Cas de conscience

Le détournement des images… et la « maladie du partage »

Des vidéos de la guerre en Syrie présentées comme des images de Gaza.

Non, les écoliers ensanglantés ne sont pas des Gazaouis dont l’établissement vient juste d’exploser mais de jeunes Syriens filmés il y a quelques années. Non seulement la désinformation déshumanise les vraies victimes, mais de plus elle propage la haine.

Pourquoi se sert-on des images de la guerre de Syrie pour illustrer le conflit à Gaza ?

Dans quel but ?


Depuis le début, le 7 octobre, des hostilités entre Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza, Internet est inondé d’images montrant les horreurs de la guerre. Sur les réseaux sociaux, une vidéo montrant des écoliers syriens ensanglantés après une explosion a été faussement associée à Gaza, illustrant une inquiétante tendance à la désinformation.

Des journalistes de l’AFP spécialisés dans la vérification des faits ont révélé notamment que des photos et vidéos de la guerre en Syrie ont été présentées comme étant des images de la bande de Gaza. Largement diffusée sur les réseaux sociaux, une vidéo filmée par un enseignant dans une école du village d’Afes, dans le nord-ouest de la Syrie, montre des enfants visiblement terrifiés après un bombardement des forces gouvernementales.

Ces images ont été tournées dans le contexte de la guerre civile en Syrie déclenchée en 2011, mais certains utilisateurs ont affirmé que la vidéo montrait des snipers israéliens ouvrant le feu sur des enfants dans la bande de Gaza.

Des secouristes des Casques blancs, opérant dans les zones rebelles en Syrie, ont raconté à l’AFP que des éclats d’obus avaient volé dans les salles de classe et blessé plusieurs élèves. Une enseignante a succombé à ses blessures. Pour Ismail al-Abdallah, un bénévole des Casques blancs, la propagation de cette fausse information minimise « la gravité des véritables horreurs auxquelles ont été confrontés les civils » en Syrie.


Une autre vidéo, censée montrer les horreurs subies par les civils à Gaza, où les enfants sont parmi les plus touchés par la guerre, a en fait été tournée en Syrie en 2014. Elle montre un garçon en larmes après la mort de ses frères et sœurs. Une photo de 2013, sur laquelle on peut voir des enfants syriens morts enveloppés dans des linceuls, a également été détournée et partagée par une membre du Congrès américain.

Ces images détournées font de l’ombre à celles prises par des journalistes sur le terrain et, selon des experts, elles brouillent également la compréhension des conflits.

« Le but de la désinformation n’est pas seulement de faire croire à un mensonge, mais aussi de diviser », explique à l’AFP Lee McIntyre, chercheur à l’université de Boston.

Parmi ceux qui recyclent de vieilles images, on trouve des influenceurs de premier plan. C’est le cas de l’Américain Jackson Hinkle, qui a partagé en novembre une vidéo d’une femme tenant un jouet et descendant les escaliers d’un immeuble balayé par des éclats d’obus, avec la légende suivante : « Vous ne pouvez pas briser l’esprit palestinien ».

Elle a en réalité été tournée en 2016 dans la ville syrienne de Homs, ont révélé des journalistes de l’AFP grâce à la recherche d’images inversées. Pour Kenan Masoud, le directeur de l’école du village syrien d’Afes, la désinformation est « triste et dégoûtante ». « Les images d’enfants et de blessés ne sont pas à vendre ».

Ces détournements d’images sont « dangereux. La désinformation est souvent réalisée « à des fins propagandistes ».

Pourquoi la fiabilité des informations est un enjeu majeur du conflit ?

Le nouveau vecteur de la fake news est l’image.

« Les photos et les vidéos qui défilent sous les hashtags #Gaza ou #Israël sur X (ex-Twitter) font appel à l’émotion et pas au raisonnement ». Elles créent une réaction épidermique, suscitent le partage et ainsi se propagent les images, vraies comme fausses…

Des photos générées par des intelligences artificielles circulent beaucoup sur les réseaux sociaux, on y voit des enfants en pleurs s’extirper des décombres ou un camp israélien, installé au cœur de Gaza. Des montages, souvent utilisés par des manifestants hostiles à Israël.

