Secrets révélés

Les projets PB pour renverser le gouvernement du Guatemala en 1954

Opération clandestine de la CIA

Au début des années cinquante, la Central Intelligence Agency a dirigé des opérations clandestines visant à éliminer le gouvernement de Jacobo Arbenz Guzman du pouvoir au Guatemala.

Dans ces plans il y avait diverses suggestions pour l’élimination des représentants clés du gouvernement Arbenz et des communistes. L’Agence y mènera également des opérations d’intimidation contre des fonctionnaires éminents Guatémaltèques avec des programmes de « guerre psychologique ».

La connaissance du projet s’est faite par les documents déclassifiés.

Déjà au début des années soixante-dix, suite à la création de la loi sur la liberté d’accès à l’information avec la loi FOIA, nouvellement votée (Executive Order 11652), la première demande publique pour consulter par la loi FOIA, des documents jusque-là classifiés, le sera au sujet du coup d’état au Guatemala de 1954.


La demande sera faite le 6 juin 1972 par un journaliste de l’Associated Press, Lewis Gulick. Mais la CIA ne répondra pas favorablement à sa requête et ne dévoilera aucun document. Il faudra attendre encore près de vingt ans, pour que l’Agence de renseignement change. En effet, à partir de la nomination du nouveau directeur de la CIA Robert M. Gates en février 1992, et suite à la fin du bloc Soviétique et de l’ouverture à l’Est, la politique de transparence de l’Agence sur certaines opérations secrètes datant de la Guerre Froide, a commencé à se mettre en place progressivement. 

Un rapport avait été rédigé par le Centre pour les Etudes du Renseignement du Service Historique de la CIA: « Opération PBSUCCESS -The United State and Guatemala – 1952-1954 ». Ce rapport écrit par Nicholas Cullather avait été classé « secret », il sera publié en interne en 1994 et déclassifié en 1997 (Lien).

Le 23 mai 1997 – après avoir pendant des années déclarée qu’elle « ne pouvait ni confirmer ni nier que de telles archives existaient » – la CIA a déclassifié quelques mille quatre cent pages de documents sur plus de cent mille, contituant la totalité des archives sur les opératons de déstabilisation du Guatemala entre 1952 et 1954.

Le contenu des documents sera révèlé au public dans deux articles du New York Times des 30 et 31 mai 1997, avec un rapport écrit en juin 1995 par Gerald K. Haines, du « CIA History Staff Analysis », « Analyse du Personnel de l’Historique de la CIA » (Lien).


Le projet PBFORTUNE aura droit avant son lancement à un long travail d’étude en amont qui débutera dans le courant de 1950.

L’opération commencera début septembre 1952 et cessera début octobre de la même année. Elle n’aura durée qu’un mois, raison pour laquelle on n’en parle relativement peu quand on raconte l’histoire du coup d’état au Guatemala. Et on l’englobe en général souvent dans le projet qui lui succédera, quand elle sera reprise un an plus tard en 1953, avec le projet PBSUCCESS, qui avait le même objectif.

Le contexte historique du Guatemala entre 1947 et 1950

L’arrivée au pouvoir de Jacabo Arbenz Guzman.

Après la révolution de 1944, le dictateur Jorge Ubico à quitté le pouvoir, donnant lieu à des élections démocratiques, qui aboutiront à l’election de Juan Jose Arevalo. Arevalo avait énoncé quatre grandes priorités quand il a pris la tête du pays: « une réforme agraire, la protection du travail, un meilleur système éducatif et la consolidation de la démocratie politique ».

Ces idées figureront dans son Code du Travail de 1947, qui amélioreront les conditions de travail dans le pays. Au cours des élections suivantes de 1951 (et suite à l’assassinat de son principal adversaire Francisco Arana), Jacobo Arbenz Guzman remportera le scrutin. La différence entre Arevalo et Arbenz était que Arbenz irait plus loin dans l’implication du gouvernement dans la modernisation de Guatemala.

Sa réforme la plus frappante sera annoncée le 17 juin 1952, nommé « décret 900 », ce dernier visait une restructuration complète afin de rendre la propriété foncière plus égalitaire dans les régions rurales, convertir les vastes étendues de cultures en jachère existantes dans les cultures vivrières.

Cela aurait permis de réduire la dépendance de l’économie guatémaltèque vis-à-vis des coûteuses importations et, par l’innovation technologique, de pouvoir libérer un grand nombre de travailleurs agricoles nécessaires au moment des récoltes, afin de créer une nouvelle main-d’œuvre ouvrière. Le plan prévoyait de re-distribuer la terre des « latifundia » (des propriétaires terriens possédant plus de 223 acres) à autant de paysans que possible.

En 1953, alors que Guatemala était encore en voie de développement, malgré quelques progrès, le climat de paranoïa anti-communiste de la Guerre Froide a fait que la situation a fortement déplût à Washington.

Les raisons de l’intervention Américaine au Guatemala se basera sur deux problèmes: l’infiltration et l’influence communiste, dans laquelle les Américains voyaient un risque et un besoin de protéger la sécurité continentale du pays, et le désir des Etats-Unis de protéger leurs intérêts financiers, et plus précisément celles de la United Fruit Company (UFC), qui avait de grands intérêts économiques au Guatemala et un puissant lobby à Washington.

Bien que le Département d’Etat s’était montré jusque-là plutôt indifférent, sur la situation Guatémaltèque, certains des responsables, fervent anti-communistes comme par exemple Spruille Braden, n’étaient pas satisfait des réformes agraires forcées au Guatemala, ce qui provoquera alors un malaise général au sein de l’Administration Truman.

Après la mise en place du nouveau code du travail de Arevalo, la compagnie United Fruit, a vu dans cette action « une atteinte à la libre entreprise », et ses actionnaires ont trouvé des personnalités qui avaient les moyens d’avoir l’écoute du président. 

Avec entre-autre Edward L. Bernays, un spécialiste des relations publiques, et Thomas G. Cocoran, un important lobbyiste, qui avait ses entrées au Département d’Etat. Le 12 décembre 1952, la « Windstorm flatterns United Fruit » (principal exploitant de culture de bananes au Guatemala et filiale de l’UFC), était expropriée de 55000 acres par le gouvernement.

