Secrets révélés

Magouilles et corruption des élites 5 – Recyclage des fachos dans les médias, l’enseignement supérieur et la culture

Nous avons vu comment les élites financières et industrielles ont apprécié la politique d’Hitler, comment l’épuration a été des plus modérées dans les renseignements, l’armée, les milieux bancaires et industriels, ou encore dans la politique et les syndicats. Cela, au nom d’une soi-disant lutte contre le communisme, qui était par contre une vraie guerre idéologique.

Aujourd’hui, nous allons voir comment cela s’est passé dans l’enseignement supérieur, dans les médias et la culture.

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Le monde universitaire

Des universitaires collabos largement protégés

L’épuration dans les milieux universitaires a été très limitée également. Si à la fin 1944, l’intention affichée était bien de sanctionner « les fonctionnaires qui ont eu une activité ou une attitude contraire au devoir national pendant les années où la France souffrait cruellement de l’occupation allemande » [1],ces velléités épuratrices ont rapidement été freinées par la machine administrative où de nombreux collabos s’étaient recyclés.

A Lille, par exemple, c’est Paul Duez, recteur en place sous l’Occupation, qui a été chargé de lancer le processus d’épuration dans son académie. Il n’a quitté ses fonctions qu’en mars 1946. Là aussi, la commission d’épuration a dû travailler sans moyens et dans un temps limité, et les résistants de la dernière heure ont pu présenter diverses attestations permettant de mettre sous le tapis leurs actes de collaboration et leurs tendances nazies ou vichystes. 282 sanctions (généralement des rétrogradations, des mutations ou de simples blâmes) ont été prononcées pour toute l’académie de Lille (5 départements), la plupart du temps pour des propos et actes de propagande vichyste.

La très grande majorité des sanctions liées à des faits de collaboration dans l’Education nationale concernait des personnels du primaire et du secondaire. Dans l’enseignement supérieur il y a eu quelques sanctions liées à l’épuration administrative (150 universitaires environ sur 1500 sanctionnés en 1947), la plupart du temps à la suite de plaintes, mais la plupart du temps les demandes de révision des peines ont été satisfaites. Cela, dans le cadre d’une « politique d’apaisement » et des lois d’amnistie de 1953 notamment.

En termes d’ « épuration », les milieux universitaires français ont aussi connu pas mal de trous dans la raquette, même si la réinsertion des fascistes de tous poils a été relativement discrète.


Il y un cas dévoilé récemment, assez hallucinant : celui de Georges Doriot, financier spécialiste des montages discrets, inventeur du capital-risque après la guerre. « George Doriot a aussi participé à la création d’une prestigieuse école de commerce, l’Insead, et de l’Executive MBA d’HEC« , selon Fabrizio Calvi, interviewé en mai 2014 par Le Monde, »Mais il avait aussi une face cachée inquiétante de George Doriot : il était l’agent de liaison de Vichy dans le milieu bancaire américain, et il a blanchi et fait disparaître l’argent des victimes de l’Holocauste via des montages complexes passant par des paradis fiscaux comme la Suisse ou le Panama. La banque qu’il représentait aux Etats-Unis, la banque Worms « aryanisée » a joué un rôle très important dans la collaboration avec les nazis, et nombre de ses cadres ont eu des postes importants dans le gouvernement de Vichy ». Tiens, encore la banque Worms, derrière l’importateur des MBA (diplomes de mangement) à HEC et derrière la création de l’Insead (« The business school for the world » (sic.))…

Et qui retrouvait-on derrière ces versements anonymisés ? De grands collabos comme Pierre Laval, explique cet article.

En Allemagne, l’épuration a été un peu plus importante [2]. Mais on est loin de la table rase. Un Martin Heidegger, soutien du régime nazi dès 1930, adhérent du NSDAP (le parti nazi) en 1932 et récompensé en devenant recteur de l’Université de Fribourg l’année suivante (il a démissionné en 34), est encore considéré comme un grand philosophe. Il a eu l’interdiction d’enseigner en 1945, et a pu reprendre en 1951.

« Néanmoins si la nécessité de la purge n’est pas remise en cause par les autorités allemandes, le souci de limiter l’épuration se faisait pressant et l’Université était parfois comparée à un grand malade qu’une opération lourde aurait risqué d’achever. Ainsi le recteur de l’université de Heidelberg, Karl Bauer, professeur de chirurgie, écrivit-il aux autorités d’occupation américaines : « La dénazification peut être comparée à une opération lourde sur un organisme déjà considérablement affaibli »« , écrit Corine Defrance dans un essai intitulé « Les Enseignants du supérieur en France et en Allemagne. La question du renouvellement du personnel dans l’après 1945 ».

Du coup, l’épuration en Allemagne a réduit en intensité très rapidement, et « dès la réouverture des universités à l’automne/hiver 1945/46, des enseignants « suspendus » furent réintégrés. Au milieu des années 1950, suite à des lois d’amnistie successives (de décembre 1949 à mai 1955), de nombreux universitaires révoqués retrouvèrent des postes dans les universités allemandes », écrit encore Corine Defrance.

Elle cite le cas assez frappant de Hans Günther, un eugéniste théoricien de la race aryenne de l’université de Fribourg, devenu membre du NSDAP en 1932, qui a été réintégré en 1954 dans une autre université. Et les fachos de la Nouvelle Droite française se repaissent encore aujourd’hui de ses théories.

Les considérations furent visiblement les mêmes en France. Si l’on a assez bien réintégré les universitaires français virés par le régime de Vichy et les nazis, on a aussi très vite réintégré les universitaires sanctionnés. « Pour des raisons politiques (cohésion et réconciliation nationales) et pratiques (effectifs enseignants nécessaires au fonctionnement de l’Université), la réinté­gration des universitaires sanctionnés en 1944/45 commença très tôt en France comme en Allemagne« , écrit Corine Defrance.

Entre 1947 et 1953, une série de lois d’amnistie a permis de réduire fortement le nombre d’ « épurés », et ces lois, ajoute Corine Defrance, « avaient été précédées de nombreuses réintégra­tions entre 1945 et 1947 déjà. À la bienveillance des pouvoirs publics, s’ajouta la profonde évolution de l’opinion publique, résultant tant du contexte national (crainte des grèves insurrectionnelles et de l’influence des communistes) qu’international (guerre froide). En 1953, quatre cinquièmes des révocations affectant l’enseignement supérieur avaient été abrogées« .

Certains chercheurs considèrent donc que l’épuration n’a pratiquement pas entraîné de renouvellement du personnel universitaire. Ce qui explique probablement l’omerta dans les sciences sociales sur toute analyse des rapports de classe, ou en Histoire, sur l’étude de la collaboration économique et politique par exemple. Et pourquoi la psychiatrie reste largement influencée par les « recherches » des nazis.

La lourde influence US sur l’enseignement supérieur

En plus de cette épuration très limitée, les US et les alliés ont mené une stratégie assez offensive pour réinsérer les scientifiques nazis un peu partout dans le monde –y compris en France-, et pour orienter de manière favorable le sens de la recherche dans tous les domaines, principalement les sciences sociales (histoire, géographie, sociologie, économie). Les fondation US faisaient déjà cela au début du XXe siècle.

En effet, de nombreux scientifiques nazis ont été recrutés dans les universités américaines, ou dans des organismes de recherche liés à l’armée comme la NASA. Par exemple Wernher von Braun, qui a développé les fusées V2 pendant la guerre du côté allemand, a été récupéré par la NASA via l’opération Paperclip.

A l’époque, il faut dire que c’était un peu la course entre les Alliés pour mettre la main sur (et même attirer par tous les moyens, disons-le) le maximum de chercheurs allemands, qu’ils aient été nazis ou pas, pour développer le plus rapidement sa propre industrie militaire et limiter le nombre de cerveaux récupérés par les copains.

La France, à la demande de de Gaulle, a donc également participé au mouvement, et récupéré plus d’un millier de scientifiques allemands (dont un paquet de nazis), notamment dans la balistique, la robotique, l’aéronautique.

Et leur savoir a aussi bien profité à la France qu’à l’Allemagne. « Les noms de ces têtes de file sont inconnus du grand public: Jauernick, Müller, Bringer, Habermann pour les fusées (LRBA et SEP); Oestrich pour les moteurs à réaction à la Snecma (voir l’encadré page 130); Sänger pour les engins spéciaux à l’arsenal de Châtillon (aujourd’hui Aerospatiale); Schardin et Schall pour les explosifs à l’institut Saint-Louis (ministère de la Défense). A ces leaders il faut ajouter des apports d’équipes allemandes chevronnées – réparties sur tout le territoire (voir la carte page 124) – dans le domaine des hélicoptères, des sous-marins, des torpilles, des radars, des moteurs de char, des obus, des souffleries aéronautiques« , expliquait un article de Vincent Nouzille dans L’Express le 20 mai 1999.

C’est ainsi qu’à Vernon, un village de l’Eure, une usine Brandt a été aménagée pour accueillir des chercheurs ayant auparavant travaillé au développement des missiles V2 allemands. Ils ont ainsi  contribué au lancement de la fusée Ariane.

Par ailleurs, les US ont utilisé diverses méthodes pour influencer la recherche et l’enseignement universitaires en France. Les financements, via des fondations liées à la CIA, le lobbying, la cooptation, la propagande ont été activement mis en œuvre.

Citons d’abord un programme d’échanges universitaire entre les Etats-Unis et la France, mis en place à la suite des travaux de la commission Fulbright, créée en 1949 dans le cadre de l’accord établissant la « United States Educational Commission for France » et dont le secrétaire général était Gaston Berger [3], à la fois industriel et philosophe, selon la bio officielle.

Elle est devenue Le Centre Education USA, avec pour objectif de favoriser l’arrivée d’étudiants français pour des séjours aux Etats-Unis. Parmi ses partenaires il y a toujours le Département d’Etat US (équivalent du ministère des Affaires étrangères), et Gaston Berger, dont on va reparler ci-dessous, était nommé en 1949 secrétaire général de la commission Fullbright.

Dès 1949, 117 étudiants, 8 enseignants et 14 directeurs de recherches français sont venus Etats-Unis dans le cadre du programme, et dans l’autre sens 248 US sont venus en France. En 10 ans, 5.000 bourses ont été données pour ces échanges universitaires. Des programmes de recherche communs –et orthodoxes- ont ainsi été mis en œuvre, de même que divers « partenariats » avec des « fondations » privées, pour financer lesdits programmes de « recherche ».

De 1945 à 1948, le directeur de l’Enseignement supérieur en France était Pierre Auger, un physicien qui avait passé deux ans à l’Université de Chicago pendant la guerre, où il a participé aux travaux sur la bombe atomique. La fondation Ford a financé allègrement le CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire) créé en 1954 par Auger, devenu ensuite directeur de l’UNESCO pour les sciences naturelles.

En France, Gaston Berger a favorisé la création en 1955 de la VIe section de l’Ecole pratique des Hautes Etudes, par un certain Clemens Heller, prof d’histoire de l’économie (un sujet très sulfureux), et un certain Fernand Braudel, qui est toujours l’historien de référence aujourd’hui sur l’Ancien Régime, avec une approche des études historiques déconnectée des questions sociales. L’Ecole pratique des Hautes Etudes a pris la suite d’une autre école, fondée en 1942 à New York par des universitaires français en exil grâce à l’argent de la fondation Rockefeller [4].

L’objectif de la IVe section « Sciences économiques et administratives » était de remodeler les sciences sociales (histoire, sociologie principalement) et d’éliminer tout résidu de réflexion marxiste, c’est-à-dire toute approche sociale dans ces disciplines. Ladite VIe section était financée par les fondations US, Rockefeller [5] puis Ford.

Comme le résume Serge Benest dans sa thèse sur la VI e Section : « En réévaluant la politique de la fondation Rockefeller en France à la Libération, on constate qu’il n’existe qu’une ambition : développer l’analyse empirique des faits économiques, une ambition dans laquelle la création de la VIe Section s’inscrit parfaitement ». Derrière, l’idée est de développer l’approche non marxiste des sciences sociales, basée sur l’analyse des rapports de classe. Sans notion de lutte des classes dans les études historiques ou sociologiques, difficile en effet de comprendre les mécanismes de domination. L’objectif pour la fondation Rockefeller visait, « en matière d’économie […] à favoriser le développement d’une expertise économique et à renforcer ses liens avec les décideurs, afin de créer les conditions d’un pilotage de la politique économique française ».

Très vite, la Vie Section a aussi développé les liens entre une certaine forme d’expertise économique et le monde du business, avec notamment la création d’un centre d’études financières, soutenu par l’Association professionnelle des banques (APB). Elle a également contribué à la mise en avant du courant des « économistes réalistes ».

En 1948, un quart des fonds de la VI e Section provenait de la fondation Rockefeller, et ont servi principalement à subventionner le Centre de recherches historiques dirigé par l’historien officiel français Fernand Braudel et le Centre d’études économiques. Comme l’écrit Frédéric Charpier dans « La CIA en France », avec la création, le financement et le développement de la Vie Section, « Il s’agit de réorganiser les sciences sociales, mais aussi de déconstruire l’influence de la pensée marxiste, alors très prégnante dans cette branche de la recherche ».

Il faut dire qu’à cette époque, le patronat français ‘nétait pas très rassué, et des grèves massives ont eu lieu en 47 et 48 dans les mines du nord puis du reste de la France, notamment. L’intervention violente et massive des « forces de l’ordre » a été nécessaire pour calmer les grévistes, dont certains seraient même passés à l’insurrection, avec des actions comme le déraillement d’un train près de Tourcoing, attribué par le pouvoir socialiste aux affreux grévistes.

Suite à la création par Gaston Berger et Fernand Braudel d’une Maison des sciences de l’homme grâce à un financement des fondations Ford et Rockefeller[6], en 1975 la VIe section de l’Ecole pratique des Hautes Etudes a pris son envol et est devenue un établissement public sous le nom d’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Depuis, cet institut diffuse une version des faits historiques dont les problématiques sociales sont presque totalement absentes, tandis que la bienveillance à l’égard du capitalisme, de l’impérialisme US et de l’Europe toute-puissante est flagrante. En 1977 François Furet, historien officiel français, a pris la direction de l’EHESS. Quelques années plus trad, Furet a créé la très ultra libérale fondation Saint-Simon.

La Fondation Nationale des Sciences Politiques (Sciences po), créée en 1945 par la nationalisation de l’Ecole libre des Sciences politiques a aussi bénéficié du soutien de la fondation Rockefeller puis de la fondation Ford.

