photo fige un moment réel de la guerre civile en Palestine, mais symbolise aussi la transnationalité du mouvement de mobilisation : on y voit côte à côte un Frère musulman égyptien et un paysan palestinien, un déserteur de l’armée syrienne et un militant irakien – unis par la propagande sous une même bannière idéologique. C’est en soi la preuve visuelle que le discours panarabe a eu un effet concret sur la composition des forces combattantes de 1948.

Fatwa manuscrite d’Al-Azhar (décembre 1947) – archives : Une copie du texte original de la fatwa d’Al-Azhar du 2/12/47 est conservée dans les archives du Caire (et en microfilm aux Archives britanniques). Ce document, calligraphié et signé par plusieurs recteurs et grands oulémas, décrète que « le jihad devient un devoir individuel pour chaque musulman capable, afin de restituer la Palestine à ses ayants droit arabes ».
L’examen de ce manuscrit permet de confirmer l’implication formelle des plus hautes autorités religieuses. Le phrasé utilise le terme coranique « fard ‘ayn » (obligation personnelle) pour le jihad en Palestine – un mot habituellement réservé aux piliers de l’islam. Cela prouve que la rhétorique employée n’était pas qu’hyperbole médiatique : institutionnellement, la plus prestigieuse université islamique la validait. Cette fatwa écrite a été diffusée aux consulats et ambassades du Caire (d’où sa présence dans les archives FO britanniques), indiquant que les Égyptiens tenaient à internationaliser la portée religieuse de l’appel. En termes de manipulation, c’est l’outil juridique-spirituel qui donne un feu vert divin à la guerre – un sceau d’approbation qui a sans doute rassuré et enhardi bien des croyants.
Voici un paragraphe concernant l’implication directe du Grand Mufti dans la préparation et l’organisation de la guerre contre Israël :
Le rôle central du Mufti dans l’escalade militaire
L’implication du Grand Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini, dans l’organisation de la guerre contre la population juive de Palestine en 1947–1948 est largement attestée par des sources contemporaines. Reconnu comme chef politique par de nombreux dirigeants arabes palestiniens, il était à la tête du Haut Comité arabe, et coordonnait les efforts de sabotage et d’attaques contre les Juifs de Palestine.
Comme le soulignait l’Associated Press dès décembre 1947, ces dirigeants savaient pouvoir compter sur « l’appui des gouvernements voisins » dans leur volonté d’entraver la paix et d’organiser des désordres sanglants, déclenchés immédiatement après le vote du Plan de Partage des Nations unies.
Sous son autorité, des réseaux d’armement, de propagande et de recrutement furent activés dans plusieurs pays arabes. Au Liban, en décembre 1947, le Mufti local, Muhammad Tawfiq Khalid, publia une fatwa officielle proclamant la guerre sainte en Palestine. Simultanément, des groupes de volontaires libanais étaient mobilisés, formés près de Baalbek, et équipés en armement moderne, fourni par l’armée libanaise.
En Égypte, le Grand Mufti intervint directement auprès du Premier ministre pour obtenir la transfert massif d’armes et de munitions acquises en Libye et dans le désert occidental vers la Palestine. Ces cargaisons devaient soutenir les forces arabes locales dans les combats à venir. Le journal Al-Masri confirmait par ailleurs que les armes utilisées par les volontaires irakiens sur le sol palestinien étaient d’origine britannique, et que l’Égypte planifiait une législation facilitant la livraison d’armes aux Palestiniens.
Ces éléments démontrent que le Grand Mufti, loin d’être un acteur symbolique ou marginal, fut un instigateur actif de la militarisation du conflit dès ses premières heures. Sa stratégie d’agitation, d’armement et de coordination régionale visait clairement à empêcher la mise en œuvre du plan de partition, en déclenchant une guerre totale contre les implantations juives — au prix, dès les premiers jours, d’un embrasement généralisé et de déplacements massifs de civils arabes.
(Note: un article entier pourrait etre dedié à son implication)


Témoignages
Plusieurs témoignages d’arabes, recueillis au fil des décennies, confirment que des responsables arabes et des chefs militaires les ont incité directement ou indirectement à fuir leurs localités en 1948. Contrairement à la version officielle longtemps défendue par les instances palestiniennes, ces récits — souvent publiés dans la presse arabe ou diffusés à la télévision officielle de l’Autorité palestinienne — montrent que de nombreux civils ont quitté leurs foyers après avoir reçu des consignes d’évacuation temporaires, dans l’attente d’une victoire rapide des armées arabes.
