Conscience

L’homme nouveau reconnaît le Divin dans la Matière

La réalisation des rishis védiques est devenue une réalisation collective; le Supramental est entré dans la conscience terrestre, descendu jusque dans le subconscient physique, à la frontière de la Matière; il ne reste qu’un pont à franchir pour que la jonction soit faite.

Un monde nouveau est né, dit la Mère.

À l’heure qu’il est, nous sommes en plein dans une période de transition où les deux s’enchevêtrent : l’ancien persiste, encore tout-puissant, continuant à dominer la conscience ordinaire, et le nouveau se faufile, encore très modeste, inaperçu au point qu’extérieurement il ne change pas grand-chose, pour le moment… Et pourtant il travaille, il croît, jusqu’au jour où il sera assez fort pour s’imposer visiblement. Toutes les difficultés ne sont pas d’ordre subconscient.

Il en est une, très consciente, qui s’oppose comme une porte de bronze au monde nouveau, et ce n’est pas notre matérialisme comme on se plaît à le dire : les savants, s’ils sont sincères, seront peut-être les premiers à déboucher dans la Vérité – mais l’énorme carapace spirituelle sous laquelle nous avons enseveli l’Esprit.

Le vrai truc du diable n’est point d’attraper le mensonge ou la haine et de les semer à travers le monde, comme Attila et les nazis – il est bien trop malin pour cela – , mais d’attraper un bout de vraie vérité et de lui donner une petite torsion.


Rien n’est plus dur qu’une vérité pervertie; le mensonge hérité de toute la puissance du vrai qu’il enferme.

On nous a dit et répété que le salut est au ciel – et c’est vrai, il n’y a pas de salut pour l’homme tant qu’il a le nez dans la matière, son salut est dans le ciel supra-conscient, et il fallait, probablement, nous prêcher d’abord le ciel pour nous tirer de notre première gangue évolutive, animale et économique – mais ce n’est qu’une première étape de l’évolution, dont nous avons fait un but définitif, dur comme de la pierre.

Et maintenant ce but se retourne contre nous.

Nous avons nié la divinité dans la Matière pour l’enfermer dans nos lieux saints, et la Matière se venge – nous l’avons dite brute, et brute elle est.


Tant que nous accepterons ce Déséquilibre, il n’y aura pas d’espoir pour la terre; nous oscillerons d’un pôle à l’autre, pareillement faux, de la jouissance matérielle à l’austérité spirituelle, sans jamais trouver la plénitude.

Les anciennes cultures de l’Europe ont fini dans un doute disruptif et un scepticisme impuissant; les piétés d’Asie, dans la stagnation et le déclin. Nous avons besoin de la vigueur de la Matière, besoin aussi des eaux fraîches de l’Esprit, mais nos matérialismes sont abrutissants et nos croyances, seulement l’envers de nos incroyances : L’athée est Dieu qui joue à cache-cache avec Lui-même; mais le croyant est-il bien différent? peut-être, car il a vu l’ombre de Dieu et il s’est cramponné à elle.

Si nous voulons guérir ce Déséquilibre, et tout ce qui est en déséquilibre périt, dans nos corps, nos sociétés ou nos cycles cosmiques, il faut voir clair.

Nous avons perdu le Mot de passe, c’est le bilan de notre ère; nous avons remplacé le vrai pouvoir par des trucs, la vraie sagesse par des dogmes.

C’est le règne des gnomes, sur tous les plans.

Et ce sera de plus en plus le règne des gnomes si nous n’en finissons pas de ces demi-vérités mortifiantes, d’en haut ou d’en bas, pour plonger à la vraie source, Dedans, et retrouver le secret pratique de l’Esprit dans la Matière.

“Immortel dans les mortels… il est le dieu établi dedans, il est l’énergie qui élabore nos pouvoirs divins” (Rig-Véda IV.2.1).

Connaissant ce Secret, ni les rishis ni les sages des anciens Mystères n’avaient fait la formidable division qui nous mine – “notre Père le ciel, notre Mère la terre” – ils n’avaient pas tranché la difficulté en renvoyant dans l’au-delà notre plénitude : “Conquérons ici-même, livrons cette bataille aux cent têtes.”

Arrivés au sommet de la conscience, ils ne s’évanouissaient pas dans une pâle extase: “ Je suis un fils de la terre, le sol est ma mère” (Atharva-Véda XII.1.12); aux confins de l’Infini, ils ne trouvaient point petites les petitesses d’en bas : “Ô Divinité, garde pour nous l’Infini et prodigue-nous le fini” (Rig-Véda IV.2.11), “Ô Terre, puissé-je dire ta beauté, celle de tes villages et de tes forêts, de tes assemblées de guerre et de tes batailles” (Atharva-Véda XII.1.56).