Dès 1945, le directeur de l’Ecole Libre des Sciences Politiques a rencontré un directeur de la fondation pour organiser des échanges au rythme de 50 à 100 étudiants envoyés chaque année aux Etats-Unis pour observer l’American Way of Life et du système démocratique US. Puis, « dans la perspective de former des futurs dirigeants aux nouvelles réalités du monde contemporain« , Seydoux « envisage de créer un enseignement de relations internationales : en octobre, il sollicite la fondation à ce sujet. Un an et demi plus tard, la première subvention Rockefeller est débloquée, et au total, entre 1947 et 1953, la fondation donnera 13 500 dollars à la FNSP.  » [7].

Puis le Centre d’Etudes des Relations Internationales a été créé par la FNSP en 1953 d’abord avec le soutien de la Rockefeller puis avec celui de la Fondation Ford qui commence alors à entrer en jeu, et ses travaux sont publiés dans la « Revue française de science politique ». C’est de là que viendra réellement l’institutionnalisation des recherches en relations internationales, et donc de leur enseignement en France. En 1958-59, 70% de son budget venait des fondations. Mais au bout de 5 ans l’Etat français s’engageait à prendre en charge 100% des coûts, comme il l’avait fait pour d’autres machins d’abord financés par les US…

Aujourd’hui la FNSP, qui siège au conseil d’administration des IEP (institut d’études politiques, ou Sciences po) et chapeaute leur gestion, pilote 9 centres de recherche très orientés : outre le CERI, il y a le Centre d’études européennes de Sciences Po, le Centre d’histoire de sciences po, le Centre de sociologie des organisations qui visait à mettre la sociologie au service de la dictature managériale[8], l’observatoire français des conjonctures économiques, ou encore l’observatoire sociologique du changement. Derrière ces noms abscons, on comprend l’idée de mieux amener les gens, salariés, citoyens, spécialistes, électeurs, à accepter les dogmes et idéologies capitalistes.

Des fonds ont aussi été distribués en 1947 par la Division of humanities de la fondation Rockefeller aux universités de Bordeaux (25.000$), Lyon (25.000$) et Toulouse (18.000$), pour « acheter des ouvrages, à envoyer des professeurs à l’étranger ou encore à accueillir des collègues d’autres pays » [9]. Et puis, il y a tous les anciens boursiers de la fondation, dont beaucoup ont obtenu des postes stratégiques. Par exemple, le professeur de civilisation américaine au Collège de France depuis 1946, Marcel Giraud, a obtenu deux bourses en 1934 et 1936.  On comprend que ces études n’avaient pas pour objectif de se montrer très critiques envers les US.

Après la deuxième guerre, « La fondation Rockefeller va également apporter directement sa pierre à l’édification de la politique scientifique du CNRS et à la montée en puissance des sciences biomédicales au sein de la recherche française », rappelle Ludovic Tournès. Les responsables du CNRS, grâce aux subventions de la Rockefeller et à de l’argent public, finançaient des chercheurs et des laboratoires qu’ils choisissaient à leur guise, ainsi que des colloques.

Créée au début du XXe siècle par John Davison Rockefeller, premier actionnaire d’une entreprise impliquée dans une grève qui s’est achevée par un massacre des grévistes[10], l’objet de la fondation avait été très clair dès 1915 quand Rockefeller a expliqué qu’il voulait que sa structure mène principalement « des recherches de haut niveau dans le secteur des relations industrielles« . Dès 1918, il créé la Laura Spelman Foundation (du nom de sa femme), qui se consacre au financement des sciences économiques et sociales.

La fondation Rockefeller a financé dès les années 20 des facultés, écoles, instituts et universités en Europe dans le domaine des sciences sociales (et en médecine), car « Celle-ci voit dans la création de nouveaux centres de recherches en sciences sociales la possibilité de trouver ‘des moyens et des instruments (…) qui contribueraient à améliorer le contrôle social dans l’intérêt de tous‘ ». C’est d’ailleurs John D Rockefeller qui a inventé l’expression de « philanthropie scientifique » en 1909. L’objectif était d’apporter des solutions globales aux problèmes du monde, rien que cela. Les fondations Carnegie et Rockefeller ont été créées principalement pour financer des travaux et des élites universitaires ou intellectuelles, ainsi que des œuvres « humanitaires »[11] allant dans ce sens[12].

A partir de 1950, la fondation Rockefeller décidait elle-même de quels chercheurs elle finançait, et pour quel projet particulier. C’est aussi en 1950 que John Foster Dulles, frère d’Allen de la CIA, ministre des affaires étrangères et avocat de Wall Street, a été élu à la présidence du conseil d’administration de la fondation.

L’idée derrière cette stratégie était simple, en fait : si on déconnecte complètement les études d’histoire, de sociologie, d’économie, des réalités sociales et de la du concept d’ordre social, on évite que les gens comprennent les mécanismes de domination dont ils sont victimes, et on espère ainsi éviter les insurrections.

Par ailleurs, cette stratégie permet de développer les méthodes d’ingénierie sociale et de contrôle social pour mieux faire accepter les changements et autres régressions sociales en cours. Ce raisonnement peut sembler caricatural, mais c’est bien celui qu’ont tenu depuis longtemps et sans se cacher les fondations Carnegie, Ford, Rockefeller et autres.

Cette démarche « empirique » suppose également qu’il n’y ait qu’une seule réalité sociale, celle que définissent pour nous les gens de chez Rockefeller et compagnie.

« Dès 1943, les membres de la fondation Rockefeller établissent un programme d’action doté de bourses de recherche qui doivent remplir cinq objectifs :

  • Approfondir la compréhension des processus et des problèmes sociaux,
  • Faciliter les actions pratiques sur des points d’importance stratégique,
  • Découvrir et aider le développement des jeunes hommes et femmes aux capacités créatives,
  • Renforcer les institutions d’éducation et de recherche,
  • Accroître l’efficacité des études sociales au service de la société » [13].

Bien évidemment il s’agissait officiellement de disséminer la démocratie, du moins leur notion de la démocratie. C’est donc l’économie qui a été le domaine d’intervention privilégié, même si les reste des sciences sociales n’a pas été négligé. « L’attention principale des membres de la SSD se portait sur les plus jeunes chercheurs, en particulier les économistes, dont ils pouvaient espérer un rôle important dans les années à venir« , écrit Serge Benest[14].

La France a été ciblée prioritairement parce que l’opposition entre les communistes et la droite libérale y était très marquée. Quand il a été question de structurer la recherche en sciences sociales au début des années 50, aussi bien Fernand Braudel (avec son concept de « fédération des sciences sociales ») que Gaston Berger ont garanti aux fondations US que les communistes ou sympathisants trop à gauche seraient écartés de leurs cursus, et ont négocié chacun dans leur coin, aussi bien avec la Ford qu’avec la Rockefeller, pour dessiner les contours de cette transformation.

La fondation Rockefeller a beaucoup influencé le développement de la « science » économique en France après la guerre, notamment en finançant le Service d’Etudes de l’Activité Economique (SEAE) ou l’ISRES (Institut Scientifique de Recherches Economiques et Sociales) de Charles Rist, et dont un fan de l’Europe dénommé Robert Marjolin (proche de Jean Monnet [15] devenu secrétaire de l’OECE chargée de répartir l’argent du plan Marshall) a été l’un des piliers. L’un des protégés de cet institut était Raymond Barre.

L’investissement de la fondation Rockefeller dans les sciences sociales en Europe a fortement baissé au tournant des années 60, la fondation ayant davantage placé ses subventions dans les pays du Tiers-Monde. C’est la fondation Ford[16], elle aussi très impliquée dans le financement des études supérieures en Europe, qui a pris le relais.

Souvent elle a investi dans les mêmes structures et chercheurs que ceux que la Rockefeller venait de lâcher. Elle appartenait après la guerre par le fils d’Henry Ford, et présidée par Paul Hoffmann, un ex administrateur du Plan Marshall qui a développé l’action de la fondation Ford sur le plan international afin de véhiculer des idées capitalistes et atlantistes.

Cela, disait un rapport de la fondation, pour faire progresser la « démocratie » et avancer l’humanité. Son budget était énorme pour l’époque, avec une capitalisation en bourse de 500 millions de dollars en 1951, alors que la fondation Carnegie qui venait juste après ne disposait « que » de 170 millions et la Rockefeller de 122 millions [17]. Elle était alors la plus grosse ONG au monde avec 287 employés.

Ford a aussi ouvert la voie à de nouvelles « études » : celles sur l’unité économique européenne et la « communauté transatlantique », ou encore le commerce et le management d’entreprises. Par exemple, elle a donné 50.000$ sur trois ans à « l’Ecole d’administration des entreprises de L’Institut Catholique de Lille, avec pour objectif principal d’y développer la « méthode des cas » (case method) en vigueur à la Harvard Business school, où les futurs cadres d’entreprises sont formés par l’étude grandeur nature de « cas » exemplaires tirés de l’analyse du fonctionnement des entreprises. L’école lilloise a été créée en 1952 par Stéphane Cambien, ancien élève de la Harvard Business School ; sa première promotion est forte de 40 membres et elle est soutenue par les industriels locaux, mais en 1954, son directeur fait appel à la Ford pour passer à la vitesse supérieure« , précise Ludovic Tournès.

L’Institut Européen d’Administration des Affaires de Fontainebleau (INSEAD, « the business school for the world ») récolte lui 1,27 million de dollars entre 1960 et 1975. Alors que l’INSEAD a été créé en 1959, elle a connu un gros succès auprès des multinationales US qui embauchaient massivement ses diplômés. « Parmi les 400 diplômés sortis entre 1959 et 1965, 60% ont obtenu un emploi de managers en deux ans, et 80% sont employés par des compagnies internationales importantes telles qu’IBM, Air France, Du Pont de Nemours, Nestlé, Philips ou Texas instruments. Et si 50% des diplômés sont engagés par des compagnies américaines opérant en Europe, la plupart d’entre eux les quittent assez rapidement pour intégrer des entreprises européennes, contribuant ainsi à « l’américanisation du management européen » souhaitée par la Ford« , écrit encore Ludovic Tournès.

En 1955, par exemple, la Fondation Ford explique avoir versé 1 million de dollars pour un programme d’échanges mené par la Lafayette Fellowship Foundation, avec comme objectifs de financer de la recherche et d’amener dix étudiants français aux USA pour deux ans d’études, avec des visites du pays au programme, exactement comme l’a fait le micron il y a quelques années. Les étudiants étaient triés sur le volet, en fonction de leur « potentiel de leadership » (c’est-à-dire de leur potentiel à devenir des dirigeants politiques ou de multinationales) et de leurs diplômes, « afin que beaucoup des leaders français de demain comprennent mieux les Etats-Unis, sa population et ses institutions« , dixit le rapport annuel 1955 de la fondation Ford.

Dans le rapport de 1958, la fondation Ford écrit qu’elle a donné 500.000$ sur cinq ans à l’ « Institut de la Communauté européenne pour les études universitaires », tout juste inauguré. « Son conseil comprend des personnalités importantes du mouvement pour l’intégration européenne comme Jean Monnet, Louis Armand, Walter Hallstein, Max Kohnstamm et Robert Marjolin. En plus de renforcer la recherche sur les problèmes et les affaires européennes, le nouvel institut soutiendra les programmes universitaires européens pour former du personnel sur les positions dans le Marché Commun Européen, la Communauté du Charbon et de l’Acier, la Communauté de l’Energie Atomique, et des institutions similaires qui devraient émerger« , est-il même écrit dans ce rapport.

En gros, il s‘agissait de créer des programmes d’études supérieures oriéntés sur les questions stratégiques « européenes », de manière à former les futurs cadres de l’Europe dans le moule imposé par les US. On pourrait faire une longue liste de ces financements intéressés de la fondation Ford vers les milieux universitaires, dans tous les domaines, de la médecine à l’économie.

« Outre son soutien à cette organisation transnationale, elle investit entre 1950 et 1967 des sommes importantes dans plusieurs pays européens, en particulier l’Angleterre (20,9 millions), l’Allemagne (8,5), la France (4,1) et la Suisse (3,1) . La plus grande partie de ces sommes sera consacrée aux sciences sociales, destinée à permettre en particulier, dans l’esprit des officiers de la Ford, la formation d’une génération de spécialistes qui contribuera à la reconstruction de l’Europe et à la reconversion de son économie dont la croissance constituera le meilleur rempart contre le communisme, la misère matérielle étant dans l’esprit des Américains le principal terreau du totalitarisme », écrit Ludovic Tournès.

En 1960, le Centre de Sociologie Européenne de Raymond Aron a bénéficié de 150.000 $ de la fondation Ford lors de sa création à la Vie Section. Pierre Bourdieu deviendra son adjoint, l’activité se développe malgré la rupture en cours entre Aron et Bourdieu, et en 1966 la fondation donne encore 175.000 $. Chacun a ensuite créé son propre centre avec l’argent de la fondation Ford [18].

En 1961, la Commission franco-américaine d’échanges universitaires et culturels, ou Franco-American Fulbright Commission, prend le relais de la « United States Educational Commission for France » de 1949. L’objectif est le même, comme on l’a déjà vu : renforcer les liens au niveau universitaire, mener des programmes de recherche en commun, développer des chaires en commun…

Selon les chiffres de 2015, le financement public de cette commission vient à 54 % du département d’Etat (l’ambassade US), le reste venant de France : 21% du ministère des affaires étrangères, 14% du ministère de la recherche, 11% des Régions françaises. Les financements privés ne sont pas précisés. Près de 12.000 français auraient déjà fait un tour aux Etats-Unis dans le cadre de ces programmes depuis 1948, et selon le site officiel, « Ils créent, innovent, entreprennent, découvrent. Ils font émerger de nouveaux territoires de la connaissance. Ils contribuent à trouver des réponses aux défis de notre temps ».

En Allemagne, l’ « Université Libre de Berlin » a bénéficié gracieusement de 20.000 livres offerts par la fondation Ford entre 1950 et 1953, en plus de l’argent versé par les autorités US d’occupation.

Dans le livre « Allemagne, année zéro ? Dénazifier et démocratiser (1945-1955) » de Helke Rausch, il est question de cette université p. 135 : « Les fondations vont rapidement s’intéresser à la nouvelle université. Dès 1950, la Rockefeller lui accorde 20 000 dollars. Mais c’est surtout la Fondation Ford qui va mettre la main au portefeuille, puisqu’elle accorde 1,3 million de dollars en 1951 pour construire un bâtiment d’enseignement (achevé en 1954 et baptisé “Henry Ford”), mais aussi pour financer des échanges de professeurs. En accordant ce financement, elle entend faire d’une pierre deux coups : contribuer à la lutte contre le communisme en soutenant la liberté d’expression ; favoriser la dénazification de la société allemande en favorisant un établissement dont le mode de fonctionnement rompt avec la tradition autoritaire et hiérarchique de l’université traditionnelle allemande. »

En zone d’occupation française, la dénazification dans les milieux universitaires, et même dans l’enseignement en général, de même que dans les arts, fut un échec, aussi bien en Allemagne qu’en Autriche [19].