Or depuis que le conflit entre Israël et le Hamas a été ravivé, des puissances habituées de longue date à user de la propagande pour décrédibiliser leur ennemi sont à l’œuvre. Dans ce contexte, comment informer le monde en se basant sur des informations, sinon fausses, forcément orientées ?

Les fake news ont donc un réel impact sur les actions militaires des deux parties et les démentis n’ont pas vraiment d’effet.

Pour l’ancien journaliste de France 2, qui a travaillé à de nombreuses reprises au Proche-Orient, « même une enquête de l’ONU n’aurait pas d’effet salvateur parce qu’elle arriverait trop tard ». La vague d’émotion provoquée par les images chocs, partagées sans contexte sur Internet, prend le dessus.

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier contre Israël, une guerre informationnelle se joue entre le groupe terroriste et l’Etat hébreu.

« Nous n’avons pas tué de civils ». C’est par ces mots que Basem Naim, chef des relations extérieures du Hamas, décrit sur la chaine SkyNews le 9 octobre dernier, le massacre perpétré par son groupe deux jours auparavant. Cette attaque, qui a causé la mort de 1 200 personnes en territoire israélien, est pourtant largement documentée, parfois par des vidéos diffusées par le Hamas lui-même.

La réécriture des événements du 7 octobre est notamment portée par de nombreux relais sur les réseaux sociaux. Sur X, l’influenceur américain Jackson Hinkle minimise ainsi les crimes du Hamas auprès de ses près de 2 millions d’abonnés. Selon lui, le groupe terroriste a tué moins de 100 personnes lors de son attaque.

L’explosion sur le parking de l’hôpital al-Alhi à Gaza, le 17 octobre dernier, a été une nouvelle occasion de vérifier le problème des réseaux sociaux. Le Hamas a accusé immédiatement l’Etat hébreu d’être responsable du tir, tandis qu’Israël a incriminé quelques heures plus tard un tir de roquette raté provenant du groupe Jihad islamique.

Peu de temps après, une publication qui semblait émaner du compte officiel d’Israël annonçait que la frappe avait touché l’hôpital. Il s’agissait en fait d’un faux envoyé par un internaute qui copiait l’allure du compte de l’État hébreu pour tromper l’audience.

L’IA au service de la désinformation

Dès les premiers jours du conflit, les images générées par IA se sont mélangées aux traditionnels photomontages et clichés anciens.

Dès la mi-octobre, la photo d’un bébé en partie enseveli dans des décombres devient virale, malgré de nombreuses incohérences. Un succès tel que l’image finit par être brandie lors d’un rassemblement au Caire, la capitale égyptienne. Si bien qu’on la retrouve en France, en Une du journal Libération, qui mettait en avant un manifestant avec cette fausse photo.

« Beaucoup des pancartes brandies dans les manifestations du 17 octobre étaient en effet générées par IA, qui devient ces derniers mois le socle artistique de protestations, comme auparavant l’étaient des pantins, poupées ou squelettes », s’était alors justifié le quotidien.

Une intelligence artificielle qui est aussi utilisée pour remettre en cause le discours des défenseurs d’une cause comme de l’autre.

C’est ainsi que le 27 octobre, plus de 28 millions de personnes ont entendu la mannequin Bella Hadid s’excuser d’avoir défendu la Palestine. Dans la séquence, la top model d’origine palestinienne expliquait avoir changé d’avis à ce sujet après avoir « étudié attentivement le contexte historique ». Là aussi, la vidéo avait été complètement trafiquée. Un internaute avait récupéré un discours de la mannequin en 2018 avant d’en manipuler la voix à l’aide de l’intelligence artificielle.

Mais désormais, dans ce conflit, une autre forme de contenus s’est invitée.

Dans un rapport publié le 16 novembre, la start-up américaine spécialisée sur les questions de désinformation a tenu à retracer une rumeur apparue sur les réseaux sociaux selon laquelle le psychiatre de Benyamin Nétanyahou se serait suicidé.

