Les pogroms et les massacres furent nombreux dans les pays musulmans, contrairement à ce que soutient faussement une catégorie d’historiens approximatifs et de mauvaise foi.
En 1917, les autorités ottomanes se sont employées à persécuter les juifs et les chasser de leurs demeures, assassinés et pillés. Mais bien avant 1917, les Turcs pourchassaient les juifs par exemple au XIXe siècle.
Comme pour ce qui est des Arméniens avant le génocide de 1915 avec les massacres hamidiens, entre 1894 et 1897 sous le règne du sultan Abdülhamid II, surnommé le « Sultan rouge » ou le « Grand Saigneur » qui prônait le panislamisme comme idéologie de l’empire ottoman.
Il y a eu pogroms dans toute l’Anatolie, le haut-plateau arménien et jusqu’à Constantinople : plus de 200 000 Arméniens tués, quelque 100 000 islamisés de force et plus de 100 000 femmes enlevées pour être envoyées dans des harems.
Ce fut également le cas des communautés chrétiennes assyriennes/syriaques de Diyarbakir durant les massacres de 1895 et 1896 : plus de 25 000 morts. Ce fut aussi le cas des Massacres de Cilicie (d’Adana) d’avril 1909.
Ces tueries organisées par le mouvement des Jeunes-Turcs arrivé au pouvoir en 1908, font près de trente mille victimes et près de 8000 orphelins recensés.
Avec l’occupation de la Palestine par les Égyptiens entre 1831 et 1840, la région du sud de la Syrie, dont fait partie Safed, est annexée par Méhémet-Ali (1760-1849), vice-roi d’Égypte de 1805 à 1848, généralement considéré comme le fondateur de l’Égypte moderne. Né à Kavala en Macédoine orientale dans l’actuelle Grèce (alors Empire ottoman) de parents albanais, il était un officier ottoman des plus habiles.
Les débuts en Égypte (1801-1811)
Avec le retrait français mi-1801 qui avait laissé la province ottomane d’Égypte sans dirigeant et dans l’anarchie, les mamelouks affaiblis – qui avaient contrôlé l’Égypte durant plus de 600 ans – ont été défaits par les troupes albanaises de Méhémet-Ali. Celui-ci avec le soutien populaire égyptien accéda en 1805 au pouvoir en protecteur du pays.
Le sultan ottoman Selim III n’étant pas en mesure de s’opposer à l’ascension de Méhémet-Ali, le vice-roi à coup de vastes réformes et d’importants travaux d’infrastructure transforma l’Égypte en une puissance régionale qu’il voyait comme le successeur naturel de l’Empire ottoman en décomposition.
Ainsi, le vice-roi Méhémet-Ali était connu pour tenir tête à la Sublime Porte, siège du gouvernement du sultan de l’Empire ottoman à Constantinople, et n’hésita pas à mener une politique indépendante d’autonomie. Il se brouilla avec le sultan et entra en guerre contre lui en 1831.
Sous la direction de son fils Ibrahim Pacha, les armées de Méhémet-Ali s’emparèrent de la Palestine et de la Syrie, et s’approchèrent jusqu’à quelques jours de marche de Constantinople.
Le 21 décembre 1832, une armée égyptienne de 15 000 hommes vainquit l’armée turque de 100 000 hommes durant la bataille de Konya.
En Palestine (1831-1840)
L’une des remarquables décisions de Méhémet-Ali fut de favoriser les juifs et les chrétiens dans la gestion et l’administration de la vallée du Nil et même en Palestine, jusque là laissés-pour-compte, et de s’entourer de nombreux Occidentaux utiles pour ses grandes réformes et travaux de grande envergure.
Sous l’Empire ottoman, les Juifs de Palestine résident alors principalement à Safed et à Tibériade, avec de plus petites communautés ça et là et à Haïfa, Acre et Shefa Amr. Vers 1625, l’orientaliste italien Franciscus Quaresmius parle de Safed comme d’une ville habitée principalement par les Hébreux, où ils ont leurs synagogues et leurs écoles. La communauté va se renforcer avec l’arrivée entre 1776 et 1781 de Juifs russes et en 1809-1810 de Juifs originaires de Lituanie.
À la faveur de l’occupation de la Palestine par les Égyptiens entre 1831 et 1840, les juifs obtinrent une annulation du décret ottoman qui leur interdisait de s’installer à Jérusalem :
« Méhémet-Ali prononça un décret qui autorisa à nouveau la présence des ashkénazes dans la ville de Jérusalem » (Amnon Cohen : 2016).