En France, les historiens n’ont pu ouvrir les archives des années 30 et suivantes, donc de la Collaboration et de l’après-guerre, qu’à partir des années 80, voire 90 (et tout n‘est pas encore accessible évidemment). Du coup, impossible de comprendre le rôle des élites dans la défaite, puis dans la Collaboration, et il est difficile de comprendre les tenats et aboutissants du rôle joué par les US dans la politique intérieure d’après-guerre.

Les médias et la culture

Dès sa création en 1947, la CIA avait parmi ses missions de mener des opérations de propagande. En 1948, le directeur du bureau des projets spéciaux de la CIA Frank Wisner a mis en œuvre ce chantier, sous la forme notamment d’une opération bien connue appelée « Mockingbird » [20]. Cette opération a été financée à partir de 1950 par le Congress for Cultural Freedom (Congrès pour la liberté de la culture, une association anticommuniste) et pilotée par l’Office of Policy Coordination (OPC), branche de la CIA dédiée aux opérations discrètes et sous couverture.

Ceux qui travaillaient pour Mockingbird étaient un mélange d’agents des renseignements et de journalistes, et l’objectif était de convertir les médias US et étrangers à la vision du monde US, c’est-à-dire ultralibérale et anticommuniste.

Des agences de presse, des journalistes, sont placés sous influence (qu’ils soient US ou étrangers), voir collaborent carrément contre rémunération avec les services américains -ou autres. 400 journalistes américains auraient été rémunérés par la CIA des années 50 aux années 70, et ont mené de belles carrières, avec des prix comme le Pulitzer. Et combien étaient-ils à l’étranger ?

Ces gens [21], ou ces médias (la CIA contrôlait 25 des principaux journaux et agences de presse US au milieu des années 50) pesaient à la demande sur des campagnes électorales, omettaient des faits, en détournaient d’autres, et au final ils ont intoxiqué le public dans l’intérêt du capitalisme US.

Il est vrai qu’aux Etats-Unis, la plupart des grands médias suivaient la démarche. Un éditeur aussi puissant qu’Henri Luce (pro-nazi, patron de Life, Time, Fortune… et autres magazines illustrés) était un pilier de cette propagande à la gloire d’une certaine vision du monde et des Etats-Unis. Hollywood a également été mis à contribution, pour célébrer les héros US et l’ « Amercian Way of Life » à travers le monde. L’opération Mockingbird aurait pris fin au milieu des années 70, mais rien ne montre que les choses aient changé depuis.

Les USA ont créé divers lobbys et entités pour promouvoir leur vision du monde en Europe. Par exemple, le National Committee for Free Europe (NCFE) a été créé en 1949 avec l’aide d‘un bureau lié à la CIA, l’Office of Policy Coordination (OPC, dont on va parler plus bas dans la partie sur les réseaux stay-behind). Dirigé par Frank Wisner et financé par le gouvernement US, le rôle de l’OPC était de mener des actions secrètes anti-communistes en Europe, en réalité des opérations qu’on peut qualifier de « guerre psychologique ».

L’argent du NCFE, créé par Allen Dulles afin de mener la « croisade pour la liberté », venait d’industriels, de financiers, d’avocats. Il a financé par exemple Radio Free Europe ou Radio Liberty, pour nous arroser de propagande américaine au quotidien. Il a aussi beaucoup oeuvré pour les réfugiés d’Europe centrale qui fuyaient le communisme.

La même année, les US et leurs amis anticommunistes décident d’organiser une grande conférence internationale, qui s’appellera le « Congrès pour la liberté de la Culture », afin de rassembler l’intelligentsia pro américaine et anticommuniste sous la bannière de l’ « anti-totalitarisme ». Et aussi de contrer les grosses manifestations organisées par les communistes. Ledit congrès était entièrement financé par les Etats-Unis via l’OPC (donc la CIA) et les syndicats, et organisé avec l’aide de l’incontournable Irving Brown.

Il s’ouvre en juin 1950 à Berlin en présence de 125 personnalités, dont de nombreux américains comme Tennessee Williams, Sidney Hook, James Burnham, Artur Schlessinger (un historien qui a travaillé à l’OSS et devient plus tard conseiller de Kennedy), l’acteur Robert Montgomery… Des dizaines de médias à travers le monde ont annoncé, puis relaté l’événement.

Suite au scandale de son financement par la CIA, le Congrès pour la liberté de la culture est devenu en 1967 l’Association internationale pour la liberté de la culture, disparu à la fin des années 70.

Au comité exécutif de ce « Comité » on trouvait donc Irving Brown, le sociologue membre du RPF de de Gaulle Raymond Aron, ou encore le très à droite Denis de Rougemont, qui avait aussi lancé en 1946 un comité pro européen, l’Union Européenne des fédéralistes, elle-même financée par la CIA.

En 1951, les US créent l’Institut International de Presse basé à Zurich, qui regroupe des éditeurs de presse, des cadres dirigeants et des journalistes de pays où la liberté de la presse est parfois très relative, et s’est bizarrement donné pour objectif officiel de « protéger la liberté de la presse« . Du moins une certains vision de la liberté de la presse, bien orientée dans la défense des intérêts capitalistes.

Cet institut a été généreusement financé depuis le départ [22] avec notamment l’argent des fondations Ford et Rockefeller. Apparemment, cela continue puisqu’en 2011 l’IPI se félicitait d’un don de la fondation Ford, de 200.000$ sur 18 mois.

L’un des directeurs exécutifs de l’IIP, McNeil Lowry, a ensuite travaillé pour la fondation Ford, pour piloter en 1957 son programme « Art et Humanités ».

Aujourd’hui encore, Reporters sans Frontières reçoit des dons de la part de la Fondation Ford, ainsi que du national Endowment for Democracy, un lobby conservateur US lié au gouvernement, et de nombreuses entreprises (Société Générale, mécénat de BNP Paribas, de 240.000 euros tout de même en 2017). Voilà pourquoi RSF critique le Venezuela et pas la micronie qui vire totalitaire.

Si l’influence US a été si prégnante en France, comme ailleurs en Europe, c’est parce que des gens favorables au grand capital, qu’il soit nazi ou américain, sont restés en place après la guerre.

France

En effet, les milieux culturels et universitaires n’ont pas été totalement « épurés » après la guerre. L’Académie Française, par exemple, était dans les années 50 réputée comme un bastion d’anciens vichystes [23]. Il faut dire qu’elle n’a jamais été effarouchée par les délires extrémistes de droite, ayant par exemple ajouté à ses membres Charles Maurras en 1938. La Sorbonne a aussi hébergé quelques profs vichystes, notamment à la faculté d’histoire[24].

Les Collabos retournent au business de la presse

Des Collabos notoires ont pu racheter des médias, comme Marcel Boussac, très gros industriel dans le textile, banquier[25] et propriétaire d’une grande écurie de chevaux de course, qui devint membre du Conseil National de Vichy (un organe consultatif). Pendant la guerre, il a fourni des tissus pour la marine de guerre allemande et déclaré qu’il trouvait Pierre Laval, alors numéro 1 du gouvernement de Vichy, « trop mou ».

Toutefois Boussac eut la chance de voir l’instruction pour collaboration ouverte contre lui à la Libération être classée sans suite dès 1947. Pendant la guerre, il faisait certes du business avec les Nazis mais était aussi en contact avec les Alliés, du moins dans la version officielle de l’histoire.

Après la guerre il s’est lancé dans la mode, a engagé Christian Dior puis a décidé de s’offrir 74,5% du journal L’Aurore, créé dans la clandestinité pendant la guerre. Il est resté très proche des milieux politiques : Antoine Pinay, Vincent Auriol, Félix Faure, Guy Mollet lui ont rendu visite dans ses propriétés.

Jean Prouvost, patron de l’industrie textile du Nord, s’était déjà lancé dans la presse dans les années 30, avec notamment ‘lacquisition du titre Paris-Soir dans lequel écrivaient de grandes plumes de l’époque comme Colette, Jean Cocteau, Blaise Cendrars, Antoine de Saint-Exupéry ou Georges Simenon.

Prouvost devait être jugé à la Libération, pour avoir largement contribué à la défaite de la France en 1939 et pour avoir collaboré pendant la guerre (il a conservé le contrôle de l’édition de Paris-Soir en zone occupée).

Prouvost a eu beaucoup de chance : le ministère de l’Intérieur l’a enlevé de la liste des Collabos devant être arrêtés en 1944. Il avait de nombreux « amis », notamment pour avoir soutenu financièrement[26] la Résistance non communiste fin 1943 [27]. Mais, il a quand-même du se planquer quelque temps à la fin de la guerre. Puis il s’est lancé en politique, comme maire d’une commune du Loir-et-Cher. Il a racheté des journaux, des radios… Alors qu’il possédait déjà la moitié du journal, un mouvement de grève a été déclenché quand il a été élu à la direction générale du Figaro en 1969. Puis il ‘la revendu à Hersant en 1975.

Il y a aussi Robert Hersant, le patron du groupe Hersant, qui a longtemps été propriétaire[28] de divers médias tels que Le Figaro (racheté à Prouvost en 1975), La Voix du Nord, le Midi libre… Hersant, né en 1920, est l’un de ceux qui ont commencé leur carrière politique plutôt à gauche, à la SFIO, avant la guerre.

Puis il a viré casque et a créé un groupuscule pro nazi et antisémite appelé « Jeune Front », subventionné par l’Allemagne[29], avant de partir pour Vichy en 1942 où il a obtenu une subvention pour ouvrir un centre de jeunesse et lancé un journal à la gloire du maréchal intitulé « Jeunes Forces » [30].

Après la guerre, Hersant a pris 10 ans d’ « indignité nationale » pour Collaboration [31] puis il a obtenu une amnistie dès 1952 grâce à une amnistie générale des collabos décidée par Antoine Pinay. Ce qui lui a permis de reprendre tranquillement ses activités politiques, d’abord comme maire de Ravenel dans l’Oise dès 1953, puis comme député de l’Oise de 1956 sous l’étiquette UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance), le parti de Mitterrand. Des mandats locaux qu’il obtenus avec l’appui des médias qu’il possédait et ne rechignaient pas à faire sa propagande.

En 1967 il était toujours député dans le parti de Mitterrand, qui s’appelait alors la FGDS (Fédération de la gauche démocrate et socialiste) : « En 1967, il bénéficie de l’investiture de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), fondée par le même Mitterrand ­ qu’il a financièrement aidé pour sa campagne présidentielle de 1965 ­, et est réélu avec l’appoint des voix communistes« , selon Libération du 22 avril 1996.

Hersant, qui a contribué à la montée du FN grâce à ses journaux, est ainsi resté député jusqu’en 1978, puis de 1986 à 1988 mais sous l’étiquette de l’UDF, le parti de Giscard. Quand il a brigué la mairie de Neuilly, dans les années 70, il a pris comme bras droit pour sa campagne un jeune loup dénommé Sarkozy.

Dès la création de ses premières sociétés d’édition entre 1947 et 1949, Hersant était impliqué dans des magouilles, ses créanciers n’étaient pas payés, il utilisait donc des prêtes noms, fermait et ouvrait de nouvelles sociétés. Missionné par les socialistes du nord, il a racheté Nord Matin, un journal lié à la SFIO, dans les années 50, puis un journal dans l’Oise et une dizaine d’autres titres suivent dès 1957, qu’il a regroupés en un seul titre, « Centre-Presse ».

Il a construit son groupe de presse et évité le démantèlement grâce à sa proximité avec Mitterrand, qui pourtant avait fait passer une loi contre les monopoles de presse. Puis il a racheté des médias de droite ou qu’il oriente à droite, et si possible anticommunistes, comme Le Figaro sur lequel il met la main en 1975 grâce à l’appui de Giscard et Chirac[32], racheté ensuite par Dassault pour faire « passer des idées saines ».

Mentionnons encore le parcours d’un certain Vincent Delpuech, qui en 1933 devient président du conseil d’administration du journal Le Petit Provençal, très lu dans le sud-est, et a été directeur administrateur du Radical à Marseille. En parallèle il fut maire, ce qui l’a rendu très en vue dans le secteur,et lui a permis d’être nommé membre d’honneur de plusieurs quotidiens et administrateur de plusieurs grandes entreprises. Il a été élu sénateur en 1939 et a voté les pleins pouvoirs à Pétain en juillet 1940.

Comme ses journaux ont continué de paraître sous l’Occupation et se sont mis au service de Vichy et des Allemands, mais aussi parce qu’il est devenu administrateur du journal L’œuvre de Marcel Déat et qu’il était membre du comité d’organisation de la presse de Vichy, Delpuech a eu des ennuis à la Libération [34]. On peut dire que sur le plan de la propagande vichyste, Delpuech a pleinement collaboré.

Dès 1949 il est redevenu prédisent du conseil d’administration du Petit Provençal. Mais son gand retour n’intervient qu’en 1953 quand il est devenu trésorier du parti radical et a repris son siège de maire puis en 1955 celui de sénateur, qu’il a conservé jusqu’à sa mort en 1966. Selon Frédéric Charpier dans « La CIA en France »,  » Vincent Delpuech était très lié aux services américains puisque, d’après un ancien ami d’Allen Dulles, la CIA lui verse régulièrement de substantiels subsides. Durant des années, une fois nommé directeur de la CIA, Dulles lui remettra, de la main à la main, des fonds à chacune de ses escales à Paris« .

Un ancien collabo devenu franc-maçon a fondé dès la Libération en août 1944 le groupe Le Siècle, qui a longtemps été (et reste) influent dans le milieu politico-médiatique parisien. Il s’agit du lyonnais Georges Bérard-Quélin, qui en fut le premier secrétaire général.

 » Journaliste, dirigeant du Parti radical [il est entré au Parti Radical à 19 ans en 1936], franc-maçon et pilier de réseaux, Georges Bérard-Quelin a fondé Le Siècle en 1944. Dans la foulée, il crée aussi la Société générale de presse (SGP), un ensemble de publications spécialisées (Correspondance de la presse, Bulletin quotidien…) connues des journalistes et des politiques« , expliquait le magazine Challenges le 29 novembre 2007, « La SGP compte aujourd’hui 60 salariés, 20 d’entre eux sont chargés de gérer l’immense base de biographies recensant plus de 80 000 politiques et dirigeants. « Leur consultation payante assure le quart de nos 5 millions d’euros de revenus annuels » ».