Lorsque la Compagnie United Fruit a été expropriée en vertu du décret 900, les bénéfices de la société, représentant 600.000 dollars, ont été offert à l’achat public, dans des obligations agraires (la somme était en fait une évaluation propre à l’UFC). Cela fît que les dirigeants de l’entreprise, se mirent à se lancer dans une énorme campagne de relations publiques au Guatemala, à l’encontre de la politique du président Arbenz.

Et le 19 décembre 1952, le GTU, « Partido Guatemalteca del Trabajo », le parti communiste Guatémaltèque était autorisé par le président Arbenz.

Le besoin de présenter Arbenz comme un Communiste.

Bien que l’UFC continuait ses opérations de lobbying à la Maison Blanche et au Département d’Etat, il était clair que ni Truman, ni par la suite Eisenhower ne justifierait une action uniquement sur le fait qu’une entreprise Américaine avait été expropriée au Guatemala.

Eisenhower avait même dit que « l’expropriation en elle-même n’avait pas, bien sûr, prouvée le Communisme ». Cependant, dans le contexte de la guerre froide de l’époque, l’affaire de la United Fruit Compagny a été vue comme un exemple de vouloir s’attaquer au « mode de vie Américain », qui à son tour se trouverait alors menacé par l’ennemi du moment, c’est-à-dire les communistes.

Ainsi, au travers d’une affaire privée entre une entreprise Américaine et un état étranger, la mésaventure de l’UFC était devenue une menace pour les intérêts nationaux et la securité des Etats-Unis. 

Ce lien avait été établi officiellement et régulièrement entretenu par John Foster Dulles (le frère de Allen Dulles) du Département D’Etat, qui avait déclaré que même si l’UFC avait récupéré ses bénéfices: « Le problème concerné resterait le même aujourd’hui autant que la présence d’infiltration communiste au Guatemala. C’est là le problème, pas la United Fruit Compagny ». 

Les inquiétudes de l’Administration Américaine.

Dès 1950, les responsables Américains ont vu le gouvernement du président Arbenz avec une certaine inquiétude. Bien qu’il ait été élu par le peuple en 1950, l’influence communiste de plus en plus croissante au sein de son gouvernement avait donné lieu à des préoccupations aux Etats-Unis. Par le fait que Arbenz avait établi une alliance avec les communistes.

En outre, la politique de Arbenz avait contrecarré les intérêts des entreprises Américaines au Guatemala, une réforme agraire radicale avait appelé à l’expropriation et la redistribution d’une grande partie des terres de la United Fruit Company. Bien que la plupart des responsables Américains reconnaissaient que la présence d’un gouvernement hostile au Guatemala par elle-même ne constituait pas une menace directe à la sécurité des Etats-Unis, les événements, replacés dans le contexte de la lutte anti-communiste de la Guerre Froide, appelait à une risposte.

Ils craignaient surtout que le Guatemala puisse devenir un partenaire commercial exclusif de l’URSS, à partir duquel les Soviétiques pourraient étendre leur influence anti-Américaine pro-communiste, dans toute l’Amérique du Sud.

Thomas G. Corcoran, conseiller spécial et lobbyiste de la « Union fruit Compagny » rencontrera Allen Dulles, qui travaillait étroitement avec la CIA depuis sa création. ce dernier avait représenté la UFC en 1930 et avait été chef de station de l’Office of Stratagic Service en Suisse pendant la guerre (OSS qui était l’ancêtre de la CIA). Corcoran lui demandera de mettre au point un plan pour lutter contre l’influence communiste au Guatemala.

L’Office of Policy Coordination, Bureau de la Coordination des Politiques (OPC) de la CIA, à l’époque sous la direction de Franck Wisner, demandera en août 1950 à la Division de l’Amérique Latine de l’OPC, d’inclure désormais le Guatemala dans un programme de contre-propragande et de subversion dans les zones où les agents communistes pourraient frapper en temps de guerre. Le premier se rendra à Guatemala City sous couverture de travailler avec l’Institut d’Histoire et d’Antropologie du Guatemala.

La CIA en conclura au début 1952 que Arbenz était « une menace potentielle pour la sécurité américaine… …en s’engageant dans une relation ouverte avec le communisme international ». 

Tout en reconnaissant que s’il y avait de puissants adversaires anti-communistes dans l’Administration, ils ont été éparpillés, rendant l’opposition au communisme inefficace. Avec le décret 900 et la réforme agraire qui était annoncé, l’Agence a vu ce que les communistes avaient une excellente possibilité d’étendre leur influence sur la population dans le milieu rural. L’Agence a sérieusement commencé à réfléchir à la question et envisagé des plans pour lutter contre cette « menace » communiste aux portes des Etats-Unis.

La CIA, ainsi que la communauté du renseignement en générale, avait tendance à soutenir l’idée que le Guatemala, par le régime de Arbenz, était en train de tomber rapidement sous l’influence des communistes.

Le Directeur de la CIA (DCI) Walter Bedell Smith et d’autres responsables de l’Agence croyaient que la situation appelait à des mesures radicales. Leur évaluation était que sans aide extérieure, l’opposition Guatémaltèque resterait incompétente, désorganisée et inefficace.

Les éléments anti-communistes: l’église catholique, les propriétaires fonciers, les intérêts commerciaux, le syndicat des travailleurs de chemin de fer, des étudiants universitaires, et l’armée; étaient prêts à empêcher une adhésion du pouvoir à l’idéologie communiste, mais ils avaient reçu à ce moment peu d’aide extérieure concrète. 

Le 10 juillet 1952, Thomas C. Mann, à la tête du Service de l’Amérique Centrale du Département d’Etat, rencontra Allen Dulles, devenu depuis directeur-adjoint de la CIA, pour lui demander de mettre au point un plan pour renverser le président Arbenz.

D’autres responsables Américains, en particulier au Département d’Etat, tout en souhaitant une intervention clandestine, avaient néanmoins voulu garder une approche plus prudente. Le Bureau des Affaires Inter-Américaines, par exemple, n’a pas voulu présenter le rapprochement entre le Guatemala et l’URSS, comme une peur qui alarmerait les dirigeants des Etats-Unis. Il voulait une politique de persuasion ferme, mais avec de la retenue.