Toujours à Safed, parmi les mesures de modernisation impopulaires, il y eut l’établissement de conseils consultatifs au niveau de chaque grande localité, dans lesquels – nouveauté importante :
« des non-musulmans, chrétiens et juifs, sont admis: ils doivent seconder l’administration égyptienne en lui fournissant des informations et en avalisant ses décisions (Henry Laurens : 1999). »
Ils fomentent et dirigent alors une insurrection qui vise les non-musulmans pour s’en débarrasser. Et ce sont les juifs qui paient le prix fort.
Les villageois arabes et bédouins ainsi que les gens de la ville de Safed (dont les résidents turcs) se sont armés et ont attaqué et massacré les Juifs, violé leur femme et détruit leurs synagogues. Les autorités ottomanes sur place en Palestine, une fois de plus complices, ont laissé faire les Arabes, les bédouins et les Turcs…
Le Pogrom de Safed (1834)
Cela commence par des émeutes et une révolte arabe de Palestine contre Ibrahim Pacha d’Égypte. En effet, en 1834, la révolte éclate en réaction à la conscription obligatoire de tous les citoyens dans l’armée égyptienne, et de manière plus générale contre la politique de modernisation imposée par l’Égypte ; celle-ci visait, entre autres, à faire participer les juifs et les chrétiens aux affaires de la cité.
Le pogrom débute le 15 juin 1834 et ne sera stoppé que plus d’un mois plus tard, suite au concours de consuls de plusieurs états étrangers situés à Beyrouth qui :
« encouragent alors Ibrahim Pacha de se rendre à Safed, de mater la rébellion et de sauver les Juifs de la tuerie. Ibrahim envoie l’émir des Druzes, Emir Bashir, du Liban en Galilée, et le 17 juillet, l’émir arrive aux portes de Safed avec une troupe importante et réprime l’émeute.
La plupart des émeutiers s’enfuient mais leurs chefs sont arrêtés et exécutés dans la rue. Les Juifs de Safed retournent alors chez eux pour ramasser leurs biens restants. Les consuls essaient de récolter de l’argent pour venir en aide aux plus démunis de leurs sujets et établissent une liste des dommages. Mais les victimes ne recevront que sept pour cent de la valeur des biens volés ou endommagés (Safed : 2009). »
Et ce n’est pas tout, Henry Laurens écrit :
« En 1838, les Druzes du Hauran et du Liban se révoltent à leur tour [contre Ibrahim Pacha] et pillent une nouvelle fois la communauté juive de Safed. »
« Été 1838, pendant trois jours, les musulmans se joignent aux Druzes, massacrent et égorgent des juifs, pillent leurs maisons et profanent à nouveau leurs synagogues (Louis Finkelstein : 1960).
Beaucoup de juifs se sont enfuis et se sont réfugiés à Jérusalem et à Acre, au nord de la baie de Haïfa.
Selon Norman Stillman (1994), les émeutiers du pogrom de Safed – dont on ignore le nombre exact de morts – étaient excités par un prédicateur local, s’autoproclamant prophète islamique, qui prédit le massacre qu’il fomente et incita les musulmans à s’attaquer aux juifs pour s’emparer de leurs trésors.
Après Safed…
Il n’y a pas de doute que le pogrom de Safed de 1834 ait été également confessionnel, tout comme plus tard les massacres des chrétiens du Mont-Liban par des druzes et qui s’est étendus à Damas entre le 9 et le 17 juillet 1860, perpétrés par des musulmans contre des chrétiens (de 5000 à 6000 tués sur une population concernée évaluée à environ 20 000).
Sans que le gouverneur ottoman de la ville, Ahmed Pacha, ne décide une fois de plus de s’interposer, des fanatiques attaquèrent les quartiers chrétien, melkite (grecque-catholique) et maronite de Damas, tuant plus de cinq mille habitants (Pierre Dufour : 2001).
Cette période cauchemardesque de l’histoire des Chrétiens d’Orient fut la cause principale du début de leur exode vers l’Europe, l’Afrique et les Amériques mais aussi vers l’Égypte, où de nombreuses familles syriennes et libanaises chrétiennes s’installèrent à la fin du XIXe siècle.
Plus tard, vers la fin du XIXe siècle, le sultan Abdülhamid II prônait le panislamisme comme idéologie de l’empire.