Pendant la guerre, Bérard-Quélin a créé une agence de presse collaborationniste. Mais lui aussi est parvenu à faire oublier cet épisode et à obtenir le costume de résistant. « Bien que recherché à la Libération, il fut protégé et jamais jugé. Il créa Le Siècle alors que Paris n’était pas encore libérée et continua son activité d’agence de presse. Membre du Grand Orient de France et du Parti radical-socialiste, il soutint en 1981 son ami François Mitterrand« , résume Thierry Meyssan dans le cadre d’une interview au sujet du Siècle avec Emmanuel Ratier, qui se disait lui-même « nationaliste ». L’individu a même été nommé au cabinet du ministre de l’Information, Teitgen.

Emmanuel Ratier expliquait dans cette interview que les fiches de la Société générale de presse (qui existe toujours) relevaient en fait d’un véritable système de fichage : « la Société générale de presse est la principale société de fichage (légal) des personnalités françaises. Leurs fiches sont beaucoup plus complètes que celles de feu les Renseignements généraux et beaucoup plus fiables. Sont passés par la SGP des centaines, voire plus d’un millier, de jeunes journalistes, qui ont ensuite essaimé et fait carrière un peu partout. Toute la presse est dépouillée, y compris l’intégralité du Journal officiel. La SGP a des archives, des fiches, sur des millions (je dis bien des millions) de journalistes, hommes politiques, syndicalistes, patrons, membres de cabinets ministériels, hommes d’Église, intellectuels, maires, etc. Ces archives courent sur plus de 50 ans (…) il est évident que celui qui détiendrait les clés de la SGP détiendrait dans le même temps les plus grosses archives sur le pouvoir en France. Des archives parfaitement tenues à jour« .

Pour terminer ce rapide tableau de la situation des Collabos dans la presse d’après-guerre, il faut mentionner encore les cas d’Emilien Amaury et d’Hubert Beuve-Méry. Beuve-Méry, dont les idées étaient carrément d’extrême-droite depuis sa jeunesse, a fondé Le Monde en 1944. Dans les années 30, il était passé par les Camelots du Roi (royalistes) et par les Faisceaux (fascistes). Depuis l’Institut Français de Prague, il a mené une propagande très favorable à la montée d’Hitler, puis a enseigné à l’école des cadres de Vichy, à Uriage, dès 1940, et écrit des textes 100% vichystes dans la revue de propagande du régime, Esprit.

L’école d’Uriage a fermé fin 1942, puis Beuve-Méry serait devenu Résistant. C’est ainsi qu’il a pu récupérer des journaux saisis, et créer Le Monde sur les cendres du Temps, où il avait écrit avant la guerre. Il est ensuite devenu un chaud partisan du gaullisme et un grand ami de Jean Monnet.

Quant à Emilien Amaury (1909 – 1977), il a pu s’afficher comme Résistant –et passe toujours pour un « grand résistant » [35]– mais ses actes de collaboration avant 1942 ont été établis depuis : il a par exemple créé l’Office de publicité générale[36] « chargé par Vichy de la distribution du budget de publicité du ministère de la Famille et du secrétariat à la Jeunesse. Mais il résiste aussi dans les réseaux de l’Organisation civile et militaire. Et se retrouve donc, à la Libération, directeur de l’agence Havas et administrateur du Parisien libéré » [37].

Amaury, c’est le groupe qui a longtemps été propriétaire de journaux importants comme L’Equipe [38], Point de Vue, Images du monde (magazine illustré qui fait fureur), Marie-France, Le Petit Parisien, interdit en 1944 devenu le Parisien Libéré et « modernisé » dans les années 70 grâce à des rotatives venues en cargo depuis les Etats-Unis et à des ouvriers casseurs de grève de Force ouvrière et du syndicat maison qu’il avait lui-même créé, le « Comité interpresse ». Il avait aussi des parts dans des médias régionaux comme Ouest-France qui succéda à Ouest-Eclair paru pendant la guerre, le Maine Libre… Il a imposé un « management » à la hache uniquement axé sur la rentabilité.

Après la guerre il joué un rôle important dans la création du parti gaulliste et dans le cadrage de la « presse libre ». C’est aussi lui qui a hésité du Tour de France, première invention marketing et sportive à la fois.

Et pour parfaire la mainmise US, et surtout des idées anticommunistes et ultralibérales dans les milieux de l’édition, Irving Brown, le financeur des syndicats avec l’argent de la CIA, a également fait bénéficier le syndicat FO de la Fédération du Livre de ses largesses[39]. Les US ont aussi attisé la crise qui s’est déroulée en Monde en 1947, et qui opposait un courant atlantiste au courant neutraliste.

La france a elle fait aussi travailler des journalistes pour intoxiquer l’opinion publique. Le père de Marion le Pen, Roger Auque[40], par exemple, qui travaillait pour les renseignements français et à l’occasion israéliens alors qu’il était grand reporter à la télé : les gens l’ont vu commenter des guerres ou de grands événements quand il était correspondant à Rome, Bagdad, à Beyrouth, en Syrie. Ce type aux idées bien à droite avait même été otage au Liban en 1987 quand il était « journaliste » (il a été libéré plusieurs mois avant les trois autres).

Le Parisien précisait le 4 février 2015 : « Dans son livre posthume, le reporter, devenu ambassadeur en Erythrée en 2009, assure avoir travaillé pour la DGSE (le renseignement extérieur français) et ponctuellement pour le Mossad, les services secrets israéliens. Ses parrains politiques furent nombreux, détaille-t-il. De Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy en passant par Charles Pasqua et Michèle Alliot-Marie« . Il a aussi connu sarkoléon depuis qu’il était maire de Neuilly, dans les années 90 et c’est lui qui l’a nommé ambassadeur en Erythrée en 2009.

Le métier de reporter de guerre n’était qu’une couverture qui lui a permis de travailler pour la DGSE, le Mossad et même la CIA, contre de l’argent. Les Inrocks citent d’autres passages de son livre : « Je n’étais pas le seul à prendre de l’argent, à mener cette sorte de double vie. Des politiques de premier plan, à droite comme à gauche, ont eux aussi touché beaucoup d’argent […] Les personnes concernées sont fort connues du grand public. Mais je n’en dirai pas plus sur cette corruption banalisée. Sauf que ce sont tous de grands dévoreurs de fric ». Auque était aussi franc-maçon au Grand Orient, et a fréquenté les dîners du Siècle.


Enfin, en lisant un livre de Serge Hutin, intitulé « Gouvernants invisibles et sociétés secrètes » paru en 1972, on peut faire quelques liens. Il faut dire que Serge Hutin connaissait le sujet -et le gratin- puisqu’il a été initié un peu partout : franc-maçonnerie, AMORC, martinisme, OTO [41] etc. Et il a écrit un tas de livres là-dessus.

Hutin relatait dans son jargon des propos qui semblent énormes, mais pas impossibles : « Notre ami Jacques Bergier [42] nous racontait un jour qu’il existe une série de questions dont il est absolument interdit à la presse de parler et dont la liste se trouve stipulée avec précision sur un petit carnet noir qui – quel que soit le régime politique du pays, car l’interdit est universel, mondial – se trouve remis à tout directeur d’un important organe de presse d’information, qu’il soit tributaire du grand capitalisme ou communiste. Cependant, le fait même que des fuites aient pu se produire montre que les conditions qui prévalent aujourd’hui (ce qui marquerait, selon de nombreux ésotéristes, le passage de l’ère zodiacale des Poissons à celle du Verseau) rendent désormais possible ce qui auparavant ne l’était pas« .

Hutin écrivait aussi que la plupart des grandes affaires n’arrivaient pas jusqu’à la presse.

L’Académie française & Co, repaires de Collabos

L’académie française, c’est cette vénérable institution qui formalise la langue française d’après des critères des plus conservateurs. Elle a été créée au XVIIe siècle, et la moyenne d’âge de ses 40 membres (dont cinq femmes) est très élévée. Parmi ses membres, plusieurs ont été des collabos pendant la guerre, et après la guerre des collabos ont puy être élus.

L’un des éminents ministres de Vichy, le ministre de l’Education Abel Bonnard, était académicien. En 1925, il avait reçu le grand prix de littérature de l’Académie française. Il admirait Charles Maurras (autre « académicien » exclu à la Libération) et a été membre du Parti Populaire français de Jacques Doriot. Il a tout de même été viré de l’Académie française à la Libération. Mais il n’a pas été le seul Académicien collabo, loin de là.

Quand le franco-belge Félicien Marceau a été élu à l’Académie Française en 1975, son CV a fait quelques remous car après avoir grenouillé dans les milieux pacifistes (pro-allemands), il pendant l’Occupation nazie, il avait été journaliste à Radio Bruxelles, créée par les Allemands, où il dirigeait le service actualités, et a lancé sa maison d’édition en 1942. Marceau a publié son premier roman en 1942, aux éditions de La Toison d’Or, « par des neutralistes belges commandités par un trust allemand proche de Ribbentrop, le ministre des affaires étrangères« , précise le site La République des Livres.

Il a été condamné par contumace en octobre 1946 par le Conseil de guerre de Bruxelles, à 15 ans de travaux forcés pour « trahison » et « esprit de lucre ». Mais il a eu du bol: en 59, de Gaulle lui a offert la nationalité française.

Un certain nombre de fascistes et ex collabos ont également pu œuvrer dans le domaine de la culture après la guerre, grâce -entre autres- à l’Institut de France qui chapeaute l’Académie française.

L’Institut de France, qui regroupe divers scientifiques, artistes et intellectuels censés réfléchir et conseiller le pouvoir politique, comprend notamment l’Académie française, l’Académie des sciences, l’Académie des sciences morales et politiques et deux autres académies. André François-Poncet, ce pilier de la synarchie [43] et militant pro-Europe depuis toujours a été élu à l’Académie française en 1952. Il a même été « chancelier » de l’Institut de France de 1961 à 1964.

Son acolyte Emile Mireaux, un ultra libéral qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 et a dirigé le journal le Temps jusqu’en 1942, est entré à l’Académie des sciences morales et politiques en 1940 également, et a été nommé ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts dans le gouvernement de Pierre Laval, poste qu’il a occupé brièvement toujours en 1940 mais auquel il a pris la main sur l’ensemble des nominations académiques. Il a été condamné à la Libération, mais le jugement a été annulé en 1947.

Mireaux a été élu président de l’Académie des sciences morales et de l’Institut de France en 1951. Plusieurs membres de l’Académie des sciences morales et politiques ont bénéficié après la guerre de financements de la part de fondations US pour mener leurs travaux, comme Michel Crozier ou Robert Marjolin.

On ne sera pas étonné non plus que l’Académie des sciences morales etc., tenue par le patronat, influence les politiques notamment en matière de programmes d’enseignement[44], ait été auditionnée en 2017 par le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national éducation-économie. Deux organismes qui, expliquait Le Monde le 21 mars 2017, « doivent rendre dans quelques jours un rapport sur l’enseignement des sciences économiques et sociales au lycée, introduit il y a tout juste cinquante ans dans les programmes scolaires« .

Et que dit cet « avis » de l’ASMP, alors dirigée par Michel Pébereau, polytechnicien, patron ‘privatiseur’ de BNP Paribas en 1993 et président de la fédération bancaire européenne de 2004 à 2008 ? Il « recommande de donner plus de place à une vision « optimiste » de l’entreprise et des banques, et moins au rôle régulateur de l’Etat et à certains sujets comme les inégalités…« . Péberau et ses amis cherchaient ainsi à modeler l’esprit des jeunes pour qu’ils soient de bons petits adeptes du libéralisme économique.

Dans les années 2000, il avait précisé son programme : « Il serait peut-être bon d’effectuer un travail pédagogique de fond sur nos lycéens, comme cela a été fait par les entreprises depuis vingt ans auprès de leurs salariés, afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme et d’améliorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise« .

Passons, et revenons à nos collabos avec un dernier exemple, celui de François Piétri.

Après avoir été un collabo de la première heure, ministre des communications en 1940 puis ambassadeur de Vichy en Espagne jusqu’à la fin de la guerre [45], François Piétri, Inspecteur des finances natif de Corse, s’est mis à écrire des « essais politiques » et biographiques, et est entré à l’Académie française[46]. Rappelons que l’Espagne était un point stratégique, sous le régime de Franco qui a très vite collaboré avec les Etats-Unis en même temps qu’avec l’Allemagne.

Dans son livre « L’ami américain », Eric Branca mentionne un dîner en 1944, peu après le débarquement en Normandie, dans un grand hôtel madrilène : « un dîner réunissant, autour de l’ambassadeur de Vichy en Espagne François Piétri et de l’inévitable Lemaigre-Dubreuil, des financiers américains liés à l’OSS, et des cagoulards en quête de reconversion, parmi lesquels Jacques Corrèze, futur cadre dirigeant de l’Oréal » (dont on a parlé pour avoir abrité de nombreux collabos).

L’objet de ce dîner était de « mettre au point une procédure permettant au Sénat de 1940 – l’Assemblée prééminente selon la Constitution de la IIIe République- de se réunir pour constituer un gouvernement de transition, avec ou sans de Gaulle. Et de préférence sans, puisque le but avoué du jeu était de recycler un maximum de personnalités de Vichy ! », précise Eric Branca.

L’influence US sur la nouvelle « gauche »

Dès la fin des années 40, les américains ont subventionné divers journaux dont la ligne non communiste leur plaisait bien.

Cela a été d’autant plus facile que les collabos et autres fascistes n’étaient pas bien loin. Parmi les journaux qui ont été gratifiés de quelques milliers de dollars, il y avait Le Populaire, le média de la SFIO qui risquait fort de péricliter, et qui a été financé via le FTUC (Free Trade Unions Committee, le « Comité des syndicats libres »), lui-même financé par l’OPC [47] une division de la CIA.

Mais en matière de propagande « culturelle », les US n’ont pas misé que sur d’anciens nazis. Au contraire, il leur fallait une vitrine susceptible d’emporter l’adhésion. Ils ont donc soutenu financièrement, mis en avant, des personnalités qu’on peut classer « à gauche », mais qui avaient surtout l’avantage de ne pas être communistes et d’être totalement favorables au modèle américain. Ces gens étaient des relais en Europe de l’ « American Way of Life », ce mythe des Etats-Unis comme le pays de la liberté où tout est possible, et qui devait contrer la propagande communiste.

Des individus comme Sartre, Beauvoir, Malraux, Aron, par exemple, ont été proches dès 1947 des américains basés à Paris, notamment Hemingway qui était un agent de l’OSS, ou David Bruce, des renseignements militaires [48].