Ils luttaient, ils étaient invincibles, car ils savaient que Dieu est en nous :

“Ô Fils du corps… Toi, plein de joie et de lumière, victorieux, que rien ne peut blesser” (Rig-Véda III.4.2, 9.1).

Une vérité conquérante, d’hommes debout, pour qui la mort est un mensonge et une défaite. Une vérité de la joie divine sur la terre.

Sans doute leur vérité était-elle prématurée pour les hordes d’Europe, qui avaient besoin d’entendre parler du ciel avant la terre, mais le temps est peut-être venu, enfin, de dévoiler les Mystères, qu’ils soient védiques, orphiques, alchimiques ou cathares, et de retrouver la vérité complète des deux pôles dans une troisième position, qui n’est pas celle des matérialistes ni des spiritualistes :

La clef de l’énigme n’est pas l’ascension de l’homme au ciel, mais son ascension ici-bas dans l’Esprit et la descente de l’Esprit dans son humanité ordinaire, une transformation de la nature terrestre; c’est cela que l’humanité attend, une naissance nouvelle qui couronnera sa longue marche obscure et douloureuse, et non quelque salut post mortem.

C’est un message d’espoir que Sri Aurobindo nous apporte.

Notre bilan des gnomes, finalement, est seulement le signe d’une émergence nouvelle; toujours nos ombres et nos déclins sont la gestation d’une lumière plus grande qui avait besoin de descendre pour briser des limites; et il n’y a que deux façons de briser des limites, par excès de lumière ou excès d’ombre, mais l’une précipite notre nuit dans la lumière et la dissout, l’autre précipite la lumière dans notre nuit et la transmue.

L’une délivre quelques individus, l’autre libère toute la terre. Il y a dix mille ans, quelques géants parmi les hommes avaient arraché le secret du monde, bien sûr, mais c’était le privilège d’une poignée d’initiés, et nous devons tous être initiés.

Il y a dix mille ans, nous vivions dans l’âge d’or, et tout semble s’être enfoncé dans la nuit, mais en vérité, ce n’est pas la nuit qui est descendue sur le monde, comme le voudraient les prédicateurs de la Fin des temps, c’est la lumière qui s’est enfouie dans le monde : il fallait que le Secret fût oublié, il fallait que l’humanité descendît la courbe nocturne de l’âge de la raison et des religions pour retrouver tout entier le Secret, dans tous les hommes adultes, et la lumière partout, sous toutes les nuits, toutes les misères, toutes les petitesses, au lieu d’un haut brasier sur quelque sanctuaire védique ou iranien.

Nous sommes au commencement des Temps; l’évolution ne décrit pas une flèche de plus en plus sublime et dissolvante, mais une spirale : Ce n’est pas un chemin tortueux pour en revenir – un peu meurtri – au point de départ; c’est, au contraire, pour apprendre à la création totale, la joie d’être, cette beauté, cette grandeur.

Alors tout a un sens. Une éternelle spirale qui ne se referme en nul point extrême – l’Extrême est partout dans le monde, en chaque être, chaque corps, chaque atome – , une ascension de degré en degré qui toujours va plus haut, afin de pouvoir descendre plus, embrasser plus, révéler plus.

Nous sommes au commencement du “Vaste” qui sera toujours plus vaste. Déjà, les pionniers de l’évolution ont reconnu d’autres degrés dans le Supramental, une nouvelle courbe est amorcée dans le Devenir éternel.

À chaque hauteur conquise, tout change, c’est un renversement de conscience, un ciel nouveau, une terre nouvelle; le monde physique lui-même changera bientôt sous nos yeux incrédules. Et peut-être n’est-ce pas le premier changement dans l’histoire, combien furent-ils avant nous? combien encore avec nous, si seulement nous consentons à être conscient.

Des renversements de conscience successifs qui feront qu’une richesse de création toujours nouvelle se produira d’étape en étape. Chaque fois le Mage en nous retourne son kaléidoscope, et tout est inattendu, plus vaste, plus vrai, plus beau. Il ne tient qu’à nous de voir, la joie du monde est à nos portes, si seulement nous la voulons :

La douleur de la terre est la rançon de sa joie emprisonnée.
Pour la joie, non la souffrance, cette terre fut faite.

C’est le Secret.

Elle est là partout, au cœur du monde; c’est le “puits de miel sous le roc”, le “rire d’enfant de l’Infini” que nous sommes, le fond de l’Avenir lumineux qui pousse notre passé.

L’évolution n’est pas finie; ce n’est pas une absurde ronde, pas une chute, pas une foire aux vains plaisirs, c’est : L’aventure de la conscience et de la joie.

SRI AUROBINDO ou l’aventure de la conscience Satprem p. 378-383


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ELISHEAN 777 Communauté pour un Nouveau Monde

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