Pour obtenir toute la coopération possible, dans l’espoir de la conclusion de d’alliances militaires d’assistance et de défense du Guatemala avec le Salvador, le Nicaragua et le Honduras. Bien que la position du Département d’Etat est devenu la politique Américaine officielle pour le public, l’évaluation de la situation par la CIA a bénéficié du soutien de l’administration Truman.

Cela a conduit à l’élaboration d’un programme d’action secrète visant à renverser le gouvernement Arbenz, qui prendra le nom de PBFORTUNE .

Le préfixe « PB » indiquait que l’opération devait être réalisée au Guatemala. En effet, dans la nomenclature de référencement des dénominations de la CIA, chaque pays se voit attribuer un code abrégé. « PB » est celui utilisé pour désigner la république de Guatémala.

Castillo Armas est pressenti pour remplacer l’actuel dirigeant.

En prison au Honduras en 1949, après un complot avorté contre Arevalo, les Américains virent en la personne de Castillo Armas, une alternative possible au président Arbenz. Truman a autorisé le directeur de la CIA Bedell Smith, à prendre contact avec Armas.

Le Chef de la « Hémisphère Occidental Division » de la CIA, J.C. King, apportera le 9 juillet 1952 au directeur-adjoint de la CIA Allen Dulles, une proposition de fourniture d’armes et d’argent pour Armas.

Enfin Smith reçu confirmation que le ministère des affaires étrangères Américain était favorable à cette idée, avec l’approbation de l’opération par le Département d’Etat le 9 septembre.

La préparation de l’opération.

Le projet de l’opération sera évoqué pour la première fois à l’initiative de M. Hedden, Tom Corcoran et une autre personne dont l’identité nous est toujours inconnue (le nom est encore censuré dans les documents déclassifiés et ce n’est pas le seul). Il approchèrent le directeur de la CIA avant le 12 mars 1952, en demandant une aide pour Castillo Armas et le mouvement Cordova Cerna.

Après des vérifications et des demandes de renseignements auprès d’agents sur place, les détails du plan seront reçus par le général Edson, qui était conseiller militaire du président Truman. Le 10 mai, Hedson demanda des précisions, par l’envoie d’un agent au Honduras pour rencontrer Castillo. Les premiers rapports de la rencontre arrivèrent du Salvador le 23 juin 1952.

Après une visite à Washington par le président Nicaraguayen Anastasio Somoza en avril 1952, à laquelle Somoza se vantait d’avoir fourni des armes aux partisans Guatémaltèques de Carlos Castillo Armas en exil, qui pourrait renverser Arbenz, le président Harry Truman, informé du projet, a demandé à Smith, directeur de la CIA, d’en étudier la possibilité.

Smith a envoyé un agent, sous le nom de code « Seekford« , pour contacter les dissidents Guatémaltèques au sujet d’une action armée contre le régime Arbenz. Après avoir vu son rapport, Le chef de la Division de la Direction des Plans (DP), a proposé au directeur-adjoint de la CIA Allan Dulles, que l’Agence offre à Castillo Armas des armes et 225.000 dollars et que le Nicaragua et le Honduras fournissent pour les Guatémaltèques un appui aérien.

Le directeur de la CIA donnera son approbation à PBFORTUNE le 18 août 1952. De son côté, le Département d’Etat approuvera officiellement la demande d’ouverture de l’opération de la CIA pour aider les exilés de Castillo à renverser Arbenz au Guatemala. Ce sera le Sous-Secrétaire d’Etat David Bruce, qui signera l’ordre d’exécution du projet PBFORTUNE le 9 septembre 1952. Et le projet sera approuvé par le Directeur de la CIA le 18 septembre. L’opération obtiendra également l’autorisation du président des Etats-Unis Truman.

La fourniture d’armes pour Castillo Armas.

J. M. King, agissant selon le plan établi, a commencé à faire parvenir des armes pour les rebelles de Castillo Armas. Il enverra des armes de contrebande saisies lors de perquisitions par les autorités portuaires de la ville de New York: 250 fusils, 380 pistolets, 64 mitraillettes et 4.500 grenades, reconditionnées dans des caisses de pièces détachées agricoles. Les armes transiteront par la Nouvelle-Orléans pour arriver au Nicaragua.

La constitution d’une liste des individus pouvant être assassinés.

Dans le plan du projet PBFORTUNE, il avait été prévu de faire des propositions d’assassinat ciblés.

Plusieurs mois avant même l’approbation de l’opértation, les officiers de la « Direction des plans » (« DP ») avaient déjà compilé une liste de cibles. Cette première liste avait été établie d’après une ancienne liste de communistes réalisée par l’armée du Guatemala en 1949 et d’information obtenues par la « Direction du Renseignement ». En janvier 1952, les officiers de la DP étaient en mesure de proposer une « Liste de communistes de haut vol que le nouveau gouvernement désirerait éliminer immédiatement en cas de succès du coup d’état anti-communistes ».

Le Quartier Général de la CIA reçu la liste, et une personne ou un service qui n’est pas identifié (l’information est encore censurée), a vérifié la liste en recommandant des ajouts et/ou des suppressions de noms.

Le QG avait seulement émis une requête à la personne ou service qui vérifiait la liste, en demandant d’y ajouter 16 individus communistes et/ou sympathisants, « que le nouveau gouvernement désirerait voir immédiatement incarcérés à la suite du succès du coup d’état ». Et les agents anti-communistes à Guatemala City, consultés eux-aussi pour la constitution de la liste, demanderont à leur tour d’y ajouter trois noms.

Pour sa part, « Seekford », l’agent de liaison sur le terrain avec Castillo Amas, transmettra à la CIA une liste de cibles écrites par ce dernier. Cette liste appelait à l’exécution, sur ordre de l’exécutif, de 58 Guatemaltais (qui seront dénommés, de « Catégorie 1 »); et de l’emprisonnement ou l’exil de 74 Guatemaltais supplémentaires (qui seront dénommés, de « Catégorie 2 »).

Seekford rapportera le 18 septembre 1952, que le général Rafael Trujillo, le dictateur de la République Dominicaine, demandait l’aide de Castillo Amas pour éliminer 4 Dominicains résident au Guatemala, quelques jours avant le jour-J du coup d’état. Amas acceptera, mais ne voudra pas que les quatre individus en question ne soit éliminé avant le jour-J, pour raisons de sécurité. De plus, le plan prévoyait d’autre actions similaires de ce type, et que des équipes spéciales étaient déjà à l’entrainement.