A cette époque de disette, de nombreux journaux n’ont pu continuer à paraître après la guerre que grâce à l’argent du plan Marshall (qui a été remboursé par les contribuables, avec intérêts). Frédéric Charpier dans « La CIA en France » explique que les journaux liés à la SFIO ont particulièrement bénéficié des largesses US : « Le FTUC (…) a versé 20.000$ au Populaire, quotidien de la SFIO, tandis que le syndicat de la confection, l’IGLWU, lui, a versé 20.000$ puis 15.000 supplémentaires ».

En 1948, explique Frédéric Charpier, Léon Blum a dû faire appel à David Dubinsky, un syndicaliste agent de la CIA, pour renflouer Le Populaire. Irving Brown[49] a permis au Populaire de remplir ses caisses, en lui permettant d’obtenir un prêt de 3 millions de Francs de la banque Rothschild. Il va sans dire qu’un média véritablement contestataire n’aurait pas eu droit à tant de largesses.

La fondation Ford a elle aussi financé diverses revues, plus ou moins éphémères, telles que Confluences, créée à Harvard par Henri Kissinger, et diffusée en Europe dans les années 50. Parmi ses relais et correspondants en France, il y avait Malraux, ministre de la culture, Jean-Paul Sartre ou Raymond Aron.

Jean Monnet [50], le « père fondateur de l’Europe » et ennemi juré de de Gaulle, a été un des hommes liges des US pour mener leur propagande européaniste et atlantiste. Pour développer la branche française du Mouvement Européen (qui existe toujours et a été présidé par Sylvie Goulard de 2006 à 2010), il a bénéficié des dollars de l’American Committee on United Europe (Acue, comité américain pour l’Europe unie), l’officine de l’OSS (future CIA) chargée de financer la propagande US et ultra libérale en Europe, et surtout la propagande fédéraliste européenne avec l‘argent du plan Marshall puis de la CIA.

D’ailleurs, la direction de l’ACUE pullulait d’agents de la CIA. Outre William Donovan, « le vice-président de l’ACUE est Walter Bedel Smith ancien chef d’Etat Major d’Eisenhower et ambassadeur américain à Moscou qui deviendra plus tard patron de la CIA en 1950. L’ACUE compte d’autres membres parmi lesquels Allen Dulles, chef de l’OSS à Berne pendant la deuxième guerre mondiale qui deviendra également président de la CIA en 1953 et dont le frère John-Foster Dulles était un des plus proches amis de Jean Monnet. On retrouvera plus tard à la tête de l’ACUE Paul Hoffman ex-patron de la Fondation Ford et ex officier de l’OSS« , rappelle le site Stratpol.

L’Acue, présidé par William Donovan l’ex directeur de l’OSS passé ensuite à direction de la fondation Ford, a financé divers groupuscules européanistescomme le Mouvement Européen de Monnet et Schuman, ou l’Union européenne des fédéralistes qui regroupait elle-même divers mouvements pro européens (et touchait aussi de l’argent de Nestlé). Des revues, comme The Economist, très ultra-libérale, ont aussi eu leur part. Les premières réunions du conseil de l’Europe seront-elles aussi financées grâce à l’ACUE. Cet argent a permis de financer des campagnes de propagande médiatique, avec des centaines de conférences, tournées à travers l’Europe, etc., en lien avec le Mouvement Européen, au début des années 50.

« En 1952, dans un courrier émouvant, le « père fondateur » rend grâce au général Donovan pour ses bonnes œuvres : « Ce soutien constant, aujourd’hui plus crucial que jamais, nous sera d’une grande aide pour la réalisation complète de nos plans. » », expose un article du Plan B. Par le biais de l’ACUE, l’équivalent de 5 millions d’euros a été versé à des mouvements pro-Européens entre 1949 et 1952, et au total on parle de 50 millions d’euros.

Les US ont également lancé, à travers une opération de la CIA baptisée QKOPERA[51], un lobby appelé le « Congrès pour la liberté de la culture », dont on a parlé plus haut. Créé en 1950, cette « association culturelle » était financée par la CIA via la fondation Ford et la fondation Fairfield, qui réunissait des européanistes très à droite comme Denis de Rougemont ou Raymond Aron, dont on a parlé plus haut.

Ce congrès était piloté par un dénommé Michaël Josselson, un juif estonien émigré aux Etats-Unis en 1936, avant d’entrer en 1943 dans l’armée où il a été affecté en Allemagne à la Psychological Warfare division des renseignements. En 1946, resté en Allemagne, il a travaillé pour les « affaires culturelles » au gouvernement militaire US et a été recruté par la CIA en 1949.

Divers médias ont été subventionnés dans des proportions plus ou moins importantes par ce « congrès », comme la revue Preuves, lancée en 1951 avec un certain nombre de personnages gravitant dans l’orbite du congrès pour la liberté de la culture. Evidemment anti-communiste, pro américaine et pro-européenne, la revue Preuves est créée par un ancien membre du PC et sa figure de proue est Raymond Aron (encore lui), qui plaidait dès 1949 pour « L’effort indispensable en vue de la réconciliation des deux peuples » (Allemagne et France) et fréquentait un tas de groupuscules européenistes.

Mais, la publication prend un gros coup dans l’aile quand son financement par la CIA est dévoilé en 1967 par la presse US, qui parle de 800.000 $ par an. A ce moment, le Congrès pour la liberté de la culture avait installé des filiales dans 35 pays. Du côté des financés, tout le monde a feint d’être étonné. Entre temps, des jeunes plumes comme François Mitterrand ou Jean Daniel, qui a ensuite dirigé de nombreux journaux, ou de grandes plumes comme Hannah Arendt ou George Orwell, ont écrit dedans. Bref, la revue était « la voix de l’Amérique ». Des dizaines de concerts ont aussi été organisés en 1951, sous les auspices du Congrès pour la liberté de la culture, souvent avec un financement et un appui logistique importants de la CIA. Il y a aussi eu des colloques, des projections de films, des expositions…

En 1951, selon le New York Times, « le gouvernement des Etats-Unis a dépensé, en 1950, en France, pour l’information, 7 millions de dollars, soit au cours officiel 2,45 milliards de francs » [52]. Une partie de l’argent a servi à financer le mouvement anticommuniste « Paix et Liberté » créé par le ministre de la Défense René Pleven, un des fondateurs du Bilderberg. Cette officine a donc fait de la propagande, et a par exemple collé des affiches hystériques contre le communisme dans tout le pays au début des années 50 [53].

En effet, dans les années 40 et 50, la presse communiste était encore très puissante, avec de nombreux titres subventionnés s’il le fallait par Moscou, et distribués par les militants aux quatre coins du pays. La presse subventionnée par les Etats-Unis (alors qu’il est interdit pour un média d’avoir des financements de l’étranger), visait à contrer l’information « communiste » et l’influence communiste sur les classes populaires.

Dans ces magouilles, René Pleven est un personnage intéressant parce qu’il a démarré sa carrière comme rédacteur en chef de la revue syndicale des industriels de la conserverie, avant de rejoindre en 1925 une filiale française de la Chase National Bank des Rockefeller, Blair and Co. Foreign Corp, au service d’un certain… Jean Monnet [54]. En effet, Monnet a été le mentor de René Pleven, en a fait son plus proche collaborateur, puis l’a fait entrer dans une filiale de la banque Lazard, dont il a toujours été très proche également, en 1939. Après la guerre, Pleven a été prompt à stopper la tentative d’épuration économique dans certaines banques qui avaient clairement collaboré avec l’Allemagne[55].

A la Chase National Bank, Pleven octroyait des prêts à l’Allemagne, occupée à se réarmer. En 1928 il voyageait dans toute l’Europe pour l’Automatic Telephone Company de Chicago dont l’un des gros propriétaires était la banque Lazard. Durant toute la guerre, il a collaboré avec Monnet dans son « comité de coopération franco-britannique » et acheté de l’armement qui est arrivé trop tard. Ce qui n’est pas dans sa page Wikipedia, c’est qu’il a adhéré à l’Action française (ce que l’histoire officielle de Pleven nie encore ou minimise). Pleven restera toute sa vie inféodé aux US, étant souvent derrière les manœuvres européennes et ultra libérales.

Frédéric Charpier rapporte qu’au début des années 50 où la presse de tendance communiste était puissante, la CIA a essayé de recruter directement des journalistes de diverses tendances, afin qu’ils leur donnent des informations, du moins dans un premier temps. Dans les années 60, le journal L’Express, fondé en 1953 par Jean-Jacques Servan Schreiber (qui a été élu président du parti Radical en 1970), a été accusé d’avoir reçu une aide financière des US pour mener la propagande anti de Gaulle à droite.

Le magazine anticommuniste, qui laissait des tribunes entières à des homems politiques amis, a largement favorisé la campagne de Gaston Defferre pour les présidentielles de 1965. Orienté à droite économiquement et vaguement à gauche sur le plan sociétal (une partie de ses journalistes venaient de la gauche), L’Express se disait l’organe de la « nouvelle gauche », et ebaucoup de ses journalistes ont mené de brillantes carrières (Michèle Cotta, Jean-François Kahn, Françoise Giroud sa co-fondatrice, Attali qui y a fait des chroniques pendant 20 ans…).

Les élites françaises n’ont aucun problème avec le fascisme. Un BHL a par exemple été capable d’affirmer publiquement le 23 janvier 2019 que « En Europe, le peuple ne doit pas être le seul souverain« , mais qu’est-ce que cela veut dire ? Qui doit être souverain ?

Dans le domaine culturel, le mouvement de gauche non communiste a été financé et encadré, pour lui donner une puissance qu’il n’aurait jamais eue dans des conditions normales. Pour vendre le modèle US, c’est-à-dire la « libre entreprise », le capitalisme à outrance et la propagande de guerre, des films ont été financés, notamment en France. Une agence appelée le United states Information and Education (USIE), implantée à Paris, a financé des films et programmes radio vantant les bienfaits du monde vu par les US.

Les médias sont toujours sous influence des renseignements, et a priori ça a toujours été le cas. Le problème c’est qu’ils désinforment, et ce problème s’aggrave quand ils travaillent pour des services étrangers. En France, le cas de Roger Auque, qui a été grand reporter tout en travaillant pour le Mossad, la CIA et la DGSE [56], est symptomatique.

Ses reportages aux JT de France 2, RTL, TF1, Paris Match, ou la RTBF en Belgique étaient-ils tous bidons (il a été condamné pour plagiat, mais faisait-il aussi de la propagande ?)? Quand il a été pris en otage à Beyrouth en 1987[57], était-ce en tant que journaliste ? On notera qu’en 2008, Auque s’est lancé dans la politique aux municipales à Paris, puis en 2009 il a voulu se présenter aux. Mais finalement sarkoléon l’a nommé ambassadeur en Erythrée, où un conflit se préparait.

Il y a aussi l’affaire du journal d’extrême droite Minute dans les années 80 et 90, complètement à la botte de la droite (notamment Pasqua et sa bande), des réseaux du SAC, et des renseignements. Du coup, les journalistes se sont longtemps étonnés que des enquêtes explosives et pourtant fouillées ne soient jamais publiées, ou que des notes venues du ministère de l’Intérieur étaient distribuées dans la rédaction [58]. Les liens entre ce journal et la droite ont perduré, comme l’a montré le recrutement de Patrick Buisson, ex rédac chef de Minute, comme conseiller de sarkoléon puis parton de la chaine publique Histoire (ce qui est une honte pour la connaissance historique). En 2012, Minute avait d’ailleurs appelé à voter sarkoleon.

Quid du monde de la « culture » ?

Le milieu des maisons d’éditions a été un peu rafraîchi après-guerre, mais il est resté franchement à droite. Nombreux sont les dirigeants et actionnaires de maisons d’éditions qui, avant d’être atlantistes, étaient favorables à Vichy ou carrément au 3e Reich.

En 2012, l’œuvre d’un des auteurs français préférés des nazis, Drieu La Rochelle, a été publiée à La Pléiade, Léon Rebatet a été republié aussi, et il a été question d’offrir des commémorations à Charles Maurras : ces auteurs, carrément Nazis comme Céline, ou seulement Collaborationnistes convaincus, sont encore encensés par une certaine « intelligentsia » parisienne, qui ne voit pas de lien entre les actes et écrits antisémites, anticommunistes, antidémocratiques, et la qualité d’une hypothétique « œuvre » littéraire.

Aujourd’hui encore, Céline, publié aux éditions Denoël, passe pour une figure de la littérature française. Malgré « Bagatelles pour un massacre », que je recommande à tous d’essayer de lire pour comprendre ce que donne la haine mélangée à l’inanité. Derrière ces parutions, il y a aussi une tentative de légitimer ces individus, pourtant salis par leurs propres choix. Bref, on sent que le passé fasciste n’est pas tout à fait révolu dans le monde de l’édition parisien.

Dans son article « L’édition française dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale », Jean-Yves Mollier, parle d’une véritable « collaboration intellectuelle » mise en œuvre dans le milieu des éditions en France pendant la guerre, où il y a eu très peu de Résistance.

De fait, ledit milieu est traditionnellement très « conservateur » : « Il faut avoir présent à l’esprit cette surreprésentation des idéaux de la droite française, avec un penchant affirmé pour l’ordre et un refus du partage de l’autorité, si l’on veut comprendre les réactions des éditeurs parisiens en juin 1940. Qu’ils soient monarchistes comme les patrons des éditions Calmann-Lévy, Fayard et Larousse, ou conservateurs et très à droite de l’échiquier politique, comme chez Hachette, Plon, Tallandier ou Grasset, la plupart des éditeurs partagent une vision du monde assez proche« , écrit Jean-Yves Mollier. Ces éditeurs soutenaient certains politiciens comme Pierre Laval ou André Tardieu. Avant même l’arrivée des Allemands à Paris, les éditeurs avaient nettoyé leurs archives, fonds et catalogues des écrits non aryens ou anti nazis. Certains, comme Henri Filipacchi chez Hachette, les maisons Flammarion, Plon, Fayard, Tallandier, Grasset ou encore Gallimard ont carrément livré leurs listes au nazis.

Bernard Grasset s’est aussi empressé d’écrire dans la presse sur sa communauté de vue avec l’occupant. Il a installé sa maison d’éditions à Vichy histoire de se faire bien voir, et a publié les bouquins de différents fascistes et nazis comme Jacques Doriot, Drieu La Rochelle, Abel Bonnard. Après la guerre, il a été condamné à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens (maison d’éditions comprise) mais il a été interné en hôpital psychiatrique, si bien que sa femme a pu diriger la maison d’éditions jusqu’à ce que le président Vincent Auriol l’absolve en 1948 [59] et qu’il soit amnisité en 1953. En 1954, les éditions Hachette ont repris Grasset. « La très grande majorité des professionnels participa sans état d’âme à cette destruction de ce qui était le cœur même de l’univers des livres et de la pensée« , analyse Jean-Yves Mollier.