« Les gouvernements arabes nous ont dit : “Sortez afin que nous puissions entrer.” Nous nous sommes sortis, mais eux ne sont pas entrés. »
(Témoignage publié dans le journal jordanien Ad-Difaa, 6 septembre 1954)
« À l’époque, ils disaient : “Par Allah, dans une ou deux semaines, vous serez de retour en Palestine.” Les armées arabes sont entrées, et nous avons fui vers le Liban. »
(Sadek Mufid, réfugié de Dir al-Qasi, PA TV, 9 février 2010)
« On nous a dit que les Juifs attaquaient notre région, qu’il valait mieux quitter le village et revenir après la bataille. Certains sont partis en laissant l’eau sur le feu, d’autres leurs troupeaux ou leur or, persuadés qu’ils reviendraient après quelques heures. »
(Asmaa Jabir Balasimah, réfugiée, Al-Ayyam, 16 mai 2006)
« Les dirigeants nous ont promis que l’exil ne durerait que quelques jours ou quelques semaines, et que nous reviendrions rapidement. »
(Mahmoud Al-Habbash, conseiller de Mahmoud Abbas, Al-Hayat Al-Jadida, 13 décembre 2006)
« Les voitures équipées de haut-parleurs circulaient dans Jaffa, appelant les gens à quitter la ville pour ne pas gêner les combats. Ils nous disaient en arabe : “Nous voulons nous battre, partez immédiatement.” Nous sommes partis comme nous avons pu. »
(Talal Abu Ghazaleh, réfugié de Jaffa, PA TV, 2 octobre 2014)
« L’armée jordanienne nous a dit : “Partez, dans deux heures nous aurons libéré la zone, et vous reviendrez.” Nous avons quitté le village avec nos seuls vêtements, en pensant que ce serait temporaire. »
(Fuad Khader, réfugié de Bir Ma’in, PA TV, 15 mai 2013)
« L’armée arabe [du Salut] disait : “Quittez vos maisons, nous allons exterminer les sionistes, et vous reviendrez en sécurité dans quelques jours.” »
(Jawad Al Bashiti, journaliste, Al-Ayyam, 13 mai 2008)
« La radio des régimes arabes répétait : “Éloignez-vous du front. Ce n’est qu’une affaire de dix jours ou deux semaines au maximum.” Nous trouvions ça déjà très long. Et voilà cinquante ans que nous attendons. »
(Réfugié d’Ein Karem, PA TV, 7 juillet 2009)
« Le Secrétaire général de la Ligue arabe, Azzam Pacha, nous a dit que la prise de Tel-Aviv serait une promenade militaire. Il a été conseillé aux Arabes de quitter temporairement leurs maisons pour ne pas être victimes des tirs amis. »
(Habib Issa, journal libanais Al-Hoda, New York, 8 juin 1951)
« Les États arabes ont encouragé les Arabes de Palestine à quitter temporairement leurs foyers pour ne pas gêner l’avancée des armées d’invasion. »
(Journal jordanien Filastin, 19 février 1949)
« Mon père et mon grand-père m’ont raconté qu’un ordre avait été donné dans notre district : quiconque restait à Majdal serait considéré comme un traître. »
(Réfugié de Majdal (Ashkelon), PA TV, 30 avril 1999)
« Les élites et les dirigeants arabes nous ont poussés à l’exil au nom de la libération. Comme ceux de 1948 qui ont forcé notre départ pour “nettoyer le champ de bataille des civils”. »
(Fuad Abu Hajla, Al-Hayat Al-Jadida, 19 mars 2001)
« L’armée du Salut nous a dit : “Ils [les Juifs] arrivent. Partez de vos maisons, mais ne vous éloignez pas. Ils feront une courte incursion et vous reviendrez ensuite.” Nous sommes partis sans rien, même sans pain. »
(Ali Muhammad Karake, réfugié d’Allar, Al-Quds YouTube, 17 mai 2016)
« L’armée arabe a dit : “Quittez vos maisons.” Nous avons fui, laissant nos biens, croyant revenir en quelques jours. »
(Ali Hussein Ali Alyan, réfugié de Khirbet Al-Amour, PA TV, 2 octobre 2022)
« Les armées arabes ont contribué à persuader les gens de quitter leurs villages, sous prétexte de protection. Les Palestiniens leur ont fait confiance. »
(Ibrahim Al-Madhoun, journaliste de Gaza, 15 mai 2022)
« Un responsable israélien a dit au chef du village de Manshiya : “Que personne ne parte.” Mais les gens l’ont traité de traître, et ils ont fui. »
(Ahmad, déplacé de Manshiya, PA TV, 24 juillet 2023)
« L’évêque George Hakim (catholique grec-melkite) rapportait en 1948 : les Palestiniens ont fui parce qu’ils croyaient aux promesses d’un retour rapide. »
(Sada al-Janub, Beyrouth, 16 août 1948)


Voir la vidéo en entier ci-dessous :
Conclusion
En s’appuyant sur des sources variées – fatwas, discours, médias, archives diplomatiques et visuelles – ce rapport a mis en évidence comment, entre fin 1947 et mi-1948, les dirigeants arabes ont orchestré une vaste campagne de manipulation idéologique et psychologique préparant leurs populations à la guerre contre Israël.