Le programme n’aura duré qu’à peine un mois.

Après avoir tout juste débuté, ce plan initial a été finalement abandonné un mois plus tard le 8 octobre 1952, sur une demande du Secrétaire d’Etat Dean Acheson, qui avait changé d’avis pour plusieurs raisons de politiques étrangères, liées au pacte de Rio.

Le pacte de Rio, signé en 1947 avait créé « l’Organisation of American State », « l’Organisation de l’Etat Américain » (OAS), où chaque membres avait l’obligation se défendre mutuellement en cas d’attaque armée, de l’un d’entre-eux.

L’OAS avait été reconnue par les Nations-Unies et avec cette alliance militaire de défense, une action militaire contre le gouvernement du Guatemala, aurait pu être tuée dans l’oeuf, au cas où les autres pays d’Amérique Latine, auraient, dans le respect du pacte de Rio, lutter contre les forces rebelles de Armas. sans compter un échec du plan, cela aurait pu remettre en cause toute la politique étrangère des Etats-Unis en Amérique Centrale des vingt dernières années. Et renverser un chef d’état était une chose, mais le Département d’Etat estimera que le projet pourrait déstabiliser la région. Le projet PBFORTUNE à peine commencé fût donc officiellement abandonné. 

De plus le président Truman, à la veille des futures élections présidentielles, ne voulait pas qu’une opération de coup d’état contre un pays étranger ne lui fasse une mauvaise publicité et puisse lui peut-être lui faire perdre sa réélection en 1953.

L’abandon aussi rapide du projet sera une surprise pour la CIA, mais elle savait que la question d’un coup d’état, continuerait de faire son chemin et redeviendrait au goût du jour plus tard. L’agence préférera en secret, de continuer de garder Castillo Armas, comme meilleur le candidat au remplacement d’Arbenz.

King poursuivit son soutien à Armas en lui expédiant des armes autant que possible par la zone du canal. Et il fera aussi donner à Armas 3000 dollars par semaine pour entretenir son désir de collaborer avec l’Agence. Le directeur Smith, continuera ainsi cette partie de l’opération, en espérant que peut-être la nouvelle Administration Eisenhower, aurait davantage le désir d’intervenir (ce qui sera la cas).

L’Administration Eisenhower estimera que le Guatemala était « en miniature tous les clivages sociaux, les tensions et dilemmes de la société occidentale moderne attaquée par le Virus communiste ». Elle en conluera que « nous devrions considérer le Guatemala comme une zone de prototype pour des moyens d’essai et méthodes de lutte contre le communisme »

Eisenhower choisit cette option, par l’action clandestine.

Informé de la fin officielle du projet, Castillo Armas pensa un instant continuer seul sa tentative de coup d’état, mais préféra ne pas se lancer dans une révolution sans le support de la CIA.

Après la fin de l’opération PBFORTUNE, des plans d’assassinats continueront à être préparés.

Le projet de coup d’état au Guatemala sera repris en septembre 1953, avec une autre autre opération qui prendra le relais, sous le nom de « PBSUCCESS ».

LE PROJET PB SUCCESS

A l’automne de 1953, les décideurs américains, avec les agents de la CIA, étaient à la recherche d’un nouveau programme d’ensemble pour contrer la politique jugée pro-communiste du président Arbenz.

Pour les Américains, le leader Guatémaltèque s’était rapproché de plus en plus des communistes. Arbenz avait exproprié une fois de plus la « United Fruit Company » le 25 février 1953, avec la confiscation de 234000 acres. Et avait aussi réprimé l’opposition anti-communiste après un soulèvement avorté dans la ville de Salma. En réponse, le Conseil National de Sécurité avait autorisé une opération d’actions secrètes contre Arbenz, sous la principale responsabilité de la CIA.

Le lancement du projet PBSUCCESS.

Continuité du projet PBFORTUNE, qui avait débuté en 1952. Les responsables Américains voulaient passer à la vitesse supérieure en allant beaucoup plus loin.

Le 12 août 1953, jour même de la fin officielle du projet PBFORTUNE, le « National Security Council », « Conseil National de Sécurité » (ou NSC), avait autorisé des actions clandestines au Guatemala.

Le 11 septembre, le « Plan Général d’Action » de PBSUCCESS était proposé et il sera accepté par Frank Wisner de la « Directory Direction of Plan », la « Direction des Plans » qui recommandera son approbation à Allen Dulles, devenu directeur de la CIA. Ce dernier approuvera le projet et allouera un budget de trois millions de dollars pour le programme.

Le plan de la CIA, établi par le service de la CIA de la « Western Hemisphere Division », la « Division de l’Hémisphère Occidental » ou WHD), combinait: la guerre psychologique, les actions économiques, diplomatiques et paramilitaires contre le Guatemala, et des opérations d’élimination physique seront même prévues.

Nommé PBSUCCESS, et réalisé en coordination avec le Département d’Etat, l’objectif de ce plan était « de renverser secrètement, et sans effusion de sang, si possible, la menace du gouvernement communiste actuel contrôlé du Guatemala ». Dans les grandes lignes le but était de remplacer des communistes et sympathisants de gauche par des personnes pro-Américaines, après un coup d’état.

En raison de la nature de l’opération, son organisation a été mise en place séparément des autres activités de la Direction des Plans de la CIA.

Elle aura une chaîne de commandement distincte et ses propres moyens de communications. Le dissident Castillo Armas avait été choisi en 1952 en remplacement d’Arbenz et ce choix sera approuvé. Sa carrière militaire, sa réputation honnête, son image de héros populaire, faisait de lui un bon choix pour conduire l’invasion. Armas recevra d’énormes quantités de matériel et une aide des Etats-Unis, aussi bien militaire que financière.

Des mercenaires étaient envoyés dans des bases au Honduras et au Nicaragua, avec lesquels les Etats-Unis avaient signé des accords militaires en mai 1954. Plusieurs avions ont également été envoyés au Honduras (deux seront perdus lors de l’invasion).