En matière d’épuration à la Libération, c’est le Comité National des Ecrivains qui a mené les opérations. Finalement, les sanctions sont tombées sur propagandistes nazis les plus visibles ou ceux qui avaient profité de l’aryanisation des maisons d’éditions appartenant à des Juifs, mais les cadres dirigeants des maisons d’éditions sont généralement restés en place[60]. Comme ailleurs, les témoignages favorables ont été déterminants pour la grande blanchisseuse qu’a été l’épuration.

Par exemple, Gaston Gallimard s’en est tiré à bon compte. Pendant la guerre le nazi Drieu La Rochelle a dirigé les éditions NRF (créées par Gallimard)[61] et poursuivi grâce au soutien d’Otto Abetz, ambassadeur allemand en France, la publication de La Nouvelle Revue Française. Gaston Gallimard dînait aussi avec des officiers allemands. Il a eu la chance d’être soutenu par des écrivains proches de la résistance et / ou de la gauche, ce qui lui permet d’éviter de rendre des comptes et de racheter d’autres maisons d’éditions.

Le militant d’extrême-droite Gabriel Jeantet, qui a recommandé Mitterrand pour obtenir la francisque, était comme lui un militant royaliste et d’extrême droite : il avait milité chez les Camelots du Roi et à l’Action Française dans les années 30, puis a trafiqué des armes depuis l’Espagne ou l’Italie pour la Cagoule. Quand l’organisation a été démantelée, Jeantet s’est planqué, puis a rejoint le cabinet civil de Pétain, en 1940, pour créer une revue vichyste. Selon certains, il a contribué à l‘arrestation de résistants, parmi lesquels il se trouvait ainsi que son amie intime, elle-même Résistante.

L’histoire dit que, missionné par Pétain, il aurait tenté d’agir dans le cadre de l’attentat organisé contre Hitler[62], mais prend quand-même 25 ans d’indignité nationale. Après la guerre il a pris la direction d’une collection aux éditions de la Table Ronde (créées en 1944 et très à droite), jusqu’à ce qu’il soit aperçu en 1970 à une réunion d’Ordre Nouveau, dont il a fait partie du conseil national en 1972. Il s’est ensuite investi dans la création du Front National avec ses copains d’Ordre nouveau notamment.

Un certain Georges Duplaix, éditeur de livres pour enfants, anticommuniste et très proche ami de Pierre Bénouville[63], était à la fois très à droite et très proche des US puisqu’il était naturalisé américain depuis novembre 1940. Il est revenu en France avec sa famille en 1947, et fait alors de nombreux voyages entre Paris et New York.

En 1951, il a reçu l’ex Président de la République Paul Reynaud dans sa villa de Palm Beach. Duplaix entre au Council on Foreign Relations, un lobby transatlantique. Il a ensuite mis la main, avec Bénouville, sur la maison d’éditions Cocorico, grâce à de l’argent issu de fondations US. Aux Etats-Unis, il avait contribué en 1942 au lancement de la collection pour enfants des Little Golden Books[64] rachetés par Disney.

Duplaix formait, d’après ses descendantes, un véritable « trio » avec Dulles et Bénouville dans les années 40 et 50. Membre du Council on Foreign Relations (lobby atlantiste) et il recevait beaucoup d‘argent de la CIA. Duplaix était aussi impliqué dans la politique en Italie[65], était un fervent défenseur de « l’Europe », et déménageait souvent brusquement entre les Etats-Unis et la France, et certains courriers laissent penser qu’il a travaillé sur le développement de moyens de communication radio discrets dans le dos de l’Etat. Sa maison d’éditions, Les Petits Livres d’Or, ciblée sur les moins de 8 ans, était aussi un élément de la machine de propagande, tout en permettant probablement de faire circuler de l’argent discrètement au niveau international.

Du côté du show biz, on peut citer un certain nombre d’icônes qui ont allègrement collaboré avec les nazis mais ont bénéficié du brouhaha des années d’après-guerre pour noyer le poisson ou passer sous le tapis les faits les plus gênants. Car il faut comprendre que le spectacle a continué sous l’Occupation : les paillettes, les starlettes, les tournées, les festivals, les soirées du tout-Paris et de la jet-set n’ont pas cessé.

Au contraire : c’étaient autant d’occasions de poursuivre la propagande par le divertissement et de montrer que la via normale suivait son cours. Le cinéma et la radio, de même que les journaux, ont été utilisés pour servir les intérêts de l’Occupant. Avec pour le milieu du cinéma un traitement spécial, plus libéral, destiné à en accélérer la « décadence ».

Goebbels, chargé de la propagande nazie, a ainsi créé à Paris dès le début de la guerre une grosse société de production, la Continental. Celle-ci était financée par des capitaux allemands et a produit une trentaine des 200 films tournés pendant l’Occupation.

Parmi les stars de ces films, certains noms sont restés longtemps en haut de l’affaire : Louis Jouvet, Michel Simon, « Danielle Darrieux, Raimu, Pierre Fresnay, Fernandel ou encore Tino Rossi, mis en scène par les grands noms de l’époque : Henri Decoin, Maurice Tourneur, Christian-Jacque, Henri-Georges Clouzot, auteurs de chefs d’œuvre du cinéma français classique tels que L’Assassinat du père Noël, la Main du Diable, L’assassin habite au 21 ou encore Le Corbeau », énonçait France culture en septembre 2017.

Dans sa thèse « La propagande par le divertissement, un masque de normalité« , Cécile Méadel explique la stratégie : « D’abord, il s’agit pour l’occupant de faciliter le maintien de l’ordre en divertissant la population. Ensuite, les Allemands veulent encourager les milieux collaborationnistes en laissant croire à un avenir possible pour une Allemagne nazie. Enfin, cette politique vise « à exciter les ferments de décadence si heureusement actifs dans la société française, selon les nazis, et à fomenter la discorde en jouant sur toutes les failles » ».

Sacha Guitry, par exemple, a bien travaillé sous l’Occupation: « Il produit six pièces et cinq films. On retrouve dans les journaux collaborateurs des annonces de ses conférences parisiennes sur l’âme de la nation française« , lisait-on dans Le Parisien ce 23 août 2019. Il se disait ouvertement pétainiste et fréquentait les soirées mondaines, y compris à l’invitation de l’Occupant. Après avoir 60 jours de prison à la Libération pour collaboration, il a bénéficié d’un non-lieu.

Les studios de cinéma français ont tourné à plein pendant l’Occupation, et les recettes ont été d’autant plus florissantes –notamment pour les grandes familles du cinéma, déjà bien installées- que les films anglais et américains étaient interdits.

Arletty est un cas assez emblématique de cette connivence entre le show biz et l’occupant, et aussi de l’oubli généralisé à ce sujet après la guerre. Caraujourd’hui certains disent que bon, elle a peut-être couché avec un ou deux Allemands, mais qu’il n’y a là rien de bien grave. Dans les années 20, elle a fréquenté le Tout-Paris, était la voisine de Coco Chanel (autre collabo) et sortait avec des types très riches et très collabos. Elle avait démarré dans le cinéma dans les années 30, fréquentait le pro-nazi répugnant Louis-Ferdinand Céline et a poursuivi sa carrière sous l’Occupation.

A partir de 1941 (et jusqu’en 1949) elle sortait carrément avec un officier allemand très proche de Göering, un dénommé Hans Jürgen Soehring rencontré par l’intermédiaire de la fille de Pierre Laval, alors 1er ministre de Pétain. A la Libération Arletty a été emprisonnée quelques jours, puis s’est mise au vert quelque temps et a repris sa carrière. Voilà pour la version « Wikipedia », on va dire.

Mais Arletty fut un peu plus impliquée que cela dans la collaboration. En 2015, sa correspondance avec son officier de la Luftwaffe a été mise au jour. On comprend qu’ils vivaient dans le faste, organisant des soirées prisées par les « artistes », où venaient Colette, SachaGuitry, Paul Valery, Jean Cocteau… (cela rappelle ces stars si promptes à critiquer les Gilets Jaunes comme Berléand et à encenser le micron comme Arditi…). Elle a participé à des cérémonies officielles et a totalement participé à la propagande du régime.

Un article de L’Express de 2015 est assez énorme dans sa formulation de cette compromission d’Arletty : « A ce stade, évidemment, une question que l’on ne peut esquiver : Hans Jürgen Soehring était-il nazi ? Membre du Parti national-socialiste avant-guerre, il fut un magistrat allemand loyal sans être fanatique, avant d’intégrer l’aviation. Certes, sous l’Occupation, il est un des hommes de confiance de Göring à Paris – une photo montre les deux hommes montant dans une immense Mercedes… […] Après la guerre, il ne sera pas inquiété et sera même nommé consul de RFA en Angola, en 1954. Alors, nazi, ce Soehring, à la fois lecteur de Goethe et ami de Göring ?« .

Coco Chanel a été plus loin, jusqu’à renseigner les nazis. Elle sortait avec un espion allemand, l’ambassadeur Hans Günther von Dinklage, alias « Spatz », et a fini par travailler pour les nazis en tant qu’agent F-7124 et sous le nom de code « Westminster ». Elle menait ces activités tout en essayant d’arranger son business grâce aux lois aryennes. Etrangement, ces révélations, sont sorties dans une bio parue en 2011 aux Etats-Unis. La 58e bio sur Coco Chanel, mais la première à aller si loin dans les précisions sur son passé de collabo.

Dinklage, l’amant de Coco Chanel, était un agent important de l’Abwehr, les renseignements de l’armée allemande, puisqu’il dirigeait depuis 1929 un réseau de renseignement basé à Toulon, selon l’auteur de cette bio, Hal Vaughan. Dans une interview à L’Obs en août 2011, celui-ci explique: « Chanel fait sa connaissance vers le milieu des années 1930. C’est quand ils deviennent amants, en 1940, que le ”moineau” embringue le ”cygne noir », selon le mot de Cocteau. D’après Vaughan, et c’est là son principal scoop, Coco mène à bien sa première mission dès 1941. ”Elle est chargée d’introduire en Espagne le Français Louis de Vaufreland, un espion au service des nazis.” En 1949, Vaufreland sera condamné à six ans de prison pour intelligence avec l’ennemi« .

Elle a ensuite participé avec son agent allemand à l’opération Modelhut fin 43 – début 44, dont l’objectif était d’ouvrir discrètement des discussions de paix bilatérale entre les nazis et les anglais. Mais l’opération aurait raté.

L’épuration n’a pas été plus massive dans le cinéma que dans l’édition, la presse ou ailleurs. Les plus suspects de collaboration active ont été poursuivis et mis sur la touche pendant un temps mais sont revienus rapidement sur le devant de la scène. Comme France Actualités et Pathé-Gaumont qui ont obtenu en 1940 le monopole pour diffuser les actualités –politiquement orientées bien-sûr- dans les cinémas de la zone libre.

Des producteurs ou réalisateurs qui s’étaient pourtant mis au service des nazis, mais ont été soutenus par le ministère de l’Information d’après-guerre[66] et ont pu contribuer à relancer ‘léconomie nationale en reprenant leurs affaires.

L’épuration dans le cinéma français a « été d’emblée contrariée par des enjeux économiques, en l’occurrence la reprise de l’activité économique à la fin 1944″, écrivait Claude Singer dans l’article « Les contradictions de l’épuration du cinéma français (1944-1948) ». C’est terrible cette manière de faire passer si souvent l’éthique et la moralité après « l’activité économique », qui finalement sert toujours les mêmes, quel que soit le régime.

Les hauts fonctionnaires liés à l’industrie du cinéma et des serviteurs de Vichy ont poursuivi leur activité, parfois avec des promotions, toujours dans l’idée de barrer la route aux communistes. Par exemple un certain Robert Buron, secrétaire général du COIC de 1941 à 1944, a été nommé chargé de mission et conseiller technique au ministère de l’Information à la Libération, pendant qu’un dénommé Pierre Riedinger, chef de cabinet à la direction du cinéma sous l’Occupation est devenu en 44 directeur-adjoint à la Direction générale du cinéma, et qu’un dénommé Philippe Acoulon, commissaire du COIC de 42 à 44 a conservé ses fonctions, devenant conseiller du ministre de l’Information Teitgen [67].

Bref, il y a eu 500 sanctions, dont une moitié d’exclusions temporaires et une moitié de simples blâmes[68]. Quand elle a eu lieu, donc rarement, « L’épuration n’a pas été durable et elle n’a pas contribué non plus à renouveler le cinéma français« , constate Claude Singer, et de poursuivre : « Sur le plan thématique, la Libération ne se traduit pas non plus par un bouleversement majeur« .

Allemagne :

Rapidement, un focus sur la situation en Allemagne au sortir de la guerre. En 1948, le « meilleur magazine culturel du monde », Der Monat, a été lancé à Berlin ouest par un dénommé Melvin Laski, à la demande du général Lucius Clay. Ce jeune écrivain américiain en vogue né à New-York en 1920 était aussi un soldat rattaché à l’Information Control Division qui chapeautait la presse, la radio et le théâtre en Allemagne occupée, et il a mmédiatement obtenu des fonds du gouvernement d’occupation. Lasky a aussi été un des organisateurs du Congrès pour la liberté de la culture même s’il a cherché à rester discret.

Dès le premier numéro, Der Monat, revue qui se situait au centre-gauche, a obtienu de grandes plumes. Des gens comme Sartre bien-sûr, mais aussi Arthur Koestler, Bertrand Russel y ont écrit… Le journal est vite devenu un organe de propagande anti soviétique.

Par ailleurs, plusieurs journalistes de grands médias étaient en réalité des agents du BND placés dans ces radios, télés et journaux pour diffuser la parole officielle, pro américaine, pro européenne, ultra libérale, anti sociale. Un certain Rolf Vogel, proche de Hans Globke (ex nazi, conseiller d’Adenauer et proche des renseignements, dont on a déjà parlé) bien qu’à moitié Juif, était membre du BND (les renseignements allemands), officier de réserve de l’armée allemande et en même temps journaliste au Deutsche Zeitung, a par exemple couvert le procès d’Eichmann.