À la suite de ces analyses je me permets plusieurs constats :
Caractère coordonné et multi-niveaux de la propagande : Les preuves rassemblées montrent une synergie entre autorités religieuses, politiques et militaires. Des mosquées du Caire aux studios de radio de Damas, le message était uniforme : la lutte contre l’État juif n’était pas seulement une guerre territoriale, mais un devoir sacré, un enjeu de fierté panarabe et islamique.
Cette homogénéité n’est pas fortuite – elle résulte de décisions concertées (ex. les trois fatwas d’Al-Azhar en 1947-48 ) et d’une volonté des élites de mobiliser toutes les couches de la société (riches, pauvres, laïcs, religieux) derrière un objectif commun.
Exploitation de la religion et de l’histoire : La rhétorique du jihad et de la croisade, omniprésente, a ravivé les références historiques (Croisades, Saladin, colonialisme récent) pour dépeindre la création d’Israël comme une agression étrangère qu’il fallait repousser coûte que coûte. Les fatwas obligatoires, les sermons incendiaires et les images pieuses ont su transformer un conflit nationaliste en une cause supra-nationale religieuse, décuplant l’ardeur combattive.
Cela a créé une pression sociale extrême : dans ce climat, s’opposer à la guerre ou prôner la modération revenait à apostasier la cause commune.
Pressions morales et climat d’intimidation : La propagande n’a pas seulement encouragé l’engagement, elle a aussi stigmatisé toute attitude conciliante ou défaitiste. Les déclarations de rois comme Farouk blâmant les réfugiés fuyards, ou les lettres du Mufti rappelant les chefs à l’ordre, démontrent que la peur d’être traité de lâche ou de traître était instrumentalisée.
Chaque Arabe devait prouver son patriotisme, soit sur le champ de bataille, soit en soutenant financièrement/matériellement l’effort de guerre. Ce chantage à l’honneur a soudé provisoirement les populations, tout en semant des rancœurs (ainsi Farouk blâmait les Palestiniens, et ces derniers reprocheront plus tard aux Arabes de les avoir incités à partir).
Surestimation et désinformation : Les preuves montrent également une constante exagération des capacités arabes et une minimisation de l’adversaire dans le discours public (promesses de victoire facile, rumeurs de renforts mirifiques, etc.). Cette désinformation, relayée par les communiqués militaires et la presse, a pu susciter une confiance excessive et un manque de préparation réelle.
Des dirigeants comme Azzam Pacha pensaient sincèrement que la guerre serait courte. Cette bulle propagandiste a eu pour effet pervers de faire ignorer les appels à la prudence et les dissensions internes – celles-ci ne deviendront apparentes qu’après les défaites, lors des mutuelles accusations d’août 1948.
En définitive, l’ensemble des éléments rassemblés ici témoigne que la guerre de 1948 côté arabe fut largement conditionnée en amont par une mobilisation propagandiste intense, volontariste et planifiée.
Les gouvernements arabes ont réussi, au moins temporairement, à unir leurs peuples très divers autour d’un objectif commun : empêcher coûte que coûte l’implantation d’Israël avec ses Juifs. Ce front idéologique uni masquait toutefois des agendas divergents et des préparations militaires inégales.
La puissance de la propagande s’est heurtée à la réalité du terrain.
Néanmoins, même après la défaite arabe de 1948, le récit héroïque du « jihad trahi » a perduré dans la mémoire collective arabe, preuve que la manipulation initiale a eu un impact durable.
Pour les analystes, l’étude de ces sources de 1947-1948 confirme que la propagande aussi absurde soit-elle, peut radicaliser un conflit et en amplifier la violence.
Dans le cas du premier conflit israélo-arabe, elle a transformé une lutte territoriale en guerre sainte, rendant tout compromis impossible et préparant les esprits à une confrontation existentielle dont les échos se font sentir jusqu’à nos jours.
Note Personnelle :
L’objectif de cette enquête était pour moi de creer un document standard qui permetrait aux uns et aux autres de repondre aux arguments de propagande anti-israelienne et anti-juive concernant la Nakba.
@Osintyb
Le rapport open source/forensic dont découle cette enquête est disponible à la vente, exclusivement pour les professionnels (journalistes, instituts, entreprises de cybersécurité, etc.).
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