Dans ses mémoires, Eisenhower dira avoir parlé avec Dulles sur l’opportunité de lui retirer les avions. Mais le sous-directeur de la CIA lui dit que s’il le faisait, l’opération échouerait, et le président se rangea à son avis.

Allan Dulles avait placé en charge de PBSUCCESS, Frank Wisner, un officier de haut niveau de la « Directory Direction of Plan », « Directoire de la Direction des Plans », (DDP), en lui demandant d’établir une station temporaire (nom de code « Lincoln« ), afin de coordonner la planification et l’exécution de PBSUCCESS. « Lincoln », désignait en fait le quartier général de toute l’opération PBSUCCESS, constitué d’un personnel de la « Western Hemisphere Division » et dirigé par J. C. King, le chef de la WHD. Cette station provisoire de la CIA basée en Floride ouvrira le 23 décembre 1953.

Le 25 janvier 1954, le gouvernement Arbenz avait commencé à arrêter des opposants au régime et le 29 janvier, avait fait des déclarations publiques, en accusant les Etats-Unis de superviser en sous-main un projet d’invasion du pays. Dans ces déclarations, étaient contenues des détails substantiels du programme PBSUCCESS (on a jamais su d’où avaient pu provenir ces fuites).

A cause des ces « fuites », J.C. King effleura l’idée d’abandonner l’opération, par plus de prudence, de peur de futures problématiques répercussions. Et pour sécuriser encore plus le programme qui était déjà classé « Secret », le Secrétaire d’Etat-adjoint H. Holland suggérera à Allen Dulles le 10 avril le classement « Top Secret » du projet PBSUCCESS. Mais le classement à un niveau supérieur ne se fera finalement pas.

Les projets KUFIRE et KUGOWN.

Deux opérations – des sous-projets de PBSUCCESS – verront le jour: Un programme de renseignement avec KUFIRE et un programme de propagande avec KUGOWN.

KUFIRE était le nom de code du programme pour identifier, indépendamment de leur nationalité, tous les membres du parti communiste, militants et sympathisants qui avaient afflué au Guatemala. Ces militants étaient censés retourner dans leur pays d’origine ou vers des pays connus pour leur politique d’asile libérale, comme le Mexique. Une fois en lieux sûrs, ces militants reprendraient sûrement leurs actions pro-communistes.

Avec l’opération KUFIRE, la CIA avait l’intention de tracer leurs mouvements et de s’assurer de leur surveillance. Dans le but de pouvoir plus tard contrecarrer leurs plans. Voici un exemple de rapport de KUFIRE de la période du 26 mars au 9 avril 1954, parvenue à la CIA pendant l’opération (Lien)..

​KUGOWN était le nom de code du programme pour désigner la composante de la propagande dans le vaste programme de guerre psychologique. Pendant PBSUCCESS, les objectifs de KUGOWN étaient au départ le régime Arbenz, pour continuer avec le Guatemala dans son ensemble, pour s’étendre par la suite aux voisins d’Amérique centrale, et tous les autres pays d’Amérique du Sud (en commencant par las pays non alignés et ensuite ceux de l’Alliance Occidentale).

Les différentes opérations de « Guerre Psychologique ».

Parralellement aux opérations paramilitaires pour renverser le gouvernement Arbenz (prendre le pouvoir sur le terrain par des forces armées), un programme intensif de « guerre psychologique » avait été prévu. Utilisant les réseaux dissidents de communications anti-communiste présents au Guatemala, le « Chief of Political and psychological Opérations », le « Chef des Opérations Politiques et psychologiques », basé à la station Lincoln, avait développé une vaste campagne de propagande contre le gouvernement en place.

Une partie du programme incluait l’envoi de « faire-parts de deuil », des avis de décès nominatifs à chacun des grands leaders communistes.

Ces cartes indiquaient une « épuration ou exécution » de différents communistes à travers le monde, laissant entendre une fin funeste imminente pour les personnes à qui ces faire-parts de deuil étaient adressés. Des lettres de menaces de mort avaient seulement été envoyées directement à des communistes du Guatemala. C’était la station de Guatemala City (nom de code « Adam ») qui s’était occupée de réaliser ces lettres.

La « guerre des nerfs contre les individus », ainsi qu’elle était appelée, incluait encore l’envoi de cercueils en bois, de noeuds coulants de cordes de pendus, et de bombes factices à une sélection de communistes. Les slogans « ici vit un espion » et « Vous n’avez plus que cinq jours seulement » étaient aussi peint sur les murs de leurs maisons. Les dissidents anti-communistes voyaient des ces actions, un moyen de saper le moral et un moyen positif de résistance de leur mouvement contre des leaders gauchistes du Guatemala. Les responsables de la dissidence avaient aussi appelé à la formation de groupes d’actions clandestines violentes et d’actes illégales contre le gouvernement.

La station de la CIA de Lincoln cautionnait totalement ces activités subversives des leaders dissidents.

Cependant, ces techniques avaient été élaborées uniquement pour détruire l’utilité d’une personne. Par « détruire », Lincoln avait bien précisé « Nous ne voulons pas détruire l’homme », par un câble pour le leaders des dissidents. Et en réponse à des propositions d’élimination de leaders communistes, elle avait bien indiqué au groupe de Guatemala City que ceux qui avaient reçu des faire-parts de deuil ou des menaces de mort, ne devaient pas être tués, afin d’éviter des actions de représailles qui auraient alors provoquées des problèmes. Et que le but du plan était bien de « faire peur et non de tuer », mais en leur disant que Lincoln continuerait à étudier leurs suggestions pour une utilisation actuelle ou dans le futur.

Le Programme K.

Il y aura aussi, toujours dans le cadre de mesures de guerre pschologique, un « Programme K », visant à pousser à une révolte au sein de l’armée Guatémaltèque contre le pouvoir (ou tout-au-moins inciter à des désertions), pour soutenir ou rejoindre les force paramilitaires de Castillo Armas. Mais au sein de l’armée ce programme n’aura pas le succès escompté. Le seul militaire qui fera défection sera le Chef d’Etat-Major de l’armée de l’air, le général Rodolfo Mendoza Azurdia qui était alors à la retraite, et qui quittera le pays le 5 juin avec un petit avion.

Le Projet WASHTUB.