Au cours de ce procès, Vogel n’a pas fait qu’écrire des articles pour le Deutsche Zietung qui l’avait officiellement envoyé. « Selon l’historien et rédacteur du Spiegel Klaus Wiegrefe, Vogel était cependant aussi un agent du Bundesnachrichtensdienst (BND), les services secrets Ouest-Allemands, envoyé à Jérusalem en 1961 pour prendre la défense éventuelle du secrétaire d’Etat à la Chancellerie Hans Globke, qui risquait une mise en implication par Eichmann. Le journaliste joua vraisemblablement le rôle de spécialiste des questions israéliennes pour plusieurs institutions de Bonn » (le centre administratif du pays), écrit Ariane D’Angelo dans son livre « Promouvoir la RFA à l’étranger (1958-1969): L’exemple de la France« . Volke a aussi beaucoup oeuvré au rappochement des relations germano-israéliennes et a été placé à la tête d’un service de rpesse allemand diffusé à l’étranger en français, anglais et espagnol.

Au Spiegel, une « grande plume » de ce grand magazine a fini par défrayer les chroniques : en 2014, un ex capitaine de la SS, Horst Mahnke, est balancé par son propre journal. Mais il y avait été fort : il avait espionné la rédaction pour le compte des services secrets, le BND, et cela pendant des années. D’ailleurs, Gehlen lui-même se vantait d’avoir « une grande influence » sur le Spiegel.

« Membre de la SS, employé de l’Office central de la sécurité du Reich (Gestapo et SD), il a aussi participé à des exécutions de juifs et de partisans russes à Smolensk au sein du commando d’intervention B. Dans le chaos de l’après-guerre, Horst Mahnke s’en est sorti avec deux ans de prison, 400 DM d’amende et une interdiction professionnelle qu’un tribunal d’appel a fini par lever en 1950. Il a alors repris une carrière journalistique, en dirigeant pas moins que la rubrique internationale de «Der Spiegel» et en finissant sa carrière chez l’éditeur Axel Springer («Bild», «Die Welt») en tant que directeur du comité de lecture du groupe, soit l’organe chargé de décider de la ligne rédactionnelle des journaux du premier groupe de presse allemand! Dès 1961, Mahnke s’est aussi engagé à espionner ses employeurs pour le compte des services secrets extérieurs (BND). Son nom de code: «Klostermann».« , lisait-on dans le quotidien Suisse la Liberté, le 11 décembre 2015.

L’éditeur de médias Axel Springer aurait quant à lui touché 7 millions de dollars de la part de la CIA au début des années 50 afin de former un énorme conglomérat très conservateur, dont faisait partie le quotidien Bild Zeitung qui a atteint 11 millions de lecteurs quotidiens [69].

Lors des grèves étudiantes de 1968, les manifestants s’en sont pris principalement à la propagande de Springer et ont cherché à bloquer la distribution de ses journaux (mais la police a été efficace pour préserver les intérêts du capital). Ce groupe est toujours hégémonique aujourd’hui en Allemagne.

Le Congrès Pour la Liberté de la Culture a aussi été très actif en Allemagne à la fin des années 60. Le responsable officieux du Congrès, basé à Cologne, était un ancien fonctionnaire de la culture sous le 3e Reich, Josef Kaspar Witsch, qui a pu publier des livres de grands auteurs US, grâce à l’aide de la CIA. Witsch, membre des SA dès 1933 et du NSDAP à partir de 1937, est donc devenu l’éditeur de la nouvelle gauche allemande, celle qui était non communiste et pro américaine, et un agent au service des intérêts américains, si ce n’est de la CIA.

Plus récemment, un célèbre journaliste allemand a révélé que des journalistes étaient encore payés ou sous influence de la CIA. Son dernier livre (il est mort à 56 ans d’une crise cardiaque en janvier 2017) paru en 2014 dénonçait la corruption des journalistes, et s’appelait « Les journalistes achetés« . Mais, Udo Ulfkotte, qui en parle très bien parce qu’il a lui-même longtemps profité du système, ayant même été conseiller d’Helmut Kohl, a expliqué que ledit système avait lieu aussi en France, au Royaume-Uni, en Australie, en Israël, en Nouvelle-Zélande, et que le but était de publier de fausses informations.

Les rubriques « économie », « international » et « Europe » étaient particulièrement visées. Ulfkotte explique que ces journalistes, qu’on voit sur le terrain lors des guerres, dans des convois militaires, sont souvent des « agents non officiels sous couverture », et que lui-même en a été un. Ils désinforment le public, et informent les renseignements, allemands et US [70].

Il explique qu’au Frankfurter Allgemeine, où il travaillait, les renseignements venaient souvent à la rédaction, et écrivaient carrément des « rapports » à partir desquels il n’y avait plus qu’à faire un article, en faveur de la guerre par ci ou par là. Il expliquait dans une vidéo que ses collègues journalistes allemands « qui jour après jour écrivent contre les russes sont dans des organisations transatlantiques » (on y reviendra mais ce sont des « think thank » ou des lobbys du genre de la french American Foundation). Il ajoutait que « tous les journalistes des médias allemands réellement importants et respectés sont tous membres ou invités des grandes organisations transatlantiques »[71].

Pour conclure cette partie, il faut ouvrir des perspectives. Car tous ces éléments, sur la collaboration US-fascistes, a des implications qu’il faut comprendre pour mieux démonter ce système économique et politique. On le constate chaque jour un peu plus : une minorité confisque la démocratie, grâce à de nombreux leviers plus ou moins sophistiqués. Le propose ici est de montrer que cette élite n’a pas changé, ou presque pas, depuis l’avant-guerre.
Les mêmes restent au pouvoir quel que soit le régime. Aujourd’hui nous sommes en micronie et qui a poussé pour que l’opinion publique accepte cet individu sorti de nulle part? Qui bénéficie de ses politiques?

Ces gens n’utilisent le concept de démocratie que pour mieux manipuler l’opinion. Mais ils servent toujours leurs intérêts, intimement liés à l’expansion de l’ultra libéralisme, c’est-à-dire quand les « entreprises » (les plus riches surtout évidemment) ont tous les droits et les citoyens, quasiment aucun. A part, j’allais oublier, ceux de voter et de respirer.
Si nous sommes aujourd’hui dans une sorte de fosse sceptique géante de laquelle nous n’arrivons pas à sortir, c’est parce que ce système a été conçu pour être accaparé par une certaine caste tout en haut de la hiérarchie du pouvoir d’achat. L’enjeu pour les citoyens est de déconstruire beaucoup d’idées reçues au sujet de la démocratie, des institutions, de l’Etat de droit et de quelques autres notions dont on nous a rebattu les oreilles du CP jusqu’à la fin de nos études.

Notes

[1] Circulaire du ministre de l’Éducation nationale aux recteurs du 6 octobre 1944 sur l’épuration administrative dans l’enseignement.

[2] « Selon des estimations globales, environ un tiers des enseignants aurait été épuré en zone britannique, plus de 35 % en zone française, plus de 46 % en zone américaine« , rapporte Corine Defrance dans son essai. Mais beaucoup de sanctions ont été limitées, et une partie a été révisée ensuite.

[3] On lit des commentaires dithyrambiques sur ce Gaston Berger, notamment dans le livre d’un certain Antoine Livio, qui liste certaines des créations de Berger : « Que lui doit-on ? La création d’un troisième cycle d’enseignement supérieur, la réforme des études juridiques, le développement d’instituts de recherche dans les universités de province, le lancement de la promotion du travail, le plan de construction de nouvelles facultés et laboratoires, le plan pour l’augmentation progressive des professeurs ». Après quoi il s’installe à l’Ecole pratique des hautes Etudes, dans une chaire de « philosophie prospective ».

[4] Cf. Serge Benest,  » Recomposition de l’ordre disciplinaire et analyse des faits économiques : le cas de la VIe Section et de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales », 2019.

[5] Selon le site de l’EHESS, « La création de la VIe section de l’EPHE dans le cadre du renouvellement institutionnel de l’après-guerre, avec l’aide financière de la Fondation Rockefeller, a été le fruit de la rencontre de trois hommes : Lucien Febvre, Fernand Braudel, Charles Morazé. Ce dernier a été le passeur qui mit la Fondation Rockefeller en relation avec Lucien Febvre, l’historien inventeur de l’École historique des Annales ».

[6] John D Rockefeller III a participé aux discussions lors des réunions préparatoires du Conseil national de sécurité qui a formalisé en 1948 la mise en place du réseau stay-behind.

[7] Cf. Serge Benest, dans « Les fondations philanthropiques américaines en France au XXe siècle », 2011.

[8] Le Centre de sociologie des organisations a été créé par Michel Crozier, qui a obtenu « une bourse pour étudier les syndicats aux Etats-Unis » pendant 14 mois. De retour, il entre au CNRS (largement financé par les US également), « avec pour projet de comprendre les raisons pour lesquelles les employés n’ont pas la conscience de classe que leur suppose la théorie marxiste. Il participe, dès sa fondation, à l’Institut des sciences sociales et du travail (ISST) financé par des fonds provenant des contreparties de l’aide Marshall« . En 59, Crozier est « invité par la Fondation Ford au Center for Advanced Studies in the Behavioral Sciences, à Palo Alto en Californie, et y commence la réflexion qui va le conduire à la rédaction, d’abord en anglais, puis en français (sous forme de thèse d’État) de son livre Le Phénomène bureaucratique, qu’il publie en 1964. Il y esquisse les fondements de ce qui deviendra « l’analyse stratégique des organisations« . Crozier était aussi membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques.

[9] Cf. Serge Benest, dans « Les fondations philanthropiques américaines en France au XXe siècle », 2011.

[10] 26 mineurs grévistes ont été tués en avril 1914 à Ludlow, après que la garde nationale du Colorado ait attaqué à la mitrailleuse un campement de 1200 grévistes.

[11] Selon l’article de Ludovic Tournès « Sciences de l’homme et politique« , les fondations faisaient beaucoup dans l’humanitaire, finançant des campagnes sanitaires dès 1913 pour l’International Health Commission  de la fondation Rockefeller, alors que « Les campagnes sanitaires font […], dès le début du XXe siècle, partie intégrante de la politique étrangère américaine » Pendant la Première Guerre mondiale, l’intervention US s’est doublée de celles des œuvres humanitaires / philanthropiques, comme la Croix-Rouge US (que Wilson charge en 1914 de « coordonner l’action humanitaire en Europe » devenant ainsi « un auxiliaire de la politique étrangère américaine« ), la fondation Rockefeller (qui installe une antenne à Berne dès la fin 1914), l’Armée du Salut, l’Eglise de la Science Chrétienne… Après la guerre, la Croix-Rouge mène en Europe des campagnes d’hysgiène et de suivi des enfants.

[12] Cf. Ludovic Tournès, « Sciences de l’homme et politique« , 2011.

[13] Cf. Serge Benest, « Recomposition de l’ordre disciplinaire et analyse des faits économiques : le cas de la VIe Section et de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales », 2019.

[14] Parmi les recrues de la fondation Rockefeller, il y avait Charles Morazé, qui a contribué à la création de la Vie section, après avoir été repéré par la fondation Rockefeller et avoir fait un « séjour d’études » aux USA à l’été 1947.

[15] Pendant la seconde guerre mondiale, Marjolin et Monnet ont travaillé, d’abord à Londres puis carrément aux Etats-Unis, à la « reconstruction » économique de l’Europe. Marjolin était l’un de ceux qui ont tenté de faire passer l’économie pour une science exacte, rationnelle et même mathématique.

[16] La Fondation Ford, créée par le très fasciste Henri Ford, était aussi très liée aux renseignements US. Par exemple, à sa tête se sont succédé en 1952 Richard Bissel, ancien de l’OSS, puis John McCloy, ex secrétaire d’Etat adjoint à la guerre, ex président de la Banque Mondiale, ex haut-commissaire en Allemagne, puis en 1966 McGeorge Bundy, ex conseiller su de Kennedy sur la sécurité nationale.

[17] Cf. Ludovic Tournès, « Sciences de l’homme et politique« , 2011.

[18] Cf. Serge Benest, dans « Les fondations philanthropiques américaines en France au XXe siècle », 2011.

[19] « Le général Béthouart écrit dans ses mémoires que les nazis les plus compromis ont été sanctionnés par des saisies pouvant atteindre 40 % de leurs biens. On leur imposait aussi une majoration d’impôts de 10 % pendant un certain nombre d’années. Ces mesures auraient été imposées à 42 000 Autrichiens dont 6 000 qui se trouvaient en zone française d’occupation. Les moins compromis (481 000 dans l’ensemble du pays et 80 000 en zone française d’occupation) étaient beaucoup moins sévèrement sanctionnés, et dans certains cas pas du tout. Un total de 72 000 agents de l’administration et des services publics aurait été révoqué par le gouvernement autrichien « , écrit Eric Dussault dans l’article « Politique culturelle et dénazification dans la zone d’occupation française en Autriche (Tyrol et Vorarlberg) et à Vienne de 1945 à 1955 ».

[20] Découverte en 1975 à la suite du Watergate, l’opération Mockingbird a été immédiatement arrêtée, du moins officiellement et sous ce nom.

[21] Parmi les éminentas partons de presse et journalistes qui étaient de collusion avec la CIA, il y avait, outre le très à droite Henri Luce, des gens comme Philip Graham éditeur du Washington post qui a aidé à recruter des collègues dans l’opération, ou le journaliste Joseph Aslop qui a écrit dans 300 médias différents.

[22] Un média américain d’avril 1951 mentionnait un don de 270.000$ des fondations Ford et Rockefeller pour « défendre la liberté d’expression ».

[23] Par exemple François Albert-Buisson fut académicien mais surtout businessman et pharmacien: fondateur du labo Theraplix, il a été administrateur de plusieurs grosses entreprises et banques dans les années 30  (président de la Banque nationale française pour le Commerce extérieur (BNFCE) et président fondateur de la BNCI, mais surtout président du conseil d’administration de Rhône-Poulenc de 1935 à 1959). Il a été élu du cartel des Gauches, vote les pleins pouvoirs, est condamné à l’illégibilité puis finalement est considéré comme résistant, il devient « économiste » et « historien » après la guerre et entre à l’Académie Française en 55. De Gaulle lui file même la légion d’Honneur.

[24] Cf. « Ce qu’il reste de Vichy », de Jérôme Cotillon.

[25] Dans les années 30, quand sa banque, la BNC, est en difficulté, ses amis, notamment le ministre Flandin, apportent la garantie de l’Etat, ce qui évite la faillite.

[26] Un don qui avait été refusé par la Résistance, car à cette époque beaucoup tentaient de s’acheter une virginité en donnant de l’argent à la résistance non communiste. Seuls les dons anonymes étaient donc acceptés, mais pour celui de Provost, un chef de groupe proche des anti communistes comme Frenay, a accepté l’argent. Cet homme Michel Brault, a ensuite continué à travailler pour les Américains.