En remontant le fil de cette folle histoire, l’entreprise a découvert un article intitulé « Le psychiatre du Premier ministre israélien se suicide », publié le 6 novembre sur le blog Global village Space. Le texte indique qu’un certain « Moshe Yatom », qui serait le psychiatre du Premier ministre israélien, ce serait suicidé. Un nom qu’il serait vain d’essayer de confirmer. Puisque cette identité a été créée de toute pièce par l’intelligence artificielle. Ce qui n’a pas empêché cette affirmation de se répandre à toute vitesse. Et à sortir du seul cadre des réseaux sociaux, on en a retrouvé la trace jusque dans un reportage d’une chaine iranienne.

Il est difficile de rester impassible devant la déferlante de vidéos et d’images troublantes qui circulent depuis une semaine et demie sur X, Facebook, TikTok et YouTube.

Les auteurs de ces publications affirment que celles-ci illustrent l’état des lieux sur le terrain, dans la bande de Gaza et en Israël. Or, des images et des vidéos de la guerre en Ukraine ou de celle qui fait rage en Syrie depuis 2011 ont ainsi été utilisées dans les derniers jours pour illustrer le conflit entre Israël et le Hamas.

Une vidéo devenue virale montrait d’autre part des avions militaires américains qui, selon la description accompagnant celle-ci, venaient d’arriver en Israël. Or, il s’agissait plutôt d’images datant de 2019, filmées en Californie.

« Les contenus les plus évocateurs ont tendance à être ceux qui se propagent le plus », qu’ils soient vrais ou faux, constate Scott Bade, un analyste senior en géotechnologie pour l’entreprise Eurasia Group.

A l’heure des réseaux sociaux et de la post-vérité, « la guerre entre Israël et le Hamas se déroule sur deux théâtres : le champ informationnel et celui des opérations militaires.

Rien de nouveau pour le Hamas, rompu depuis belle lurette à la stratégie de la doctrine victimaire. Mentir, mentir, mentir : seul compte le récit auquel on croit.

Aurait-on déjà oublié les leçons de la bataille de Jénine, en avril 2002 ?

A l’époque, les Palestiniens avaient lancé une campagne médiatique accusant les Israéliens d’avoir commis un « massacre » dans le camp de réfugiés de Cisjordanie, entraînant la mort de centaines de Palestiniens. Emoi international, résolution de la commission des droits de l’homme de l’ONU condamnant les « tueries massives perpétrées par les autorités d’occupation israéliennes à l’encontre du peuple palestinien »…

Il faudra attendre presque quatre mois avant qu’un rapport de l’ONU ne rétablisse les faits, expliquant qu’il n’y avait pas eu de massacre à Jénine…

“Shatefet” la maladie du partage

“Shatefet”: le mot, néologisme récemment créé, est intéressant tant du point de vue linguistique que du point de vue de la guerre psychologique. Construit sur la racine SH-T-F (שתפ) qui signifie “partage”, avec le suffixe “ET” qui est employé pour décrire de nombreuses pathologies, il désigne donc la “maladie du partage”.

Mais de quel partage et de quelle maladie s’agit-il ?

Pour le savoir, il faut aller sur le site de la “Direction nationale du Cyber d’Israël” (Maarakh ha-Cyber ha-Léumi).

On y trouve un bandeau intitulé “Nous allons surmonter la Shatefet” et une vidéo humoristique sur une mère juive qui partage toutes sortes d’informations, plus ou moins sérieuses (“Les Houthis débarquent à Eilat !”), avec tout un chacun. La vidéo, très drôle, se termine par un message sérieux : “la maladie du partage aide l’ennemi et peut nous contaminer tous”.

Il s’agit donc, on l’aura compris, d’un message destiné à contrer la guerre psychologique du Hamas et des autres ennemis d’Israël. Cette vidéo met l’accent sur un phénomène très répandu dans notre monde actuel, dont les conséquences sont certes moins graves, mais parfois aussi dommageables en temps de paix : celui du partage incessant d’informations.


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