Cette opération, que l’on peut estimer faire partie des opérations de guerre psychologique était prévue pour faire entrer secrètement au Guatemala des armes Soviétiques, stockées en attendant au Nicaragua. C’était pour qu’une fois le pays occupé par les forces de Castillo Armas et la chute du gouvernement Arbenz, les Américains puissent faire croire à la communauté internationale, que le Guatemala avait reçu des armes de l’URSS.

Elle commencera le 19 février 1954. Mais à la suite de la saisie deux mois plus tard du bateau le « Alfhem », qui transportait des armes Soviétiques à destination du Guatemala, cette opération d’intoxication, qui avait bien été réalisée sur le terrain n’aura en fait plus lieu d’être.

Le Projet SHERWOOD.

Le 1er mai 1954 (jour de la fête nationale), la station de radio financée par la CIA, « La Voz de la Liberacion », « La voix de la libération (VOL), tenue par une équipe du Guatemala exilés à travers les frontières, a commencé sa diffusion. L’opération SHERWOOD comme on l’appelait, était prête dès avril 1954.

La station de radio diffusait des messages anti-Arbenz et prétendait être exploitée depuis les jungles du Guatemala. Ce qui était faux, elle émettait depuis Miami. SHERWOOD était dirigée par Tracy Barnes qui appartenait à la WHD. Pour recruter le personnel, il fît appel des des personnes déjà sous contrat avec l’Agence.

Comme par exemple un nommé David Atlee philips, qui arrivera en mars 1954. Travaillant officiellement pour une maison d’édition au Chili. Agent de la Hemisphere Western Division, il participera à l’opération. Dans ses mémoires (« La Ronde de Nuit »), il y affirme que SHERWOOD était la clé du succès de PBSUCCESS, en précisant que « en une semaine, il y avait des troubles partout ».

Philips participera au projet PBHISTORY en 1954 (lié au programme PBSUCCESS) et après différentes affectations, il deviendra plus tard officier supérieur de l’Agence et deviendra un responsable de l’antenne de la CIA de Mexico.

Il aura un rôle dans la manipulation d’Oswald lors de l’assassinat du président Kennedy, puisque ce sera lui qui se chargera de faire circuler les « faux Oswald » un peu partout aux Etats-Unis qui seront rapportés par la suite par plusieurs témoins.

L’entrainement des équipes chargées des assassinats.

Bien que l’assassinat n’a pas été mentionné spécifiquement dans le plan global initial, un responsable de la CIA (dont l’identité est toujours censurée aujourd’hui) a demandé le 5 janvier 1954 un document spécial sur « la liquidation de personnel ».

Ce document, selon le responsable en question, devait être utilisé pour informer le chef de la formation pour PBSUCCESS, avant son départ, pour commencer la formation des forces de Castillo Armas au Honduras le 10 janvier suivant. Un câble reçu le lendemain demandait l’envoi de 20 silencieux (convertisseurs) pour des carabines de calibre 22. La CIA enverra les carabines et les silencieux.

Le responsable a également discuté du plan de formation avec l’agent Seekford (agent de liaison entre la CIA et Castillo Amas) le 13 janvier 1954, en indiquant qu’il voulait qu’il soit formé deux assassins. En outre, il a discuté de ces « spécialistes de l’assassinat » avec Castillo Armas, le 3 février 1954.

L’idée de la formation d’équipes d’assassinat (appelé groupes « K »), était apparemment déjà à l’initiative de Castillo Armas en 1952. Dans l’adaptation du concept personnel de Castillo Armas, le responsable inclura systématiquement deux spécialistes de l’assassinat dans ses plans de formation.

La planification de la CIA avec la formation des « groupes K », se fera aussi pour les équipes de sabotage au début de 1954. La mission principale des équipes de sabotage ou « d’équipes de harcèlement » ainsi qu’elles étaient nommées, était d’attaquer les communistes locaux et des biens communistes et d’éviter les attaques sur les forces armées du coup d’état.

Un tableau décrivant le plan de l’utilisation de ces équipes de saboteurs des groupes « K », avaient été réparties dans la planification des forces paramilitaires durant tout le printemps 1954. Il y avait en tout 37 saboteurs qui s’entraineront au Nicaragua.

Dans un briefing de juin 1954, reprenant les dires de deux responsables de la CIA (identités inconnues) mentionnera que les équipes de sabotage auraient aussi à assassiner des communistes connus une fois que l’opération d’invasion aurait commencé. Il y avait donc des équipes d’assassinat proprement-dit, et des équipes de saboteurs, qui deviendraient des assassins à leur tour.

Dans le projet PBSUCCESS, un agent de la CIA nommé David Sanchez Morales sera engagé. On ne sait pas si il faisait partie des « équipes K » ou s’il participa à leur formation, mais c’est possible. Un Mémorandum manuscrit de la CIA de février 1964 (document déclassifié en 1998) indique: « 1. Sujet qui a travaillé sur PBSUCCESS de octobre 1953 à août 1954 – Homme excellent » et « 2. Oralement suggestion de l’enregistrer sous « autorité intérimaire » depuis cette date »

La liste des personnes à assassiner.

Lors d’une réunion hebdomadaire du projet au Quartier Général de la CIA le 9 mars 1954, il sera considéré l’élimination de 15-20 des principaux dirigeants communistes du Guatemala, par les hommes de main (appelés « pistoleros » dans les documents) formés par Trujillo. On ne connait pas l’identité exacte de ceux qui participaient à cette réunion, mais parmi les personnes présentes il y avait un membre des Opérations de la Direction des Plans accompagné de représentants du Département d’Etat.

L’un des participants s’adressa au groupe en indiquant clairement que « ces éliminations faisaient partie du plan et qu’elles pouvaient être réalisées », en réponse à ceux qui s’opposaient à cette possibilité à ce moment. Cependant, quelqu’un exprima l’avis que s’abstenir de frapper les dirigeants Communistes pourrait permettre à l’armée de prendre cela en charge elle-même.