[27] Cf. « La non épuration en France », Annie Lacroix-Riz, p 201.

[28] Jusqu’au rachat de la filiale propriétaire des médias, Socpresse, par le groupe Dassault en 2006. Il ne reste aujourd’hui plus grand-chose du groupe Hersant, qui a eu tant de poids dans le paysage médiatique.

[29] Ce « Jeune front »  était un groupe de jeunes nazis, qui n’hésitaient pas à racketter des commerçants Juifs, et couraient après les biens qui étaient volés aux Juifs. Dans « Le Dossier Hersant », Nicolas Brimo et Anne Guérin écrivent que « Le 13 août et le 22 septembre 1940, la police parisienne ouvre deux informations pour tentatives d’extorsion de fonds contre des commerçants israélites et entend Robert Hersant. Le chef ne doit pas avoir la manière. Heureusement pour lui, le tout est classé sans suite« .

[30] L’expérience Vichyste s’avèrera malheureuse : en 1943, à 23 ans, Hersant est inculpé pour « escroquerie, abus de confiance et infraction aux lois sur le rationnement et titres d’alimentation« , et va en prison pour trafic de conserves et marché noir. Il a beaucoup de chance car au bout d’un mois un juge le libère en conditionnelle et l’affaire n’a jamais été jugée (cf. « Le dossier Hersant »).

[31] Selon Libération du 22 avril 1996, « A la Libération, il se présente aux municipales dans l’Oise. Son étiquette de «collabo» lui vaut d’être battu à plate couture. L’accusation débouche sur une condamnation à dix ans d’indignité nationale, qui sera amnistiée en 1952« . Dans « Le dossier Hersant », Nicolas Brimo et Anne Guérin expliquent que suite à sa candidature aux municipales « le 5 juin 1945, Robert Hersant est convoqué par le juge d’instruction, M. Cornet, qui l’inculpe aussitôt d’atteinte à la sûreté de l’Etat pour faits de collaboration. Le 17 juin, le chef prend le chemin de la prison de Fresnes. Il sera libéré le 16 juillet. Entre les quatre murs de sa prison, Robert hersant noue des relations. Il y a là bon nombre de patrons qui n’ont pas hésité à mettre leurs entreprises au service des nazis ».

[32] La technique d’Hersant était d’emprunter auprès de plusieurs banques, jusqu’à une quinzaine selon le Nouvel Observateur du 12 juillet 1976. Il obtenait ces prêts pour racheter des médias, grâce à la caution du gouvernement : « Prenons l’exemple du « Figaro ». Il lui fallait verser tout de suite 40 millions de francs lourds à Jean Prouvost. Il a trouvé 10 millions — comment ? — dans les journaux de son groupe, et emprunté les trente autres à une dizaine de banques, à raison de 3 millions chacune. « Une petit somme, dit Hersant, et il n’y a aucune raison de vous la refuser quand on apporte en garantie la totalité de ses propres affaires. » A plus forte raison, quand on est « recommandé » par l’Elysée et Matignon… Les banques Hervet, Worms, la B.N.P., les Banques populaires, la Société générale, Suez, etc. auraient donc prêté chacune quelques millions à Hersant pour qu’il s’empare du « Figaro » »

[34] En 1944 il est incarcéré un temps et déchu de ses mandats mais les procédures contre lui et son journal sont classées sans suite en 1945 et 1946.

[35] Amaury a été décoré de la Croix de guerre et de la Médaille de la résistance.

[36] L’OPG a mené la propagande du ministère de la famille au moins jusqu’en avril 1942.

[37] Cf. « La saga de la presse : d’Émilien Amaury à Robert Hersant », de Roger Lancry.

[38] Ex journal L’Auto, vendu à un trust allemand en 1940 et dirigé par un collabo resté en place après la guerre grâce à Emilien Amaury. Libération explique dans un article du 4 juillet 2004 : « C’est encore Amaury qui inspire le «cahier bleu», qui tiendra lieu de législation en matière de presse pour le gouvernement provisoire d’Alger. Pour Jacques Goddet, c’est un soutien de poids qui intercédera auprès de Pierre-Henri Teitgen, le ministre de l’Information. Ce dernier autorise Goddet à lancer un des trois nouveaux quotidiens sportifs en février 1946, s’il renonce au papier jaune de l’Auto, au titre Vitesse au profit de celui de l’Equipe, et… s’il s’abstient d’y signer les premiers temps ».

[39] Cf. « Autour d’Irving Brown : l’AFL, le Free Trade Union Committee, le département d’Etat et la scission syndicale française », par Annie Lacroix-Riz, 1990.

[40] Il a fréquenté la mère de Marion, Yann, l’espace de quelques jours, et la famille Le Pen n’a pas voulu qu’il la reconnaisse. C’est donc le mari qui a reconnu Marion, et elle porte son nom.

[41] OTO, où Hutin aurait été initié à la demande d’un certain Philippe Pissier, spécialiste de Crowley et leader d’une des branches de l’OTO en France. Il dit « Ma ligne politique est avant tout la Loi de Thélème », c’est-à-dire « fais ce que tu veux », c’est-à-dire la classique loi du plus fort chère à la droite extrême.

[42] Jacques Bergier n’était pas vraiment un vulgaire complotiste : Juif né en Ukraine en 1912, mort en 1978, il a été ingénieur chimiste, Résistant, il a collaboré avec les renseignements français et allemands, a été écrivain (notamment de science fiction) et journaliste.

[43] André François-Poncet, dont on a déjà parlé, était dès les années 20 proche à la fois de l’ Allemagne où il a été ambassadeur et du Comité des Forges dont il publiait le « Bulletin Quotidien », tout en étant un fervent défenseur de l’Europe et de la collaboration franco-allemande. A la fin de la guerre, c’est tout naturellement qu’il a été nommé haut-commissaire français en Allemagne puis ambassadeur, toujours en Allemagne. Puis « De 1955 à 1967 enfin, il occupa les charges de vice-président, puis de président de la Croix-Rouge française« , résume sa bio officielle.

[44] Et ce lobbying est efficce : « En 2008, juste après l’élection de Nicolas Sarkozy, la même Académie avait déjà travaillé un rapport sur la même thématique [les programmes de sciences économiques et sociales au lycée]. Rapport qui avait fortement influencé la réforme des programmes menée en 2010 par Luc Chatel« , rappelait L’Humanité du 1er février 2017. Par ailleurs, avant 2017 aucune femme n’a pu y mettre les pieds.

[45] « En septembre 1940, après avoir été pendant cinquante-trois jours ministre des communications dans le gouvernement Pétain, il est nommé ambassadeur de France à Madrid ; il n’y aide pas les résistants qui franchissent alors les Pyrénées. François Piétri ne devait quitter l’Espagne qu’en 1948, après avoir été jugé, par contumace, par la Haute Cour de justice« , résumait Le Monde du 19 août 1966.

[46] Piétri a quand-même reçu 5 ans d’indignité nationale, avant de bénéficier d’une mesure de suppression de sa peine par le Conseil supérieur de la magistrature en 1950. Il a été plusieurs fois ministre dans les années 30, plutôt à gauche, et a basculé avec Vichy.

[47] Frédéric Charpier explique dans « La CIA en France » que : « La SFIO sait ce qu’elle doit au mouvement ouvrier, mais aussi à Irving Brown, qui a levé pour Le Populaire, auprès des banquiers Rothschild, 3 millions de francs« .

[48] Frances Stonor Saunders, « The Cultural Cold War : The CIA and the world of arts and letters ». Un livre introuvable en France.

[49] Brown a finalement été expulsé de France en 1960 par de Gaulle, pour avoir un peu trop soutenu le FLN en pleine guerre d’Algérie.

[50] Arrêtons-nous sur Jean-Monnet, qui était en fait héritier d’une entreprise familiale de fabrication de cognac. Très jeune, à 16 ans, il s’est rendu aux Etats-Unis et au Canada de 1904 à 1914. Puis il a fait de la diplomatie (on le trouve à la Société des nations a à peine 30 ans) avant de retourner immédiatement dans le business. En 1933 il se refait en Chine mais la deuxième guerre perturbe ses affaires. Il s’associe avec George Munrane pour amener des capitaux vers la Chine, puis il part à New-York en 1936 et se lance notamment dans des fusions-acquisitions, avec son cabinet d‘affaires en association avec Munrane. Il représentait par exemple le groupe Solvay aux Etats-Unis, et prenait semble-t-il des commissions conséquentes.

En 1937 il créé la « Monnet and Murnane Limited » pour introduire Solvay en Chine. C’est alors qu’il défend les intérêts de Solvay aux Etats-Unis qu’il entre en contact avec John Foster Dulles, avocat d’affaires, frère d’Allen Dulles le patron de la CIA, et futur secrétaire d’Etat, qui est alors ouvertement pro-nazis. John Foster Dulles est recruté en 1934 pour conseiller le groupe. Monnet était aussi proche de la banque Worms, et de son patron pro nazi Hippolyte Worms. Il détestait de Gaulle et a été mandaté par le Département d’Etat US dès février 1943, à Alger, pour soutenir le général Giraud qui devait « libérer » la France à la place de de Gaulle (cf. « La non épuration en France », Annie Lacroix Riz, p 129).

[51] Ce programme visait à sélectionner et mettre en avant des personnalités de confiance dans les milieux de la culture. C’est à travers ce programme qu’ont émergé beaucoup d’intellectuels en vue dans les années 50, 60.

[52] « Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours », p72.

[53] Ce machin était pensé comme une organe on officiel de propagande psychologique à destination de l’opinion publique française, pour qu’elle ait peur du communisme et se sente protégée dans le giron américain. Pleven a mis son ami Jean-Paul David à sa tête. Les financements provenaient de Matignon, mais aussi des Etats-Unis, via l’argent du plan Marshall.

[54] Les deux se seraient rencontrés en 1924 au bord du lac Léman, parce que Pleven était membre du Groupement universitaire français pour la Société des Nations (SDN). A ce moment, Monnet venait de démissionner de la SDN, dont le siège a été installé à Genève en 1924.

[55] Cf. « La non épuration en France de 1945 à 1953 », par Annie Lacroix-Riz, 270-273.

[56] Lui-même l’a avoué en 2014, peu avant sa mort. Selon philippe Rochot, qui a eu accès au manuscrit posthume d’Auque, « Sans scrupule il reconnaît : “J’ai été rémunéré par les services secrets israéliens pour effectuer des opérations en Syrie, sous couvert de reportage”.

[57] Ce serait d’ailleurs la libye qui aurait versé plusieurs millions pour sa libération et celle d’un autre otage.

[58] Cf. « Officines » de Frédéric Charpier, p. 168-169.

[59] Dans un article pour La République des Lettres, Fabrice Milosevic précise : « La société des éditions Grasset est dissoute et son patrimoine confisqué à hauteur de 99%. Mais l’éditeur, qui a fait appel du jugement et continue de publier (entre autres Hervé Bazin et Jacques Laurent) saura faire jouer son réseau d’intellectuels amis et obligés. Le président de la République Vincent Auriol transforme la peine en amende. En 1953, Bernard Grasset est finalement amnistié par un Tribunal militaire qui a pris la suite de la Cour de justice« .

[60] Cf. « L’édition française dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale » de Jean-Yves Mollier.

[61] Ce qui a permis d’éviter à Gallimard d’être gérée par un administrateur allemand.

[62] L’amiral SS Canaris a monté un complot en vue d’assassiner Hitler en 1943. Pétain aurait envoyé Jeantet négocier avec Canaris et les conjurés.

[63] Bénouville, très proche d’Allen Dulles depuis la guerre, est devenu résistant fin 1942 dans un groupe de droite opposé à de Gaulle, Combat, mais opposé à celui de Jean Moulin. Il est impliqué avec Henry Frenay dans l’arrestation de Moulin à Caluire. A la Libération il a aidé plein de collabos, et après la guerre il a été élu plusieurs fois député tout en conservant des liens étroits avec Dulles et la CIA.

[64] Vendus 25 cents, donc un prix très abordable, la collection a tout de suite eu un grand succès, les exemplaires étant souvent vendus à plus d’1 million d’exemplaires. Duplaix touchait 2% sur les ventes et très vite il est rentré en France. Son associé lui a alors dit que pour 2% des ventes, il ne travaillait pas beaucoup, ce à quoi Duplaix lui a répondu que s’il devait travailler pour eux il fallait lui payer un supplément.

[65] Il aurait été, selon sa fille, impliqué avec Bénouville dans le plasticage d’une banque italienne qui abritait de l’argent des communistes vivait à Rome vers 1955-1956, et traîne avec le collabo Jacques Soustelle, que Bénouville a fait sortir illégalement de France alors qu’il était recherché. Nicole Duplaix est persuadée que l’argent avec lequel son père menait grand train de vie venait de la CIA et de son ami Allen Dulles.

[66] Claude Singer cite l’un de ces collabos, le réalisateur Marcel Lherbier, qui a tenu dès le début de l’Occupation des propos antisémites et pro-nazis, et avait même fondé en 43 l’IDHEC, la première école de cinéma, grâce à des appuis haut placés à Vichy. Il a été suspendu à la Libération mais des relations haut placées lui ont permis d’obtenir une carte professionnelle malgré les protestations du comité d’épuration.

[67] « Les contradictions de l’épuration du cinéma français (1944-1948) » de Claude Singer.

[68] Parmi les sanctionnés cités par Claude Singer, il y avait par exemple Marcel Carné, Henri-Georges Clouzot, Jean Anouilh, Marcel Aymé, Sacha Guitry.

[69] Cf. « Virtual Government: CIA Mind Control Operations in America » d’Alex Constantine.

[70] Ulkotte explique que c’est parce qu’il a été un fidèle pion des US qu’il a pu mener une belle carrière dans un des plus grands médias allemands, le Frankfurter Allgemeine. Il savait qu’il devait défendre le point de vue américain pour continuer à bénéficier de ses privilèges (en Allemagne les journalistes ont des privilèges comme en France, pour bien les acheter).

[71] D’ailleurs, il explique que pour ferrer le poisson, les US invitent les recrues aux Etats-Unis, pour découvrir le pays tous frais payés. Ce qui fait penser au petit voyage du micron aux Etats-Unis, en 2007, grâce à une fondation appelée le German Marshall Fund, dont parle justement Ulfkotte comme étant l’un des organismes principaux de recrutement des US. A cette occasion, le micron effectuera un petit stage pour la banque Rothschild et rencontre les Kravis, un couple de milliardaires gérants d’un gros fonds d’investissement. Et en rentrant, Attali le recrute comme co-rapporteur de la commission bidon pour la pseudo libération de la croissance, un ramassis de délires ultra libéraux.

Source : DondeVamos


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