A l’issu de la réunion, il s’avérera sans doutes possibles – même si son nom est toujours inconnu – qu’il s’agissait bien d’un membre officiel de la CIA, qui avait relancé la discussion concernant l’option d’assassinat. Le 25 mars, cet officiel de l’Agence, aborda le sujet avec un individu (identité inconnue), qui venait juste de revenir d’une réunion de « l’Organisation of American State » (OAS) à Caracas, Venezuela, qui avait voté par 17 voix contre 1, la condamnation du communisme au Guatemala. Et également avec deux autres personnes par la suite, et ces discussions concernant des assassinats feront l’objet d’un mémorandum, qui disait que « même un petit nombre, par exemple 20, serait suffisant ».

Moins d’une semaine plus tard, a eu lieu une rencontre le 31 mars, toujours pour le même sujet (une personne a pris l’avion pour en rencontrer une autre). Les deux personnes qui se sont entretenues sont inconnues et les archives n’en donnent pas la raison précise. Mais dans les grandes lignes, le résultat de la rencontre nous est toutefois connu.

Il était demandé à des officiers de faire une mise à jour et de dresser une nouvelle liste de cibles.

Les critères à inclure dans la nouvelle liste d’élimination, indiquaient que: « les personnes doivent être de haut et dirigeants l’organisation du gouvernement « irrévocablement impliqués dans la doctrine et la politique du communisme, et des dirigeants communistes éprouvés, ou les quelques individus au sein du gouvernement et des postes clés militaires d’importance tactique, dont la suppression pour des raisons psychologiques et organisationnelles ou d’autres raisons est obligatoires pour le succès de l’action militaire ».

Un responsable de la CIA avait cette nouvelle liste avec lui quand il consultera Castillo Armas le 7 avril 1954. Cette rencontre avait apparemment pour objet de s’entendre sur l’intégration des opérations d’assassinats dans le plan d’invasion du Guatemala, quand les forces armées de Castillo Armas occuperaient le pays.

Plus tard en avril 1954, la CIA recevra des encouragements pour les plans d’assassinats, venant du Département d’Etat.

Toujours dans le but d’aller encore plus loin, il y aura une réunion entre deux officiers de la CIA, qui concluront que « des mesures plus drastiques et définitives pour renverser le gouvernement (au Guatemala) doivent être prises ». Et que, en réponse à la question de savoir si le Guatémaltèque …(passage censuré)… était récupérable, une personne dont l’identité est censurée avait répondu par la négative et a suggéré « il sera éliminé ».

Toujours au mois d’avril, en plus de la liste de noms, une liste des adresses des domiciles des cibles avait été faite.

Ce sera dans la proposition d’un mémorandum du 16 mai 1954, que les opérations d’assassinats seront incorporées dans le cadre des opérations de guerre psychologique. Dans ce mémo, l’officier qui l’avait rédigé, avait défini un programme d’assassinat spécifique, jusqu’au « D-Day » (Jour-J, le jour de l’invasion du Guatemala par les forces paramilitaires de Castillo Armas).

Le programme devait suivre un calendrier bien précis. Assez difficile de s’en faire une idée précise, à cause du nombre de passages censurés, au sujet des lieux et des noms des personnes visées.

Le 21 mai, il arrivera à la CIA une demande de permission par un officier, de pouvoir soumettre des suggestions, avec des personnalités spécifiques à être ciblées. Aucune réponse ne viendra du siège de la CIA pour cette requête. Le 1er juin, il y aura encore une réunion durant laquelle plusieurs intervenants, suggèreront que les opérations d’assassinat seraient « une approche alternative à l’action du programme paramilitaire » et que « la possibilité de l’assassinat politique devait être attentivement élaborée et efficace ».

En définitive, la suggestion discutée les 1 et 2 juin de cette « possibilité », sera écartée dans un futur immédiat. La raison invoquée était que, agir de telle manière pourrait à terme avoir en fait un effet non productif. Cela qui semble avoir été la fin d’une planification sérieuse à Washington pour sélectionner et inclure des propositions d’assassinats pour le projet PBSUCCESS.

Il y aura un mémorandum concernant les critères à retenir pour aider au choix des leaders communistes à faire figurer sur la liste (donc à supprimer), intitulé « Selection of individuals for disposal by Junta Group », daté du 31 mars 1954 ( (Lien)..

La rédaction d’un « Manuel d’Assassinat » pour les agents de la CIA.

Ce document non signé et non daté (date de publication estimée: 31 décembre 1953) de 19 pages est un dossier dactylographié qui faisait partie d’une collection de documents de la CIA concernant les Opérations PBFORTUNE et PBSUCCESS et ont été déclassifiés par la loi FOIA, « Freedom of Information Act », le 15 mai 1997.

Le manuel d’assassinat de la CIA

L’opération du coup d’état sur le terrain.

Arbenz accepta l’aide des Soviétiques, qui lui feront parvenir des armes via la Tchécoslovaquie, sur un bateau immatriculé sous pavillon Suédois, le « Alfhem ». Deux mille tonnes d’armes avaient été payées 4.860.000 dollars par la banque du Guatemala, les fonds transitant par l’Union des Banques Suisses, jusqu’au compte de la firme Tchèque « Investa ».

La CIA et le Département connaissait l’expédition. Wisner était d’accord au début du mois d’avril 1954 pour laisser le bateau suivre sa route pendant un certain temps, jusqu’à ce que l’exposition publique de cette fourniture d’armes serait plus compromettante pour le Guatemala. Le bateau est arrivé à Puerto Barrios le 15 mai 1954 et des agents de la CIA l’attendaient. Wisner avait pensé à une opération de sabotage pour couler le bateau, mais pour plus de sûreté, John Foster Dulles conseilla de saisir tout simplement la cargaison. Les Américains mirent donc la main sur le bateau et sa cargaison d’armes.

Le 17 mai 1954, Allen Dulles avait volontairement exagéré la taille de la cargaison en disant qu’elle triplerait la taille de l’armée Guatémaltèque. Tandis que SHERWOOD, en essayant de provoquer une rupture entre Arbenz et l’armée, avait raconté que les armes étaient destinées à des milices ouvrières. Cela découragea beaucoup le président Arbenz.

L’agence American Presse rédigea un dépêche, celle-ci déclarait: « le choquant transfert des preuves que les Soviétiques et les communistes ont l’intention de prendre en charge le Guatemala complètement ».

Après cet incident, l’intimidation contre le gouvernement a également été renforcée, en allant dans les limites de ce que permettait le droit international et le respect des échanges diplomatiques. Ce sera là une autre opération, qui apportera son soutien au projet PBSUCCESS.

L’Opération HARDROCK BAKER de l’US Navy sera lancée le 24 mai 1954. Elle fera le blocus maritime du Guatemala avec une recherche de tous les navires qui tenteraient de briser le blocus. Si tel était le cas, ceux-ci seraient arraisonnés par la marine Américaine.

Le naufrage du Springfjord.

Ce blocus a presque conduit à une énorme crise diplomatique, lorsque le 27 juin, le navire Britannique de transport de marchandises, « SS Springfjord », fût bombardé par un avion – tout d’abord non identifié – dans le port de San José. L’enquête établira par la suite qu’il s’agissait en fait d’un avion des forces de Castillo Armas qui, pour l’empêcher de briser le blocus, l’avait bombardé. Et c’était la Station de Lincoln qui avait donné l’ordre de couler le navire (au mépris total des plans initiaux de la CIA et de l’US Navy).

Heureusement, il a coulé très lentement et tout l’équipage pourra être sauvé. Mais cet épisode causa une véritable crise entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, parce que ce navire transportant 976 ballots de coton, naviguait sous pavillon Britannique. L’affaire sera plus ou moins relativisée de son mieux par Churchill et auprès de l’opinion publique, ce sera présenté comme un incident entre Armas et les autorités Anglaises.

La CIA, pour réparer la bavure, paiera à l’armateur dans son intégralité la somme de 1,5 millions de dollars pour rembourser la perte du bateau. L’événement montrera à Eisenhower qu’il fallait appliquer des directives plus strictes au sujet des activités clandestines. Mais le naufrage du « Springfjord » eu une effet psychologique déterminant sur l’armée Guatémaltèque, qui devint de plus en plus contre Arbenz.

Cette affaire fera l’objet d’un Mémorandum de la CIA du 1er juillet 1955, qui sera déclassifié en 2003 (Lien).

Les opérations paramilitaires.

Les forces paramilitaires commandées par Armas, représentant seulement 480 hommes formés rapidement en quelques mois à partir de la mi-mars 1954, ont franchies la frontière du Guatemala le 18 juin 1954 à sept heures du matin. Les forces étaient divisées en plusieurs groupes. La plus grande partie avancera de six miles dans le pays et s’arrêtèrent à l’église du Christ Noir, où ils sont restés jusqu’à la démission du président Arbenz.

Lincoln (le QG de la CIA pour PBSUCCESS), verra dans l’intervalle ses moyens de communications radios avec les forces rebelles perturbé. Les informations ne passaient plus aussi bien et les rebelles ne savaient pas ou peu de choses sur ce qui se passait. Des rumeurs commencerons à se propager. En fait, Arbenz, avait de son côté décidé de faire un blackout complet des diffusions des communications radios dans tout le pays, pour mettre fin à la radio clandestine de la CIA, « La Voix de la Libération ». Mais cette censure ne fit que le faire encore plus mal voir de la population.

Les rebelles subiront deux défaites. L’une à Gualan le 20 juin (ou le chef Esquipulas sera capturé) et une autre encore plus désastreuse le 21 juin à Puerto Barrios.

La force aérienne de Armas, était composée seulement de six chasseurs-bombardiers P-47 Thunderbolt, un chasseur P-38 Ligthning, trois avions de transport C-47 et deux Cessna. Elle avait déjà lâché des tracts pro-Castillo Armas le 26 mai au-dessus de la capitale. Elle aura un très fort effet psychologique avec des bombardements par la suite. Les pilotes, sous contrat avec la CIA, survoleront les alentours de Guatemala City en y lâchant des bâtons de dynamite un peu partout.

Dans le même temps, la « Voix de la Libération » se mettra à raconter que des pilotes de l’armée de l’air Guatémaltèque avaient fait défection vers des pays voisins avec leurs avions (ce qui était faux). Et un faux message avait été enregistré, dans lequel un des pilotes, faisait un appel à la désertion générale pour les autres pilotes. A cause de cela, de peur que ces pilotes quittent le pays avec leurs appareils, Arbenz n’a pas permis le vol d’un seul avion militaire, durant tout le coup d’état.

En dernier recourt, voyant que tout était perdu, Arbenz pensa alors faire distribuer des armes pour les paysans et la population. Mais l’armée, craignant déjà une défaite pure et simple, y verra son propre statut de force militaire compromis. Les militaires appelèrent Arbenz à la démission. Il démissionna le 27 juin 1954, puis quitta le pays et parti en exil au Mexique.

Une junte militaire provisoire dirigée par les officiers Dfaz, Sanchez et Monzon, sera constituée par les militaires. Le 28 juin 1954, ils refuseront de négocier avec Castillo, et seront bombardés par un P-47 quelques heures plus tard qui larguera deux bombes. Le lendemain, Monzon demandera à négocier une reddition, tandis que dans le même temps, la garnison de Zacapa acceptait un cessez le feu séparé avec Armas.

Les forces de Armas firent leur entrée dans Guatemala City le 29 juin. Le 1er septembre 1954, Armas devenait président du Guatemala.

Dans la foulée de PBSUCCESS, Frank Wisner avait lancé une nouvelle opération dénommée PBHISTORY, dans le but d’exploiter les documents communistes au Guatemala et aussi déjà tenter de justifier le coup d’état, par une possible implication des Soviétiques dans la politique pro-communiste de Arbenz.

PBSUCCESS parvint à réaliser son objectif qui était de chasser Arbenz du pouvoir. Mais cela a eu un effet négatif à long terme dans la stabilité d’un gouvernement au Guatemala. Castillo Armas aura une politique désastreuse, qui le conduira à son assassinat le 26 juin 1957.

Pour un homme encore inconnu, cependant, des leçons seront retenues.

Ernesto Guevara, qui était arrivé au Guatemala en février 1954 (accompagné plus tard par Arbenz quand il se rendra au Mexique), écrira dans son livre de souvenir « Carnets de Bolivie »: « J’ai vu la Chute de Jacobo Arbenz »: « La lutte commence maintenant ».

Il avait vu de ses yeux ce qu’était capable de réaliser l’impérialisme des Etats-Unis, pour garantir les propres intérêts de sa politique personnelle.


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